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Le baccalauréat: Un rite de passage dans une société moderne occidentale comme la France ?

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par Abdou Khadre LO
Université de Caen Basse-Normandie - Maîtrise de Sociologie 2000
  

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II.1.3.1. Le baccalauréat facteur d'ascension sociale

Le baccalauréat peut légitimement être considéré comme un facteur d'ascension sociale pour des élèves issus de milieux défavorisés. Cependant, les choses sont beaucoup moins évidentes en fait. Cette remarque nous oblige à élargir notre champs d'analyse à des considérations plus générales, à opérer une sorte de digression.

En effet, si malgré le poids du milieu familial, la formation reste le pivot autour duquel se structure l'insertion, on devrait s'attendre à voir l'école jouer un rôle clé en matière de mobilité sociale entre les générations. Officiellement, sa fonction n'est -elle pas de « redistribuer les cartes » d'une génération à la suivante, comme l'espèrent les élèves et leurs parents ?

Il semble logique qu'un jeune doté d'un niveau de formation supérieur à celui de son père connaisse une mobilité sociale ascendante, c'est-à-dire s'insère dans une position supérieure dans l'échelle sociale. Nicolas (ci-dessus cité) est en droit d'espérer une meilleure position sociale que son père, agent de maintenance à la municipalité de Caen ( le terme pudique pour désigner un éboueur).

En fait, la position d'un individu par rapport à son père s'avère assez peu liée au fait qu'il ait obtenu un diplôme plus ou moins élevé que ce dernier. C'est ce que les sociologues de la mobilité appellent le « paradoxe d'Anderson ».

Mais ce constat est-il véritablement paradoxal ? Pour éclairer cette question, il est intéressant de construire ici, un modèle ( ou plutôt un schéma simplifié ) du fonctionnement d'une société fictive, comme Boudon. R1(*), où trois mécanismes seraient à l'oeuvre.

Tout d'abord, le milieu d'origine des élèves exerce une influence sur leurs études ( c'est l'axiome d'inégalité des chances devant l'école ). Par ailleurs, les études influent sur la position sociale à laquelle on parvient ( c'est l'axiome de méritocratie ). Boudon précise en outre que les relations posées à travers ces deux premiers axiomes sont efficaces à hauteur de 80%. C'est dire que l'origine sociale fonctionne comme un « ticket de priorité », très efficace, mais laissant une marge de jeu de 20%. De même, le niveau de formation détermine dans des proportions très fortes (80%) l'accès aux emplois, mais avec là encore une dose d'indétermination.

Enfin un troisième axiome pose qu'il y a comme une inadaptation quantitative entre la structure sociale et la structure scolaire. Il y a, par exemple, davantage d'enfants issus de milieux aisés que de places dans l'enseignement supérieur, ou encore davantage de diplômés de l'université que de postes dans la classe dirigeante. Ce troisième axiome est capital dans le modèle construit par Boudon. Il lui donne en effet son caractère systémique, les relations entre formation et emploi ne pouvant pas s'expliquer seulement par les caractéristiques des individus, et devant nécessairement intégrer ces variables structurelles que sont les distributions des niveaux de formation, ou des emplois dans la société.

En y réfléchissant, ce poids des facteurs structurels sur l'articulation entre formation et emploi peut paraître évident, en fin de compte, puisque par exemple dans une société fictive où presque tous les individus auraient un niveau de formation identique, il y aurait forcément une relation extrêmement lâche entre le niveau de formation et l'emploi occupé. Toujours est-il que ce cadrage structurel est relativement original dans le contexte français. Par conséquent, c'est la thèse de Boudon, le paradoxe d'Anderson s'explique fort bien : dans une société où il y a forcément ( faute d'une planification stricte difficile à concevoir ) inadéquation entre les structures éducatives et les structures sociales, l'existence de relations étroites entre l'origine sociale et le niveau scolaire, et entre ce niveau scolaire et le statut social n'est pas incompatible avec une influence relativement lâche de l'origine sociale sur le statut social.

Faut-il le souligner, cette société fictive sur laquelle Boudon construit son modèle présente à l'évidence des ressemblances avec la société française.

Dans ce contexte, qu'en est - il plus précisément de ces phénomènes de transmission d'un statut social ? 1(*)

Aujourd'hui, c'est plutôt l'impression d'immobilité sociale qui domine. En effet, un peu plus du tiers des hommes de 40 - 59 ans occupent la même profession que leur père. Plus précisément, plus de la moitié des enfants de cadre sont eux - mêmes cadres, et un peu moins de la moitié des enfants d'ouvriers sont restés dans ce groupe.

Il faut signaler aussi que c'est dans les catégories moyennes que l'immobilité apparaît la plus faible. Il y a néanmoins des mouvements entre groupes sociaux, mais rarement entre des catégories éloignées sur l'échelle sociale. Cela signifie que si un enfant d'employé peut devenir cadre moyen, un fils d'agriculteurs deviendra rarement cadre supérieur en une génération. Cela dit, les sociologues de la mobilité sociale ont observé, sur les vingt dernières années, un certain accroissement de la mobilité « nette », c'est - à dire des mouvements entre groupes sociaux ne résultant pas de contraintes structurelles, donc un certain assouplissement de la société française, sauf peut - être aux extrémités de l'échelle sociale.

Peut-on imputer cette légère démocratisation de la société au développement de la scolarisation ? Cette question est trop vaste et ne concerne pas véritablement pas notre propos. Nous préférons donc recentrer l'analyse en nous concentrant sur la nécessité du baccalauréat.

Le baccalauréat est-il si primordial que le pensent les élèves que nous avons interrogés ? On ne saurait répondre sans nuances à cette question abrupte. En effet, au niveau individuel, le diplôme reste un « ticket de priorité » efficace mais il n'est pas pour autant suffisant pour accéder à tel ou tel emploi (exception faite du baccalauréat professionnel). Mais d'autre part, ne pas être titulaire du baccalauréat compromet de plus en plus l'insertion dans le monde du travail.

* 1 Boudon. R, L'inégalité des chances. La mobilité sociale dans les sociétés industrielles, A. Colin, 1973

* 1 Pour une analyse plus approfondie, voir Merlier. D, Les enquêtes de mobilité sociale, PUF, Paris, 1994 ou Terrail. J - P, Les ouvriers et l'école : le sens de la réussite, Société française, 9, 4 - 7, ou bien encore Bourdieu. P et ses collaborateurs, La reproduction. Eléments pour une théorie du système d'enseignement, Minuit, Paris, 1970.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld