§ 2 : Une
profusion d'articles de presse
Si l'approche scientifique de l'expérience de
CASABIANDA est parfois bien maigre, il n'en est pas de même de sa
présence médiatique. Cette prison est en effet un sujet de choix
pour interpeller, choquer ou créer une polémique ; tout ce
qui attire l'attention des lecteurs et augmente les ventes.
Mais chose remarquable, des journalistes semblent assez
périodiquement redécouvrir complètement CASABIANDA, comme
si depuis 60 ans ce lieu leur avait été dissimulé par
l'administration, quand bien même depuis son ouverture de nombreux
articles de presse se sont succédés à son sujet, allant de
la presse régionale, en passant par les hebdomadaire nationaux, et
jusqu'aux chaînes de télévision nationale.
Voici quelques titres consacrés à
CASABIANDA :
- 11/12/1953, Nice Matin : Un domaine témoin,
CASABIANDA...
- 26-27/04/1958, Figaro : Casabianda, première
prison ouverte. En arrachant 648 hectares au maquis les cent détenus
rapportent de l'argent à l'Etat.
- Avril 1958, Constellation : CASABIANDA, chance
unique des détenus.
- 26/01/1984, Nice Matin : Prison ouverte ... sur
chambre d'amour.
- 06/07/1989, Nice Matin : La clef des champs... pour
travaux forcés.
- 06/07/1999, Marianne : A Casabianda, même les
matons ne sont pas bien gardés.
- 01/09/1999, Figaro : Corse, scandale au centre
pénitentiaire. Des détenus côtoyaient des enfants.
- et autres ...
Le traitement de l'information au sujet de CASABIANDA est
souvent le reflet de l'identité du journal. Les articles des
hebdomadaires étant souvent ceux qui cherchent le plus à faire
réagir le lecteur. Ainsi l'article du Point, n°1837, daté du
29/11/2007 commence ainsi :
« C'est l'une des plus belles plages de Corse.
Une langue de sable blanc qui s'étire sur une dizaine de
kilomètres. Il est 11 heures et, malgré l'automne qui tire
à sa fin, le soleil est généreux. Alignées face
à la mer, douze cannes à pêche sont plantées dans le
sable. Deux pêcheurs commentent leurs prises. Un superbe loup qu'ils
cuisineront ce soir, peut-être au barbecue. Plus haut sur les dunes,
contre la pinède, un homme tire sur sa cigarette, un bouquin entre les
mains. Tandis que trois autres fixent en silence, comme hypnotisés,
l'horizon bleu indigo. Partout où se porte le regard, on ne voit que des
hommes. La plupart d'entre eux ont été condamnés pour
viol, pédophilie ou inceste. »
Après avoir montré un visage idyllique du lieu,
on assène, presque brutalement, l'identité pénale des
bénéficiaires du lieu : les « violeurs,
pédophiles et incestueux » ! Comment ne pas voir
dans l'accroche de cet article l'envie de faire du sensationnel. Exercice
périlleux qui peut nuire à l'image de cet établissement.
Pourtant, la communication est nécessaire pour un
centre de détention aussi atypique. Ne pas accepter de recevoir la
presse reviendrait à dissimuler son existence, autorisant par là
le développement de divagation ou de fantasmes médiatiques qui
pourraient être, eux, bien plus nuisibles encore pour CASABIANDA.
Dans son numéro du 5 juillet 2007, le magazine LIEN
SOCIAL, presse spécialisée dans les questions socioculturelles,
consacre son édito et un long article à l'établissement.
Le papier est moins caricatural que le précédent, il
n'échappe cependant pas à la mise en avant, pour accrocher le
lecteur, de quelques rapprochements qui interpellent :
« A 70 kilomètres au sud de Bastia, dans
la pleine orientale Corse, s'étend une prison hors norme. Dans cette
exploitation agricole sans mur d'enceinte, les détenus, condamnés
à 80% des cas pour de graves affaires de moeurs, sont bien plus qu'un
numéro d'écrou. »
Le développement qui suit sera cependant lui plus
étudié, la présentation de l'expérience de
CASABIANDA, moins caricaturale. Une volonté de comprendre émerge
même de l'article. Un bon exemple d'une présentation
médiatique sincère, bien qu'incomplète, de CASABIANDA.
La presse spécialisée serait elle, peut
être, plus capable que son homologue grand public de saisir les
subtilités du lieu ?
Dans une autre forme, le nouveau média que
représente Internet permet à certains sites
spécialisés de réagir selon leur centre
d'intérêt respectif :
- www.investigateur.info, 28/08/2003 : Manifestation
de surveillants à Casabianda.
- www.unita-naziunale.org, 20/05/2007 :
CASABIANDA : TERRA NOSTRA !
- www.corsematin.com, 21/05/2007 : A Casabianda, 70%
des détenus ont commis des délits sexuels.
Et les bloggeurs ne sont pas en reste :
- www.blogg.org, le blog de Mac Léon III,
18/07/2006 : Paradis pour pédophiles et violeurs.
- www.wmaker.net/apiazzett, 28/05/2008 :
Pédophiles, consanguins, assassins : benvenuti in Casabianda.
(en corse dans le texte).
Et ce sont là pour les deux derniers exemples, des
réponses à ma requête indexée parmi les 10
premières réponses d'une recherche de l'item CASABIANDA sur
Google ! La preuve que les simples citoyens qui s'expriment au sujet de ce
centre de détention, le font souvent, par ignorance sans doute, avec
agressivité, voire vulgarité. Je n'ai, en outre, pas
trouvé à ce jour de site Internet ou de blog de citoyens lambda,
qui s'efforce de présenter l'expérience de CASABIANDA comme une
originalité positive.
Il est donc plus que jamais nécessaire de faire oeuvre
de pédagogie autour de CASABIANDA. En laissant la communication autour
de ce centre de détention dans les seules mains des journalistes, et des
apprentis journalistes du Net, il y a fort à penser que l'avenir de
l'image de CASABIANDA sera terni par la quête de sensationnel, et par le
défoulement de quelques indépendantistes ou ignorants de toutes
sortes. Voilà pourquoi il faut expliquer ouvertement ce lieu,
l'étudier et le conceptualiser. Remettre le débat sur la table de
la recherche, le dépassionner, sans pour autant l'interdire aux
médias qui pourront, et ce alimenté par un juste message,
présenter ce lieu pour ce qu'il est : un progrès pour
l'administration pénitentiaire.
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