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La problématique de la dépénalisation des délits de presse au Bénin

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par M. Koovy YETE
Chaire Unesco des Droits de la Personne et de la Démocration du Bénin - DEA 2007
  

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B. La question de la nécessité de la responsabilité pénale de la presse

La tendance du juge à une véritable protection des professionnels de presse est remarquable. En matière de presse, les peines privatives de liberté ne sont quasiment pas prononcées. Dans les cas où elles le sont, la décision est souvent assortie de sursis. Mais, devons-nous nous réjouir de cette impunité pénale de fait ?

La condamnation du journaliste a des dommages et intérêts peut-elle offrir une forme de réparation sociale suffisante ? C'est tout le sens du débat sur la dépénalisation. Débat à l'occasion duquel les partisans de la dépénalisation tentent de démontrer que, dans le domaine de la presse, une responsabilité pénale n'est plus nécessaire notamment en ce qui concerne les peines privatives de liberté. On peut déjà remarquer la nette avancée réalisée par la loi n° 97-010 du 20 août 1997 portant libéralisation de l'espace audiovisuel et dispositions pénales spéciales relatives aux délits en matière de presse et de communication audiovisuelle en République du Bénin en ce qui concerne la détention préventive34(*).

Intervenant au sujet du recours systématique des plaideurs à la juridiction civile en Belgique, Robert LEGROS affirme que « (...) le fait qu'on ait limité les recours jusqu'à présent à l'action civile (devant les tribunaux belges) n'a pas causé grands troubles. Ce n'est pas une sanction, c'est une réparation qui est tout de même marquante. Et cette réparation d'ailleurs, à une époque où on parle de dépénalisation et notamment de médiation pénale, pourrait être considérée comme suffisante, surtout quand les dommages et intérêts sont élevés et la publication du jugement ordonnée »35(*).

Dirk VOORHOOF à ce sujet, qualifie d'évolution positive la dépénalisation de facto des délits de presse devant les tribunaux belges et le recours systématique aux procédures civiles fondées sur l'article 1382 du Code civil.

Pour lui, les sanctions civiles en matière de presse méritent d'être soutenues, d'autant plus que la jurisprudence des tribunaux civils témoigne en général d'une appréciation équilibrée des intérêts en présence36(*).

Dans le même sens, Michel HANOTIAU s'interroge sur l'utilité sociale d'une condamnation pénale. « L'honneur des personnes en est-il mieux réparé ? Ne faut-il pas craindre que la menace de la sanction n'effraie que les journalistes consciencieux et qu'elle exerce plutôt une sorte de fascination sur les autres (ou soit pour eux une occasion de publicité) ? »37(*) 

Cette interrogation révèle bien que dans le monde de la presse comme dans toute société humaine, il y a des brebis saines et des brebis galeuses. Elle montre également l'importance de la fonction d'amendement du délinquant que doit remplir la sanction pénale. Si cette fonction n'est pas remplie, la sanction devient inutile et doit être repensée.

Dans l'appréciation qu'il fait de la situation de fait qui a cours devant les tribunaux belges et qui est caractérisée par le fait qu'aucun délit de presse n'est plus envoyé devant la Cour d'assises en Belgique, Jan VELAERS considère que la responsabilité pénale a, à force de non efficacité, prouvé son inutilité. Pour lui, « dès lors que, pendant cinquante (50) ans, aucun délit de presse n'a été poursuivi, c'est un commencement de preuve que, dans notre société, il n'est pas réellement nécessaire de poursuivre pénalement les délits de presse »38(*).

Mais, dans le cadre d'un tel argument, on pourrait objecter que si les délits de presse ne sont plus poursuivis au pénal en Belgique, c'est moins une question d'efficacité de la sanction pénale qu'une défaillance imputable à la politique des poursuites.

Ce qui est constant est que cette absence de poursuite est motivée par la sauvegarde d'une valeur supérieure à savoir la démocratie dont la presse en est l'indispensable chien de garde39(*).

La dépénalisation des délits de presse est par conséquent une exigence conforme aux textes fondamentaux.

* 34 Art 107, loi n° 97-010 du 20 août 1997 : « La détention préventive en matière de presse est interdite ».

* 35 LEGROS (Robert), Table ronde « Quel avenir pour le jury populaire en Belgique ? », Journal des procès, 242, 25 juin 1993, p. 32, cité par JONGEN (François), in Mélanges à Michel HANOTIAU, op. Cit., p. 63.

* 36 Mélanges à Michel HANOTIAU, op. Cit., p. 63.

* 37 HANOTIAU (Michel), « la responsabilité en cascade en matière civil », R.C.J.B., 1998, p.386. Cité par JONGEN (François), in Mélanges à Michel HANOTIAU, op. Cit., p. 63.

* 38 VELAERS (Jean), cité par JONGEN F. in Mélanges à Michel HANOTIAU, op. Cit., p. 63.

* 39 C'est dans l'affaire Lingens (1986) que les juges de Strasbourg soulignèrent pour la première le rôle de la presse en tant que « chien de garde politique ». Le requérant, un journaliste, avait critiqué, dans une série d'articles, le chancelier fédéral autrichien de l'époque pour avoir tenté une manoeuvre politique en annonçant son intention de former une coalition avec un parti dirigé par un ancien nazi. L'intéressé (M. Lingens) avait qualifié le comportement du chancelier d' « immoral et dépourvu de dignité » et estimé qu'il relevait de l' « opportunisme le plus détestable ». A la suite d'une action privée intentée par le chancelier, les tribunaux autrichiens estimèrent ces déclarations diffamatoires et condamnèrent le journaliste à une amende. Lors des débats judiciaires, ils relevèrent que l'intéressé était incapable de prouver la véracité de ses allégations. Sur ce dernier point, les juges de Strasbourg établirent que l'approche des tribunaux nationaux était erronée, dans la mesure où les opinions (jugements de valeur) ne prêtent pas à une démonstration de leur exactitude. Examinant les motifs de l'inculpation du journaliste, la Cour souligna l'importance de la liberté de la presse dans le débat politique. Ces principes revêtent une importance particulière pour la presse : si elle ne doit pas franchir les bornes fixées en vue, notamment, de la protection de la réputation d'autrui, il lui incombe néanmoins de communiquer des informations et des idées sur les questions débattues dans l'arène politique, tout comme sur celles qui concernent d'autres secteurs d'intérêt public. A sa fonction qui consiste à en diffuser s'ajoute le droit, pour le public d'en recevoir [...].

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