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Réflexions critiques sur le système de prévention des difficultés des entreprises OHADA

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par Eric Aristide MOHO FOPA
Université de Dschang-Cameroun - DEA 2007
  

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PARAGRAPHE II : UNE DISTINCTION MALAISEE PAR RAPPORT A LA CESSATION DES PAIEMENTS.

La frontière entre la prévention et le traitement des difficultés des entreprises est actuellement la cessation des paiements. L'entreprise, pour bénéficier du règlement préventif, ne doit pas se trouver en cessation des paiements. C'est justement cet état de cessation des paiements que le recours à cette procédure est destiné à éviter121(*). Mais, il est à redouter que l'imprécision de son critère de mise en oeuvre ne le rende incapable de jouer pleinement ce rôle, surtout que les limites ne sont pas étanches entre le critère de l'article 2 al. 1 et la cessation des paiements.

L'article 25 de l'AUPCAP donne une définition de la cessation des paiements en précisant que l'entreprise concernée doit être dans « l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ». Originairement donnée par la chambre commerciale de la Cour de cassation française122(*), cette définition n'est pas facile à cerner car elle évoque deux notions assez délicates à l'entendement : l'actif disponible et le passif exigible. L'importante jurisprudence combinée aux récents débats doctrinaux en la matière en France l'attestent assurément123(*).

Le passif exigible correspond au passif échu, c'est-à-dire le passif qui n'a pas été payé, alors qu'il aurait dû l'être124(*).

L'actif disponible quant à lui renvoie aux sommes dont l'entreprise peut disposer immédiatement soit parce qu'elles sont liquides, soit parce que leur conversion est possible à tout moment. Il s'agit plus précisément de la trésorerie de l'entreprise125(*).

Le débiteur doit cependant être dans l'impossibilité de « faire face » avec l'actif disponible au passif exigible. Ce qui peut se traduire par l'arrêt de service de caisse, l'émission des chèques sans provision ou même l'utilisation des moyens ruineux ou frauduleux par le débiteur pour faire face à ses échéances126(*).

Dans l'ensemble, les éléments constitutifs de la cessation des paiements et de la « situation difficile mais non irrémédiablement compromise » peuvent être les mêmes avec cependant une différence de degré ou d'appréciation. A la vérité, la cessation des paiements n'est pas toujours synonyme de situation irrémédiablement compromise. Dans certains cas de cessation des paiements en effet, l'entreprise peut encore être sauvée. Il appartiendra au juge de décider de l'avenir de la société en analysant son degré de difficultés. Ainsi, si la cessation des paiements est avérée sans que pour autant tout espoir ne soit perdu, le juge prononcera le redressement judiciaire. Dans le cas contraire, c'est la liquidation des biens qui sera prononcée. C'est dire qu'en définitive, une situation irrémédiablement compromise est un état de cessation des paiements profond et irréversible. En somme, on peut penser que la situation difficile non irrémédiablement compromise pourra dans certains cas se traduire par une cessation des paiements partielle. Ainsi, dans une affaire soumise à son jugement, le Tribunal de grande instance de Ouagadougou (Burkina Faso) a refusé de déclarer une société en cessation des paiements malgré le fait qu'elle n'était plus en mesure de payer certains de ses créanciers127(*).

Le législateur français semble avoir pris en compte cette considération en prévoyant dans la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, entrée en vigueur le 1er janvier 2006, la possibilité d'ouverture de la procédure de conciliation au profit d'un débiteur en cessation des paiements, mais pas depuis plus de 45 jours. Dès lors, on peut valablement s'accorder avec la doctrine qui estime que la situation financière difficile est une cessation des paiements virtuelle128(*).

La situation difficile non irrémédiablement compromise est donc définie négativement par rapport à la cessation des paiements par le législateur OHADA. Cette orientation ouvre la voie aux risques graves de confusion, d'erreurs et de conflits d'appréciation pouvant aboutir au prononcé de la cessation des paiements alors que l'entreprise peut encore être sauvée. Inversement, on pourra décider du règlement préventif alors que la cessation des paiements est réellement avérée. Cette situation est susceptible d'avoir des conséquences désastreuses quand on sait que tout doute sur les comptes d'une entreprise peut lui être fatal129(*).

Ces imprécisions sont très souvent à l'origine des divergences de vue entre le débiteur et ses créanciers. Le premier, soucieux de son redressement, opte volontiers pour le règlement préventif alors que les créanciers seront plus favorables à la liquidation des biens, mieux à même de leur assurer un désintéressement immédiat. Dans l'affaire société BOULANGERIE 2000 précitée, tous les principaux créanciers déclaraient l'entreprise en cessation des paiements et exigeaient sa liquidation. Le débiteur quant à lui, en demandant le bénéfice du règlement préventif, s'efforçait de démontrer que sa situation bien que difficile était loin de se confondre avec la cessation des paiements. Il revint donc au juge de trancher la question130(*).

A l'évidence, les choses ne sont pas suffisamment claires dans un domaine où le salut exige une précision d'analyse. Malgré l'intervention de l'article 15 de l'AUPCAP qui impose au juge de prononcer « d'office et à tout moment le redressement judiciaire ou la liquidation des biens», il reste encore très possible de voir le règlement préventif conforter les abus de certains débiteurs qui tentent d'échapper au moins momentanément aux procédures collectives les plus graves. Un réaménagement du critère d'ouverture de cette procédure préventive est donc à souhaiter.

* 121 Cf Art. 2 AUPCAP.

* 122Voir Cass. Com, 14 février 1978, info, note Honorat, cité par GUYON préc. P. 130.

* 123 Voir ROUSSEL-GALLE (Ph), Op. Cit., p. 15 ; TEBOUL (G)., « la cessation des paiements : une décision ne varietur ? » in Jurisprudence commerciale, Entreprises en difficultés : nouvel essai préc. P18 et Sv.

* 124 Voir POUGOUE (PG) et KALIEU (Y). Op. Cit., p. 20 ; GUYON (Y), Droit des affaires T2 préc., p. 131 et 132.

* 125 Voir POUGOUE (PG) et KALIEU (Y), Op. Cit., p. 21.

* 126 Il s'agit par exemple des emprunts onéreux, des ventes à perte. La cessation des paiements peut même être constatée alors même qu'une seule dette échue est impayée, voir Cass. Com. 7décembre 1983 d. 1984, inf. Rap., 260, obs. A. Honorat ; Cass. Com., 8 mars 1994 Dr. Stés, mai 1994, N° 90, obs. CHAPUT (Y), cités par JEANTIN (M), préc. P. 366.

* 127 Voir TGI de Ouagadougou (BF), Jgt N° 286 du 03 novembre 2004, requête de la société BOULANGERIE 2000 aux fins de règlement préventif, Ohadata J-05-233, http://www.ohada.com

* 128 Cf DERRIDA (F), « Les dangers de la faillite pour la pratique notariale » cité par NGUIHE KANTE, thèse préc. P.122.

* 129 Certaines grandes affaires de ces dernières années ayant défrayé la chronique sur la scène internationale nous fournissent des illustrations patentes notamment les affaires VIVENDI, PARMALAT, ADECCO, WORLDCOM. Voir en ce sens TEBOUL (G) Op. Cit., p. 17.

* 130 En l'espèce, malgré le rejet du concordat, le TGI refusa de déclarer le débiteur en cessation des paiements au détriment de ses créanciers. Voir dans le même sens l'affaire PRES c/ EURAFRICAINES D'INDUSTRIES précitée.

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