II- DECISIONS PUBLIQUES AU CAMEROUN : LA NECESSITE D'UNE
NORMALISATION
L'existe au Cameroun d'un cycle politico-budgétaire
pour certaines dépenses rejoint dans une certaine mesure ce qui se passe
généralement dans les pays occidentaux, c'est à dire que
les dirigeants politiques prennent des décisions au gré de leur
volonté. En effet, pendant l'année de l'élection, des
hommes politiques lorsqu'ils veulent agir dans le sens de leur
intérêt manipulent des variables budgétaires telles que les
dépenses totales, les paiements de la sécurité sociale,
les dépenses du secteur agricole, les transferts (Blais et Nadeau ;
1992). Au Cameroun, nous avons pu établir que ce sont les
dépenses et recettes qui ont une importance capitale aux yeux des
électeurs qui sont manipulés.
Ce type de comportement suscite le désir de leur
appliquer des règles intangibles en matière de politique
économique en général et, budgétaire en
particulier. Ceci à cause de la violation récurrente et
l'insuffisance des normes déjà existantes d'une part et, d'autre
part, à cause de l'inefficacité même des décisions
publiques au cameroun. Toutefois, si ces règles doivent être
coersitives, elles doivent intégrées les particularités
Camerounaises et donc être adaptées à l'objectif de
développement économique du pays.
I.1- VIOLATION RECURRENTE ET INSUFFISANCE DES REGLES
EXISTANTES AU CAMEROUN
La variation de certaines dépenses et recettes
budgétaires au Cameroun nous conduit à établir un cycle
politico-bugétaire. Il apparaît que :
- Pour les dépenses d'éducation, on observe de
fortes variations des dépenses d'éducation lors des exercices
correspondant avec la période électorale. Ces dépenses ont
tendance à augmenter en période électorale et diminuer en
milieu de mandat électoral. L'on peut noter par exemple un fort
accroissement de plus de 60% de ces dépenses lors de l'exercice 72/73
(élection législative de mai) et une forte diminution de
près de 20% l'année d'après.
- Pour les dépenses de santé et affaires
sociales, la quasi majorité des exercices budgétaires
coïncidant avec les échéances électorales connaissent
une variation positive de ce type de dépense. . A titre d'exemple pour
les exercices 74/75, 79/80, 96/97 on a des augmentations de l'ordre de 13%,
38%, 25% respectivement. Par contre, les exercices hors mandat électoral
constituent des périodes de diminution des deux types de dépenses
(diminution de moins de 10% en 76/77).
- Pour les dépenses de travail et de prévoyance
sociale, lors de la plupart des exercices précédent ou
coïncidant avec une élection, on observe une augmentation de ces
dépenses au détriment des autres exercices budgétaires se
situant après ou en milieu de mandat. A titre d'exemple, les exercices
84/85, 91/92, 92/93, 96/97 et 97/98 connaissent une variation positive des
dépenses, alors que les exercices tels que 78/79, 90/91, et 95/96 (une
baisse de près de 10%) connaissent des variations négatives
puisque ce sont des exercices hors mandats électoraux
- Pour ce qui est des recettes fiscales, entre l'exercice
88/89 et l'exercice 92/93, on observe une diminution de Près de 50%. De
même entre l'exercice 95/96 et l'exercice 96/97, on a une diminution de
près de 10% par contre, l'exercice 84/85 connaît un pic
d'augmentation de plus de 60% car on se trouve ici juste après une
échéance électorale.
Ce qui donne lieu à un non respect des engagements que
prennent les politiciens auprès des électeurs à la veille
des élections. De plus, une augmentation des dépenses publiques
ou une diminution des recettes budgétaires à l'approche des
élections sans fondement économique, fait supporter de divers
coûts. Parmi ceux-ci, l'on peut relever un possible accroissement du
déficit budgétaire financer à court terme par un
endettement supplémentaire de l'Etat dû à un non respect de
paiement de la dette en cours ou encore à un relèvement des taxes
et des impôts après les élections.
L'accroissement du déficit public et celui de la dette
publique qu'a connu le Cameroun au plus fort de la crise économique,
c'est à dire la période 1986 jusqu'à 1994, ne se justifie
pas seulement par la baisse des cours des principales matières
premières et la dépréciation du dollar. En effet, des
rigidités sociales et politiques dont certaines persistent encore
actuellement à un moindre degré, peuvent expliquer les
difficultés rencontrées par un gouvernement politiquement
contesté pour mettre en oeuvre l'ensemble des reformes
préconisées, notamment celles ayant un coût social
élevé.
Par exemple, les prix officiels aux producteurs de cacao,
n'ont pu être diminués que lors de la campagne 1989/90, soit deux
ans après la chute des cours. La masse salariale de la fonction publique
n'a été réduite qu'en 1993(de 4 à 20% en Janvier et
de 50% en Novembre), lorsqu'il s'est avéré que le budget de
l'Etat ne pourrait plus régler les échéances de la dette
aux bailleurs de fonds multilatéraux. De même, en ce qui concerne
l'emploi, on a continué d'augmenter les effectifs de l'administration
publique entre 1985/86 et 1991/92(exercices précédent les
élections) en recrutant de jeunes diplômés (ce qui avec 10%
d'effectif supplémentaire en faisait le seul secteur en croissance) et
on a préféré réduire le traitement des
fonctionnaires plus tôt que les effectifs.
Une telle absence de discipline dans la gestion publique a
occasionné la suspension du Cameroun des PAS des institutions de Bretton
Woods en 1992 d'une part, et d'autre part les Etats-Unis et l'Allemagne ont
interrompu leur aide. Si les accords que le Cameroun passe avec les bailleurs
de fonds internationaux comportent des sanctions en cas de leur non respect,
ceci n'est pas le cas sur le plan interne. En effet, comme dans bon nombre de
pays au monde, il n'existe pas au Cameroun de règles fixes suffisamment
explicites et contraignantes pour les gouvernements
L'insuffisance de la règle budgétaire, plus
connue sous le nom de loi de finances réside entre autre dans la
manière dont elle est votée ou adoptée au niveau de
l'Assemblé nationale. Car, bien qu'elle soit soumise au vote des
députés, contrairement aux USA ou l'on a besoin de deux tiers des
membres du Congrès pour adopter les textes, au Cameroun l'alinéa
1 de l'article 19 de la constitution établit que «
L'Assemblée Nationale adopte des lois à la majorité simple
des députés ». Ceci donne libre cours à
l'adoption du budget conforme aux désirs des gouvernements en place,
pour peu que la majorité simple des députés de
l'Assemblée Nationale soit constituée en totalité par des
membres du parti politique au pouvoir. Même si l'unanimité de
l'hémicycle était requise pour l'adoption des lois, certes la
marge de manoeuvre serait plus réduite mais l'on peut toujours imaginer
une situation ou, l'Assemblée Nationale soit constitué en
totalité des députés d'un même parti. A cet effet,
la règle de la majorité ne limite pas suffisamment l'action
gouvernementale sur les questions budgétaires.
En plus de la violation récurrente et de
l'insuffisance des normes économiques actuelles au Cameroun, l'on peut
également remettre en cause l'efficacité même des
décisions des gouvernements au Cameroun. La manipulation de certaines
données budgétaires peu constituer une décision
inefficace, car si pour former leur anticipation, les entreprises et les
ménages utilisent au mieux l'information, le système
économique Camerounais peut atteindre spontanément un état
de plein emploi des ressources. Ce qui rendrait donc par exemple improductive
la politique d'augmentation des dépenses d'éducation, de
santé, d'emploi et de prévoyance sociale, ou encore une
diminution des recettes fiscales à l'approche des échanges
électorales au Cameroun. Ceci découlant du fait que les agents
privés au Cameroun peuvent effectuer des prévisions bien
informées des évènements futurs en s'appuyant sur une
connaissance pertinente des rouages des l'économie Camerounaise.
Dès lors que l'on considère qu'ils peuvent anticiper le
comportement du gouvernement, les actions publiques ne sont pas temporellement
cohérentes. Ils peuvent ainsi envisager que le décideur public
est porté à enfreindre ses engagements et réviser en
conséquence leurs décisions. D'où la
nécessité d'adoption des règles fixes telle que la
règle de maîtrise du déficit budgétaire pour faire
face aux violations et à l'inefficacité des règles
existantes.
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