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Le concept de développement durable : le cas de l'Afrique subsaharienne

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par Vincent Thierry BOUANGUI
Université de Reims Champagne - Ardenne - Diplôme d'étude approndie 1995
  

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SECTION II: CONTENU ET IMPLICATIONS DU CONCEPT

Le concept de développement durable faute de n'avoir été bien systématisé par ses promoteurs et ses défenseurs ne présente pas un contenu précis et stable. Pour ne parler que du rapport BRUNDTLAND, celui-ci renferme près de six définitions. Certains groupes d'intérêt qui adhèrent au concept lui confèrent quelquefois un sens qui est loin d'être celui défendu dans le rapport.

S'agissant des implications nous pouvons dire que les mêmes causes ont donné les mêmes effets. En outre, il y a tellement d'implications qu'on arrive à se demander si chaque Etat soucieux d'opter pour un développement durable aura les moyens d'en faire une application effective.

PARAGRAPHE I: LE CONTENU DU CONCEPT

Parvenir à une définition de développement durable qui serait acceptée par tous, reste un défi que se doivent de relever tous ceux qui sont engagés dans le processus de développement. En effet, ce concept a fait l'objet de tout un foisonnement d'interprétations. J PEZZEY(10) dans son ouvrage intitulé Economic analysis of sustainable development, a recensé plus de soixante définitions du concept dans la littérature économique contre six dans le rapport de la CMED. De ce fait le concept apparaît donc à la fois iou et peu convainquant car la multiplicité de définitions ouvre le champ à qui le veut de faire une interprétation du concept allant dans le sens de ses propres intérêts,

(10) Economic analysis of sustainable development, the world bank, Mars 1989,

laissant entrevoir quelques fois des visés idéologiques dont est porteur le concept.

A- LE PROBLEME DE LA MULTIPLICITE D'INTERPRETATIONS

Pendant que les Etats parvenaient difficilement à jeter les bases d'une négociation mondiale (à l'occasion de la conférence de Rio), le monde des entreprises se saisissait du concept de développement durable pour baliser le terrain et influencer le contenu même des discussions. Regroupés autour de M. Stephan SCHMIDHIENY, conseiller de M. STRONG, le business council for sustainable development, composé de 50 chefs de grandes entreprises a mené depuis 1990 une réflexion qui a abouti à la publication d'un manifeste présenté publiquement à Rio de Janeiro le 29 Mai 1992, c'est-à-dire quelques jours avant l'ouverture de la conférence: Changer de cap, réconcilier le développement de l'entreprise et la protection de l'environnement, Dunod, Paris, 1992. Cet ouvrage se propose de préciser le contenu d'un développement durable et de faire connaître les nombreuses actions déjà menées par les industriels pour préserver l'environnement(11).

La lecture de cet ouvrage nous a permis de déduire qu'il s'agit à la fois d'une adhésion au développement durable et une tentative d'édulcoration de ce concept. En effet, sans ambiguïté le BCSD déclare "En tant que dirigeants d'entreprises, nous adhérons au concept de développement durable, celui qui permettra de répondre au besoin de l'humanité sans compromettre les chances des générations futures". On retrouve la définition officielle ainsi que les présupposés de celle-ci; cette définition démontre le caractère indissociable de la croissance économique et l'impératif de sauvegarde de l'environnement.

(11) HARRIBEY Marie, op cit, page 172.

L'édulcoration du concept vient de ce que la vision patronale tente d'esquisser une nouvelle éthique vis à vis de l'environnement, mais elle manque en fait son objectif, parce qu'elle réduit le contenu du concept et se livre à un véritable plaidoyer en faveur du libéralisme. Le sous titre du manifeste du BCSD est évocateur: réconcilier le développement de l'entreprise et la protection de l'environnement. On remarque que la prise en compte de cette réconciliation prime celle de l'environnement et du développement des pauvres(12).

Cette démonstration nous permet de comprendre jusqu'à quel point la multiplicité des définitions du concept de développement durable peut conduire à en atténuer le contenu même.

Au stade actuel des débats, le concept paraît iou et peu convainquant, nous l'avons dit, car dans la multiplicité des définitions que nous avons évoquées se profilent plusieurs catégories d'acceptions. Ainsi, on peut se permettre de dire que le concept de développement durable présente une vision "écocentrée" et "anthropocentrée"; suivant qu'elles se donnent pour objectif essentiel la protection de la vie en général (et donc de tous les êtres, du moins ceux qui ne sont pas encore condamnés) ou le bien être de l'homme.(13) Cette divergence prouve à suffisance la difficulté des références conceptuelles proposées.

Cependant, en dehors des difficultés nées de la multiplicité des définitions, on peut toutefois admettre qu'une analyse minutieuse de ces définitions laisse entrevoir le plus souvent une certaine convergence, notamment par rapport aux droits des générations futures, donc du principe de

(12) ibdem,

(13) Christian COMELIAU, Développement du développement durable, ou bloccage conceptuel? revue tiers monde, n°137, 1994, page 61

la protection de l'environnement. C'est pour cette raison que nous allons nous appesantir uniquement sur la définition officielle du rapport BRUNDTLAND, c'est-à-dire un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs.

Mais au-delà de ce qui vient d'être dit, le développement durable ne renferme t-il pas un autre sens? Est-il réellement le résultat d'un monde dont la prise de conscience des questions de l'environnement se doit de primer tant d'autres? Nous tenterons de répondre à ces questions, mais déjà, et sans ambiguïté nous pensons qu'au-delà de ses visées environnementalistes pour lesquelles plusieurs défenseurs de la nature continuent à se battre et à y consacrer leur temps et leur énergie, le développement durable renferme des intentions idéologiques.

B- LES VISEES IDEOLOGIQUES DU CONCEPT DE DEVELOPPEMENT DURABLE

Selon Serge LATOUCHE, Le développement durable est le dernier gadget idéologique de l'occident(14). Pour le comprendre, il suffit de se demander si c'est l'environnement ou le développement qu'il s'agit de rendre durable. De cette question naît déjà un certain doute dans l'esprit de qui veut comprendre l'autre sens du développement durable. Certes, les exemples de compatibilité du développement durable avec l'environnement ne manquent pas, mais il ne faut pas se leurrer pour autant; ce n'est pas l'environnement qu'il s'agit de préserver, il est au contraire question avant tout du développement, de la croissance qu'il faut maintenir dans le temps. De ce point de vue le développement durable est un concept alibi(15); car en cherchant à faire croire

(14) Le développement durable, un concept alibi, revue tiers monde, n° 137, 1994, page 77 (15)Serge LATOUCHE op;cit page 80

que c'est pour l'environnement que l'on se bat, plusieurs théoriciens et hommes de terrain arrivent à camoufler leur lutte pour le salut du développement ce qui en principe n'est pas mal. Le problème c'est que cette réalité n'est pas expliquée au pays en développement qui n'ont pas encore une infrastructure économique à maintenir dans le temps. Dans les différentes interprétations du concept de développement durable, l'on met toujours en avant l'aspect environnemental ou l'héritage des générations futures. Le but de cette entreprise est de dissuader la démarche des pays en développement et en grande partie ceux d'Afrique qui veulent suivre le schéma de développement occidental et soutenir par la suite ce développement.

En tout état de cause, le développement durable tel que défini n'a rien à apporter aux Africains qui n'ont pas de développement à soutenir, étant encore au stade de sous-développement, à moins que le but de celui-ci soit de rendre durable ce sous-développement dans lequel végète l'Afrique.

Le souci premier des pays industrialisés et des industriels au premier chef est le développement qui doit être "entretenu" au risque de s'arrêter et d'être emporté par la présente crise. Et comme cette durabilité du développement ne peut être atteinte que par la prise en considération de l'environnement entendu comme cadre dans lequel le développement tire ses ressources, l'on fait croire à l'opinion que c'est prioritairement pour l'environnement que l'on se bat.

Plusieurs déclarations des grands milieux industriels peuvent corroborer l'idée selon laquelle le développement durable est un concept alibi. Jean Marie Van ENGELESHOVEN un des directeurs de la shell déclare: "Le monde industriel devra savoir répondre aux attentes actuelles s'il veut de façon responsable, continuer à créer dans le future de la richesse". On peut

aussi lire dans les colonnes des rapports de la banque mondiale consacrées à l'environnement que " une gestion prudente de l'environnement est un fondement du processus de développement". Mieux encore, le directeur d'une chaîne de grands magasins anglais affirme "C'est une nouvelle façon d'aborder les affaires, pas seulement une question de répondre aux consommateurs verts. Nous avons besoin de le faire pour rester attractif auprès de nos partenaires, nos actionnaires, et de nos employés. Ceux qui n'adopteront pas cette approche perdront la course."(16) L'idée ici est de faire en sorte que le développement et plus exactement la production se perpétue, et cela ne peut se faire que par une nouvelle façon de gérer l'environnement.

Le rapport BRUNDTLAND qui a mis sur orbite le concept de développement durable renferme aussi une certaine ambiguïté quant au sens à donner au concept. Ainsi à la page n°10, on peut lire: " Pour que le développement durable puisse advenir dans le monde entier, les nantis doivent adopter un mode de vie qui respecte les limites écologiques de la planète". Il s'agit d'une conception dont le souci premier est la préservation de l'environnement. Cependant, un peu plus loin, on trouve une autre conception contraire à la première: "Etant donné les taux de croissance démographique, la production manufacturière devra augmenter de cinq à dix fois uniquement pour que la consommation d'articles manufacturés dans les pays en développement puisse rattraper celle des pays développés". On peut dire qu'ici, ce n'est pas tant la nature que l'on cherche à rendre durable mais plutôt le développement.

En 1991, Vandana SHIVA avait déjà dit que le sens du concept sustainability pouvait conduire à de glissement désastreux, car il y a un autre

(16) Cité par serge LATOUCHE, in Green magazine, Mai 1991, voir aussi l'économie à l'épreuve de l'écologie, Paris, Hatier collection"enjeux", 1991, page 24-25.

sens dangereux qui peut être donné à sustainable, ce sens se réfère non à la durabilité de la nature, mais bien au contraire à celle du développement devaitil ajouter(17)

Pour notre part, nous pensons qu'il ne s'agit pas d'un glissement désastreux mais bien au contraire d'une manifestation claire de la position du monde industriel qui, conscient des limites actuelles des ressources naturelles non renouvelables, notamment, a récupéré par nécessité les bonnes intentions des militants écologistes afin d'assurer la durabilité du développement. Ainsi les environnementalistes qui pensaient reculer le développement par le slogan développement durable sont en retour pris dans leur propre piège; car en vidant le développement de toute logique économique qui l'a engendré, le slogan de développement durable permet à celle-ci de se loger subrepticement dans le creux du songe. Et comme, en tout état de cause cette logique est celle des dures contraintes de la réalité ambiante, elle refait surface et transforme le rêve en cauchemar.(18)

Toutefois, même si le concept de développement durable renferme des présupposées économico-politiques comme on vient de le voir, l'environnement reste le plus grand bénéficiaire du fait que pour la première fois dans le monde il sera traité avec beaucoup plus d'égards.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci