I.2 : LA NATURE DES CHOIX PUBLICS AU CAMEROUN
L'exploration des contributions relatives aux
cycles politico-économiques dans les pays africains dont le Cameroun,
nous permet de relever des similarités tant au niveau du cadre
institutionnel que de l'irrationalité des électeurs face aux
choix opportunistes réguliers des gouvernants
I. 2.1: DES CHOIX
OPPORTUNISTES ET REGULIERS
La théorie des cycles politico-économiques prend
appui sur l'idée que les détenteurs du pouvoir politique et plus
précisément les gouvernants conscients que la conjoncture
économique n'est pas sans effet sur le choix des électeurs, ou
plus probablement guidés par leur sens pragmatique essaient de stimuler
artificiellement l'activité économique au cours des
périodes précédent les élections afin de favoriser
leurs partis ou les candidats qu'ils présentent. Ces hommes politiques
de façon périodique agissent soit en mettant sur pied des
politiques économiques conformes avant les élections (cycles
opportunistes), soit ils appliquent des politiques économiques conformes
à l'idéologie de leur parti ou mouvance (cycles partisans) afin
d'augmenter leurs chances de réélection.
L'observation spontanée des pays en
développement en général et Africains au Sud du Sahara en
particulier confirme bien que leurs gouvernants essaient de relancer
l'activité économique peu avant les élections. Et qu'ils
n'hésitent pas à reporter ces dernières lorsque la
situation économique ne leur est pas favorable (Report des
élections municipales de Janvier 2001 en Juin 2002 au Cameroun), ou
même à les retarder par rapport à
l'échéancier électoral (retard de l'organisation des
élections législatives de 2001 au Gabon (Engueleguele
Maurice ; 2002). La gamme des dispositions que les gouvernants Camerounais
prennent apparaît alors extrêmement large : Paiement des
arriérés de salaires des fonctionnaires, règlement sans
encombre des pensions retraite, accélération du remboursement par
l'Etat de sa dette intérieure, gel de privatisations source de
licenciements massifs, regain des recrutements de jeunes diplômés
dans la fonction publique...
Les relations essentielles entre les décisions des
gouvernants et les événements à la fois économiques
et politiques ont fait l'objet de quelques études dans les pays
Africains.
C'est ainsi que Morisson, Lafay, et Dessus (1993) en se
penchant sur un échantillon de 23 pays africains (Afrique du Nord et
Afrique Sub-Saharienne) et parmi lesquels le Cameroun, relèvent le
caractère opportuniste des mesures prises par les gouvernants. Ils
établissent que dans ces pays, les décideurs politiques mettent
sur pied des politiques économiques populaires (libéralisation)
à la veille des élections (la hausse des salaires de la fonction
publique, la hausse des prix des cultures de rente aux planteurs, la
construction des routes....). Les mois suivants les échéances
électorales sont la période par excellence de la mise sur pied de
ces gouvernants une fois élus des politiques impopulaires
(répression) car très rudes ( les coupures dans les subventions
en produits alimentaires, les augmentations d'impôts sur les biens de
consommation, les privatisations d'entreprises publiques ou parapubliques, de
forte réductions des taux de protections douanières qui frappent
les revenues ou menacent les emplois des groupes biens organisés...).
Toutes ces variations des comportements des gouvernants rejoint l'idée
de l'existence des cycles politico-économiques marqués par une
phase d'expansion avant les élections suivie après d'un
inévitable refroidissement de l'activité voire d'une
récession (Mac Rae; 1977). Abondant dans le même sens, Sipa
(2001), décrit la période préélectorale
comme « le moment où la marmite est pleine, ces
différentes mesures peuvent être analysées comme une
injection directe de la monnaie dans le circuit économique national. Et
cette injection a pendant quelques temps des effets bénéfiques
induits (directs ou indirects) sur la production et la croissance du pays
(emplois, revenu, réinvestissement...) ».
La situation au Cameroun ne diffère pas tellement de
celle des autres pays africains au sud du Sahara. Aussi observe-t-on
généralement des comportements des gouvernants à la veille
des élections qui tendent à prendre des mesures incitatives et
favorables aux yeux de l'opinion dans un but de se maintenir au pouvoir.
Fouda (1997) dans une tentative d'analyse des interactions entre la
politique et l'économie au Cameroun sur la période 1960-1992
à la lumière du cycle politico monétaire, aboutit à
des résultats intéressants. En effet, il trouve que pour les
différentes élections (présidentielles et
législatives) on observe une hausse des disponibilités
monétaires six à huit mois en moyenne avant chaque
élection. Et de manière plus précise, il apparaît
que ce mouvement de hausse s'amorce huit mois avant l'élection et
culmine cinq à six mois avant celle-ci. L'on assiste ensuite à un
déclin progressif des mêmes disponibilités
monétaires au fur et à mesure que l'on s'éloigne des
élections. Ceci est relatif à l'hypothèse que toute action
des pouvoirs publics à des fins électoralistes, que ce soit
à travers la manipulation des instruments de politique monétaire,
l'augmentation des salaires nominaux, des prix des produits agricoles
d'exportation, et/ ou des injections des revenus pétroliers dans
l'économie, se répercutent sur les disponibilités
monétaires. Par ailleurs, dans le cadre d'une étude menée
sur 23 pays africains (dont le Cameroun) sur la période 1980-1990 par
Morrisson, Lafay et Dessus (1993), il apparaît que les hommes politiques
adoptent des comportements opportunistes à l'approche de chaque
élection (présidentielle, municipale ou législative) dans
le but non seulement de leur propre réélection, mais
également dans celui de satisfaire les principaux bailleurs de fonds
notamment le FMI et la Banque Mondiale.
L'on peut remarquer que, pour atteindre leur objectifs de
manipulation de la politique budgétaire en fonction de l'agenda
électoral les gouvernant Africains en général et
Camerounais en particulier doivent intégrer le caractère
irrationnel de l'électeur Africains.
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