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L'arrêt Kobler est-il révolutionnaire ?

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par Sami Fedaoui
Université de Rouen - Licence III en droit 2007
  

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B. L'explicitation de conditions traditionnelles.

Section 1 : Une transposition des conditions.

L'arrêt Köbler, en posant le principe ainsi étudié, énonce également les conditions de fond nécessaires à l'engagement d'une telle responsabilité. Et on ne peut faire l'économie de l'observation des conditions dans la mesure ou ledit principe n'a de véritable « substance » que par ce qu'en permet l'articulation des conditions qui l'encadrent. En ce sens la Cour reprend aux points 51 et 52 la « trilogie » de base mise en place par la jurisprudence antérieure, laquelle est établie par les arrêts Francovich et Brasserie du pêcheur puis rappelée à maintes reprises notamment dans l'arrêt Haim 12(*). Il s'agit de 3 conditions cumulatives à savoir des droits subjectifs conférés aux particuliers par la règle de droit communautaire violée, l'exigence d'une violation suffisamment caractérisée et l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice subi et la violation en cause. Ce sont les conditions de fond sans lesquelles la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée, autrement dit l'effectivité de ce principe de responsabilité est subordonnée à la réunion de ces 3 conditions.

Ce sont ici les conditions déjà retenues dans le cadre du principe général de responsabilité de l'Etat membre en cas de violation du droit communautaire qui lui est imputable, tel que développé dans l'arrêt Brasserie du pêcheur. Ainsi la Cour ne fait que transposer ces 3 conditions pour l'hypothèse d'une violation du fait d'une décision judiciaire nationale rendue en dernier ressort.

Les juges reprennent les conditions classiques c'est à dire celles retenues par une jurisprudence continue, il est clair qu'ils ne font pas preuve d'une innovation particulière en la matière, mais il est intéressant de remarquer une certaine évolution dans la mesure ou ils s'attachent à en approfondir l'interprétation, notamment s'agissant de la deuxième condition, et c'est en cela l'innovation la plus marquée.

Section 2 : L'interprétation des conditions plus approfondie.

Si les conditions relatives à la nature de la règle de droit violée et au lien de causalité peuvent présenter une certaine difficulté d'interprétation, ou du moins prêter à discussion, la condition relative à l'exigence d'une violation suffisamment caractérisée constitue sans doute la plus difficile à appréhender pour plusieurs raisons. D'une part elle implique intrinsèquement un jugement de valeur ou plus exactement une appréciation subjective, d'autre part cette difficulté d'appréhension tient en sa formulation abstraite et insuffisamment claire. En effet l'utilisation de « suffisamment » dénote dans une certaine mesure la volonté d'évaluer le degré qui caractérise la violation en cause, or cela relève largement d'un pouvoir souverain d'appréciation des juges, et ce pouvoir n'étant pas suffisamment encadré par un « minimum » d'éléments objectifs à cause de ce défaut de précision et de clarté de la formulation même de ladite condition, il en résulte un « flou juridique ». Ensuite cette difficulté se trouve accentuée par la spécificité liée à la fonction juridictionnelle car transposer cette condition pour le cas des décisions judiciaires nationales de dernier ressort nécessite de prendre en considération cette dimension de la spécificité du pouvoir judiciaire, en effet la difficulté est plus grande lorsqu'il s'agit de déterminer la réunion de cette condition si l'on examine celle-ci sur la base de l'activité du juge puisqu'il faut apprécier si la décision de justice est ou non constitutive d'une violation suffisamment caractérisée.

L'arrêt Köbler ayant admis l'application du principe général de responsabilité au cas des décisions de justice, il en apporte pas moins des précisions importantes afin de répondre aux difficultés d'interprétation ainsi étudiées. C'est ici l'un des intérêts principaux de cet arrêt au sens ou il ne se contente pas simplement de transposer ces 3 conditions, il en apporte des aménagements au travers d'explicitations notamment à l'égard de celle qui prévoit une violation suffisamment caractérisée.

La Cour a recours dans son raisonnement au critère de la « violation manifeste » du droit communautaire pour clarifier le sens et la portée d'une telle condition 13(*) et ce critère comprend lui-même toute une série de faisceaux d'indices qui permettent d'apprécier beaucoup plus objectivement si ce critère est bien réuni tout en prenant en compte la spécificité liée à la fonction juridictionnelle. C'est ainsi qu'elle considère qu'il convient d'examiner cette condition à la lumière d'éléments indicateurs tels que le caractère excusable ou non de l'erreur de droit, le degré de clarté et de précision de la règle violée ou encore l'inexécution de son obligation de renvoi préjudiciel par la juridiction de dernier ressort sur la base de l'article 234 alinéa 3 TCE. Aussi en toute hypothèse la violation doit être considéré comme manifeste dès lors qu'elle est contraire à une jurisprudence clairement établie par la Cour.

En d'autres termes on peut dire que le critère de violation manifeste, lui-même recouvrant tout un ensemble d'éléments qui permettent à la fois d'apprécier au mieux de la réunion de cette condition et de tenir compte de la spécificité propre à l'activité judiciaire, sert en quelque sorte de guide, de « mode d'emploi » à l'usage du juge.

Il semble que cet arrêt présente une innovation importante dans la mesure ou il permet d'éviter que le pouvoir d'interprétation du juge concernant la réunion des conditions soit excessivement large, et par la même occasion il devient moins fondé de craindre le « spectre » de « gouvernement des juges », car désormais cette condition posant l'exigence d'une violation suffisamment caractérisée se trouve aménagée d'un critère qui la clarifie en énonçant plusieurs indicateurs qu'il convient de prendre en considération dans ce cadre.

On peut pourtant mettre en évidence certains points qui tendent à affaiblir le caractère novateur de cet aménagement.

* (12) 12 Arrêt Haim CJCE 4 juillet 2000, C-424/97.

* (13) 13 C'est au point 53 que la Cour indique dans quelles mesure la deuxième condition doit être appréciée pour le cas des décisions de justice, en ayant recours au critère de la violation manifeste du droit communautaire.

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