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Recherches sur la conformité du droit national au droit communautaire de la CEMAC : Le cas de la Taxe sur la Valeur Ajoutée

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par Dieudonné TONGA
Université de Yaoundé II-Soa - Diplôme d'Etudes Approfondies en Droit Public-option Droit Public Interne 2008
  

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§ 2 - La dérogation au critère général de la territorialité

On l'a vu, qu'il s'agisse des ventes ou des prestations de services, l'imposition à la TVA est subordonnée à la réalisation de l'opération au Cameroun. En rappel, pour les ventes, une opération est réputée réalisée au Cameroun lorsqu'elle est faite aux conditions de livraison de la marchandise au Cameroun. Pour les prestations de services, cette condition est réunie lorsque le service rendu, le droit cédé ou l'objet loué sont utilisés ou exploités au Cameroun. Tel est le principe retenu par le droit camerounais de la TVA, en écho à celui communautaire en la matière. Mais il faut convenir que le principe de la territorialité n'est pas toujours d'application aisée, en raison notamment de la difficulté qu'il y a à localiser exactement la matière ou l'activité imposable84(*).

Le principe ainsi formulé connaît cependant une importante dérogation (A) dont la mise en oeuvre révèle souvent des difficultés (B).

A - L'expression de la dérogation : le régime des transports inter-CEMAC

Par « transport inter-CEMAC », il faut entendre « toute opération de transport de marchandises ou de biens dont le lieu d'acquisition ou de production et le lieu de livraison sont respectivement situés sur les territoires de deux Etats membres de la CEMAC »85(*). Autrement dit, pour que la qualification de transport inter-CEMAC soit valablement attachée à une opération, il faut nécessairement que cette dernière ait pour point de départ et pour point d'arrivée deux pays membres de la CEMAC. Il en sera ainsi par exemple du transport de produits manufacturés au Cameroun et destinés à être revendus au Tchad.

L'opération ainsi définie se distingue du transit inter-Etat. En effet, les opérations de transit sont « celles qui se rapportent aux biens dont l'Etat d'acquisition et de destination finale n'est pas le Cameroun, et qui ne sont que de passage sur le territoire national pour être livrés dans un autre Etat de la sous région CEMAC, ou pour être exportés hors de la CEMAC »86(*). Ainsi, pour une entreprise tchadienne, le transport de marchandises débarquées au port de Douala en provenance de la France et à destination de N'djamena est constitutif de transit inter Etat. Il en est de même, en sens inverse, de l'acheminement de marchandises tchadiennes au port de Douala en vue de leur exportation en France par exemple.

La dérogation apportée au principe de territorialité de la TVA, tel qu'analysé au paragraphe précédent, ne concerne que le régime des transports inter-CEMAC. En effet, les opérations de transport inter-CEMAC sont exceptionnellement réputées faites au Cameroun lorsque le transporteur y est domicilié ou y a fixé son siège social. Le fait remarquable dans la dérogation ainsi introduite est que, pour son application, il est indifférent que le principal de l'opération s'effectue dans un autre Etat de la CEMAC87(*). Cette disposition se veut en réalité conforme à la lettre de l'article 9 § 3 de la directive CEMAC relative à la TVA et au droit d'accise88(*).

Le constat est donc, s'agissant des transports inter-CEMAC, celui d'un rejet de la conception stricte de la territorialité, celle-là même qui postule que pour l'application de la TVA, il faut que l'opération soit réalisée au Cameroun. A la vérité, les transports inter- CEMAC marquent un déplacement du centre d'intérêt du législateur en matière de territorialité. En effet, plutôt que de s'intéresser aux opérations comme il le fait en matière de livraison, ce dernier focalise son attention sur le prestataire de transport. Ainsi, dans le secteur des transports, pour que la TVA soit considérée comme due au Cameroun, il suffit que le transporteur soit domicilié au Cameroun ou, à défaut, qu'il y ait établi son siège social.

Les motivations d'une telle exception sont à rechercher principalement dans la spécificité du transport inter-CEMAC. Comme son nom l'indique en effet, le transport inter- CEMAC est une activité faisant toujours intervenir des individus relevant de juridictions fiscales différentes. Ainsi, les services d'un prestataire X domicilié au Cameroun bénéficient toujours à un client Y situé dans un autre Etat membre de la CEMAC. Se pose alors inévitablement la question de la détermination de l'Etat compétent pour la collecte de la TVA sur la prestation de transport. Or, en se fondant sur la notion d' « affaire réalisée dans un Etat », cette détermination n'aurait pas été évidente dans la mesure où il est difficile d'affirmer qu'une prestation de transport impliquant deux Etats est réalisée dans l'un plutôt que dans l'autre89(*). Il fallait donc chercher un autre critère d'assujettissement à une juridiction fiscale.

La solution retenue à cet effet par le législateur communautaire et reprise par celui national, semble toute gouvernée par un souci de simplicité. En effet, pour résoudre les difficultés liées à l'identification de l'Etat de réalisation de la prestation de transport, il était plus aisé de consacrer la compétence de l'Etat du domicile ou du siège social du transporteur.

Au souci de simplicité ainsi affirmé, il faut ajouter celui d'équité et de cohérence dans la répartition des compétences fiscales. Il est en effet équitable et cohérent que ce soit l'Etat du transporteur qui bénéficie de la TVA collectée sur la prestation de transport et non pas celui du client qui a déjà pour lui le bénéfice de la prestation. Réserver le bénéfice de cette TVA à l'Etat du client de la prestation aurait été une manière de consécration d'un cumul d'avantages au détriment de l'Etat du transporteur90(*).

Accessoirement au moyen tiré de la spécificité du transport inter-CEMAC, une autre motivation du recours au critère du domicile ou du siège social peut être trouvée dans l'influence du Cameroun dans le domaine des transports au sein de la zone CEMAC. En effet, le transport inter-CEMAC étant largement dominé par des entreprises domiciliées au Cameroun, l'on peut penser que ce dernier a pesé de tout son poids dans les négociations pour obtenir que soit consacré le critère du domicile91(*).

Si le recours à ce critère peut être analysé comme bénéfique pour les pays de la CEMAC où sont domiciliés des entreprises de transport, notamment par les importantes recettes de TVA qu'il leur génère, il reste cependant qu'il peut parfois s'avérer préjudiciable à leurs entreprises.

* 84 L. TROTABAS et J-M COTTERET, Droit fiscal, 8ème édition, Dalloz, Paris, 1997, p. 88.

* 85 V. dans ce sens circulaire n°0004/MINEFI/DGI/LC/L du 25 janvier 2006 précisant les modalités d'application des dispositions fiscales de la loi de finances pour l'exercice 2007.

* 86 V. dans ce sens circulaire n°0004/MINEFI/DGI/LC/L du 25 janvier 2006, op. cit.

* 87 Article 129 (3) du Code Général des impôts : « Par exception, en ce qui concerne uniquement les transports inter CEMAC, les opérations sont réputées faites au Cameroun si le transporteur y est domicilié ou y a fixé son siège social, même lorsque le principal de l'opération s'effectue dans un autre Etat membre ».

* 88 Article 9 § 3 : « Par exception, en ce qui concerne les transports internationaux, les opérations sont réputées faites dans l'Etat du lieu du domicile ou de la résidence habituelle s'il s'agit d'un transporteur individuel, ou du lieu du siège s'il s'agit d'une société, alors même que le principal de l'opération s'effectuerait hors de cet Etat ».

* 89 Cette difficulté tient essentiellement à ce qu'une partie de la prestation de transport est réalisée dans l'Etat du prestataire et une autre dans celui du bénéficiaire, de sorte que chacun des Etats peut valablement invoquer en sa faveur la notion « d'affaire » ou d' « opération réalisée » sur son territoire.

* 90 Un tel cumul existe certes en matière d'imposition des revenus versés à l'étranger où l'Etat du bénéficiaire d'une prestation d'assistance technique est en même temps collecteur de la Taxe Spéciale sur le Revenu versé au titre de ladite prestation. Mais il faut bien noter que entre la TVA et la TSR, il y a une différence de fondement philosophique. En effet, alors que la première frappe la consommation finale, la seconde appréhende le revenu.

* 91 Le critère du domicile fiscal permet en effet au Cameroun d'engranger la majorité des recettes de TVA issues du transport inter-CEMAC.

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