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Réflexions critiques sur le système de prévention des difficultés des entreprises OHADA

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par Eric Aristide MOHO FOPA
Université de Dschang-Cameroun - DEA 2007
  

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PARAGRAPHE II : L'ELABORATION DU CONCORDAT PREVENTIF PAR LE DEBITEUR.

De l'article 7 de l'AUPCAP, il ressort clairement que le débiteur doit déposer une offre de concordat à peine d'irrecevabilité de sa demande. Cette prescription traduit déjà l'importance du concordat (A) dont l'élaboration est soumise à certaines conditions, lesquelles conditions recèlent une part d'ambiguïté (B).

A- L'importance du concordat.

Le concordat est un document qui présente un plan de redressement de l'entreprise et de règlement de son passif envisagé par le débiteur. Le concordat préventif doit être clairement distingué du concordat amiable. Cette dernière notion désigne un accord passé entre le débiteur et ses créanciers au terme duquel les créanciers accordent des délais de paiements ou des remises de dettes à leur débiteur afin d'éviter la cessation des paiements ou l'ouverture d'une procédure collective. Ce concordat ne fait pas l'objet d'une homologation judiciaire. Malgré les réticences de la doctrine, il est parfaitement licite142(*). Il est d'un intérêt majeur dans le droit des procédures collectives OHADA en général et dans son volet préventif en particulier. En effet, le législateur africain a tenu à le revaloriser malgré sa disparition en France depuis la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises.

L'importance du concordat réside en ce qu'il est destiné à prévoir soit un règlement intégral des créanciers à plus ou moins longue échéance, soit un remboursement partiel immédiat des créances à défaut de combiner les deux procédés. Son fondement reste et demeure le remboursement des créanciers dans les délais les plus favorables possibles. Pour cela, le débiteur doit parvenir avec eux à des accords individuels ou collectifs, en vue d'obtenir des remises et des délais. Il est parfaitement établi que le concordat est la pierre angulaire de la procédure de règlement préventif car tout au long du déroulement de la procédure, les organes du règlement préventif s'attèleront à l'exécution du concordat proposé par le débiteur et homologué par le juge compétent.

C'est la raison pour laquelle le concordat doit être sérieux et présenter des possibilités réelles d'exécution. A défaut, le débiteur s'expose à des procédures collectives plus graves. Le juge peut en effet prononcer d'office la liquidation judiciaire lorsqu'il constate que l'offre de concordat du débiteur est irréalisable143(*).

La validité du concordat proposé par le débiteur est néanmoins soumise à certaines conditions rigoureuses et parfois entachées d'ambiguïté.

B- L'ambiguïté des conditions d'élaboration du concordat préventif.

L'essentiel des conditions d'élaboration du concordat préventif tient à son contenu (1) et au délai de son dépôt (2). Mais à l'analyse, il ressort que ces conditions sont souvent ambiguës.

1- De par le contenu.

L'offre de concordat préventif doit préciser les mesures et conditions envisagées pour le redressement de l'entreprise. L'acte uniforme en son article 7 est à cet égard d'une « redoutable précision »144(*). Il fournit avec précision des mesures ou conditions de redressement de l'entreprise qui se résument grosso modo en des mesures tendant à la continuation de l'entreprise et son assainissement d'une part et d'autre part, aux modalités et garanties du règlement de son passif145(*). On peut dès lors relever que le débiteur conçoit seul les pistes de redressement qui intéressent aussi grandement les créanciers. Ceci d'autant plus que les modalités de continuation de l'entreprise telles que les délais et remises sont demandés aux créanciers qui ne sont pas tenus de les consentir146(*). Rien ne les y oblige d'ailleurs. Ils ne le feront que de manière délibérée. Malgré les bons offices de l'expert, les créanciers peuvent se montrer réticents à concéder de telles mesures. Déjà, l'offre de concordat fournit par le débiteur aura pour effet immédiat de susciter leur méfiance. Il est à redouter qu'entre le moment où l'offre de concordat est présentée et la date prévue pour son homologation, les créanciers non interdits de poursuite soient plutôt enclins à exiger leur désintéressement par crainte d'une insolvabilité future du débiteur. Ce dernier n'ayant pas encore cessé ses paiements, pourra difficilement échapper aux paiements de ses créanciers les plus diligents.

En plus, de l'article 15 de l'AUPCAP, il ressort que, outre le respect des conditions de validité, le concordat doit respecter l'ordre public et l'intérêt collectif. Il doit également être sérieux. Malheureusement, ces deux dernières conditions manquent de précisions.

Les notions d'intérêt collectif et d'ordre public peuvent se dilater à l'extrême. Dans cette perspective, de nombreux concordats pouvant valablement aboutir à la sauvegarde de l'entreprise seront écartés parce que contraires à l'ordre public et à l'intérêt collectif. La notion d'intérêt mérite d'ailleurs d'être spécifiée, car met en commun une multitude d'intérêts contradictoires. L'intérêt principal des procédures collectives OHADA est le paiement des créanciers147(*), en contradiction avec l'intérêt de l'entreprise. Pourtant l'intérêt de l'entreprise, parce que fédérant tous les intérêts en présence, peut à juste titre être considéré comme l'intérêt collectif. Or, le concordat dépendant du bon vouloir des créanciers, ceux-ci seront portés à préserver premièrement leurs intérêts égoïstes148(*).

Par ailleurs, le concordat ne peut être homologué que s'il est sérieux. C'est au juge qu'il revient d'apprécier le caractère sérieux du concordat. Mais, sur quelles bases le juge apprécie-t-il ce caractère ? Devant le mutisme du législateur, il est évident que le juge disposera des pouvoirs d'appréciation très étendus en la matière. Il devra à cet effet s'inspirer du rapport de l'expert. Toutefois, rien ne l'oblige à se conformer à ce rapport. En somme, l'appréciation du sérieux du concordat résultera de l'intime conviction du juge. Si le concordat n'est pas sérieux, le juge pourra être amené à prononcer la liquidation des biens149(*). Cette situation ne sera pas rare en pratique, car la durée du délai exigé pour le dépôt du concordat n'est pas de nature à faciliter l'établissement d'un concordat sérieux par le débiteur.

2- De par le délai du dépôt.

L'offre de concordat doit être déposée en même temps que les documents accompagnant la requête ou au plus tard dans les trente jours qui suivent le dépôt desdits documents. A défaut, l'offre est irrecevable. La durée de ce délai150(*) parait trop brève pour permettre d'élaborer une offre sérieuse au regard des importantes questions qui doivent y être traitées151(*). Cette limitation de délai tend à réserver la procédure aux entreprises bien structurées. En ce sens, seules les sociétés les plus importantes ayant une comptabilité régulière et suffisamment transparente pourront facilement accomplir cette tâche. A l'inverse, les petites entreprises qui se multiplient dans l'aire OHADA, ne pourront jamais établir une offre de concordat dans le délai exigé. Ainsi, quand bien même le concordat interviendra, il sera très souvent dépourvu de sérieux et de précisions. Or de l'article 15 al. 2 de l'AUPCAP, il ressort que la juridiction n'homologue le concordat que si celui-ci présente des possibilités sérieuses de redressement de l'entreprise, de règlement de son passif et des garanties suffisantes d'exécution. A défaut, la juridiction sera amenée à refuser l'homologation et par conséquent annuler l'ordonnance de suspension des poursuites comme il l'a fait dans l'espèce Boulangerie 2000 précitée. Pire, conformément à l'article 15 précité, la juridiction compétente pourra d'office prononcer la liquidation des biens avec toutes les conséquences de droit152(*).

La doctrine pense qu'il aurait été judicieux d'exiger le dépôt du projet du concordat en même temps que la requête eu égard à l'absence de délai prévu à cet effet. Ainsi, la décision d'ouvrir la procédure ne sera prise qu'après le dépôt du projet de concordat153(*). Mais avec une telle solution, il est à craindre pour le débiteur lucide qui constate à temps ses difficultés. Il est toujours possible que la situation se détériore rapidement si des mesures appropriées ne sont pas prises rapidement. A cela, on peut ajouter le fait que pour nombre de dirigeants des petites et moyennes entreprises, l élaboration d'un concordat ne doit pas être aisée et pourra prendre un temps suffisamment long pour que l'entreprise sombre dans la cessation des paiements.

Dans tous les cas, il doit être conseillé au débiteur d'élaborer une offre de concordat avant d'introduire sa requête si l'état de ses difficultés le permet. La solution la plus plausible semble à notre avis être celle d'un allongement du délai en la matière. Cette solution devra permettre au débiteur de jauger à merveille les possibilités de réalisation des mesures qu'il propose. Cela aura pour effet de rehausser leur efficacité. Un tel résultat pourra aussi être obtenu si les pouvoirs de mise en oeuvre du règlement préventif sont révisés.

* 142 Cf SAWADOGO (FM), ouvrage préc., P. 45 et Sv.

* 143 Voir TGI de Ouagadougou (Burkina Faso), Jgt N°20 du 29 janvier 2003, requête de la société IFEX aux fins d'être admise au bénéfice du règlement préventif, ohadata j-04-44, http://www.ohada.com

* 144 Ce texte peut parfaitement être comparé à l'article 27 de l'AU relatif au contenu de l'offre de concordat dans le cadre du redressement judiciaire. Ces deux textes sont presque identiques.

* 145 Voir SAWADOGO (FM), ouvrage préc., p. 63 ; pour plus de détails, Cf art. 7 AUPCAP.

* 146 Voir affaire société BOULANGERIE 2000 préc. En l'espèce, tous les créanciers ayant rejeté l'offre de concordat préventif, le tribunal fut obligé d'annuler l'ordonnance de suspension des poursuites antérieurement prise.

* 147 Cf SAWADOGO (FM), ouvrage préc., p.5.

* 148 Voir affaire BOULANGERIE 2000 préc.

* 149 Voir affaire IFEX préc.

* 150 Notamment lorsque l'offre de concordat n'est pas déposée en même temps que les documents prévus à l'article.

* 151 Voir SAWADOGO (FM), Traités et Actes uniformes annotés et commentés préc., p. 885.

* 152 Voir affaire société IFEX préc.

* 153 Voir ROUSSEL-GALLE (Ph), Op. Cit., p.19.

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