Le centre de détention de CASABIANDA, emblématique prison de paradoxes( Télécharger le fichier original )par Paul-Roger GONTARD Université Aix-Marseille III - Master 2 de droit, spécialité lutte contre l'insécurité 2008 |
§ 2 : De l'exemplarité de la peine à CASABIANDA.« Le but des châtiments n'est autre que d'empêcher le coupable de nuire encore à la société et de détourner ses concitoyens de tenter des crimes semblables. » Cesare Bonesana BECCARIA, Traité des délits et des peines.88(*) La fonction préventive s'adresse donc, selon BECCARIA, à la fois aux condamnés et aux potentiels nouveaux infracteurs. Voyons, tour à tour, pour chacun de ces publics l'exercice de la fonction d'exemplarité du centre de détention de CASABIANDA. A/ Les condamnésDepuis que les peines d'élimination ont disparu de l'arsenal répressif français, la peine de prison à temps fait figure de peine la plus sévère. Le cas de CASABIANDA en devient par conséquent paradoxal. En effet, la peine ne devrait, d'après l'analyse traditionnelle de sa vocation exemplaire, qu'inspirer peur et dégoût. L'incarcération devrait par conséquent être pénible et angoissante afin de dissuader celui qui la subit de vouloir commettre une nouvelle infraction. Au premier abord, subir sa peine à CASABIANDA ne semble pas particulièrement pénible et angoissant. C'est cependant oublier que les détenus qui y arrivent ont déjà expérimenté l'incarcération dans un autre établissement. Un temps qui leur permet d'apprécier les conditions uniques de détention de CASABIANDA. Cette perception, accompagnée de la certitude que cette chance ne se présentera pas deux fois, influence l'esprit de celui qui recouvrira sa liberté. En outre, en orientant majoritairement à CASABIANDA des infracteurs sexuels, détenus qui subissent souvent des pressions ou des violences pendant leur parcours carcéral, l'administration pénitentiaire choisit des détenus dont l'image négative de l'emprisonnement traditionnel est déjà suffisamment assimilée pour créer chez eux une empreinte que n'aurait pu aggraver de nouvelles années en détention traditionnelle. De plus, la plupart des détenus pour d'autres infractions que sexuelles que j'ai pu rencontrer à CASABIANDA, semblaient relever de la catégorie élaborée par Enrico FERRI des criminels d'occasion, et plus particulièrement d'une division de ceux-ci : les criminels de passion89(*). Sans refaire ici le développement qui dépeint ces catégories de détenus, je rappellerai qu'ils sont, à l'inverse des catégories de criminels-nés et habituels, des détenus dont l'infraction a souvent, par nature, statistiquement peu de chance de se reproduire. Soit que les causes de leur infraction aient disparu en même temps que la consommation de celle-ci (dans le cas des crimes passionnels par exemple). Soit que l'application d'une sanction au condamné rend celle-ci certaine dans la psychologie de l'infracteur, là où elle n'était qu'hypothétique avant que la justice ne passe. Le criminel va, par conséquent, réévaluer sa perception du ratio risque/avantage qui l'a mené à commettre sa première infraction, lorsque la tentation d'une nouvelle se présentera à lui. Enfin, il ne faut pas exclure le fait que l'incarcération à CASABIANDA, bien que dans certains aspects moins pénibles que dans d'autres lieux de détention, n'en reste pas moins une période de privation de liberté et d'éloignement de son environnement, avec tout ce que cela entraîne de pertes pour l'individu (perte familiale, perte d'une situation sociale, perte de revenus ...). * 88 Bibliothèque numérique de l'Université du Québec à Chicoutimi : "Les classiques des sciences sociales", Site web: http://classiques.uqac.ca/ * 89 FERRI Enrico, LA SOCIOLOGIE CRIMINELLE, chapitre les Cinq catégories de criminels, Paris 1893 ; Bibliothèque numérique de l'Université du Québec à Chicoutimi : "Les classiques des sciences sociales", Site web: http://classiques.uqac.ca/ |
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