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Réflexions critiques sur le système de prévention des difficultés des entreprises OHADA

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par Eric Aristide MOHO FOPA
Université de Dschang-Cameroun - DEA 2007
  

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PARAGRAPHE III : POUR UN REAMENAGEMENT DU CRITERE D'OUVERTURE.

Pour que le règlement préventif ait un rendement plus satisfaisant, il est nécessaire qu'à sa base, sa mise en oeuvre soit d'une aisance évidente. Ce qui ne veut pas dire que ses possibilités d'utilisation soient multipliées à l'infinie131(*), mais plutôt que le critère d'ouverture soit utilisé à bon escient. Le règlement préventif dont l'admission emporte des effets notoires sur les acteurs économiques en cause a pour seul critère d'ouverture la situation économique et financière non irrémédiablement compromise. Mais seulement, la loi n'énumère pas les éléments caractéristiques de cette situation, laissant ainsi le soin à la juridiction saisie de l'apprécier souverainement sur la base du rapport de l'expert. Cette solution peut donc, dans certains cas, générer des difficultés compte tenu du caractère souple du critère retenu. Une révision du critère est donc souhaitable et doit aller dans le sens d'une meilleure clarification. Ledit critère doit gagner en précision et surtout se démarquer de la notion de cessation des paiements à laquelle on l'oppose.

En effet, la prévention est affectée par la définition de la cessation des paiements qui l'a entachée d'insécurité132(*). Même s'il est vrai que l'esprit du législateur OHADA situe les difficultés économiques et financières à l'aube de la cessation des paiements, il n'en demeure pas moins que le règlement préventif ne sera souvent demandé que lorsque le débiteur se trouve déjà dans l'impossibilité de faire face à une partie non négligeable de son passif exigible133(*).

Au demeurant, un critère beaucoup plus clair et précis devra rationnellement guider le débiteur dans sa démarche ; il pourra dès lors l'employer utilement chaque fois que le besoin se fera sentir, surtout qu'il est le seul habilité à engager la procédure.

SECTION II : LES POUVOIRS EXORBITANTS RECONNUS AU DEBITEUR.

Le législateur a aménagé de façon assez restrictive les conditions de forme du règlement préventif en conférant tous les droits au seul débiteur. Le débiteur et lui seul est habilité à former la requête introductive d'instance (paragraphe I) et à élaborer l'offre de concordat préventif (paragraphe II).

PARAGRAPHE I : L'INTRODUCTION DE LA REQUETE EXCLUSIVEMENT PAR LE DEBITEUR

En règle générale, ni les créanciers, ni le ministère public ne peuvent demander l'ouverture du règlement préventif. Le tribunal compétent ne peut non plus se saisir d'office puisque l'acte uniforme accorde ce pouvoir au seul débiteur. Cette démarche, raisonnable à certains égards (A), présente néanmoins de nombreux inconvénients (B).

A- Les raisons.

Le recours au règlement préventif s'apparente à un acte de gestion134(*). C'est au débiteur qu'il appartient de saisir par requête le président du tribunal compétent (article 5). Cette solution peut paraître louable en ce sens où le débiteur est incontestablement le bien placé pour mieux apprécier la gravité de sa situation. En tant que commerçant personne physique ou représentant légal d'une personne morale, il est celui qui vit au jour le jour la situation réelle de l'entreprise et est par conséquent apte à décider de l'opportunité de la demande. De même, il peut facilement fournir les documents exigés à l'appui de la demande par l'article 6 de l'AUPCAP.

Par ailleurs, l'entreprise étant en mesure d'exécuter ses obligations, on ne peut pas encore lui imposer une procédure collective. Ainsi, dès qu'il le juge nécessaire, le débiteur saisit le président de la juridiction compétente par voie de requête exposant sa situation économique et financière avec les perspectives de redressement.

L'exclusion des créanciers parait fondée car la société est encore en mesure de faire face à ses obligations. Ces derniers n'ont aucun intérêt à accomplir une telle démarche qui tendrait à limiter leurs droits. Il est impensable en effet qu'ils déclenchent une procédure dont l'effet principal est de retarder, voire compromettre leurs chances d'obtenir paiement de leurs créances.

L'exclusion du tribunal et du ministère public peut s'expliquer par des difficultés d'appréciation que ceux-ci peuvent rencontrer sur le terrain. Le déclenchement du règlement préventif suppose une appréciation minutieuse et précise de la situation de l'entreprise qui ne relève nullement de la compétence des organes judiciaires. Leur laisser la possibilité de déclencher le règlement préventif entraînerait par voie de conséquence l'immixtion indésirable des autorités judiciaires dans la gestion de l'entreprise. De surcroît, elle pourrait favoriser des déclenchements très précoces ou inopportuns risquant de provoquer la faillite de l'entreprise.

L'acte uniforme confère la faculté de saisine de la juridiction compétente au débiteur sans aucune autre précision. Toutefois, la notion de débiteur doit être interprétée de manière large135(*).

Quoiqu'il en soit, cette importante prérogative accordée au débiteur ne va pas sans inconvénients.

B- Les manquements.

Le législateur OHADA en laissant l'apanage de la saisine au débiteur provoque un certain nombre de manquements ou de difficultés en la matière.

D'abord, l'acte uniforme ne contient aucune disposition qui oblige le débiteur à recourir au règlement préventif. Seul le critère très vague de l'article 2 al. 1 est retenu. Il apparaît que le débiteur est pratiquement libre d'engager la procédure ou non. La faculté qui lui est reconnue en la matière semble ne souffrir d'aucune exception. Aucun délai n'est imposé en fonction de la survenance des difficultés. Il apprécie d'ailleurs souverainement ces difficultés. Il a certes intérêt à ce que la mesure intervienne rapidement car une intervention rapide et justifiée peut s'avérer salutaire. Mais très souvent aussi, il gardera l'espoir d'une résolution de ses difficultés dans la plus grande discrétion et surtout sans attirer l'attention d'un grand nombre de personnes136(*). Le secret des affaires et l'espérance de voir du jour au lendemain la conjoncture redevenir favorable, pousseront le débiteur à hésiter quant à l'engagement d'une procédure de règlement préventif faisant intervenir le juge.

Le débiteur pourra aussi être beaucoup plus tenté par des négociations privées avec ses principaux créanciers dans le but d'obtenir des remises et des délais de paiement favorables. Pour cela, il optera volontiers pour la solution des accords amiables. Seulement, à l'analyse du droit comparé, ces accords n'ont pas obtenu le succès escompté137(*). Pratiquement, « tous les arrangements conclus par voie extra légale contribueront à isoler la justice des réalités de la vie sociale, lui réservant de préférence les affaires irrémédiablement compromises »138(*). Le risque de voir le recours du débiteur intervenir trop tard resurgit à ce niveau. Certes, l'article 197 al. 5 de l'AUPCAP frappe de faillite personnelle « la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire l'entreprise qu'à la cessation des paiements ». Mais il serait toujours abusif de faire une application systématique de cette sanction pénale du seul fait de l'absence ou du caractère tardif de la saisine du juge. Ces faits ne peuvent à eux seuls caractériser les actes visés à l'article 197, car pour fonder une sanction, un manque de diligence doit par exemple s'accompagner d'une poursuite abusive de l'exploitation139(*).

Ensuite, le déclenchement d'une procédure de règlement préventif ne pourra jamais apparaître comme la conséquence inévitable d'une procédure d'alerte. Il en est de même des questions écrites sur la situation sociale pouvant être posées par les associés. Inversement, l'absence d'alerte ne lui interdit pas de recourir à cette procédure140(*).

Enfin, le débiteur a la possibilité de produire avec la demande les documents comptables exigés à l'appui de sa demande. Ces documents doivent être datés, signés, certifiés conformes et sincères par le requérant (article 6 AUPCAP). Tous les documents exigés sont assurément pertinents, mais leur nombre élevé et la difficulté de les établir rapidement pourraient conduire à user abondamment de l'exception qui consiste en l'indication des motifs de l'absence ou du caractère incomplet de telle ou telle pièce, particulièrement pour les petites et moyennes entreprises141(*). Certains documents exigés supposent une bonne organisation et un suivi comptable permanent et sophistiqué que les petites entreprises ne sont pas toujours en mesure d'offrir. Ce sera très souvent le cas des commerçants personnes physiques et des petites sociétés familiales dont le nombre n'est pas à négliger dans l'aire géographique OHADA.

La requête introductive d'instance en matière de règlement préventif ainsi laissé à la charge du seul débiteur ne pourra recevoir une suite que si elle est accompagnée d'une offre de concordat dont l'élaboration est aussi exclusivement confiée au débiteur.

* 131 Auquel cas de nombreuses demandes non fondées risquent d'encombrer les prétoires et auront pour conséquence de jeter un peu plus de discrédit sur la procédure de règlement préventif

* 132 Cf TEBOUL (G). Op. Cit., p.34.

* 133 Voir Affaire société BOULANGERIE 2000 préc.

* 134 Les actes de gestion englobent les actes d'administration et de disposition dès lors qu'ils contribuent à la réalisation de l'objet social ; voir MERLE (Ph), Droit commercial, sociétés commerciale, 7e éd., Dalloz, 2000.

* 135 Il semble évident que le législateur vise les commerçants personnes physiques, les dirigeants de droit des personnes morales et leurs représentants. Les doutes peuvent toutefois exister pour les dirigeants de fait. Mais en analysant les articles 194, 196 et 197 AUPCAP, on remarque que ces derniers, qu'ils soient « rémunérés ou non, apparents ou occultes », encourent la faillite personnelle. Par conséquent, on peut déduire qu'ils doivent nécessairement se voir reconnaître le droit de demander l'ouverture d'une procédure de règlement préventif.

Voir en ce sens ROUSSEL-GALLE (Ph), Op. Cit., p. 17.

* 136 Ainsi, sans recourir au juge, le débiteur cherchera à négocier des délais et remises avec ses principaux créanciers.

* 137 Ces accords amiables s'étaient très vite heurtés en France à des difficultés importantes d'application et à l'hostilité de la doctrine. Ils laissaient craindre la pratique des traitements privilégiés à l'égard de certains créanciers, notamment des paiements préférentiels ou des garanties nouvelles pour des dettes antérieurement contractées. C'est pour ces raisons que l'idée du concordat amiable a été quelque peu abandonnée ; voir JEANTIN M. op. Cit., p. 271 et s.

* 138 Voir HOUIN (R), Les aspects économiques de la faillite et du règlement judiciaire, rapport de l'inspection générale des finances, T. 20, Sirey, 1970. p.

* 139 Voir ROUSSEL-GALLE (Ph), Op. Cit., p. 17.

* 140 En ce sens, ISSAH-SAYEGH (J), Présentation du projet d'acte uniforme de l'OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, du droit des sûretés et des procédure collectives d'apurement du passif, Rev. Personnes, p.204.

* 141 Voir SAWADOGO (FM). Ouvrage préc., p. 61 et Sv.

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