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Le baccalauréat: Un rite de passage dans une société moderne occidentale comme la France ?

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par Abdou Khadre LO
Université de Caen Basse-Normandie - Maîtrise de Sociologie 2000
  

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II.1.2. Le baccalauréat pour bénéficier de plus de liberté.

La perspective d'une plus grande liberté est l'une des principales raisons pour lesquelles les lycéens veulent réussir l'examen du baccalauréat. Si les littéraires sont, comme nous l'avons déjà souligné, les plus nombreux à rappeler le rôle de liaison du diplôme entre le lycée et l'université, c'est dans leur globalité que les interrogés soulignent son rôle « émancipateur ». La réussite au baccalauréat est en effet pour tous les lycéens et étudiants des entretiens, synonyme d'emplois du temps plus « flexibles » et de gestion personnelle des cours. Il est évident que les études universitaires (ou supérieures en générale) ne ressemblent pas aux études secondaires ni sur l'organisation des cours ni sur leur contenu. De ce fait, le point sur lequel insistent beaucoup plus les élèves est la « grande marge de liberté » dont semble bénéficier l'étudiant.

Pour Guy -Joël (18 ans, terminale S), la liberté laissée à l'étudiant, pour gérer ses cours, par rapport au lycéen est indéniable : « Il y a quand même pas le même rythme de vie, nous dit -il, il y a moins d'heures de cours à la fac ; on se lève à midi etc. J'ai envie de vivre ça moi. J'aimerais bien pouvoir gérer mes cours tranquillement ». La gestion individuelle de ses cours ( choix des groupes de travaux dirigés) et la possibilité qu'il a de ne pas assister à un cours magistral, sans encourir la moindre sanction, fait de l'étudiant un apprenant au statut très enviable.

Yoann (19 ans, terminale S) soulève cette différence entre le « temps libre » des étudiants et les emplois de temps « surchargés » des lycéens : « Avant on était une bande de copains en première. Tous ceux qui étaient en série S, l'ont redoublé, les autres en L et ES sont passés à la fac et ils sont toujours dans les bars de la fac. Ca veut dire qu'on exige moins des étudiants parce que c'est comme ça. Je veux dire c'est pas une deuxième terminale. On fait moins de chose ».

L'envie de réussir l'examen du baccalauréat s'explique donc chez « nos » lycéens comme une envie de passer de l'autre coté de la barrière où ils pourront bénéficier de ces emplois du temps choisis. Mais « décrocher son bac », c'est aussi et surtout synonyme de liberté vis à vis des parents. En effet, ce qui motive à plus d'un titre la totalité des lycéens que nous avons interrogés c'est la reconsidération de leurs rapports avec les parents une fois l'examen réussi. « Ils me regarderont forcément autrement si j'ai le bac » est une affirmation qui revient souvent dans les entretiens. Mais d'où les lycéens tiennent -ils une telle certitude ? C'est l'expérience du grand frère ou de la grande soeur étudiant(e) qui leur permet d'affirmer avec autant d'assurance que l'obtention du baccalauréat va « obligatoirement » changer les relations dans la famille ; ils seront considérés comme des adultes.

Comme les initiés dans les sociétés traditionnelles, les lycéens considèrent que la réussite aux épreuves qu'ils doivent passer est gage de reconsidération due au changement de statut. En devenant étudiants, ils deviennent « adultes ». L'étudiant est considéré par les lycées comme un individu au statut à part avec beaucoup d'avantages. Pour Linda (17 ans, terminale ES), « un étudiant a plus de liberté et en plus de cela, il y a beaucoup de tarifs réduits pour les étudiants. Par exemple tu prends la maison de l'étudiant c'est rien que pour les étudiants et pas pour les lycéens. Ca c'est des trucs auxquels seul le bac peut permettre d'accéder ».

« Le bac permet d'aller à la fac, d'être dans la cour des grands, il y a de la liberté à la fac et pas au lycée. Les parents surveillent moins quant on est à la fac. Les étudiants sortent quand ils veulent» (Héléne,19 ans, terminale L). Guillaume (18 ans, terminale L) va dans le même sens que ses camarades lorsqu'il souligne l'agacement du lycéen « pour qui les feuilles d'absence défilent alors que les étudiants sont plus libres, plus indépendants. »  

La force du baccalauréat réside dans la transformation qu'il semble introduire dans les rapports entre le bachelier et les autres. Devenu étudiant, l'élève est reconsidéré sous un autre angle, celui de la maturité ou du moins de la responsabilité. Il semble tout simplement être beaucoup plus libre de ses choix. Cette « liberté » et /ou « indépendance » dont parlent les lycéens semble être octroyée indépendamment de l'âge. Cela a moins à voir avec la majorité qu'avec le statut même d'étudiant. En effet selon eux, pour être responsabilisé par les parents et par conséquent être plus indépendant, il est préférable d'avoir son baccalauréat que d'avoir vingt ans et être toujours au lycée. « Avec le bac on est plus indépendant, nous dit Aurélie âgée de16 ans, j'aurais plus de liberté je crois vis à vis des parents, je serais carrément moins encadrée, exactement comme ma soeur qui est à la fac ».

En fin de compte le baccalauréat n'est ni mesurable ni comparable avec l'obtention du permis de conduire ou le passage à la majorité (dix huit ans). Il transforme le lycéen en étudiant ou bien « l'enfant que mes parents voient en moi en adulte responsable » pour reprendre les termes de Yamina (17 ans, terminale S). « Le bac est plus important pour moi, nous dit elle, parce qu'en fait le permis, la voiture de toute façon je l'aurais pas à 18 ans et les 18 ans, moi je pense pas que ça marque quelque chose. Parce qu'en fait ça va rien changer. C'est le bac en fait parce qu'après, on va faire des études plus sérieuses, plus spécialisées alors qu'avoir 18 ans c'est comme avoir 17 ans ».

La primauté du baccalauréat, comme critère émancipateur, sur les deux autres événements est nette chez les quatre vingt quatre interrogés. Lorsque nous leur demandons de nous donner les raisons pour lesquelles ils qualifient le baccalauréat « d'émancipateur », les explications avancées sont très proches. Il s'agit essentiellement d'une plus grande liberté liée à leur responsabilisation. Par exemple, pour Michelle (17 ans, terminale S), le baccalauréat est beaucoup plus important que les 18 ans « dans la mesure où chez moi les 18 ans c'est pas quelque chose qui donne plus de liberté, on a toujours été assez libre finalement. Donc les 18 ans ne vont pas changer grand chose. Le fait d'avoir 18 ans ne change rien parce que même à 40 ans je serais toujours leur petite fille. C'est pas l'âge, c'est vraiment le bac le truc important ». Bernard ( 18 ans, terminale ES) justifie son choix par les relations avec ses parents qui changeraient « forcément » parce qu'il deviendrait adulte. « Pour eux ça veut dire qu'on est plus responsable, qu'on peut gérer son avenir. Ca veut dire qu'on a une certaine maturité et que si on avait rien fait, on l'aurait pas notre bac alors qu'on peut avoir 18 ans et être un peu irresponsable. Avoir le bac ça veut dire qu'ils vont me lâcher un peu. Enfin, ils vont toujours me guider mais un peu moins qu'avant. Ils se mêleront pas toujours de mes affaires. Je sais mettre les limites donc ils m'interdisent pas trop quoi. Mais je sais que pour eux le bac ça fait passer à l'âge adulte ».

Les propos de Pierre ( 21 ans , terminale S, redoublant ) résument bien cette idée : « Si j'ai redoublé ma première et ma terminale, c'est que l'école c'est pas mon truc. La pression des parents « fais tes devoirs » « travail » et tout ça me gave. mais en même temps, si je n'ai pas mon bac, ce sera dur parce que dans cette position on reste en enfance. Quand on a 20 ans et qu'on a tous ses amis qui sont en fac avec la liberté, on a plus envie d'être considéré comme un enfant. C'est pourquoi je fais tout pour être un adulte et me détacher de l'enfance mais c'est dur au lycée ».

D'autres élèves mettent en avant la possibilité de quitter le domicile familial.  Dans un grand nombre d'entretiens cette idée revient de manière récurrente. La réussite au baccalauréat est un grand enjeu pour les lycéens puisqu'ils l'associent au passage à une vie beaucoup plus indépendante surtout lorsque cette réussite est suivie d'un départ du domaine parental. En effet, si le baccalauréat est synonyme de liberté et d'indépendance, la meilleure façon dont cela se traduit pour beaucoup de lycéens, c'est la vie en « solitaire dans son propre chez soi ». « De toute façon, admettons que si j'ai 18 ans l'année prochaine et que j'ai pas mon bac, ça changera rien. Je serais toujours chez les parents et sous leur autorité. Alors qu'avec le bac, j'aurais plus de liberté vu que je partirais ailleurs » (Jeremy, 17 ans terminale S). Lorsque je lui demande si vivre seul est synonyme de liberté, la réponse est : « oui ! bien sûr parce que si j'ai le bac je serais plus responsabilisé par ma mère que si j'avais 20 ans et toujours au lycée parce qu'elle est à fond dans le bac ».

Le baccalauréat est donc pour ces élèves, le passage « obligé » pour accéder à l'indépendance à laquelle ils aspirent comme le confirme Daphné (18 ans, terminale L) : « si j'ai le bac ça me permet de ne plus habiter avec les parents par exemple, alors qu'avant je ne peux pas. C'est vraiment la liberté parce que pour les parents on est quand même plus responsable. Ca veut dire qu'on a franchi un pas, qu'on arrive dans les études supérieures et puis». Le baccalauréat, précisons-le encore une fois, est dans l'esprit des lycéens le passage « obligé » pour acquérir une indépendance ou du moins une plus grande autonomie.

Passer du lycée à l'université c'est avoir la possibilité de se gérer tout seul en n'habitant déjà plus chez les parents. Pour Romuald (19 ans, terminale ES) avoir le baccalauréat c'est « ne plus être traité comme un bébé ». Il précise : « en fait les parents ne vont plus être tout le temps derrière moi si j'habite à la fac, donc je pourrais sortir le soir et faire tout ce que je veux ». Nous pouvons aussi évoquer le témoignage de Pauline (20 ans, terminale S) pour qui le baccalauréat est également l'échéance fixée par les parents pour pouvoir disposer d'elle-même. Elle considère que ses parents, du fait de leur âge avancé, sont les seuls à avoir ce rapport avec le baccalauréat. « Avec le bac, je peux partir habiter seule, les parents se diront c'est bon, elle a son bac. Parce qu'ils sont encore de la mentalité d'avant qui est passe ton bac d'abord, une fois que t'as ton bac ça va. Avoir le bac en poche c'est clair que c'est pour moi avoir plus de liberté. Je pense que mes parents seront soulagés de savoir que j'ai le bac, donc je pense que j'aurais plus de liberté. Je pourrais faire ce dont j'ai envie sans problème ».

Si certains élèves ne motivent pas leur volonté de partir du foyer parental par un conflit d'aucune sorte avec les parents, d'autres par contre voient dans le baccalauréat, un moyen d'apaiser les dissensions.

Nous ne prétendons pas que le baccalauréat ait des vertus thérapeutiques quelconques comme certains rites initiatiques ; en revanche nous pouvons noter l'importance de sa charge symbolique.

Le nouveau bachelier semble être plus responsable (ou en tout cas plus responsabilisé) qu'il ne l'a jamais été. Le baccalauréat peut donc être, pour les nouveaux bacheliers, le sésame qui ouvre les portes du dialogue. Obtenir son diplôme peut éventuellement changer les rapports. Nous prendrons parmi quinze entretiens qui illustrent cette hypothèse les propos de Pierre -Autrique qui sont très parlant. « Après le bac je pense que j'aurais beaucoup plus de liberté parce que les parents c'est « c'est nous qui décidons parce que c'est nous qui te nourrissons et te logeons ; si tu veux te barrer tu te barres et tu assumes. Pour le moment passe ton bac d'abord ». Donc pour le moment on ne s'entend pas trop bien mais bon, je suis sûr que si j'ai le bac, ça va s'arranger. C'est obligé parce que j'habiterais plus à la maison mais à Alençon, pour les études donc du fait qu'on ne se verra pas souvent, quand on va se revoir ça se passera mieux». Lui demandant pourquoi cela changerait les relations sa réponse est « parce que je te l'ai dit, on ne va pas se crier dessus les rares fois qu'on se verra, ensuite ils me verront différemment parce j'aurai mon bac que eux ils ont pas. Ca a été pareil pour ma grande soeur ».

Ce que confirment surtout les étudiants dans les entretiens (au nombre de vingt quatre) c'est l'indépendance dont ils jouissent, par rapport aux lycéens, depuis qu'ils ont « décroché » le diplôme. Ils parlent d'une autonomie que leur aurait conférée le baccalauréat en étant plus libres dans l'organisation de leurs études et de leurs loisirs. Ils insistent sur cette liberté qu'ils ont de n'aller en cours que s'ils le désirent et de sortir immodérément sans être réprimandés par les parents. C'est ce que Anthony, étudiant en première année de sociologie, exprime en ces termes : « C'est vraiment un grand changement pour moi d'avoir eu mon bac. C'est clair que là, je fais ce que je veux, enfin je m'organise comme je l'entends. Dès fois je me réveille, je le sens pas trop et puis je ne vais pas en cours alors qu'au lycée jamais je n'aurais pu faire ça d'abord parce que mes parents m'auraient tué, ensuite parce que les profs m'auraient pas loupé avec les feuilles d'absence ».

Marie, étudiante en première année d'A.E.S, souligne les sorties nocturnes avec les copains. «  Pour moi, dit -elle, la fac c'est génial parce que là je sors beaucoup, trois fois par semaine en moyenne, c'était inimaginable au lycée »

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon