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Réflexions critiques sur le système de prévention des difficultés des entreprises OHADA

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par Eric Aristide MOHO FOPA
Université de Dschang-Cameroun - DEA 2007
  

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PARAGRAPHE II : SUR LE PLAN EXTERNE : RECONNAISSANCE D'UN DROIT DE DETECTION AUX AUTORITES JUDICIAIRES.

Le système de prévention des difficultés des entreprises OHADA n'est pas favorable à l'intervention des organes extérieurs à l'entreprise. Le législateur OHADA semble ainsi faire sienne la tradition du droit français des sociétés qui n'admettait pas un contrôle externe de la gestion96(*). Pourtant, le droit des sociétés est en pleine évolution et il serait temps pour le législateur de prendre conscience de la nécessité d'un accroissement de l'interventionnisme économique afin de favoriser la prévention des difficultés. Pour ce faire, il sera nécessaire de confier à certaines conditions un pouvoir de détection aux autorités judiciaires que sont notamment le président du tribunal compétent (A) et le ministère public (B).

A- L'alerte par le Président du Tribunal compétent.

Le président du tribunal compétent en matière commerciale doit pouvoir jouer un rôle important et essentiel en matière d'alerte. Il pourra à cet effet intervenir lorsque l'entreprise connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l'exploitation. Il pourra être renseigné de cet état de choses par divers organes de la société. Il s'agira par exemple des dirigeants de l'entreprise eux-mêmes qui portent à sa connaissance des difficultés auxquelles ils sont confrontés. De même, les commissaires aux comptes qui constatent l'échec de l'alerte qu'ils ont engagé pourront également faire part de cette situation au juge compétent pour l'amener à user de son autorité à l'encontre des dirigeants. Il pourra dans la même logique être informé par le greffe de sa juridiction qui met à sa disposition des informations relatives aux difficultés des entreprises dont il a connaissance. Le greffier devra lui signaler des injonctions de payer récurrentes, les inscriptions massives des privilèges du trésor et des sûretés, le non dépôt des comptes annuels etc.

Pour bien mener à bien sa mission, le président pourra lui-même organiser un réseau d'information au sein de sa juridiction en prenant en compte des réalités locales. Mais le législateur devra aussi s'investir dans cette tâche en réunissant autour du président du tribunal l'ensemble des acteurs de la prévention notamment les banques et établissements de crédit, les commissaires aux comptes, les associés et même les créanciers, chacun apportant à son niveau le plus grand nombre d'informations sur les entreprises. Par la suite, les informations recueillies, après avoir été soigneusement recoupées, permettront au Président du Tribunal de faire convoquer les entreprises concernées dans le strict respect de la confidentialité. La convocation des dirigeants aura pour but de rechercher les mesures propres à redresser la situation. L'alerte aura ici pour but une concertation entre le président et les dirigeants afin de parvenir à un sauvetage de l'entreprise. Le président n'aura aucun pouvoir de contrainte, mais seulement un rôle d'information et de mise en garde97(*). Néanmoins, il est évident que le succès d'une telle opération dépendra de son « charisme », de son autorité ou de son influence98(*).

Pour l'essentiel donc, le président n'agira pas en qualité d'organe juridictionnel mais en tant que conseiller capable d'apporter son aide ou son arbitrage aux entreprises en période difficile. Les représentants du ministère public par contre pourront agir avec beaucoup plus d'autorité.

B- La détection des difficultés par le ministère public.

En matière commerciale, l'intervention du ministère public est rare99(*). Pour ce qui est du contrôle des sociétés, le ministère public joue un rôle très important en tant que gardien de l'ordre public économique. Ses actions à caractère pénal sont en fait très efficaces au maintien du bon ordre économique. En matière de procédures collectives, les pouvoirs du ministère public ont connu une profonde évolution avec l'AUPCAP. Désormais, il intervient pour exercer des compétences qui lui sont propres. C'est le cas en matière de redressement judiciaire et de liquidation des biens. Ici, à côté de son pouvoir de supervision des opérations engagées, certaines actions spécifiques lui sont reconnues.100(*)

Mais son rôle en matière de détection est inexistant. Pourtant, il est évident que compte tenu des missions qu'il est appelé à remplir, les représentants du ministère public peuvent être mis au courant des difficultés que connaît les entreprises. Ses représentants sont ainsi régulièrement informés à la suite des plaintes d'actionnaires, des créanciers ou à la suite des faits portés à leur connaissance par les commissaires aux comptes101(*). Ainsi, ils pourront aisément, sur la base de ces informations, attirer l'attention des dirigeants sur l'état des difficultés réelles ou potentielles de leur entreprise.

En décidant de mettre le ministère public à l'écart de la prévention, le législateur OHADA limite de réelles possibilités de performances de cette procédure.. En effet, étant donné que les procédés de contrôle de l'entreprise ont été limités sur le plan interne, le ministère public en tant que garant de l'ordre public et de l'intérêt général pourra bien se voir conférer un pouvoir de détection. Ce ci ne sera qu'une logique dans la mesure où depuis longtemps la sauvegarde des entreprises et le maintien de l'activité et de l'emploi, et l'apurement du passif intéressent les pouvoirs publics en raison de leur impact sur d'autres entreprises et sur l'ensemble de l'économie.

Le pouvoir de détection des autorités judiciaires aura le privilège de pallier les nombreuses incohérences et inadaptations de la prévention -détection organisée par le législateur OHADA. En fait, ce système de prévention favorise les grosses structures économiques au détriment des petites entreprises qui pullulent pourtant en Afrique. Or, ces entreprises ne peuvent ni se doter des commissaires aux comptes, ni fournir de possibilités d'alerte efficaces provenant des associés. Elles se singularisent presque toujours par leur caractère unipersonnel et leurs dirigeants présentent le plus souvent un déficit criard en matière de gestion d'entreprise.102(*)

Tous ces constats rendent la prévention-détection purement illusoire dans ces sociétés, nombre de celles-ci passent une grande partie de leur vie dans les difficultés prévisibles sans qu'aucune mesure ne soit concrètement prise en leur faveur. C'est la raison pour laquelle le secteur informel est le plus instable et le plus incertain en Afrique malgré son importance. Face à ces limites, l'exercice de la prévention par le juge, et surtout par le ministère public pourra favoriser un contrôle salutaire des petites et moyennes entreprises en zone OHADA.

* 96 Voir SAINT-ALARY-HOUIN (C), Op. Cit., p. 97.

* 97 C'est le cas actuellement en France. Voir GUYON (Y), Droit des affaires T2 préc., p. 64.

* 98 Voir SAINT-HALARY-HOUIN (C). Op. Cit., p.101.

* 99 Au Cameroun, la présence d'un représentant du ministère public lors des audiences commerciales est purement facultative. En France, l'intervention du ministère public devant le tribunal de commerce est récente. Elle remonte à la loi du 10 juillet 1970.

* 100 Plusieurs cas de saisine d'office par le tribunal ne seront possibles que sur la base des informations fournies par le ministère public. Cf Art. 29 AUPCAP. De même, il est appelé à initier certaines voies de recours en cas de besoin ; Cf Art. 222 de l'AUPCAP.

* 101 Cf Art. 716 AUDSCGIE.

* 102 Ils n'ont en général aucune connaissance des textes organisant le fonctionnement et le contrôle des sociétés.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand