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L'arrêt Kobler est-il révolutionnaire ?

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par Sami Fedaoui
Université de Rouen - Licence III en droit 2007
  

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Section 2 : Une avancée limitée vers la pleine effectivité de la primauté.

Si l'on peut reconnaître à l'arrêt Köbler de favoriser le développement de la mise en oeuvre d'un ordre juridique communautaire dont la primauté est pleinement assurée, il faut toutefois souligner qu'il n'opère en aucun cas de bouleversements radicaux propres à le considérer comme un véritable tournant décisif à cet égard. Il témoigne bien au contraire de la méthode des « petits pas » de la Cour.

La mise en place d'un ordre juridique communautaire assorti de l'ensemble des instruments assurant sa primauté effective et absolue suppose que soit érigé un système de responsabilité qui, étant inhérent au système du traité c'est à dire découlant nécessairement de l'esprit de la « charte constitutionnelle de base » selon une expression traditionnelle formulée par la Cour, doit présenter les caractéristiques essentielles lui permettant de constituer le coeur de la garantie de primauté du droit communautaire. Et il ne suffit pas de poser simplement les principes de bases lesquels sont indispensables mais inutiles ou insuffisants s'ils ne sont pas accompagnés de la garantie réelle et concrète qu'ils trouveront aisément application des lors que les particuliers sont légitimement fondés à s'en prévaloir.

Or s'agissant de l'arrêt Köbler on observe tout d'abord qu'il reste silencieux sur 2 questions qui ont leur importance dans la détermination du cadre d'application dans lequel s'étend ce système de responsabilité et il est révélateur d'une certaine rigidité quant à l'effectivité de son application.

Concernant le cadre d'application, une première question se pose à laquelle il ne répond pas explicitement, il s'agit de l'idée selon laquelle la responsabilité est bien prévue pour le fait d'une décision de justice nationale rendue en dernier ressort mais on ne peut induire indubitablement ni du raisonnement opéré ni du dispositif si cela équivaut ou non à une condition d'épuisement préalable des voies de droit interne. On peut considérer qu'il ne s'agit pas d'une telle condition mais seulement d'un principe applicable à tous les degrés de juridiction et a fortiori à la juridiction de dernier ressort par essence non susceptible d'un quelconque recours de nature juridictionnelle. Mais on peut également penser à l'instar de J.G. Huglo 19(*), que cela tend plutôt à admettre une telle condition en vue d'un alignement implicite sur le modèle de la responsabilité sur le fondement de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme ou encore de la responsabilité extra contractuelle de la Communauté sur le fondement de l'article 288 alinéa 2 TCE. Et surtout à défaut d'énonciation expresse contraire on peut admettre que le principe est exclusivement applicable au cas prévu explicitement par l'arrêt, à savoir les décisions de dernier ressort. Indépendamment des considérations d'« engorgement » de la justice qu'entraînerait sans doute l'absence de cette condition, c'est ici une limite que l'on ne peut négliger dans la mesure ou les décisions de justice susceptibles de recours peuvent tout à fait violer le droit communautaire, d'autant que ne pèse sur ces juridictions aucune obligation de renvoi préjudiciel, mais l'engagement de la responsabilité de l'Etat sur cette base est exclue, or il eût été plus audacieux d'admettre une plus large solution en précisant notamment que la condition d'épuisement préalable au lieu d'être entendue formellement c'est à dire une fois que la juridiction de dernier ressort a statué, elle doit être entendue matériellement c'est à dire dès lors que plus aucun recours n'est possible ou n'a d'intérêt.

Aussi une autre interrogation peut être soulevée, celle concernant la responsabilité extra contractuelle de la Communauté. En effet si l'on analyse l'état actuel du droit positif en la matière on peut relever une asymétrie entre le régime de la responsabilité des Etats membres établi par la jurisprudence et celui de la responsabilité extra contractuelle de la Communauté. A cet égard le gouvernement de la République d'Autriche invitait la Cour à se prononcer en ce sens aux termes de ses observations émises sur cette exigence de symétrie entre ces 2 régimes de responsabilité 20(*). Or la Cour a une nouvelle fois fait preuve d'une attitude avisée en admettant la responsabilité des Etats membres du fait des décisions de leurs juridictions de dernier ressort sans l'admettre corrélativement pour la Communauté pour les mêmes faits de ses autorités juridictionnelles et sans répondre sur le bien-fondé de cette exigence de symétrie, certes on peut comprendre les difficultés de mise en oeuvre que cela comporterait avec notamment l'absence d'une juridiction chargée de statuer sur une éventuelle violation du droit communautaire par la CJCE mais cet absence de for compétent n'a pas pour effet d'exclure l'application du principe à l'égard des Etats membres. Ainsi la solution conduit indirectement à valider cette asymétrie, l'arrêt Köbler refuse de saisir l'opportunité de tirer l'ensemble des conclusions qui s'imposent à savoir ici l'alignement du régime de la responsabilité extra contractuelle de la Communauté sur celui des Etats membres.

Par conséquent les 2 questions qui entourent la solution sont révélatrices du souci de la Cour de ne pas prévoir un cadre d'application qui serait élargi à l'intégralité des hypothèses dans lesquelles une violation du droit communautaire est pourtant tout à fait possible.

Enfin ce mécanisme de responsabilité ne peut s'avérer une véritable garantie de primauté effective du droit communautaire seulement s'il existe une souplesse quant à l'application effective de cette responsabilité. Or l'arrêt Köbler entreprend une mise en oeuvre rigide de ce mécanisme qui tend à compromettre, du moins à affaiblir son effectivité. Et c'est sans doute S. Drake 21(*) qui en fait la démonstration la plus pertinente, selon elle la Cour est constamment guidée par deux impulsions divergentes, d'une part celle qui tend à innover dans la protection effective des droits que les citoyens tirent de l'ordre juridique communautaire et d'autre part celle qui tend à limiter cette même protection dans l'intérêt des Etats membres.

Et ayant étudié la manière dont la Cour a apprécié les conditions d'engagement de cette responsabilité, notamment la condition relative à la violation suffisamment caractérisée, on peut observer que la réalité concrète n'est pas tellement conforme à la portée étendue du principe, en d'autres termes l'arrêt Köbler n'est pas aussi novateur qu'il apparaît dans la mesure ou il rend une telle responsabilité encadrée dans des conditions excessivement restrictives dans leur application effective. Ainsi en reconnaissant l'extension dudit principe de responsabilité cet arrêt permet en théorie d'envisager la garantie de primauté du droit communautaire par ce système « coercitif » mais il ne contribue pas à assurer son effectivité, son efficacité pratique.

* (19) 19 Jean-Guy Huglo, « La responsabilité des Etats membres du fait des violations du droit communautaire commises par les juridictions nationales : un autre regard », Gazette du Palais, 2004, I, Jurisprudence, pp. 34-40. Son hypothèse s'appuie sur des données infalsifiables puisqu'il ne fait que postuler cet alignement, mais rien n'indique que l'on ne peut suivre un tel raisonnement.

* (20) 20 On observe au point 21 que le gouvernement autrichien exprime l'exigence d'une symétrie entre les régimes de responsabilité des Etats membres et de la Communauté car à une situation similaire doit correspondre un traitement similaire. Ainsi soit la Cour décide de maintenir le système de responsabilité prévue pour la Communauté et ne pourrait être admis la responsabilité des Etats membres du fait du juge sans porter atteinte à cette symétrie, soit celle-ci est admise et alors la Cour doit en faire de même pour celle de la Communauté avec sa responsabilité pouvant être engagée du fait du juge communautaire.

* (21) 21 Sara Drake, « State liability under community law for judicial error : a false dawn for the effective protection of the individual's community rights », Irish journal of European law, 2004, pp. 34-51. L'auteur explique que la solution de principe peut être innovante prima facie mais il n'en est rien si l'on examine son effectivité, et c'est ici toute la nuance que l'on ne peut négliger.

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