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Réflexions critiques sur le système de prévention des difficultés des entreprises OHADA

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par Eric Aristide MOHO FOPA
Université de Dschang-Cameroun - DEA 2007
  

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PARAGRAPHE II : AU NIVEAU DE L'EXPERTISE DE GESTION.

L'AUDSCGIE a institué une nouvelle mesure d'information d'une importance capitale : l'expertise de gestion (A) encore appelée expertise de minorité65(*). Prévue par les articles 159 et 160 dudit acte, elle constitue à côté de l'alerte une mesure supplémentaire de détection des difficultés des entreprises reconnue aux associés. Elle présente cependant de nombreuses limites rendant difficile sa mise en oeuvre (B).

A- La notion d'expertise de gestion.

L'expertise de gestion d'après l'article 159 AUDSCGIE, consiste pour les associés représentant au moins le cinquième du capital social à demander soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, au président de la juridiction compétente du siège social, la désignation d'un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion. Au regard de ces dispositions, « l'expertise de gestion est la possibilité offerte aux associés, même minoritaires, qui représentent une fraction raisonnable du capital social de faire ouvrir une enquête sur une ou plusieurs opérations de gestion, enquête destinée à renforcer le droit des associés de contrôler la gestion d'une société »66(*).

Elle traduit un souci de protection plus efficace des minorités dans un monde des sociétés commerciales où la loi par excellence est celle de la majorité. Cela est une réalité dans les sociétés de capitaux et les SARL où les résolutions les plus importantes sont prises à la majorité des associés réunie en assemblée générale67(*). Or, dans ces relations, les conflits ne sont pas exclus et sont de nature à paralyser le fonctionnement de la société et même provoquer sa dissolution68(*). L'expertise de gestion peut donc aider à contourner de telles situations.

L'Acte uniforme s'est inspiré en la matière du droit français69(*). Mais contrairement à ce droit, il institue cette mesure au profit des associés représentant au moins le cinquième du capital social70(*). En plus, l'article 159 de l'Acte uniforme précité ne fait aucune distinction parmi les associés pouvant user de cette mesure. En effet, l'expertise de gestion peut être demandée par tous les associés sans distinction, à condition qu'ils détiennent au moins le cinquième du capital social71(*).

L'expertise de gestion est concrètement décidée par le président de la juridiction compétente du siège social. Celui-ci désigne un expert et détermine l'étendue de sa mission. Le juge dispose en la matière d'un pouvoir d'appréciation, ce qui l'oblige à vérifier le caractère sérieux de la demande. Pour ce faire, il doit s'assurer que l'expertise a une finalité sociale. L'objet de l'expertise de gestion est en effet la « recherche de l'intérêt social »72(*). Mais l'intérêt social peut être en corrélation avec les intérêts propres des demandeurs73(*). Dans tous les cas, l'expertise de gestion sera refusée si elle est sollicitée pour satisfaire les intérêts personnels des minorités74(*).

Par contre, l'expertise sera autorisée lorsqu'il est établi que des associés ne sont pas suffisamment informés sur les opérations de gestion ou encore lorsqu'ils émettent des doutes sur la sincérité et le sérieux des résolutions prises en assemblées75(*).

Le domaine de l'expertise est limité par l'article 159 précité qui précise que la mission de l'expert porte sur « une ou plusieurs opérations de gestion ». L'expertise de gestion ne vise pas un contrôle ou une critique de l'ensemble de la gestion. Pour que la demande soit admise par le juge, elle doit être suffisamment motivée et invoquer avec précision les faits sur lesquels il demande des éclaircissements. L'expertise ne doit pas être un moyen de faire procéder à un audit de la société afin de mettre à jour d'éventuelles irrégularités76(*). Cependant, il est à se demander si la notion « d'opération de gestion » doit donner lieu à une interprétation large ou restrictive. Le législateur OHADA des sociétés commerciales n'a pas apporté de réponse à cette question. En France, cette notion a donné lieu à une interprétation suffisamment large pour ne pas se limiter uniquement aux actes du conseil d'administration ou de son président. Elle doit inclure les décisions de l'assemblée générale77(*).

Le rapport de l'expert est adressé aux associés demandeurs et non au juge. Ce rapport leur permettra de mieux étayer leurs critiques sur une ou plusieurs opérations de gestions. Le plus souvent en effet, les associés qui contestent les opérations de gestions ne disposent pas d'assez d'éléments sur lesquels fonder leurs contestations. Ledit rapport pourra aisément permettre aux associés de « déclencher les hostilités avec les dirigeants sociaux »78(*). Ils peuvent ainsi demander leur révocation ou l'annulation des décisions jugées abusives ou même mettre en jeu leur responsabilité.

A l'évidence, l'expertise de gestion est très utile pour les associés, car elle leur permet de mieux exercer leur pouvoir de contrôle malgré de nombreuses limites qui l'entourent.

B- Les limites de l'expertise de gestion.

Elles sont liées à l'intrusion des tiers dans la société (1) et à l'absence de célérité de la procédure (2).

1- L'intrusion des tiers dans la société.

L'un des inconvénients majeurs de l'expertise de gestion est qu'elle entraîne une intrusion flagrante de la justice dans la société. Le juge dispose en la matière d'une faculté totale d'appréciation79(*). Mais il ne doit en aucun cas se faire juge des opérations de gestion critiquées et de l'évolution financière de la société. Il doit se borner à apprécier s'il y a lieu ou non de faire droit à la demande. Après avoir désigné l'expert, il se charge ensuite de circonscrire l'étendue de sa mission. A l'évidence, eu égard au caractère flexible de la notion d'opération de gestion, le juge sera porté à l'étendre à souhait, et en fonction des circonstances. A l'instar du juge français, nul doute que par ses décisions, il apportera plus de précisions au domaine de l'expertise de gestion80(*)

Pour l'accomplissement de cette mission, l'expert dispose d'un droit d'accès à tous les documents de la société qui peuvent lui être utiles. Le secret des affaires ne lui est donc pas opposé. Par conséquent, bien que l'expert soit lui-même astreint au secret professionnel, les risques d'indiscrétion ne sont pas à négliger.

Dans la même logique, il convient de relever avec la jurisprudence française que l'expertise de gestion « peut nuire au crédit de la société par le doute qu'elle fait planer sur une opération sociale »81(*). La mesure est en effet rapidement connue du public de par l'intervention des autorités judiciaires.

Par ailleurs, la procédure d'expertise de gestion se caractérise souvent par sa lenteur.

2- L'absence de célérité de la procédure.

De l'article 159 précité, il ressort que la demande d'expertise est adressée au président de la juridiction compétente du siège social. Cette prescription est à n'en point douter destinée à permettre à la mesure d'être prise rapidement. Cela peut aisément se comprendre dans la mesure où la gestion déplorée par les associés peut être de nature à se dégrader rapidement. Curieusement cependant, le législateur n'a cru devoir expressément soumettre la demande d'expertise de gestion à la procédure d'urgence. Pour que le juge statut en référé, il revient à l'associé de prouver l'existence de l'urgence. A défaut, le président du tribunal saisi, pourra se déclarer incompétent et renvoyer le demandeur à mieux se pourvoir82(*).

Une institutionnalisation expresse de la procédure de référé en la matière aurait permis d'écarter tout doute dans l'esprit des associés et surtout des juges.

Quand bien même le juge de référé est saisi, les décisions n'interviennent pas assez rapidement. Une analyse de la jurisprudence dans l'espace OHADA révèle que les décisions interviennent souvent une année après l'introduction de la demande. Dans une espèce soumise à la Cour d'appel d'Abidjan, l'exploit avait été formé le 12 janvier 2000 en contestation d'une décision qui en premier ressort rejetait l'expertise de gestion, la décision du juge d'appel n'intervint finalement que le 02 janvier 200183(*). L'arrêt ayant infirmé la décision du premier juge, on est en droit de se demander quel est l'intérêt de la mesure prise un an après la demande.

Dans les autres cas, la décision intervient plus d'un mois après l'introduction de la demande84(*).

L'expertise de gestion est donc en réalité une procédure assez longue alors que toutes les procédures de détection des difficultés doivent être rapides85(*).

En définitive, le caractère restrictif de ces techniques de détection des difficultés des entreprises ne permet de contrer qu'une partie des difficultés que connaît l'entreprise. Le plus souvent, compte tenu de la nature des organes destinés à user de ces mesures, la détection n'est véritablement mise en oeuvre que lorsque les signes des défaillances sont déjà visibles. Pourtant, l'aspect invisible peut être plus profonde. Il est donc nécessaire, pour une plus grande appréhension des signes tant visibles qu'invisibles des difficultés qui pourraient affecter l'entreprise, que le système soit nettement amélioré.

* 65 Cf POUGOUE (PG), ANOUKAHA (F) et NGUEBOU (J) Op. Cit., p. 86 ; CHARTIER (Y), Droit des affaires, T2, Les sociétés commerciales, PUF, 1992, p. 334.

* 66 Cf CA de Cotonou, Arrêt N° 256/2000 du 17/8/2000, Affaire Société continentale des pétroles et d'investissements C/ Etat béninois, http://www.juriscope.net

* 67 C'est ce qui ressort des articles 349 pour les SARL et 550 pour les SA.

* 68 Cf TGI de Douala, Jgt N° 587 du 05-9-1991, affaire établissement AUBERY, citée par POUGOUE (PG), ANOUKAHA (F) et NGUEBOU (J) Ib.

* 69 Notamment de l'article 226 de la loi de 1966 modifiée par la loi 84/148 du 1er mars 1984 sur le règlement amiable.

* 70 En France, l'expertise de gestion est demandée à l'initiative d'actionnaires détenant au moins 10% des actions.

* 71 En droit français, l'expertise de gestion est limitée aux associés des SARL et SA, voir GUYON (Y), droit des affaires T1, préc. P.62.

* 72 Voir Paris, 22 juin 1978, Rev, soc.1979, 333, notes CHARTIER, cité par CHARTIER (Y), ouvrage préc. p. 335.

* 73 Cf MERLE (Ph), Droit commercial, sociétés commerciales, 3e éd., Précis Dalloz, 1992, p. 440.

* 74 Voir Cass. Com., 22 mars 1988, Rev., soc. 1988, p. 227, cité par CHARTIER Ib.

* 75 Voir Tribunal régional de Niamey, ordonnance de référé N° 245 du 22 Octobre 2002, affaire Abass HAMMOUD c/ Jacques Claude LACOUR et Dame Evelyne Dorothée FLAMBARD, Ohadata J- 04- 80, http:// www. Ohada.com

* 76 Voir en ce sens POUGOUE (PG), ANOUKAHA (F) et NGUEBOU (J) Ib.

* 77 Voir CHARTIER Op. Cit., p. 337.

* 78 Voir en ce sens POUGOUE (PG), ANOUKAHA (F) et NGUEBOU (J) Ib

* 79 Voir POUGOUE (PG), ANOUKAHA (F) et NGUEBOU (J) Op. Cit., p.86 et 87.

* 80 En France, certaines décisions du juge ont été taxées d'audacieuses par la doctrine. Ce fut notamment le cas quand la Cour de Cassation a admis que la mission de l'expert s'étende le cas à plusieurs sociétés d'un même groupe. Voir Cass. Com., 10 mai 1988, Bull. Civ., IV, N° 160, p. 111, cité par CHARTIER (Y), Op. Cit., p. 337.

* 81 Paris, 12 janvier 1977, JCP, 1978, II, 1823, notes Chartier, cité par CHARTIER (Y) Ib.

* 82 Voir tribunal régional hors classe de Dakar, ordonnance de référé N° 901, du 9 août 1999, affaire Hassane Yacine c/ société nattes industries, Hibrahima Yazback et autres, Ohadata J-02-198, http://www.ohada.com

* 83 Voir CA d'Abidjan, cinquième chambre civile, arrêt N° 10 du 02 janvier 2001, affaire polyclinique Avicennes c/ bassit Assad, ohadata j-02-113, http://www.ohada.com

* 84 Voir tribunal régional de Niamey préc. où la décision a été rendue le 22 octobre 2002 en faveur d'une demande introduite le 09 septembre 2002 ; CA d'Abidjan, arrêt N° 376 du 02 mars 2004, affaire Matalock Procces-ci SARL c/ Tourreguitart Clussela, ohadata j-04-489, http://www.ohada.com

* 85 Voir GUYON (Y) Droit des affaires T2 préc., p. 62.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984