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Le baccalauréat: Un rite de passage dans une société moderne occidentale comme la France ?

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par Abdou Khadre LO
Université de Caen Basse-Normandie - Maîtrise de Sociologie 2000
  

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B. LE BACCALAUREAT : BAROMETRE DE L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE

Le baccalauréat est la mesure et le baromètre de l'enseignement secondaire. En effet, sa valorisation s'exerce fortement au sein du système éducatif par l'action modélisante des épreuves de l'examen sur l'acte pédagogique.

Les coefficients attribués aux différentes disciplines traduisent l'importance de chacune d'elles dans la série. La nature de l'épreuve (par écrit ou par oral) détermine la façon d'enseigner et les modalités d'évaluation dans la classe.

Par exemple, lorsqu'en 1977 l'histoire-géographie est passée du statut de discipline évaluée à l'oral à celui de discipline évaluée à l'écrit du baccalauréat, l'ensemble des enseignants de la discipline a dû revoir sa manière d'enseigner et consacrer une part non négligeable de l'horaire hebdomadaire aux techniques de rédaction de la dissertation historique. Un autre exemple pleut être donné avec l'évaluation du français au baccalauréat lorsque fut introduite la synthèse de texte.

Aussi, les consignes données aux jurys jouent aussi un effet récurrent sur les méthodes pédagogiques et la valeur culturelle attachée à telle ou telle compétence.

Le baccalauréat exerce ainsi un effet normatif sur les pratiques quotidiennes de la classe, il constitue une espèce de guide pédagogique pour les enseignants par l'intermédiaire des instructions données aux jurys. Ces dernières présentent en effet les éléments à partir desquels les correcteurs doivent fonder leur notation, c'est-à- dire les points auxquels les enseignants doivent nécessairement apporter une attention particulière s'ils souhaitent que les élèves aient quelque chance de réussite.

Nous emprunterons ici à Solaux les extraits suivants qui traitant de l'orthographe et des épreuves orales, illustrent cette proposition :

- Deux circulaires montrent l'aspect normatif, mais aussi l'aspect relatif de l'impact de l'orthographe à l'examen et de l'effet retour que cet impact exerce sur les pratiques pédagogiques.

La première circulaire date du 10 mars 1944 1(*) et présente l'orthographe dans son aspect le plus normatif : « Pour montrer par un exemple, sur le terrain même de la composition française, le rudiment d'instruction qu'il faut à tout le moins exiger de tous les candidats, j'indiquerai la connaissance de l'orthographe ; il est impossible de ne pas considérer cette ignorance particulière comme le signe révélateur d'une ignorance générale, et le candidat qui avoue ainsi son infériorité doit être noté en conséquence. »

La seconde circulaire, du 10 juin 1964, précise de façon plus nuancée que « s'il est légitime de tenir compte de l'orthographe et de la présentation des copies dans la notation des épreuves écrites, il convient d'éviter des écarts trop sensibles dans l'importance attribuée à ces considérations par les divers examinateurs. A cet effet, vous voudrez bien inviter chaque correcteur à limiter à deux points sur vingt, au maximum, les pénalités qu'il serait amené à infliger pour les motifs précédents ».

Entre 1944 et 1964 les points de vue changent, le premier très contraignant incite les enseignants à se montrer intransigeants en classe sur les lacunes orthographiques de leurs élèves. Le second rappelle l'importance à accorder à cette dimension de la connaissance en limitant l'impact des carences éventuelles des élèves sur la performance. Les enseignants sont donc invités à se montrer vigilants, mais beaucoup moins intransigeants que pendant la période précédente. Les instructions données aux jurys du baccalauréat sur l'orthographe constituent une synthèse des valeurs autour desquelles l'enseignement écrit doit être organisé au lycée.

- Les instructions concernant les interrogations orales au baccalauréat peuvent de leur côté déterminer les attitudes des enseignants lors d'interrogations orales en classe. La circulaire du 23 mai 1966 est présentée comme une analyse socio-psychologique de la situation d'entretien : « les examinateurs tiendront compte du fait qu'un examen écrit (...). Par l'aménité de son accueil, l'examinateur atténuera de son mieux le heurt du premier contact qui peut inhiber le candidat pour toute son épreuve et même le traumatiser pour les examens qui jalonneront son avenir d'étudiant ; il saura déceler ces premières minutes d'émoi où le candidat se tait alors qu'il sait (...). Il gardera à l'esprit que le candidat est plus souvent maladroit qu'il n'est sot ou ignorant. »

Une circulaire du 5 mai 1970 va dans le même sens : « L'interrogation elle-même sera conduite avec le souci de bien distinguer ce qui est ignorance ou sottise inexcusable de ce qui est inhibition, étourderie, maladresse ; on se gardera aussi bien de désarçonner le candidat par une intervention trop vive, ou ironique, que de le laisser s'enferrer. »

L'enseignant, contrairement à la situation décrite précédemment, n'est pas ici présenté comme un censeur mais comme une personne capable de développer une attitude compréhensive, comme un spécialiste des techniques d'entretiens, de face-à-face. Alors que l'erreur est présentée comme inadmissible et relevant de l'ignorance dans la circulaire de 1944 traitant de l'orthographe, elle est présentée ici comme pouvant relever de l'inhibition.

Les deux textes impliquent des comportements pédagogiques radicalement différents. Le premier traite l'erreur par la sanction, le second propose de la comprendre. Les instructions données aux jurys sont régulièrement publiées et constituent de véritables références en matière d'instruction pédagogique.

La place du baccalauréat semble donc centrale dans le dispositif de l'enseignement de second degré français, qui à la fois présente les caractéristiques attendues de ce que doit être un véritable examen et modélise les comportements des enseignants.

Modifier l'organisation du baccalauréat, c'est en réalité dire aux détenteurs de la culture dominante que sont les enseignants que les principes autour desquels ils ont construit leur identité culturelle doivent être revus. Vouloir réformer le baccalauréat, c'est s'attacher à entreprendre la révision de l'identité culturelle du corps enseignant et des détenteurs de la culture. Les enjeux sont donc considérables et l'on peut s'attendre à des résistances qui dépassent celles que nous avons analysées jusqu'ici. C'est sans doute pour cette raison que les ministres successifs ont tardé dans la mise en oeuvre de cette réforme et complètement disjoint le calendrier de la rénovation des structures pédagogiques du calendrier de réflexion sur l'examen.

Le déroulement des opérations qui ont conduit à la Rénovation Pédagogique des Lycées (R.P.L) s'est effectué selon le calendrier suivant :

- La classe de seconde est définie par arrêté en janvier 1992.

- Les textes déterminant la structure du cycle terminal paraissent le 10 juillet 1992 et sont modifiés par François Bayrou le 15 septembre 1993.

En ce qui concerne le baccalauréat, on peut noter que :

- Lionel Jospin se limite à quelques pistes de réflexion en avril et juin 1991, sans aller au-delà, et sans faire paraître quelque texte que ce soit sur le sujet ;

- Jack Lang fait des propositions de répartition des coefficients et quelques propositions de modification lors d'une conférence de presse le 15 décembre 1992, et fait paraître un texte en mars 1993 1(*),

- François Bayrou modifie le texte de Jack Lang, arrête les coefficients au baccalauréat le 15 septembre 1993, et la nature des épreuves le 17 mars 1994.

Ce ministre, arrivé rue de Grenelle alors que la R.P.L est déjà bien engagée, n'a pu éviter que son nom soit associé, qu'il l'ait voulu ou non, au baccalauréat 1995, année où la rénovation pédagogique des lycées atteint la classe terminale.

La disjonction observée entre le calendrier de définition des structures pédagogiques et celui de la sanction des études montre à quel point le sujet est socialement et politiquement difficile à gérer. Le baccalauréat lui-même est traité de façon parcellaire : d'abord les coefficients, ensuite la nature des épreuves. Cette démarche au coup par coup montre que le projet n'est pas conduit selon des objectifs clairement annoncés dès le départ, mais plutôt selon des approximations successives qui sont fondées sur les rapports de force existant au sein du système éducatif.

Cette méthode est difficile à gérer pour les enseignants qui doivent fonder en partie le contenu de leurs cours sur l'organisation de l'examen. Sans définition préalable de l'examen, ils éprouvent quelques difficultés pour définir les exigences auxquelles seront soumis leurs élèves et par-là même pour situer leur enseignement.

* 1 Solaux. G, Le baccalauréat, op. cit., p.58.

* 1 Solaux. G, Le baccalauréat, op. cit., p.62.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon