I.1.2 INFRACTION ET
INSUFFISANCE DES REGLES
Les expériences existantes
de cycles politico-économiques en général et
budgétaires en particulier dans les pays occidentaux
révèlent une infraction récurrente des règles
économiques prescrites. Dès lors, un encadrement des
décisions des gouvernants à travers des règles semble de
plus en plus prônée. Pour Niskanen (1992) les nombreuses
infractions commises par le gouvernement fédéral sur la loi
fiscale américaine (accroissement considérable des
dépenses et de l'endettement fédéral) nécessite un
nouvel ensemble de règles pour une constitution fiscale plus explicite
et plus contraignante que le simple vote dans la législation courante.
En effet, lors des 140 premières années de
l'histoire américaine, le budget était contraint par deux
règles fiscales contenues dans la constitution. L'une
était relative à des limites formelles sur les dépenses
des dirigeants. L'autre stipulait que le gouvernement devrait emprunter
seulement pendant les récessions. Ce qui fait qu' à la fin des
années 1920, les dépenses fédérales ne
représentaient que 2,6% du PIB, et la plupart étaient relatives
aux dépenses militaires. Par ailleurs la dette fédérale
représentait 16% du PIB. Mais l'on a assisté ensuite à une
violation récurrente de ces règles. Les dépenses
fédérales dépassent donéravant 20% du PIB et ne
concernent plus uniquement les dépenses militaires, mais font
également part belle à d'autres dépenses telles que le
paiement de transferts, etc entraînant un plus grand déficit et
une augmentation de la dette fédérale. La conséquence
immédiate est qu'au fil du temps, la violation des règles
budgétaires originelles a conduit à la transformation de ces
dernières. Dès lors, « le congrès et le
président peuvent autoriser n'importe quel type de quantité de
dépense et de taxes, soumises seulement aux règles de vote par la
législation courante » (Niskanen ; 1992).
Plus récemment aux USA, les objectifs de déficit
fixés dans la loi de 1985 sur l'équilibre et le contrôle
d'urgence du déficit (loi Gramm-Rudman) ont été largement
dépassés. Dans ce contexte, la loi de mise en oeuvre du budget de
1990 (Budget Enforcement Act) à instituer des plafonds pour les
dépenses discrétionnaires (couvrant la quasi-totalité des
dépenses de défense, les salaires et les autres dépenses
de fonctionnement gouvernementales, ainsi que beaucoup de programmes de
subventions)
Ceci vient confirmer non seulement la volonté des
gouvernants à manipuler à leur guise les variables
budgétaires mais, remet surtout en cause la qualité coercitive de
la nouvelle loi basée sur la majorité au Congrès. Car en
effet, cette nouvelle disposition ne fait suffisamment pas pression sur les
décisions qui affectent les dépenses fiscales, les taxes et les
emprunts aux USA. La nécessité de nouvelles règles fixes
et plus contraignantes semble donc s'imposer pour faire face au laxisme des
dirigeants.
Le constitutionnalisme économique trouve
également une place favorable dans le cadre de l'Union
Européenne. En effet, au début des années 1990 les dettes
publiques et les soldes budgétaires accusaient des variations
considérables d'un Etat membre à l'autre et il en était de
même des taux d'intérêt. Le traité de Maastricht et
le Pacte de stabilité et de croissance institué en 1997
établissent les conditions nécessaires à la
préservation de la discipline budgétaire dans le cadre de la
monnaie unique. Ce traité fixe le seuil du déficit pour
l'entrée en Union monétaire à 3% du PIB, ce qui permet une
convergence à long terme de la dette aux alentours de 60% du PIB. Le
pacte qui a introduit de possibles pénalités financières
pour le non respect du plafond de déficit, exige aussi que les positions
budgétaires soient « proches de l'équilibre »
ou excédentaires à moyen terme, ce qui conduirait
asymptotiquement à une dette nulle. En outre, des effets externes ou des
débordements comme le creusement du déficit budgétaire de
l'un des membres de l'Union Monétaire entraîne une augmentation du
taux d'intérêt réel de long terme que tous les
gouvernements doivent acquitter sur leur dette publique ainsi qu'une
dépréciation de l'Euro.
L'analyse classique des externalités nous enseigne
qu'il est possible grâce à la mise en place d'institutions
favorisant la coopération d'une part, empêchant ou rendant
coûteuse des stratégies opportunistes d'autres part, d'atteindre
des équilibres plus favorables au sens de Pareto. Ainsi face aux effets
de débordement négatifs des règles telles que des
règles budgétaires adoptées dans l'Union Monétaire
Européenne pénalisent donc les pays incriminés. Toujours
dans le cas de l'UME, l'accent mis sur les risques que présenteraient
les stratégies individuelles nuisibles c'est à dire celles qui
engendre les effets de débordement négatifs a conduit à
mettre en place presque exclusivement des institutions visant à
empêcher les membres de nuire.
Ainsi donc, le constitutionnalisme a facilité
l'intégration régionale en Europe occidentale en consacrant dans
chaque pays la notion d'un Etat limité dont la volonté pourrait
être assujettie à une autorité supranationale dans les
domaines spécifiques d'intervention. Au total, une normalisation des
décisions économiques semble justifiées autant pour un
pays (USA) que dans le cadre d'une communauté économique voire
monétaire comme l'Union Européenne, pour faire face aux
violations récurrentes des règles économiques par les
décideurs publiques.
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