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L'arrêt Kobler est-il révolutionnaire ?

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par Sami Fedaoui
Université de Rouen - Licence III en droit 2007
  

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B. La garantie d'application uniforme en suspens.

Section 1 : La volonté implicite d'une garantie d'uniformité.

L'arrêt Köbler s'inscrit également dans une tendance de la jurisprudence à consolider l'uniformité de l'application du droit communautaire, corollaire de celle visant à consolider la primauté pleine et effective du droit communautaire, dans cette perspective cet arrêt semble se diriger vers une harmonisation des relations entre les 2 ordres que constituent l'ordre juridique communautaire et l'ordre juridique interne 22(*).

A cet égard on peut retenir qu'il existe un mécanisme important expressément prévu dans le texte du TCE qui permet précisément de réaliser une application uniforme du droit communautaire afin d'éviter la « guerre des juges » opposant les applications divergentes du juge national et du juge communautaire mais surtout entre les juges nationaux d'un Etat à l'autre. Il s'agit du renvoi préjudiciel au titre de l'article 234 TCE, compétence facultative à la discrétion du juge national à l'exception de la juridiction nationale de dernier ressort dont la compétence est liée chaque fois qu'une question délicate de droit communautaire lui est posée.

Malgré l'existence de ce recours on a pu assister à de véritables résistances judiciaires nationales s'illustrant ici au travers de la théorie de l'« acte clair » 23(*), moyen habile de contourner l'obligation de renvoi en estimant, de bonne foi ou non, que l'acte est suffisamment clair et un tel renvoi serait ainsi dépourvu d'effet utile, les données de l'espèce à l'origine de l'arrêt Köbler en fournissent un exemple significatif avec le retrait unilatéral de la demande préjudicielle de la juridiction autrichienne de dernier ressort.

Il est clair que de telles résistances, qu'elles soient de bonne ou mauvaise foi, ne vont pas dans le sens d'une uniformité de l'application du droit communautaire 24(*). Or l'arrêt Köbler semble annoncer un abandon forcé de cette théorie et plus généralement semble imposer en quelque sorte une coordination approfondie des juges nationaux avec le tenant de l'unicité de l'application du droit communautaire, le juge communautaire. Bien que cette idée ne soit pas littéralement ou explicitement exposée dans les énonciations expresses, on ne peut totalement nier que celle-ci ressort des principes dégagés, il convient d'induire ces implications à partir des données inscrites aux termes de la solution de principe.

En effet l'inexécution de l'obligation de renvoi préjudiciel tel qu'énoncé par l'article 234 TCE est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat et plus encore toute décision de justice nationale rendue en dernier ressort qui intervient en méconnaissance manifeste de la jurisprudence clairement établie par la Cour doit être considérée en toute hypothèse comme une violation suffisamment caractérisée.

Dans une certaine mesure cela devrait signifier que les juridictions de dernier ressort sont en principe présumées connaître le droit communautaire dès lors que celui-ci est clairement établi par la jurisprudence de la Cour puisqu'une décision contraire doit en toute hypothèse être considérée comme une violation suffisamment caractérisée. Ainsi non seulement la solution semble de plus en plus exigeante à l'encontre des juridictions internes dans leur connaissance du droit communautaire mais en plus elle entend, semble-t-il, ériger le renvoi préjudiciel en un véritable instrument dont l'intérêt et la force contraignante se trouvent largement renforcés dans l'application du droit communautaire dans la mesure ou son inexécution est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat et dans la mesure ou il permettrait à la juridiction en cause de savoir s'il existe ou non une jurisprudence sur la question afin de ne pas prendre le risque inutile de statuer en méconnaissance de celle-ci.

L'incidence de cette solution est donc qu'elle tend a priori à imposer de facto aux juges suprêmes nationaux un travail respectueux et soucieux de l'uniformité dans l'application du droit communautaire. C'est ainsi que l'on pourrait a priori considérer que cet arrêt est emprunt d'une certaine révolution puisqu'il aurait pour conséquence de modifier la logique des rapports entre les 2 ordres, laquelle n'est plus soumise aux résistances des juges nationaux à l'égard du juge communautaire portant atteinte à l'uniformité. Désormais la logique semble se tourner vers une étroite coordination par laquelle les juges nationaux seraient tenus de connaître le droit communautaire, et en cas de doute ou de méconnaissance se verraient contraints d'utiliser le renvoi préjudiciel.

Cependant une analyse plus approfondie du raisonnement de la Cour conduit à considérer que l'arrêt Köbler n'effectue pas un tel bouleversement et ne permet pas d'opérer ce tournant vers la garantie d'uniformité de l'application du droit communautaire.

* (22) 22 Lorsque l'on parle de 2 ordres juridiques distincts on peut rappeler que cela n'empêche pas le juge communautaire, et dans une moindre mesure le juge national, de considérer que le droit communautaire repose sur une conception moniste, plus exactement intégrative. Ainsi cela passe par une harmonisation des rapports entre les juges pour l'application du droit communautaire. Il existe en d'autres termes une interdépendance entre l'intégration et les rapports harmonisés entre juges.

* (23) 23 La théorie de l'« acte clair » est apparue en France dans la jurisprudence administrative initiée par le Conseil d'Etat avec l'arrêt Société des Pétroles Shell Berre du 19 juin 1964. Cette jurisprudence qui a fait l'objet d'une importante controverse a néanmoins connu un certain succès parmi les juges nationaux les plus réticents à se conformer à l'exigence de renvoi préjudiciel.

* (24) 24 On peut retenir ici que les résistances du juge national sont contraires à l'exigence d'uniformité puisque le juge communautaire, s'il peut « mal faire », n'en est pas moins le garant exclusif. Se dispenser d'un tel mécanisme revient à accepter que l'application du droit communautaire est relative car dépendante de ce qu'en décide le juge national.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams