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Réflexions critiques sur le système de prévention des difficultés des entreprises OHADA

( Télécharger le fichier original )
par Eric Aristide MOHO FOPA
Université de Dschang-Cameroun - DEA 2007
  

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PARAGRAPHE III : LA NECESSITE D'UNE REVISION DES POUVOIRS DE MISE EN OEUVRE DU REGLEMENT PREVENTIF.

Le règlement préventif a été conçu comme une mesure purement volontaire. C'est au débiteur qu'il appartient de solliciter son ouverture à son profit. Ce monopole s'accommode bien de la thèse qui voit dans le règlement préventif une technique contractuelle. Mais cette solution est de nature à drainer de nombreuses difficultés. Dès lors, il serait souhaitable de revoir cette situation en octroyant des possibilités de saisine aux autres organes intéressés par la procédure. Il pourra en être ainsi des créanciers (A) et des autorités judiciaires (B) qui peuvent tous à un moment donné avoir connaissance des difficultés que rencontre l'entreprise.

A- Une extension des pouvoirs de mise en oeuvre aux créanciers.

Il sera peut être bénéfique d'accorder un minimum de pouvoir aux créanciers leur permettant d'oeuvrer activement à la mise en oeuvre du règlement préventif. Ceci est d'autant plus nécessaire que les créanciers sont d'une importance capitale dans l'aboutissement de cette procédure.

En effet, une initiative exclusive du débiteur pourra se heurter à une opposition ou une résistance de leur part154(*) et dans ce cas, les chances de survie de l'entreprise n'en seront que largement compromises. Pourtant, accorder une possibilité de saisine aux créanciers aidera à résoudre bien de difficultés.

D'emblée, il convient de relever que les créanciers souffrent toujours durement lors d'une procédure collective. Si aujourd'hui le sort du dirigeant a été dissocié de celui de l'entreprise155(*), le créancier quant à lui perd toujours son argent. C'est pour cette raison que les procédures collectives modernes essaient d'établir un meilleur équilibre entre les intérêts en présence. Le règlement préventif OHADA se situe parfaitement dans cette logique. Comme le souligne l'article 2 al. 1 de l'AUPCAP, le règlement préventif vise « à éviter la cessation des paiements ou la cessation d'activités de l'entreprise et à permettre l'apurement de son passif au moyen d'un concordat préventif ».

Mais le rôle des créanciers à la base n'a pas été envisagé. Or, les créanciers pourraient mieux accepter les atteintes à leurs droits individuels s'ils sont eux même à l'origine de cette procédure, contrairement à l'hypothèse où celle-ci leur est imposée. Dans ce dernier cas, il n'est pas exclu qu'ils la considèrent comme une injustice à leur encontre.

Une participation active des créanciers à l élaboration de l'offre de concordat pourra aussi être envisagée. Elle présenterait l'avantage d'assurer une homologation certaine à cette offre. Le concordat ainsi proposé fournirait clairement les solutions de redressement et sera prêt à recevoir une exécution de la part de tous. Il serait ainsi souhaitable, pour plus de réalisme en la matière, d'offrir aux créanciers les mêmes pouvoirs que ceux qui leur sont confiés en matière d'élaboration du concordat de redressement.

Par ailleurs, les autorités judiciaires pourront aussi se voir accorder plus de pouvoirs renforçant leur rôle en matière de déclenchement du règlement préventif.

B- La reconnaissance d'un rôle prépondérant aux autorités judiciaires.

Les autorités judiciaires visées ici sont le ministère public et le tribunal ou son président.

En règle générale, le ministère public ne peut demander l'ouverture d'une procédure de règlement préventif, pas plus que le tribunal qui ne peut se saisir d'office. Cette exclusion est décevante dans la mesure où l'un comme l'autre peut avoir connaissance des difficultés de l'entreprise. Bien plus, le ministère public en tant que garant de l'intérêt général, pourrait valablement intervenir lorsqu'il a des éléments suffisants lui permettant d'établir avec certitude les difficultés de l'entreprise. Dans cette logique, il pourra tenir ses informations soit des créanciers, soit à partir des informations fournies par les organes de contrôle (associés, commissaires aux comptes).

Pourtant, « permettre au tribunal de se saisir d'office ou au ministère de le saisir suppose...une sécurité juridique accrue »156(*). La solution posée par l'article 29 et permettant à la juridiction compétente de se saisir d'office en cas de cessation des paiements peut parfaitement être transposée dans le cadre du règlement préventif. Aussi, le tribunal compétent pourra se saisir d'office sur la base des informations fournies par le représentant du ministère public, des commissaires aux comptes, les associés ou les membres des personnes morales ou les institutions représentatives du personnel qui lui indiquent les faits de nature à motiver sa décision157(*).

Par ailleurs, à s'en tenir à la lettre de l'acte uniforme, le président du tribunal compétent ne joue pas un rôle prépondérant au niveau de l'ouverture de la procédure. En effet, il semble avoir les mains liées. L'article 8 ne lui accorde aucune liberté d'appréciation en disposant que « dès le dépôt de la proposition de concordat préventif, celle-ci est transmise, sans délai, au président de la juridiction compétente qui rend une décision de suspension des poursuites individuelles ». Ledit texte semble donc exclure toute possibilité pour le président de se prononcer à cette étape sur un éventuel manque de sérieux, fusse-t-il apparent du projet de concordat. La juridiction est donc confinée à un automatisme difficilement justifiable qui risque de générer bien des abus. Enfermée dans un tel automatisme, le juge ne pourra que prononcer la suspension des poursuites individuelles même si la situation irrémédiablement compromise de l'entreprise est parfaitement visible. Les débiteurs indélicats pourront alors profiter de cette impuissance du juge pour échapper au moins momentanément aux poursuites de certains créanciers. Ces risques d'abus sont d'autant plus réels que la décision de suspension des poursuites n'est susceptible d'aucune voie de recours d'après l'article 22158(*). De tout ce qui précède, il est à se demander si le législateur n'a pas volontairement manifesté à l'égard du président de la juridiction compétente une certaine défiance.

Il aurait peut être été plus simple et plus efficace de laisser au tribunal, et non à son président le pouvoir de décider de l'ouverture du règlement préventif. Ainsi, face à une demande trop tardive ou inopportune, il pourra directement prononcer des mesures plus graves et partant plus appropriées, sans avoir à prendre des mesures dérogatoires aux droits des créanciers qui, en fin compte ne serviront à rien159(*).

En définitive, les conditions d'ouverture du règlement préventif sont dominées par le critère de la situation difficile non irrémédiablement compromise très souple à l'appréciation et par le monopole de saisine de la juridiction compétente confié au débiteur. Ces éléments réunis, conditionnent l'intervention du juge qui dispose à la phase d'ouverture des pouvoirs très limités par les textes. Pourtant, l'intervention du juge n'est pas un obstacle à l'épanouissement de la procédure. Le renforcement de ces pouvoirs en la matière n'aura pas, à notre sens, des conséquences désagréables.

Il est aussi regrettable que le législateur n'ait pas prévu des possibilités alternatives de saisine à l'actif des autres organes permettant ainsi de combler des éventuelles attitudes laxistes du débiteur.

Par conséquent, malgré les précautions prises, le règlement préventif risque d'être trop insuffisant pour éviter la cessation des paiements non seulement à cause du caractère restrictif des conditions d'ouverture, ou plus important encore, à cause de l'efficacité restreinte des mesures prises.

* 154 Voir affaire société BOULANGERIE 2000 préc.

* 155 Autrefois, le failli pouvait même subir une condamnation à mort : voir ordonnance de 1673 en France. En outre, il pouvait faire l'objet d'une incarcération ou d'une garde à vue. Voir en ce sens, POUGOUE (PG) et KALIEU (Y), Op. Cit., p. 4.

* 156 Voir ROUSSEL-GALLE (Ph) , Op. Cit., p. 16.

* 157 Voir article 29 AUPCAP.

* 158 Cette disposition semble avoir été instituée en faveur de l'entreprise et plus précisément de son sauvetage ; voir en ce sens SAWADOGO (FM), Traité et actes uniformes commentés et annotés préc., p. 894.

* 159 Voir en ce sens ROUSSEL-GALLE (Ph), Op. Cit., p. 63

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