I.2.2 : L'IRRATIONALITE DES ELECTEURS ET UN CADRE
INSTITUTIONEL PARTICULIER
Si l'on peut observer que les mesures prises avant les
élections par les tenants du pouvoir au Cameroun laissent entrevoir une
soumission à certains facteurs externes (influence des bailleurs de
fonds, coûts des matières premières...), l'on peut
également remarquer que même lorsque ces choix sont
effectués par des gouvernants eux-mêmes. Les citoyens usent des
profits immédiats qu'ils en tirent pour résoudre les
problèmes précédemment accumulés pendant de long
mois voire plusieurs années (remboursement des dettes aux
créanciers invariablement suivie par de nouveaux emprunts,
réalisation des soins médicaux longtemps
différés...) et non pour réinvestir. Ce qui les
ramènent rapidement à la situation de précarité
initiale et rend illusoire la perspective de stimulation artificielle
même temporaire des économies nationales que visent ces choix de
politique économique. Un tel état des choses révèle
l'irrationalité des électeurs africains en général
et camerounais en particulier. Toutefois, comme le pense si bien Engueleguele
(2002) « l'inopérabilité des théories
macro-économiques pour formaliser la rationalité des
électeurs africains ne doit pas conduire à conclure qu'il n'est
pas utilitariste ou peu sensible à la conjoncture économique.
Elle confirme au contraire que cette rationalité ne saurait être
construite de façon arbitraire par transposition
décontextualisée de paradigme élaboré ailleurs ou
étroit, mais que sa conceptualisation doit plutôt résulter
de l'observation empirique des pratiques de cet électeur ».
Morisson, Lafay et Dessus (1993) pensent d'ailleurs à cet effet que pour
un accroissement même temporaire du revenu, les électeurs le
considèrent comme un motif de contentement. Et donc ces mesures ne
permettent pas à ceux qui les initient d'atteindre leurs objectifs car
entraînant des effets pervers.
Par ailleurs, à l'inopérabilité
éventuelle des théories macroéconomiques pour formaliser
la rationalité des électeurs Africains, l'on peut ajouter que
« les gouvernements des pays en développement exercent le
pouvoir dans un cadre institutionnel différent de celui des pays
développés et sont soumis à de multiples contraintes
propres à ces pays » (Morisson, Lafay, Dessus, 1993).
Ainsi, les multiples régimes autocratiques ou quasi autocratiques qui
ont jonché les pays africains pendant de nombreuses années ne
permettaient pas la tenue d'élections libres et équitables comme
cela est le cas dans les pays industrialisés.
Il apparaîtrait trompeur de penser que l'étude
d'un cycle politico-économique au Cameroun ne peut bien se faire
qu'à partir du moment où le pays s'est ouvert au courant
démocratique des années 1990 ; période à
partir de laquelle les enjeux électoraux devenaient de plus en plus
nombreux et diversifiés du fait de l'existence d'une opposition et de
l'agrandissement du paysage politique avec la présence de nombreux
partis politiques. En effet, « ...même dans un régime de
parti unique ou même autocratique, les gouvernants ont sinon un souci de
réélection, du moins un souci de popularité. Il est
possible qu'un tel souci a pu animé les gouvernants successifs du
Cameroun pendant la période antérieure à l'ouverture
démocratique » Fouda (1997).
En somme, l'observation des comportements des gouvernants au
sein des pays en développement en général et au Cameroun
en particulier, laisse entrevoir une réelle volonté de
manipulation des données économiques aux fins
électoralistes ; que ce soit dans un souci d'être
réélu ou celui de « soigner leur image de marque
à la fois auprès des partenaires occidentaux du pays, des
organisations financières internationales (FMI, Banque Mondiale) et des
organismes internationaux des droits de l'homme » (Fouda 1997).
Cependant ces choix ce font dans un cadre institutionnel particulier aux pays
dans la mesure où sur près de 45 ans d'indépendance le
processus de démocratisation ne court que depuis 15 ans et
n'épouse pas encore en totalité toutes les attentes en
matière de démocratie. De plus le caractère
aléatoire qui entoure la nature de l'électeur africain qui est
difficile à fidéliser plonge les gouvernants dans une incertitude
quant aux gains à tirer des mesures budgétaires qu'ils mettent en
place à la veille des élections. Ce qui rend encore plus
intéressant l'étude du comportement du budget au Cameroun
à l'aune des élections dont l'une des étapes passe par
l'analyse statistique des données budgétaires par rapport
à l'agenda électoral
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