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La problématique de la dépénalisation des délits de presse au Bénin

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par M. Koovy YETE
Chaire Unesco des Droits de la Personne et de la Démocration du Bénin - DEA 2007
  

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Première partie :

Intérêt d'une discrimination positive en faveur des délits de presse.

La démocratie et la presse sont liées par un rapport originel.

En effet, la liberté de presse, en tant que composante de la liberté d'expression, est un droit fondamental de l'homme qui trouve son épanouissement dans un système démocratique.

Il s'ensuit que l'état de la liberté de presse est, par conséquent, un précieux indicateur de celui de la démocratie car, toute évolution portant sur le statut de l'opinion que la presse contribue à forger en indique immédiatement sur celui de la démocratie18(*).

Cette considération suffit pour reconnaître quelque intérêt au débat sur la dépénalisation des délits de presse dans un contexte de démocratie libérale.

A côté de cette considération d'ordre général, la question de l'intérêt de la dépénalisation dans un régime démocratique sera analysée sous le double angle de la légitimité d'une telle revendication (Chapitre I) et de l'efficacité de cette mesure dans un régime démocratique (Chapitre II).

CHAPITRE 1 : LEGITIMITE DE LA DEPENALISATION.

Le débat sur la dépénalisation des délits de presse tire sa légitimité de deux considérations.

Il s'agit d'une part de l'importance du rôle reconnu à la presse dans une société démocratique. Tous les gouvernements quel que soit le régime politique dont ils relèvent, recherchent le soutien ou l'approbation de la population pour la conduite de leurs politiques19(*). Et cette population est touchée par les moyens de communication de masse.

Par ailleurs, la presse dans un régime démocratique offre une enceinte au débat public afin de donner à l'opinion les moyens de se faire entendre. A ces différents titres, la presse et les médias en général, du fait qu'ils s'adressent à l'ensemble de la population, complètent et renforcent l'action du parlement. La dépénalisation des délits découlant de cette activité est une revendication qui trouve donc à s'exprimer uniquement dans une société qui reconnaît l'existence de la presse et lui assure les moyens de son fonctionnement (Section 1).

D'autre part, cette problématique de la dépénalisation puise sa légitimité dans une nécessaire définition des limites de la liberté de presse dans une société démocratique (Section 2).

Section 1 : La dépénalisation, une exigence propre à la société démocratique.

Le constat, qui chaque jour se précise au niveau de la pratique judiciaire au Bénin en matière de mise en oeuvre de la responsabilité pénale de la presse, est celui des nombreuses condamnations avec sursis des professionnels de la presse20(*).

Cette étape du fonctionnement du système de responsabilité ne pose véritablement pas de problème au sein de la corporation des journalistes21(*). Ces derniers au demeurant se satisfont de ces condamnations avec sursis et se réjouissent de cette situation dans laquelle des infractions pénales établies en tant que telles par le pouvoir législatif ne sont quasiment plus poursuivies par le pouvoir judiciaire.

Mais, cette attitude de plus en plus marquée des juges est en fait une tendance propre au système de démocratie libérale caractérisé entre autre par une forte exaltation du droit d'informer et du droit du peuple à l'information22(*). Au coeur de cette tendance subsiste une question ancienne, celle de la nécessité de la responsabilité pénale de la presse dans un régime de démocratie libérale.

Paragraphe 1 : L'exaltation du droit du peuple à l'information.

Le droit du peuple à l'information a été fermement agité lors des discussions sur le projet de loi sur la presse en 188123(*), loi qui aujourd'hui demeure le fondement juridique de la liberté de presse en France.

Mais, le combat perdu des partisans de la liberté absolue de la presse n'a pas pour autant épuisé la question de la nécessité de la responsabilité pénale de la presse.

A. Le combat perdu des partisans de la liberté absolue de la presse.

La problématique de la dépénalisation des délits de presse fait à nouveau retentir les échos d'un vieux débat sur la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Ce vieux débat opposa les partisans d'une liberté illimitée et ceux d'une liberté de la presse régulée par une loi spéciale24(*).

Déjà, à l'occasion de ce débat sur la relativité ou non de la liberté de presse, des tendances visant à soumettre le régime des délits de presse au droit commun de la responsabilité civile ont été clairement affirmées25(*).

De sorte que quand le projet de loi sur la presse arriva le 25 janvier 1881 devant la Chambre des députés que présidait Léon GAMBETTA26(*), la question préliminaire était de savoir : à quoi bon une loi spéciale ? La liberté de presse exigeait-elle autre chose que le droit commun par analogie au droit anglais et américain ? Les partisans de la liberté absolue de la presse avaient déposé un amendement tenant en quelques mots : « il n'y a pas de délits spéciaux de la presse, quiconque fait usage de la presse ou de tout autre moyen de publication est responsable selon le droit commun »27(*).

Dans cette dynamique, le doyen de la presse française Emile de Girardin28(*) suggérait que la loi sur la presse ne devrait comporter qu'un unique paragraphe : « Tous les articles de presse seront signés et l'article 1382 du Code Civil sera la seule sanction qui sera appliquée »29(*).

Pour d'autres, cette loi devrait consacrer une liberté de presse qui interdise au pouvoir législatif lui-même de la restreindre ainsi que cela est établi aux Etats-Unis d'Amérique30(*).

C'est surtout l'ancien ministre de l'Intérieur Floquet qui mènera le combat contre le régime dérogatoire. Il fera remarquer en ce sens que : « les lois libérales ont été inutiles contre les coups d'Etat, les répressions ont été inutiles contre les révolutions (...) Il s'agit de savoir si nous voulons continuer à entasser les unes sur les autres des lois inutiles ou si nous voulons entrer dans une voie nouvelle»31(*). Cette voie nouvelle selon Floquet, c'est le droit commun et rien d'autre. Et, le droit commun en matière préventive, c'est l'absence d'entrave pour le citoyen qui veut écrire sur les affaires de son pays, aucune entrave différente de celles qui entourent tous les autres citoyens.

Du point de vue civil, le droit commun a son siège dans l'article 1382 du Code civil qui rend chacun responsable de son fait, de sa faute et l'oblige à réparer le dommage qu'il a causé. Le combat des partisans de la liberté absolue de la presse n'aura pas été totalement inutile. Ils ont obtenu des satisfactions non négligeables. Ainsi, par exemple, toute trace de délit d'opinion est effacée.

Néanmoins, la liberté de la presse sera garantie par la République et aménagée par elle, contrairement à la conception de Common law britannique et à celle américaine aux termes desquelles la liberté de la presse est assurée par l'abstention de l'Etat32(*).

En somme, le débat ouvert en août 1789 sur la question de savoir jusqu'où la liberté d'expression est tolérable, a été provisoirement clos33(*) par une loi unique, celle du 29 juillet 1881. La loi 60-12 du 30 juin 1960 sur la liberté de presse au Bénin traduit dans son contenu, les principes consacrés par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de presse.

Mais, plus de deux siècles après 1881 et à la faveur du vent de démocratisation qui souffle sur le continent africain, les interrogations sur les libertés individuelles font encore une fois place à la question de la nécessité de la responsabilité pénale de la presse.

* 18 ROLLAND (Patrice), Du délit d'opinion dans la démocratie française, in Pouvoir et Liberté, Etudes offertes à Jacques Mourgeon, Bruylan, Bruxelles, 1998, p. 645.

* 19Les cahiers de l'alternance, Rôle des médias dans un régime démocratique, n°3, Fondation Konrad Adenauer, p.47.

* 20 ODEM, Rapport national sur l'état de la liberté de la presse au Bénin, 1ère édition, 1995, COPEF, p.9.

* 21 Ibid., p.8.

* 22 KAMTO (Maurice), Pouvoir et droit en Afrique noire, L.G.D.J., Paris, 1987, pp.246-247.

* 23 PIGEAT (Henri) et LEPRETTE (Jean), La liberté de la presse le paradoxe français, PUF, 2003, p. 28.

* 24 PIGEAT (Henri) et LEPRETTE (Jean), ibid., p. 34.

* 25 PIGEAT (Henri) et LEPRETTE (Jean), ibid., p. 74.

* 26 Léon Gambetta (2 avril 1838 - 31 décembre 1882), homme politique français. Il fut Président de la Chambre des députés de 1879 à 1881 puis Président du Conseil et Ministre des Affaires Étrangères du 14 novembre 1881 au 27 janvier 1882.

* 27 PIGEAT (Henri) et LEPRETTE (Jean), op. Cit., p. 34.

* 28 Émile de Girardin, publiciste et homme politique (Paris, 1806-1881), fut le promoteur du journal à prix modique et créa en 1836 la Presse, quotidien qui faisait une large place à la publicité pour s'assurer des ressources et au roman-feuilleton pour conserver des lecteurs.

* 29PIGEAT (Henri) et LEPRETTE (Jean), ibid., p. 35.

* 30 Article 1er des dix premiers amendements à la Constitution américaine : « Le Congrès ne fera aucune loi (...) qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse (...) ».

* 31 PIGEAT (Henri) et LEPRETTE (Jean), ibid., p.56.

* 32 Article 1er des dix premiers amendements à la Constitution américaine, précité, p. 10.

* 33 Car, plusieurs siècles après, la question est relancée. La question de la dépénalisation n'est donc pas nouvelle. Seul est récent le concept de dépénalisation qualifié de nouvelle stratégie sociale. Terme emprunté au titre de la 19è conférence de recherche criminologique du Conseil de l'Europe, Strasbourg 1990. V. PRADEL (Jean), Droit pénal comparé, Précis Dalloz, 1995, p.147.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore