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Le baccalauréat: Un rite de passage dans une société moderne occidentale comme la France ?

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par Abdou Khadre LO
Université de Caen Basse-Normandie - Maîtrise de Sociologie 2000
  

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II.1.3. Le baccalauréat pour trouver un travail.

Nous avons la représentation, chez les lycéens, du baccalauréat comme passage qu'il faut franchir pour quitter le monde lycéen et entrer dans un autre monde, le monde des étudiants.

Si nous ne considérons que ces deux aspects que sont la quête d'une culture générale, du savoir et l'aspiration à une grande liberté ou une plus grande indépendance nous pouvons dire que le baccalauréat constitue effectivement ( et seulement ) un rite de passage dans le monde des étudiants

Mais les interviewés introduisent, et cela toujours de manière spontanée, l'aspect utilitaire du diplôme. En effet le troisième élément qu'ils associent au baccalauréat c'est son utilité. Au-delà des deux premiers aspects précédemment cités ( le baccalauréat pour continuer les études et le baccalauréat pour bénéficier de plus de liberté ) le diplôme est aussi pour les intéressés « une ouverture vers autre chose » : le travail professionnel, rémunéré. En dernière instance, les interviewés veulent le baccalauréat parce qu'il « donne un avenir certain ». Il signifie pour un grand nombre d'élèves interrogés la possibilité de trouver un emploi dans un avenir plus ou moins proche.

Il faut souligner que dans les sociétés modernes, la place qu'on occupe dans la division du travail est censée dépendre non de propriétés déterminées à la naissance ( milieu social, sexe ), mais de caractéristiques acquises, en particulier le niveau d'instruction. Donc, ce que les élèves mettent en avant, c'est la « rentabilité » du diplôme.

Autant les littéraires étaient les plus diserts quant il s'agissait de voir dans le baccalauréat un moyen de continuer les études autant les élèves des autres séries (S et E.S notamment ) établissent plus volontiers, l'équation baccalauréat = métier. « Aujourd'hui sans le bac, pense Félix (18 ans, terminale S), c'est pas jouable. Sans le bac pas de travail, on peut même pas pointer à l'A.N.P.E » (Agence Nationale Pour l'Emploi ). Mélanie (18 ans, terminale Es) pense le baccalauréat est obligatoire « parce que c'est très difficile maintenant de faire quelque chose sans le bac. Et même si mes désirs, mes orientations vont dans un sens où j'ai pas forcément besoin du bac, si je m'en sors pas j'aurais au moins le bac pour être caissière à Carrefour. Sérieusement, maintenant pour être caissière, il faut être titulaire du bac. Voilà pourquoi il me le faut». Même si ces camarades sont moins catégoriques, la plupart d'entre eux ( trente neuf lycéens sur soixante interrogés ) vont dans le même sens. Ils voient dans ce diplôme « la clef de l'intégration dans le monde professionnel ». Ce rôle intégrateur au monde du travail que les élèves donnent au baccalauréat est la troisième signification que nous pouvons donner à l'emploi du terme « passage obligé » prononcé dans les interviews.

Le diplôme intitulé baccalauréat est à leurs yeux « le » passage qui mène au travail. Ils n'envisagent pas d'arrêter leur scolarité à la classe de terminale, du moins s'ils devaient le faire, ce serait avec « le bac en poche ». Le diplôme semble être une sorte de garantie contre la hantise du non-emploi. Ainsi même Guillaume qui disait : « le bac ne représente rien pour moi, sinon pour me « casser » du lycée » admet que « le bac est un minimum pour chercher du boulot ».

Trouver un emploi passerait donc par l'obtention du baccalauréat. Pour les élèves ce n'est pas une vue de l'esprit mais une réelle conviction. En effet, le fait marquant qui sort de beaucoup d'entretiens est la certitude et la foi qu'ils ont au baccalauréat. Avant même d'entrer dans la vie active, ils ont une représentation du monde du travail qui se construit dans tous les cas de figures avec le baccalauréat.

Ces quelques extraits d'entretiens vont tous dans le même sens : « Pour s'en sortir dans la vie, le bac est indispensable c'est pour cela que je dois l'avoir absolument. » (Jonathan, 19 ans, terminale S). «Tu sais, le bac c'est le déclic qui permet d'aboutir dans le travail donc il faut que je l'ai » ( Céline, 18 ans, terminale L). « Le bac c'est quelque chose de très important, c'est vraiment l'examen à avoir pour le marché du travail. Il est par exemple beaucoup plus important à avoir que le brevet. Le brevet c'est plus comme une préparation au bac » ( Samia, 18 ans, terminale S ).

En fait, l'insertion s'inscrit dans un marché du travail. Il faut rappeler, ici, pour comprendre cette « obsession » du baccalauréat ou plutôt de sa « rentabilité » que le risque de chômage est d'autant plus faible que la scolarité a été longue. A l'inverse, chez les jeunes sans diplôme, ces taux apparaissent particulièrement élevés, et traduisent un chômage plus durable que chez les plus diplômés.

Rappelons encore, si besoin en était, qu'en outre, en France, le taux de chômage des jeunes est spécialement fort : si sur l'ensemble des 15 - 29 ans, 8% des jeunes sont chômeurs en 1996, on compte 25% de chômeurs dans la sous - population des jeunes non étudiants et présents sur le marché du travail, soit pratiquement le double que dans l'ensemble de la population. Cette relation entre niveau de formation et chômage est très nette, même si certaines distinctions fines sont à faire ; par exemple, les bacheliers professionnels s'insèrent sensiblement plus vite que les bacheliers « traditionnels ». On observe également ( à partir de 1996) que les taux de chômage des titulaires d'un diplôme de niveau « bac plus 2 ans » et des titulaires d'un diplôme supérieur sont quasiment identiques. Pour les lycéens (garçons et filles) le baccalauréat atteste, en quelque sorte, du niveau d'instruction minimum requis dans le marché du travail.

Cependant, il faut souligner que le sexe module cet effet du niveau d'instruction. En effet, les taux de chômage des filles sont, à niveau comparable, toujours plus élevés, sauf au-delà du baccalauréat ; les inégalités entre sexes sont donc d'autant plus faible que le niveau éducatif s'élève. Les filles ont donc encore plus intérêt à obtenir le baccalauréat et poursuivre des études que les garçons, l'absence totale de diplôme étant pour elles particulièrement pénalisante.

Le tableau ci dessous est, à ce propos, assez illustratif.

Taux de chômage des jeunes de 15 - 29 ans,

par sexe et niveau de diplôme en 1995 ( % )

Niveau de diplôme

Aucun diplôme

BEPC,CAP/ BEP

Baccalauréat

Etudes supérieures

Garçon

28,4

14,5

10,9

12,7

Fille

40,4

25,3

20,7

11,8

Total

68,8

39,8

31,6

24,5

Source : Enquête emploi INSEE

Cependant, malgré ce chiffre de 31,6% seulement de chômeurs chez les bacheliers, lorsque nous faisons remarquer, aux élèves interrogés, que beaucoup de travailleurs n'ont pas le baccalauréat, ils introduisent pour la plupart une nuance importante. Sans que cela ne remette en cause la centralité du diplôme par rapport au marché de l'emploi, ils apportent quelques rectifications. En effet, les lycéens nuancent plus leurs propos en relativisant l'équation baccalauréat = travail en considérant que « sans le bac, on a moins de chances de choisir son travail ».

Nous voulons pour exemple cet extrait d'un entretien avec un élève du lycée Victor Hugo :

- « C'est le diplôme qui décide quand même de l'avenir, sans le bac de toute façon t'as aucune chance. »

- Mais pourquoi penses -tu que sans le bac on ne peux pas trouver de travail ?

- « Bien sûr on peut en trouver, mais bon ce ne sera pas forcément le boulot que tu rêvais d'exercer. Moi je suis au lycée, je suis obligé d'avoir le bac pour continuer mes études et trouver le boulot qui me fasse réellement envie» 

Ainsi on passe, d'une radicalisation de l'équation sans bac = sans emploi, à sa relativisation car ils y introduisent la variante « choix ».

Donc, si quelques lycéens continuent à établir la première équation, les autres préfèrent dire que sans le baccalauréat, ils diminuent leurs chances d'exercer le métier de leur rêve. En fin de compte si le baccalauréat « est nécessaire pour entrer dans la vie active » (Jeanne, 18 ans, terminale L), il est aussi et surtout « indispensable pour pouvoir exercer plus tard le métier qu'on aura choisi » (Thomas, 19 ans, terminale ES).

Le baccalauréat élargirait, en fin de compte, le choix dans la grille de travail qui sera proposé au diplômé à la recherche d'un emploi. Ainsi l'examen du baccalauréat n'est plus seulement passé pour permettre la transition lycée / études supérieures ; mais dans l'imaginaire des lycéens, c'est aussi un passage obligé entre le monde des études et le monde du travail. Ici le baccalauréat devient véritablement un rite auquel ils se soumettent pour pouvoir passer de l'autre côté : le monde du travail, le travail choisi et désiré.

En fin de compte, c'est cette notion de « travail choisi » et non de travail par défaut ou par obligation que les élèves soulignent. Le baccalauréat offrirait un plus grand choix dans le marché du travail et par conséquent, pour certains, un moyen de se démarquer de la trajectoire professionnelle familiale.

Pour beaucoup, les parents, non diplômés, plus précisément non-bacheliers n'ont pas eu de choix professionnel. Ainsi espèrent -ils « vivre autre chose qu'eux ».

Lorsque, par exemple, nous faisons remarquer à Yamina que ses parents, s'ils n'ont pas le baccalauréat travaillent néanmoins, sa réponse est : « mais ça a évolué. Ils voient bien qu'avec la qualification qu'ils ont, aujourd'hui ils ne pourraient pas exercer le même métier. Ils ne font pas le boulot qu'ils rêveraient de faire. Ils auraient voulu faire autre chose, mais ils ne le peuvent pas. Moi j'aimerais pas être comme eux, ne pas faire ce que je veux faire ».

L'attention portée au baccalauréat est proportionnelle chez certains lycéens à l'espoir que les parents placent en eux, surtout si ces derniers n'ont pas eux même le diplôme. Ils sont de ce fait porteurs d'un projet familial, ce qui accentue encore plus « la pression et l'angoisse » qu'ils ressentent dans cette année de baccalauréat. Nous reviendrons sur cet aspect mais avant, illustrons ces propos par quelques phrases tirées des entretiens.

Pour Sophie (18 ans, terminale S) « ça compte beaucoup pour les parents le bac. Vous savez, mon père est ouvrier alors le bac c'est clair que c'est un examen qui permet de poursuivre des études supérieures, mais pour quoi faire ? C'est pour trouver du travail après. Sans le bac, pas de débouché. En règle générale, sans le bac on a rien ; ça je le sais bien et mes parents me le répètent assez souvent. »

Chez certains lycéens, la réussite au baccalauréat est sans doute, plus ressentie comme une obligation que chez d'autres, du moins c'est une impression qu'ils ont en écoutant le discours parental. « Mes parents, de toute façon n'envisagent pas une seconde que je l'ai pas, dit Nicolas dont le père est un ancien employé de Moulinex, Ils peuvent pas s'imaginer que je puisse vivre sans le bac. Mais c'est plus mon père. Ma mère est plus ouverte d'esprit. Mais pour eux de toute façon, le bac il faut que je l'ai, sinon ils ne voient pas ce je que je peux faire d'autre. Mais attention, c'est pour moi d'abord que le bac est important ».

Nicolas (19 ans, étudiant en première année de BTS ) traduit bien la représentation que ses parents ont du baccalauréat : c'est tout simplement une nécessité. « Regarde, mes parents ils ont pas le bac. Ils sont un peu dans la m... alors ils ont été ravis que je l'ai. Ils se disent que je m'en sortirai avec les études. Pour eux le bac c'est quelque chose de formidable. Enfin ils ne pensent pas que c'est formidable mais ils pensent que c'est nécessaire. J'aurai très certainement une meilleure situation qu'eux ».

Sans tomber dans les travers de la catégorisation et de la stigmatisation sociale, nous pouvons soulever le fait que les élèves issus de milieux modestes ( et qui le précisent ) soulignent le plus clairement l'aspect utilitariste du baccalauréat. Le baccalauréat c'est surtout pour trouver un emploi plus tard. Le diplôme est perçu donc par certains élèves et leurs parents comme un facteur d'ascension sociale. « Le bac c'est pour ne pas être dans la même galère que mes parents, plus tard. Déjà je vais sortir dans deux ans avec mon diplôme et ça va tout changer, par rapport à mes parents » ( Evelyne, 20 étudiante en B.T.S )

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille