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La possession d'état dans l'avant-projet du code camerounais des personnes et de la famille

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par Jean Noel TAMEKUE TAGNE
Université de Yaoundé II - DEA en droit privé fondamental 2008
  

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§ 2. LA PREUVE DE LA FILIATION NATURELLE PAR LA POSSESSION

D'ETAT : LE SILENCE DE L'AVANT-PROJET DE CODE

30. Le projet de code des personnes et de la famille, n'a malheureusement pas traité la question de la preuve de la filiation naturelle par la possession d'état. La possession d'état est un mode exclusif et limitatif d'établissement de la filiation des enfants nés ou conçus dans le mariage. C'est dire que, l'enfant naturel ne peut s'en prévaloir. Cette déduction est la résultante du vide juridique créé par le droit positif camerounais. Aucune disposition expresse70(*) encore moins implicite, n'étend cet effet probant de la possession d'état à la filiation naturelle. Les seuls modes de preuve de cette filiation sont : la reconnaissance et l'action en recherche de paternité. Comment interpréter le silence des rédacteurs ? Pourquoi l'admettre à l'endroit de la filiation légitime et le denier à la filiation des enfants conçus et nés hors mariage ? Nous préférons penser qu'il s'agit plutôt d'une inadvertance des concepteurs de l'Avant-projet de code que d'une volonté claire de ceux-ci.

Un plaidoyer en faveur de l'établissement de la filiation naturelle par la possession d'état (A) débouchera sur un essai de systématisation (B).

A. LE PLAIDOYER EN FAVEUR DE L'ETABLISSEMENT DE LA FILIATION

NATURELLE PAR LA POSSESSION D'ETAT

Il est indéniable que les arguments tirés de l'idée de justice et d'égalité en droit de la filiation (1) et l'exemple des droits étrangers proches du droit camerounais de la famille (2) sauront convaincre les rédacteurs du futur code à reconsidérer leur position.

1. Les arguments tirés de l'idée de justice et d'égalité en droit de la filiation

31. Le droit romain distinguait déjà les enfants naturels et les enfants légitimes. La paternité légitime était établie grâce au jeu de la présomption de paternité « pater is est ... », présomption conçue alors à la fois comme un droit et comme une obligation pour le mari, seul qualifié pour agir en désaveu par tous moyens de preuve et sans condition de délai. La filiation naturelle ne produisait effet, à l'égard du père, que par l'effet de l'adrogation, donc avec le consentement du fils. Du côté maternel en revanche, elle produisait, du moins à l'origine, les mêmes effets que la maternité légitime71(*). Sous l'influence du christianisme, la distinction évolua pour aboutir, au détriment des enfants naturels, à une véritable inégalité72(*).

32. Sous l'ancien droit, si la filiation naturelle pouvait être facilement établie, elle ne conférait aux « bâtards » qu'un simple droit à aliments. Le droit intermédiaire, pourtant gagné par l'idée d'égalité, ne sut pas la consacrer dans la filiation : il accru les droits des enfants naturels mais rendit plus difficile l'établissement du lien73(*). Inspiré par la conception patriarcale de la famille de Bonaparte, le code civil devait, tout en améliorant la condition des enfants naturels, renouer avec l'ancien droit, en manifestant à l'encontre de l'illégitimité une hostilité, plus ou moins profonde74(*).

33. Ce rappel historique nous montre que, de tout temps, la filiation naturelle a toujours été traitée différemment de la filiation légitime. Le législateur préférant celle-ci à celle-là. La situation qui vient d'être décrite n'est pas différente de celle que vit les enfants naturels au Cameroun. La condition juridique de l'enfant né hors mariage est largement inférieure à celle de l'enfant conçu ou né dans le mariage. Au Cameroun, il y a une différence de traitement suivant la catégorie d'enfant. On peut ainsi opérer une hiérarchisation suivant l'importance : l'enfant légitime qui occupe le sommet de la pyramide, l'enfant adoptif (plénitude), l'enfant naturel reconnu, l'enfant naturel simple, l'enfant adultérin a patre, l'enfant adultérin a matre (qui ne peut être reconnu par le père naturel qu'après désaveu par le mari de la mère en justice), l'enfant incestueux qui ne peut être reconnu, l'enfant issu d'un viol qui lui-même ne peut pas être reconnu par son auteur75(*). Sur le plan successoral, le droit camerounais est resté en retrait par rapport au droit français qui a renforcé la matière avec sa loi du 3 Janvier 1972. En effet, l'enfant naturel n'a de droit dans la succession de son père ou de sa mère que si la filiation a été établie76(*). A considérer que la filiation soit établie, les droits successoraux de l'enfant naturel n'en demeure pas moins limités par rapport à ceux de l'enfant légitime. En présence d'enfant légitime, l'enfant naturel n'aura droit qu'à la moitié de ce qu'il aurait pu avoir s'il avait lui-même été légitime77(*). L'enfant naturel représenterait une menace pour la famille légitime. Il faut limiter au maximum l'établissement de sa filiation78(*). Il ne faudrait pas qu'il vienne concurrencer les enfants issus d'un ménage légitime. C'est la traduction même de l'ineffectivité en droit camerounais de la famille du principe d'égalité. Ce principe voulu par les textes fondateurs79(*) est en souffrance. Il est mis à mal en droit de la famille en général et en droit camerounais de la filiation en particulier80(*).

34. Or, cette inégalité, cette discrimination, est critiquée comme inefficace, injuste et source d'incohérence81(*). On conçoit mal que la défense de l'institution du mariage à la supposer nécessaire puisse reposer sur une injustice. La possession d'état d'enfant naturel, certes différente de la possession d'état d'enfant légitime, a elle aussi un effet probatoire. Elle peut être invoquée par l'enfant naturel dans les mêmes circonstances que le ferait l'enfant légitime.

35. Depuis la convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant82(*), aucune différenciation ne devrait plus être opérée entre les enfants. Cette assimilation paraît d'autant plus normale que l'on imagine mal des raisons qui conduiraient à refuser à la possession d'état d'enfant naturel des effets reconnus à la possession d'état d'enfant légitime83(*). Puisque la possession d'état est un mode d'établissement de la filiation légitime, pourquoi ne le serait-elle pas de la filiation naturelle84(*) ? Sans doute, une possession d'état d'enfant naturel ne peut-elle exactement se calquer sur une possession d'état d'enfant légitime puisqu'il n'existe alors aucune « famille »85(*) au sein de laquelle l'enfant pourrait prendre place. Mais il n'y a là qu'un obstacle technique. Les caractéristiques essentielles restent les mêmes. Donner à un enfant tout l'amour d'un père ou d'une mère sans que personne ne songe à nier la réalité du lien de filiation, n'est-ce pas manifester avec certitude l'existence de données biologiques ?86(*)

36. L'article 2 de la convention de 1989 interdit que l'enfant soit l'objet d'aucune forme de discrimination. Cet article, interdit notamment qu'un traitement différent soit réservé aux enfants légitimes et aux enfants naturels. On ne peut alors permettre à l'enfant légitime d'établir sa filiation par la possession d'état et le refuser à l'enfant naturel. Il s'agit d'un mode de preuve qui peut être utilisé indistinctement dans les deux types de filiation. L'article 7 de la même convention pose encore le principe selon lequel, l'enfant a dans la mesure du possible le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux. On parle communément ici d'un droit pour l'enfant à la connaissance de ses origines. L'enfant naturel a donc le droit de connaître son père. A défaut d'une reconnaissance, ou de l'exercice d'une action en recherche de paternité, il doit pouvoir bénéficier des vertus de la possession d'état. Toute tentative du législateur de limiter les modes d'établissement de la filiation naturelle, conduirait à nier l'effectivité du droit pour l'enfant de connaître ses origines. Ce qui est en soi une injustice criarde et une violation de la convention de New York de 1989.

37. Cette situation d'injustice risque d'être réalisée si l'Avant-projet de code est finalement adopté dans ses dispositions actuelles. En réalité, une difficulté peut surgir après la mort du père naturel, lorsque l'enfant prétend venir à la succession. En effet, le « de cujus » a pu, par ignorance ou négligence, ne pas reconnaître son enfant. De plus, sa reconnaissance peut demeurer ignorée (hypothèse du testament non découvert) ou encore les registres de l'état civil ont pu disparaître dans une catastrophe87(*). L'action en recherche de paternité naturelle n'étant plus possible, la situation de l'enfant naturel s'avère très précaire. Sans l'établissement du lien de filiation il ne peut venir à la succession. Comment remédier juridiquement à cette situation ? Les modes de preuve que constituent l'acte de reconnaissance et l'expédition du jugement sanctionnant l'action en recherche de paternité n'étant plus utilisables, une possession d'état continue de l'état d'enfant naturel devrait permettre à titre subsidiaire l'établissement de la filiation naturelle.

Certaines législations, ont consacré l'effet probatoire de la possession d'état à l'égard de la filiation naturelle. Le futur code de la famille pourrait s'en inspirer.

2. L'exemple des droits étrangers proches du droit camerounais de la famille

38. Le Cameroun, le Gabon, le Sénégal et la France se fondent dans ce que nous pouvons appeler le « cousinage juridique »88(*). Les règles juridiques françaises se retrouvent peu ou prou dans les législations des pays africains ci-dessus. Pendant que ces pays posent avec de plus en plus de précision le principe de la preuve de la filiation naturelle par la possession d'état, le Cameroun est encore à la traîne. La possession d'état permet d'établir la filiation de l'enfant naturel en France. Cet effet singulier de la possession d'état s'entrevoit également dans les législations du Sénégal et du Gabon89(*).

39. L'évolution du droit français de la filiation en ce sens est allée de la non consécration à la consécration. La valeur probante de la possession d'état à l'égard de la filiation naturelle y a été acquise plus ou moins récemment90(*). Au XIXe siècle, le rôle de la possession d'état en matière de filiation naturelle avait suscité une controverse. Contrairement à la thèse de DEMOLOMBE, qui soutenait qu'elle constituait en elle-même un mode d'établissement de cette filiation, la jurisprudence avait à ce propos adopté une attitude négative91(*). Le fait est qu'à l'époque, l'idée et la notion de possession d'état s'accordaient mal à l'esprit et aux techniques du droit de la filiation naturelle92(*). La reforme du 3 janvier 1972, et le rôle considérable conféré par elle à la possession d'état, incita divers auteurs à proposer d'admettre cette dernière comme mode de preuve autonome de la filiation naturelle93(*). Cette opinion, satisfaisante, correspondait à un développement logique de l'orientation du droit de la filiation et se révélait fidèle à une évolution tendant à rapprocher celui-ci du réel et à améliorer la situation des enfants naturels94(*). Mais en raison de l'état des textes issus de la reforme de 1972, et tout spécialement de l'article 334-8 du code civil qui prévoyait seulement l'établissement légal de la filiation naturelle « soit par reconnaissance volontaire, soit par déclaration judiciaire, à la suite d'une action en recherche de paternité ou de maternité », cette thèse évidemment liée à une conception dynamique, voire sociologique, de l'interprétation des lois nouvelles a suscité de solides résistances95(*).

40. Les arrêts de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 8 mai 1979 et de l'Assemblée plénière en date du 9 juillet 1982 donnèrent l'occasion aux hauts juges français de se prononcer96(*). En l'espèce, au décès du sieur Law King qui, originaire de Chine, s'était installé à la Réunion en 1927 et y était décédé en 1972, sa femme et ses enfants légitimes avaient contesté à un enfant naturel du défunt une vocation successorale à ce titre, faute de reconnaissance par le père et faute, pour l'enfant, de pouvoir agir en recherche de paternité naturelle, les délais de l'action étant expirés. Pourtant, adoptant une interprétation audacieuse, la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion accueillit, par un arrêt du 1er octobre 1976, l'action intentée par l'enfant en vue de faire constater qu'il justifiait d'une possession d'état continue d'enfant naturel. C'est cette décision que par le premier arrêt, la première chambre civile a cassé, en relevant que cette action était irrecevable. A nouveau saisie, mais sur renvoi et autrement composée, la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion a résisté à la Cour de cassation. Et tandis qu'un nouveau pourvoi allait être tranché par la haute cour, le législateur est intervenu. C'était sans doute la voie la plus appropriée. Une proposition de loi de monsieur Jean foyer97(*) fut suivie du vote de la loi du 25 juin 198298(*), de sorte que l'article 334-8 du code civil est désormais rédigé en ces termes : « La filiation naturelle est légalement établie par reconnaissance volontaire » (alinéa 1er). Elle « peut aussi se trouver établie par la possession d'état ou par l'effet d'un jugement » (alinéa 2)99(*).

41. Cela fait plus d'un quart de siècle que la possession d'état est considérée en France comme un mode de preuve de la filiation naturelle. Le législateur français, par la loi n° 82/536, en introduisant la possession d'état comme moyen de preuve de la filiation naturelle, maternelle ou paternelle, a confirmé l'expansion du principe d'égalité des filiations légitime et naturelle, sur le terrain de leurs modes d'établissement100(*).

42. L'une des innovations majeures de certains droits africains nouveaux réside dans le fait que la possession d'état est devenue une preuve non judiciaire de la filiation naturelle101(*). C'est une rupture avec la tradition léguée par le Code civil français et le Code belge qui, à l'origine, n'utilisait ce mode de preuve que pour établir la seule filiation légitime. Le réalisme qui domine certaines législations africaines a conduit à conférer à la possession d'état le même rôle probatoire en matière de filiation maternelle naturelle qu'en matière de maternité légitime. Les législations qui attribuent à la possession d'état un rôle probatoire le disent expressément dans les textes . C'est ainsi que l'article 199 du code de la famille sénégalais, dispose que : « Pour l'établissement de la filiation maternelle, la possession d'état est établie en prouvant que l'enfant, de façon constante, s'est comporté, a été traité par la famille et considéré par la société comme étant né de la femme qu'il prétend être sa mère ». Ce texte qui ne contient aucune distinction vise à la fois la maternité naturelle et la maternité légitime. Il établit sans contestation possible le rôle probatoire de la possession d'état en matière de maternité naturelle. La même règle est aménagée dans l'article 424 du Code civil gabonais qui énonce que : « A défaut d'acte de naissance portant indication du nom de la mère ou de reconnaissance faite par la mère, la filiation maternelle d'un enfant naturel se prouve par la possession continue de l'état d'enfant ... ». Certes, on constate à la lecture de ces textes que seule la maternité naturelle est visée, mais ces législations ont au moins le mérite d'admettre la preuve de la filiation hors mariage par la possession d'état. En réalité, la paternité naturelle peut et doit aussi s'établir par ce moyen.

43. L'admission de la possession d'état comme moyen de preuve de la filiation naturelle, peut également se prévaloir des enseignements du droit espagnol. Les articles 129 à 138 du Code civil de 1889 ne prévoient que deux modes d'établissement de la filiation naturelle : la reconnaissance, volontaire ou forcée. Cependant, les impérieuses nécessités de la pratique ont conduit le législateur102(*) à admettre, à côté de l'action traditionnelle en recherche de paternité naturelle simple, une action purement déclarative qui vise à obtenir une décision de juridiction gracieuse et qui doit être fondée sur l'existence d'écrits divers impliquant sans doute possible la volonté du père à reconnaître son enfant, soit, sur la preuve d'une possession d'état constante au bénéfice de celui-ci103(*).

Au regard de ce qui précède, le silence de l'Avant-projet de code sur l'effet probatoire de la possession d'état d'enfant naturel, apparaît comme un oubli. C'est la raison pour laquelle nous ferons un essai de systématisation de l'effet probatoire de la possession d'état en matière de filiation naturelle.

B. L'ESSAI DE SYSTEMATISATION DE L'EFFET PROBATOIRE DE

LA POSSESSION D'ETAT D'ENFANT NATUREL

La preuve de la filiation naturelle par la possession d'état peut être institutionnalisée (1). Cet effort d'institutionnalisation sera suivi de l'analyse des modalités de preuve de la filiation hors mariage par la possession d'état (2).

1. L'institutionnalisation de la preuve de la filiation naturelle par la possession

d'état

44. Dans le projet de code camerounais des personnes et de la famille, la filiation de l'enfant naturel s'établit par reconnaissance de son père géniteur ou par une action en recherche de paternité. L'enfant naturel n'a pas d'autres moyens que ceux-là. Il peut cependant arriver des cas où l'enfant n'a pas été reconnu ou alors qu'il ne soit plus dans les délais pour agir en recherche de paternité. Faute d'acte de naissance, ce dernier se trouvera dans l'incapacité de prouver son lien de filiation. C'est à ce moment que peut intervenir la possession d'état. Comment d'ailleurs attribuer un rôle probatoire à l'acte de reconnaissance, aveu d'un moment, et le refuser à la possession d'état, aveu permanent manifesté par des liens affectifs et matériels ?104(*)

L'article 341 de l'Avant-projet de code dispose que : 

« (1) La filiation naturelle résulte à l'égard de la mère du seul fait de l'accouchement.

(2) À l'égard du père, elle est établie conformément aux dispositions des articles 342 et suivants du présent code ». Les articles 342 et suivants de l'Avant-projet de code sont relatifs à la reconnaissance devant l'officier d'état civil, à la reconnaissance judiciaire et à l'action en recherche de paternité naturelle.

Dans l'optique d'intégrer la possession d'état au rang des modes de preuve de la filiation hors mariage, nous suggérons que les articles 341et 342 du code en préparation soient rédigés ainsi qu'il suit :

Article 341 nouveau : « La filiation naturelle résulte :

(1) A l'égard de la mère du seul fait de l'accouchement ;

(2) A l'égard du père, elle est légalement établie par reconnaissance volontaire ou par une action judiciaire en recherche de paternité ;

(3) A défaut, la filiation naturelle peut aussi se trouver légalement établie par la possession d'état ».

Article 342 nouveau : « (1) Pour l'établissement de la filiation maternelle, la possession d'état est établie en prouvant que l'enfant, de façon constante, s'est comporté, a été traité par la famille et considéré par la société comme étant né de la femme qu'il prétend être sa mère ;

(2) La possession d'état à l'égard du père naturel est établie en prouvant que, constamment :

- l'enfant a porté le nom du père dont il prétend descendre ;

- le père l'a traité comme son enfant et a pourvu, en cette qualité, à

son éducation, à son entretien et à son établissement ;

- il a été reconnu pour tel par la société ;

- il a été traité comme tel par la famille ;

- l'autorité publique le considère comme tel ».

45. Attendu que les modalités de mise en oeuvre de la possession d'état d'enfant naturel ne sont pas totalement identiques à celles de la possession d'état d'enfant légitime, il s'avère nécessaire de faire quelques précisions.

2. Les modalités de preuve de la filiation naturelle par la possession d'état

46. Les éléments constitutifs de la possession d'état d'enfant naturel n'ont rien d'original. Il s'agit pour l'essentiel de la trilogie classique : le nomen, le tractatus et la fama. Pour l'établissement de la possession d'état, l'enfant naturel doit avoir porté, selon les cas, le nom de la mère ou de son père géniteur. Ses prétendus parents doivent l'avoir traité comme leur enfant. Et bien entendu, l'image externe du lien de filiation ne sera pas négligeable. La possession d'état doit encore s'inscrire dans la durée. Autrement dit, une possession d'état qui n'a pas une certaine permanence, ne pourra servir de preuve à la filiation naturelle.

47. Grâce à la sécurité qu'elle confère à son titulaire, le titre de naissance, reste le principal moyen de preuve de la filiation. L'effet probatoire de la possession d'état d'enfant naturel ne peut être invoqué qu'en l'absence de ce dernier. Comme dans la filiation légitime, il y aura une subsidiarité qui conditionnera la preuve de la filiation naturelle par la possession d'état.

48. À la différence cependant de la possession d'état d'enfant légitime qui est indivisible et rattache l'enfant à ses deux parents, la possession d'état d'enfant naturel est caractérisée par une divisibilité essentielle. C'est dire que la possession d'état d'enfant naturel n'établit pas en même temps la filiation maternelle et la filiation paternelle. Celles-ci s'établissent séparément.

Contrairement aux dispositions actuelles de l'Avant-projet de code, le mariage, gage de stabilité dans la famille peut aussi, et ce dans une certaine mesure, être prouvé par la possession d'état.

* 70 Notons que l'ordonnance n° 81/02 du 29 juin 1981, l'une des sources les plus importantes actuellement du droit des personnes et de la famille n'a prévu aucune disposition concernant cette question. Le législateur camerounais semble donc l'ignorer.

* 71 F. TERRE et D. FENOUILLET, op. cit., n° 670, p. 551.

* 72 L'enfant naturel était considéré comme l'enfant du péché. On le voyait comme étant le fruit des rapports immoraux et faisait l'objet d'une réprobation sociale.

* 73 V. Loi française du 12 brumaire An II.

* 74 F. TERRE et D. FENOUILLET, op. cit.

* 75 V. arts. 41 et ss. de l'ordonnance n° 81/02 du 29 juin 1981. V. aussi, F. ANOUKAHA, « la filiation naturelle au Cameroun après l'ordonnance n° 81/02 du 29 juin 1981 », RCD n° 30-1985, p. 25 à 50 ; PENANT n° 793-1987, p. 7 et ss. V. L. ELOMO NTONGA, l'enfant naturel en droit camerounais, étude de jurisprudence des tribunaux de l'ex-Cameroun oriental, mémoire de master's degree, Université de Yaoundé, 1979.

* 76 V. art. 756 Cciv de1804.

* 77 V. art. 760 Cciv de 1804. Une lueur semble toutefois jaillit de l'Avant-projet de code. L'art. 343 dispose que : « Les droits de l'enfant naturel reconnu sont égaux à ceux de l'enfant légitime ». Il est vrai, beaucoup reste à faire pour que le principe d'égalité entre les enfants soit effectif en droit camerounais. Les efforts visant à diminuer le fossé entre l'enfant légitime et l'enfant naturel doivent être encouragés.

* 78 C'est surtout la filiation naturelle paternelle qui fait problème.

* 79 Constitution du Cameroun (préambule), Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, Convention de New York sur les droits de l'enfant, Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, Charte africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant ...

* 80 Pour une appréciation générale du principe d'égalité en droit camerounais de la famille, v. T. ATANGANA-MALONGUE, « L'égalité en droit de la famille », RASJ, n° 3, vol. 1, 2003.

* 81 F. TERRE et D. FENOUILLET, op. cit., n° 671, p. 553.

* 82 Convention ratifiée par le Cameroun le 11 Janvier 1993 et entrée en vigueur le 10 février de la même année.

* 83 J. MASSIP, « note sous Cass. Civ. 1re , 8 mai 1979 », Gaz. Pal. 1979, 2, p. 426.

* 84 D. HUET-WEILLER, « l'établissement de la filiation naturelle par la possession d'état (commentaire de la loi du 25 juin 1982 modifiant l'art. 334-8 al. 2 c. civ.) », D. 1982, chron. , n°4, p. 186.

* 85 La famille se définit au sens large, comme l'ensemble des personnes descendant d'un auteur commun et rattachées entre elles par le mariage et la filiation. V. Lexique des termes juridiques, Dalloz, 13e éd., 2001.

* 86 M-J. GEBLER, Le droit français de la filiation et la vérité, thèse publiée, Paris, LGDJ, 1970, p. 253.

* 87 Ph. JESTAZ, « Commentaire de la loi du 25 juin 1982 », RTD Civ 1982, p. 672.

* 88 Ce sont des cousins juridiques. C'est-à-dire que le système juridique qu'on retrouve au Cameroun est proche de celui du Gabon, du Sénégal. D'un pays à un autre, les règles juridiques sont quasi similaires. Elles ont le même fondement : le système romano-germanique hérité de la colonisation française.

* 89 V. infra.

* 90 F. TERRE et D. FENOUILLET, op. cit. , n° 752, p. 622. Elle est l'oeuvre de la loi n° 82/536 du 25 juin 1982 modifiant l'article 334-8 du code civil français relatif à l'établissement de la filiation naturelle.

* 91 Arrêt BOISSIN : cass. Civ. 17 février 1851, Sirey 1851, 1, p. 161, D. 1851, 1, p. 113. Arrêt MIQUEL : cass. Civ. 3 avril 1872, Sirey 1872, 1, p.126, D. 1872, 1, p. 113.

* 92 H. CAPITANT, F. TERRE, Y. LEQUETTE, « note sous Cass. Civ., 1re, 8 mai 1979 et Ass. Plén. 9 juillet 1982 », GAJC, n° 43- 44, t. 1, Dalloz, 11e éd., 2000, p. 236.

* 93 SAVATIER, « Parenté et prescription civile », RTD Civ. 1975, pp.1 et ss. ; AGOSTINI, « note sous Trib. Gr. Inst. Paris, 25 mars 1975 », D. 1976, p. 126.

* 94 Une telle orientation du droit de la filiation n'est malheureusement pas perceptible au Cameroun. On décèle encore chez le législateur camerounais, une certaine manifestation d'hostilité vis-à-vis de la filiation naturelle, voire de la famille naturelle. La famille « légitime » reste et demeure privilégiée. Le fait que le concubinage n'ait pas encore acquis une valeur juridique ne facilite pas la protection des enfants naturels au Cameroun.

* 95 R. NERSON et RUBELLIN-DEVICHI, obs., RTD Civ. 1979, pp. 791 et ss. ; P. RAYNAUD, « L'inégalité des filiations légitime et naturelle quant à leur mode d'établissement. Où va la jurisprudence ? », D. 1980, chron. p. 1 et ss.

* 96 Aussi dans le sens de l'admission de la possession d'état ; v. Cour d'appel de Paris, 11 juillet 1978, D. 1979, p. 425, note J. MASSIP.

* 97 Rapporteur à l'assemblée nationale française à l'époque.

* 98 V. annexe.

* 99 H. CAPITANT et al., op. cit., p.237.

* 100 C. LABRUSSE-RIOU, Répertoire Dalloz de droit civil, t. 6, 2003, v. « Filiation », n° 93, p. 20.

* 101 L. SIDIME, « La filiation hors mariage », Encyclopédie juridique de l'Afrique, Droit des personnes et de la famille, N.E.A 1982, p. 366.

* 102 V. art. 49 de la Ley del registro civil, du 8 juin 1957.

* 103 E. AGOSTINI, op. cit.

* 104 L. SIDIME, op. cit., p. 367.

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