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Réflexions critiques sur le système de prévention des difficultés des entreprises OHADA

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par Eric Aristide MOHO FOPA
Université de Dschang-Cameroun - DEA 2007
  

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PARAGRAPHE I : L'EBRANLEMENT DES DROITS DES CREANCIERS.

Les créanciers ont un rôle important à jouer dans le dénouement de la procédure de règlement préventif. En effet, le concordat préventif qui est la plaque tournante de cette procédure, ne pourra être homologué et exécuté que d'après leur bon vouloir. Pourtant, on peut déjà regretter que dans son déroulement, la procédure de règlement préventif, telle que prévue ne laisse pas une place suffisamment importante aux créanciers. Dans cette même lancée, les droits des créanciers subissent d'énormes restrictions qu'il s'agissent des créanciers de salaire (A) ou des autres créanciers (B).

A- Les créanciers de salaire.

Pour que l'entreprise visée par le règlement préventif ait quelques chances de survie, elle doit impérativement réduire ses charges. Très souvent, pour y parvenir, les dirigeants choisissent de prendre des mesures affectant l'emploi. Cette option semble s'expliquer par des facilités découlant de sa mise en oeuvre161(*). Cette solution n'est point contradictoire avec les dispositions du code camerounais du travail du 14 août 1992 duquel il ressort que l'intérêt de l'entreprise signifie sa bonne marche. En cas de difficulté, l'employeur peut prendre des mesures portant atteinte aux droits des salariés dans le but d'assurer le sauvetage de cette dernière.

Ces mesures interviennent alors que le salaire, plus que toute autre créance, nécessite une très grande protection eu égard à son caractère alimentaire. Ce caractère impose que son paiement soit garanti en cas d'ouverture d'une procédure collective, au moins pour des salaires échus162(*). En plus, il ressort des dispositions du droit des sûretés et du droit du travail que les créanciers de salaire bénéficient d'une double protection : le super privilège et le privilège du salaire163(*). Mais la particularité du règlement préventif est telle qu'on ne peut protéger les salaires à l'infini. Payer les salaires à tout prix risque d'aboutir à des injustices164(*). Afin de réduire ce risque, le législateur OHADA des procédures collectives a prévu des possibilités de licenciement dans le cadre du règlement préventif. Aussi, figure au nombre des mesures pouvant être mentionnées dans le concordat, les licenciements pour motif économiques devant intervenir dans des conditions prévues par les dispositions du code de travail.

Assurément, ces licenciements doivent intervenir après des accords négociés, car le règlement préventif a avant tout une nature contractuelle. Mais cette négociation n'est pas libre, elle est imposée par le code du travail165(*). Ainsi, il ne sera pas étonnant de voir plus apparaître à ce niveau des accords d'adhésion que des accords négociés avec une nette domination de l'employeur. L'intérêt de l'entreprise limite la portée de l'obligation légale consistant à rechercher préalablement, et d'accord parties, les mesures alternatives aux licenciements en cas de difficultés166(*). Les mesures alternatives peuvent concerner la rémunération et consisteront alors en la réduction des primes, indemnités et autres avantages ou même la réduction des salaires167(*). Elles peuvent aussi concerner le travail et consisteront par exemple en la réduction des horaires de travail et la mise en chômage technique.

Malgré toutes ces restrictions aux droits des salariés, ils demeurent mieux protégés que les autres créanciers. D'après l'article 15 al. 2 en effet, il ne peut leur être imposé aucun délai ni aucune remise contrairement aux autres créanciers.

B- Les autres créanciers du débiteur.

Les autres créanciers subissent globalement de nombreuses restrictions à leurs droits (1) et font l'objet d'un traitement qui n'est pas toujours égalitaire (2).

1- Les restrictions des droits des créanciers.

Dès le dépôt de l'offre de concordat par le débiteur, le président du tribunal prend une décision de suspension des poursuites. Cette mesure est destinée à conserver un caractère collectif à la procédure et de respecter le principe d'égalité des créanciers. Dans cette logique, toute action en justice, voie d'exécution ou mesure conservatoire émanant des créanciers antérieurs est suspendue ou interdite168(*). Le législateur emploie ici des formules générales permettant de couvrir un plus grand nombre de domaine. Il en sera ainsi des éventuelles demandes des créanciers tendant à l'ouverture d'une procédure de redressement, des exécutions volontaires ou forcées, même celles fondées sur un jugement passé en force de chose jugée. Il s'agira non seulement des actions en justice stricto sensu, mais aussi des saisies et des astreintes. Toute action nouvelle née antérieurement au jugement d'ouverture est également interdite. Mais rien n'interdit à un créancier d'agir en justice pour faire reconnaître le principe de sa créance dès lors qu'il limite sa prétention et ne cherche pas à obtenir une condamnation au paiement d'une somme d'argent169(*).

Le principe de suspension ou d'interdiction des poursuites individuelles est général. Il touche tous les créanciers chirographaires ou privilégiés, même munis de privilèges généraux ou de sûretés réelles spéciales. L'article 9 de l'acte uniforme précité ajoute que sont également visés les créanciers munis d'un privilège mobilier spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque. La liste n'est qu'indicative comme l'atteste l'emploi de l'adverbe notamment.

A l'évidence, les sûretés, quelle que soit leur nature, ne résistent pas au règlement préventif alors même que la situation du débiteur n'est pas encore désespérée. Les créanciers qui en bénéficient ne perdent pas leur garantie, mais ne peuvent les réaliser qu'en cas d'annulation ou de résolution du concordat auquel ils ont consenti ou qui leur a été imposé170(*). Ils verront leurs efforts fournis dans le but d'entourer leurs créances de garanties momentanément anéantis pour les besoins de sauvetage d'une entreprise par hypothèse encore viable. Si le droit de réaliser la sûreté se trouve ainsi suspendu, il en est de même e fortiori de celui de constituer des nouvelles sûretés171(*). En plus, d'après l'article 22 de l'AUPCAP, la décision de suspension des poursuites n'est susceptible d'aucune voie de recours. Cela est regrettable dans la mesure où les créanciers intéressés pourront avoir des contestations plus ou moins fondées à soulever.

La suspension des poursuites est obligatoire comme intervenant de plein droit dans le cadre de l'OHADA, contrairement au règlement amiable français où elle était facultative172(*). Cependant, les créanciers peuvent, pour recevoir paiement de leurs dettes échues, valablement saisir les cautions ou les coobligés du débiteur. Ces derniers ne bénéficient pas des délais et remises accordés au débiteur173(*). Cette disposition s'explique par la nature contractuelle du concordat qui, en tant que tel, ne peut produire des effets qu'à l'égard des contractants. On peut cependant penser que cette disposition ne soit pas de nature à encourager les éventuelles cautions à garantir les obligations du débiteur. En effet, leur obligation étant accessoire à celle du débiteur, les cautions accepteront difficilement le paiement des créanciers alors même que le débiteur n'est pas encore insolvable. C'est certainement pour éviter ces désagréments que la loi de sauvegarde des entreprises en France précitée, permet aux cautions et coobligés de se prévaloir de l'accord homologué174(*). Mais on peut s'interroger sur la situation du débiteur qui s'est constitué caution de sa propre entreprise. Pourra t-il valablement désintéresser ses créanciers quand on sait qu'il pourra toujours voir son sort lié à celui de l'entreprise plus tard ?175(*)

Toutefois, on peut se permettre de penser que le principe de la libre négociation des délais et remises pourra permettre à certains créanciers d'échapper à cette restriction. Ceci est vrai si l'offre de concordat ne comporte pas de délais supérieurs à deux ans. A défaut, il ressort de l'article 15 al. 2, 3° que la juridiction compétente peut rendre ces délais opposables aux créanciers qui n'ont consenti aucun délai ni remise sauf si ces délais mettent en péril l'entreprise de ces derniers176(*).

2- Le traitement inégalitaire des créanciers.

Les créanciers dont le débiteur fait l'objet d'une procédure collective ne sont pas tous traités de la même manière. Déjà, la suspension des poursuites ne concerne que le paiement des créances désignées par le débiteur, c'est-à-dire sans doute les créances pour lesquelles il a demandé la suspension des poursuites dans le cadre de sa requête introductive d'instance. Ainsi, les créanciers qui n'ont pas été visées par le débiteur échappent à l'interdiction. Même s'il est vrai que le débiteur a intérêt à désigner toutes ses créances antérieures, ou du moins les plus importantes pour s'assurer un plus grand bénéfice de la protection judiciaire, il demeure vrai qu'il pourrait être tenté de favoriser certains créanciers en omettant sciemment de les mentionner dans sa requête177(*). Force est donc de constater qu'il peut exister des collusions frauduleuses entre le débiteur et certains créanciers. Ce qui aboutira à des discriminations tolérées effectuées par le débiteur, surtout quand on sait qu'il a la possibilité de choisir librement et sans contrôle les créanciers qui seront soumis à la suspension des poursuites.

La survenance de la procédure de règlement préventif est loin de mettre fin à toute activité du débiteur178(*). Aussi, plusieurs nouveaux engagements vont naître de la continuation d'activités. Toutes ces activités vont faire apparaître de nouveaux créanciers qui auront besoin des garanties suffisantes à la réalisation effective de leurs créances. Il va donc falloir les convaincre en arguant de la crédibilité de l'entreprise. Mais très souvent, les fournisseurs seront les premiers à réagir au moindre signe annonciateur d'une difficulté. C'est pour pallier à leur réticence qu'ils sont traités de façon privilégiée aux créanciers antérieurs. En effet, ils ne connaissent aucune restriction à leurs droits et sont payés par priorité aux créanciers antérieurs. Mais tous les créanciers ont en commun le même débiteur à savoir le représentant légal de l'entreprise. Ce dernier conserve sa liberté de gestion, ce qui ne va pas sans présenter un certain nombre de risques.

* 161 Voir NGUIHE KANTE (P),, thèse préc., p. 28.

* 162 Voir POUGOUE (PG), et KALIEU (Y), Op. Cit., p. 60.

* 163 Le super privilège porte sur la fraction insaisissable du salaire et a bénéficié dans le cadre des procédures collectives OHADA d'une attention particulière, car l'article 96 de l'AU sur les sûretés prévoit qu'il doit être payé rapidement. Le privilège des salaires quant à lui garanti aux termes de l'article 107-3 de l'AU sur les sûretés, un an de salaire ayant précédé le jugement d'ouverture de la procédure.

* 164 Voir POUGOUE (PG), et KALIEU (Y), Op. Cit., Ib.

* 165 Voir les articles 40 et 42 du code camerounais du travail du 14 août 1992.

* 166 Voir POUGOUE (PG)., « Le petit séisme du 14 août 1994 », RJA, 1994, p. 12 et s.

* 167 Mais dans tous les cas, le SMIG ne doit faire l'objet d'aucune réduction. Voir en ce sens la lettre circulaire N° 02/MTPS/ST/JRD du 14 mars1995 sur le champ d'application et l'incidence du SMIG sur la fixation des salaires catégoriels, Juridis périodique, N° 25, p.29 et s.

* 168 Voir article 9AUPCAP.

* 169 Voir CA d'Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, arrêt N°633 du 11 juin 2004, Société DAFNE et un autre c/ SGBCI CI, Ohadata j-05-261, http://www.ohada.com

Il en est de même des actions telles les actions en nullité, résolution ou rescision d'un contrat pourront être poursuivies.

* 170 Voir article 18 de l'AUPCAP.

* 171 Cf ANOUKAHA (F), Le droit des sûretés dans l'acte uniforme OHADA, PUF, 1998, p. 71.

* 172 Elle n'était décidée qu'en cas de nécessité notamment lorsque le conciliateur se heurte à l'intransigeance de certains créanciers qui veulent saisir les actifs de l'entreprise. Voir GUYON (Y), Droit des affaires T2 préc., p. 95.

* 173 Voir article 18 al. 3 AUPCAP.

* 174 Dans la procédure de conciliation, le conciliateur a pour mission de favoriser la conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers d'un accord amiable. La procédure est en principe confidentielle. Toutefois, le débiteur peut demander l'homologation de l'accord intervenu. C'est de cet accord que les cautions et coobligés peuvent se prévaloir.

* 175 Voir les articles 183 à 188 AUPCAP.

* 176 En effet, la recherche d'une entreprise ne doit pas conduire à mettre une autre en péril.

* 177 Voir SAWADOGO (FM), Actes uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, commentaires, Edicef, ed. FFA, 2000, p. 34.

* 178 Celle-ci est maintenue dans le but de permettre à l'entreprise d'avoir des fonds nécessaires pour tenir ses engagements vis-à-vis de ses créanciers et aussi améliorer sa condition économique et financière nécessaire à son redressement.

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