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Les lanceurs d'alerte français, une espèce protégée ?

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par Julia Le Floc'h - Abdou
Paris X Ouest - Nanterre La Défense - Master II Droit pénal et Sciences criminelles 2015
  

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ANNEXE 4 - PRÉSENTATION DES AFFAIRES DENIS ROBERT

Par trois arrêts du 3 février 2011 de la Première chambre civile, la Cour rejette tous les arguments de la banque Clearstream.

Dans un premier arrêt446(*) concernant le documentaire diffusé sur Canal + en mars 2001, intitulé les dissimulateurs, les juges observent que « l'intérêt général du sujet traité et le sérieux constaté de l'enquête, conduite par un journaliste d'investigation, autorisaient les propos et les imputations litigieux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ». La Cour précise « que la liberté journalistique comprend, lorsqu'est en cause un débat public d'intérêt général, le recours possible à une certaine dose d'exagération, voire de provocation dans le débat ».

Dans un second arrêt447(*) concernant le livre Révélations publié en février 2001 aux Éditions des Arènes, la Cour va rappeler l'imminence du travail accompli par Denis Robert pour le débat public et l'intérêt général en énonçant que « l'ouvrage a suscité un intérêt considérable, notamment parmi les magistrats spécialisés dans la délinquance financière, dont certains ont tenu à attester des perspectives que pouvaient offrir dans la lutte contre le blanchiment des investigations portant sur les chambres de compensation » et que « le caractère d'intérêt général des sujets abordés dans l'ouvrage, relatifs aux mécanismes dévoyés et incontrôlés de la finance internationale et à leur implication dans la circulation mondiale de l'argent sale, autorisait l'immodération des propos de l'auteur ».

Dans le troisième arrêt448(*) concernant son ouvrage La boîte noire aux Éditions les Arènes publié en 2002, la Cour a évoqué que « la liberté journalistique comprend, lorsque est en cause un débat public d'intérêt général, le recours possible à une certaine dose d'exagération, voire de provocation, dans les propos [...] » et qu'en assimilant la société Clearstreamà l'Eglise de Scientologie « l'immodération des propos de l'auteur était autorisée ».La Cour relève également « que celui-ci (Denis Robert) avait poursuivi un but légitime en analysant ce qu'il qualifiait de « dérive du système financier international » et de fait « qu'en étudiant le fonctionnement de la société Clearstream Banking, l'une des plus importantes centrales internationales de compensation financière, aucune animosité personnelle à l'égard de cette société n'était démontrée ».

ANNEXE 5 - PRÉSENTATION DE L'EXCEPTION D'INTÉRÊT PUBLIC ET DU RAPPORT OMTZIGT

Le terme exception d'intérêt public choisi volontairement dans le cadre de cette étude rejoint le principe n°43 de Tshwane, lui-même rappelé dans le rapport de Pieter Omtzigt449(*)450(*).

Le rapport Omtzigt encourage « tous les États à réfléchir à la mise en place d'une exception « de défense de l'intérêt public ». Selon le principe de Tshwane n°43, le personnel public qui fait l'objet de poursuites pénales, civiles ou administratives pour avoir révélé des informations qui ne sont pas considérées comme des divulgations protégées devrait avoir la possibilité de soulever une exception de défense de l'intérêt public sous certaines conditions.

Pour vérifier le bien-fondé de cette exception, le ministère public et les tribunaux doivent examiner :

-Si l'étendue de la divulgation était raisonnablement nécessaire pour révéler ces informations d'intérêt général

-La portée et la probabilité du préjudice causé à l'intérêt général par la divulgation

-Si la personne avait des motifs raisonnables de croire que la divulgation était d'intérêt général

-Si la personne a tenté de procéder à une divulgation protégée par le biais de procédures internes et/ou auprès d'un organisme indépendant de surveillance et/ou au public, en conformité avec les procédures qui régissent la protection des donneurs d'alerte

-L'existence de circonstances impérieuses qui justifiaient la divulgation »451(*)

Le rapport souligne également que « personnel public désigne non seulement les agents publics, mais également les employés des sociétés privées sous contrat avec l'État ou de leurs sous-contractants »452(*).

Sur ce nouveau moyen de défense, le rapport expose que « les agents publics bénéficient d'une exception de « défense de l'intérêt public » [...] dès lors que l'intérêt général présenté par la divulgation de l'information en question prévaut sur l'intérêt général qu'il y aurait à ne pas la divulguer »453(*).

Derrière ce nouveau moyen de défense, de strictes conditions devraient apparaître.

À titre d'exemple, que la révélation soit faite de manière raisonnable (c'est-à-dire sans divulguer d'autres informations non nécessaires à la compréhension de la situation dénoncée), que l'impact de cette révélation soit substantiel sur le public, etc.

Annexe 6 : RECHERCHE ET EXPOSÉ DÉTAILLÉ DE L'AFFAIRE DREYFUS/ZOLA ET DE L'UTILISATION DE L'EXCEPTION DE VÉRITÉ

L'affaire Dreyfus fut à l'origine d'une des plus grandes crises politiques de la IIIème République.À titre liminaire, la divulgation publique du scandale viendra d'un citoyen extérieur à l'affaire et d'un fonctionnaire, tous deux soucieux de rendre justice à Dreyfus.

L'affaire débute en septembre 1894, lorsqu'une lettre est rapportée à la Section de Statistiques454(*) du Ministère de la Guerre.Partiellement déchiré, non daté et non signé, le bordereau est adressé à l'attaché militaire allemand (en poste à l'ambassade d'Allemagne) et laisse entendre qu'un officier français lui livre des renseignements militaires.Le capitaine Alfred Dreyfus, polytechnicien et capitaine d'artillerie stagiaire, est immédiatement soupçonné sur la base d'une ressemblance d'écriture. Il est arrêté et placé en détention provisoire.

Chargé du procès pour haute trahisondu capitaine Dreyfus, le Conseil de Guerre se réunit du 19 au 22 décembre 1894 à Paris.Au début du délibéré, le président du Conseil de Guerre reçoit un pli fermé et scellé en provenance de la Section des Statistiques. Communiqué en toute illégalité (hors de tout débat contradictoire), ce « dossier secret » est censé contenir les preuves irréfutables de la culpabilité de l'accusé (truffé de faux documents, il est réalisé par l'état-major militaire). Confortés dans leur conviction, les membres du Conseil de Guerre déclarent l'accusé coupable et le condamnent à la déportation perpétuelle, à la destitution de son grade et à la dégradation.

En 1895, la Section de Statistique du Service des Renseignements est remaniée. Le lieutenant-colonel Georges Picquart prend ses fonctions comme chef du Deuxième Bureau. On lui demande d'enquêter sur la famille Dreyfus afin de rapporter la preuve décisive contre Alfred.

En mars 1896, l'enquête bascule. Picquart découvre un document (nommé aujourd'hui « le petit bleu ») prouvant que le commandant Ferdinand Esterhazy est celui qui a transmis, pour l'Ambassade allemande, les renseignements militaires.Suite à ces découvertes, il alerte son supérieur qui refuse d'entendre les éléments à charge qu'il détient.

Inquiet des trouvailles de Picquart, l'état-major lui inflige plusieurs représailles. Se sentant en danger, il divulgue les informations au Vice-Président du Sénat (qui tentera d'obtenir la révision du procès de Dreyfus).Ayant connaissance de différents éléments impliquant Esterhazy, Mathieu Dreyfus (frère d'Alfred) porte plainte contre lui auprès du Ministère de la Guerre.Esterhazy est alors présenté en 1898 devant un Conseil de guerre sous le chef de haute trahison mais acquitté le 11 janvier 1898.

C'est à ce moment précis, qu'Émile Zola, écrivain connu et témoin attentif de son temps, scandalisé par l'acquittement d'Esterhazy, décide de publier dans l'Aurore, J'accuse ! Lettre ouverte au Président de la République, le 13 janvier 1898455(*). Le but de Zola est de s'exposer volontairement à des poursuites afin de forcer les autorités à le traduire en justice. Son procès étant l'occasiond'un nouvel examen public des cas Dreyfus et Esterhazy456(*).

L'objectif du romancier est atteint. Le Ministre de la Guerre porte plainte pour diffamation publique envers une autorité publique contre Zola et Alexandre Perrenx, le gérant de L'Aurore. Ils passent devant les Assises de la Seine entre février et avril 1898457(*) (à cette époque, la diffamation envers une autorité publique était passible des Assises).

Devant la cour d'Assises de la Seine,la défense déployée fut l'exception de vérité.Les retranscriptions judiciaires de l'époque font état du refus, par la cour, de ce moyen de défense.

Zola dans son article avait écrit les propos suivants : « J'accuse, enfin, le premier Conseil de guerre d'avoir violé le droit en condamnant un accusé sur une pièce restée secrète, et j'accuse le second Conseil de guerre d'avoir couvert cette illégalité par ordre, en commettant à son tour le crime juridique d'acquitter sciemment un coupable (Esterhazy) ».

Au cours de l'audience, les requérants (Zola et le directeur de publication Georges Clémenceau) vont déclarer entendre « être admis à prouver la vérité des imputations diffamatoires qui leur sont reprochées, conformément aux dispositions de l'article 35 de la loi de 1881. Et qu'en conséquence, et pour se conformer aux exigences de l'article 52 de ladite loi, ils articulent et offrent de prouver tant les faits suivants [...] que les autres faits imputés à diverses personnes ou à divers corps dans l'article poursuivi [...]458(*) ».

Pour réfuter aux prévenus l'exception de vérité, la Cour a mis en avant deux éléments discutables.

En premier, elle va rappeler que le second Conseil de guerre a acquitté Esterhazy le 11 janvier 1898 et qu'en vertu de l'article 35 c, l'exception de vérité ne pouvait être mobilisée.

Cette position est à tout le moins contestable. En principe, et ce même à l'époque, les actes ayant fait l'objet d'un non-lieu ou d'un acquittement pouvaient être évoqués sans limitation de durée afin de prouver la vérité des propos diffamatoires. Ce n'était que la preuve de faits constituant une infraction ayant donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision qui était interdite459(*).

En second, la Cour va rejeter l'exception de vérité pour les propos suivants « J'accuse, enfin, le premier Conseil de guerre d'avoir violé le droit en condamnant un accusé sur une pièce restée secrète ».

Au début de l'audience, les prévenus et leur avocat Maître Labori vont réclamer la communication des pièces et des procédures dont a eu à connaître le Premier Conseil de guerre. Et ce afin de démontrer la réalité du dossier secret, transmis en dehors de tout débat contradictoire, et ayant permis de condamner Alfred Dreyfus pour haute trahison.

Mais la Cour a déclaré que « les débats de cette affaire ont eu lieu en totalité ou en partie à huis clos, que la juridiction militaire a estimé que dans un intérêt d'ordre public, il n'y avait lieu de faire connaître les faits dont elle était saisie.Considérant, dès lors, que la communication de ces procédures, si elle était ordonnée, aurait pour résultat de détruire l'effet des décisions rendues par les deux Conseil de guerre et de porter atteinte à l'autorité de la chose jugée.Et considérant, enfin, que l'article 52 de la loi de 1881 oblige le prévenu qui veut prouver la vérité des faits des faits diffamatoires à signifier au Ministère public, dans les cinq jours de la citation, la copie des pièces dont il entend se servir et qui doivent être en sa possession, mais qu'aucun article de la loi précitée n'oblige le Ministère public à fournir au prévenu des documents dont la défense voudrait se servir »460(*).Enfin, les juges vont énoncer que « la loi ne permet pas de livrer à une discussion, même pour en faire ressortir la vérité d'imputations diffamatoires, des décisions de justice définitives »461(*) frappées de l'autorité de la chose jugée.

Ainsi, la cour a rejeté ce moyen de défense au motif que les prévenus n'avaient pas les éléments de preuve postérieurement à la publication poursuivie et a « ordonné qu'il soit passé outre aux débats ».Dès lors que le Ministère public n'a pas à fournir les pièces connues par les juridictions militaires (couvertes par le sceau du secret-défense) et ayant autorité de la chose jugée, les prévenus ne peuventrapporter la preuve des propos litigieux.

Zola est condamné à la peine maximale d'un an d'emprisonnement et 3 000 francs d'amende.

Le 2 avril 1898, une demande de pourvoi en cassation reçoit une réponse favorable. Il s'agit de la première intervention de la Cour dans cette affaire judiciaire.La plainte contre Zola aurait, en effet, dû être portée par le Conseil de guerre et non par le Ministre de la guerre. Ainsi suit, la cassation de l'arrêt pour vice de forme. Zola fait à nouveau l'objet d'un procès devant la cour d'Assises de Seine-et-Oise qui le condamne en juillet 1898 à la peine maximale d'un an de prison et 3 000 francs d'amende. Il s'exile en Angleterre avant le prononcé du jugement.

Le17 novembre 1899, Waldeck-Rousseau, président du Conseil des ministres, déposeune loi d'amnistie couvrant « tous les faits criminels ou délictueux connexes à l'affaire Dreyfus ou ayant été compris dans une poursuite relative à l'un de ces faits ». Malgré de nombreuses protestations, la loi est adoptée.

Après plusieurs contestations, dont celle de Jean Jaurès dans un discours prononcé à la Chambre des députés462(*), la Cour de cassation est saisie d'une procédure de révision.

Le 12 juillet 1906, la Cour de cassation annule sans renvoi le jugement du Conseil de guerre et amorce la réhabilitation du capitaine. Il réintégra l'armée et sera sur le front lors de la Première Guerre mondiale, à sa demande463(*).

Ce n'est donc qu'en1906 que seront réhabilités le capitaine Dreyfus, le lieutenant-colonel Picquart et Emile Zola.

ANNEXE 7 - DÉMONSTRATION DE L'EXCEPTION DE CITOYENNETÉ ET L'ÉTAT DE NÉCESSITÉ

Tribunal Correctionnel d'Orléans, 9 décembre 2005, n0 de jugement 2345/S3//2005, Mouvement Faucheurs Volontaires c/ Société Monsanto

Il était reproché aux quarante-quatre personnes prévenues d'avoir, sur la commune de Greneville en Beauce, le 14 août 2004 volontairement détérioré ou dégradé un bien, en l'espèce une parcelle de maïs génétiquement modifié, au préjudice de la société Monsanto. Cette dégradation étant commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteurs ou de complices, les faits étaient réprimés par les articles 322-1,322-3 et 322-15 du Code pénal.

Le Tribunal mentionne que les personnes prévenues ne contestent pas la matérialité des faits qui leur sont reprochés mais qu'ils fondent leur défense sur l'état de nécessité, fait justificatif prévu par l'article 122-7 du Code pénal.

Les juges correctionnels vont évoquer ce qui caractérise l'état de nécessité au vu de la loi et de la doctrine.

Aux termes de la loi, l'état de nécessité « c'est la situation dans laquelle se trouve une personne qui, pour sauvegarder un intérêt supérieur, n'a d'autre ressource que d'accomplir un acte défendu par la loi pénale » et au terme de la doctrine « celui qui agit en état de nécessité commet un acte « socialement utile », que la collectivité concernée n'a aucun intérêt à punir et au regard duquel la sanction ne remplit aucune de ses fonctions traditionnelles de rétribution, d'intimidation ou de réadaptation ».

Le tribunal énonce que « l'état de nécessité, ainsi défini, apparaît en relation nécessaire avec les « intérêts sociaux supérieurs » ou les valeurs sociales dominantes, tels qu'ils peuvent être appréciés au moment de la commission de l'infraction ; Que cet état de nécessité est donc nécessairement relatif et contingent ;Qu'il dépend des valeurs sociales « utiles » à la date de la commission de l'infraction, et donc de l'état de la société et des connaissances qui sont au fondement de ces valeurs considérées comme éminentes ».

S'ensuit une analyse approfondie du tribunal « le Tribunal, sauf à manquer à son office pour cause de partialité, ne saurait écarter, sans en débattre, l'argumentation des prévenus fondant l'éventuelle pertinence du moyen tiré de l'état de nécessité [...]. Attendu, encore, qu'il convient de relever que le Tribunal ne peut pas, non plus, simplement prendre acte de l'existence d'une controverse scientifique relative aux organismes génétiquement modifiés et à leur utilisation dans le cadre d'essais en plein champ, et affirmer qu'il ne lui appartient pas de la trancher pour en déduire, sur le plan juridique, que les prévenus ne rapporteraient pas la preuve leur incombant d'un danger actuel ou imminent, composante de l'état de nécessité justifiant la commission de l'infraction ».

Le Tribunal Correctionnel relaxe les prévenus du mouvement sur le fondement de l'état de nécessité. C'était une première jurisprudentielle.Mis à part cette exception, le parcours judiciaire des Faucheurs volontaires sera jonché d'appel et de cassation refusant l'état de nécessité.

Tribunal correctionnel Paris, 12ème Chambre, 25 mars 2013, n° parquet 09317034048, Collectif des Déboulonneurs c/ Société JCDecaux

Le Collectif des Déboulonneurs, créé en 2005, dénonce la publicité agressive, qui envahie l'espace publique et harcèle les citoyens. Il lutte contre son excroissance et à cette fin, lance une action d'envergure nationale contre le système publicitaire.

Il souhaite l'ouverture d'un débat national sur la place de la publicité dans l'espace public, la réforme de la loi encadrant l'affichage publicitaire et qu'un nouveau droit soit reconnu : la liberté de réception. Corollaire de la liberté d'expression, cette nouvelle liberté permet, selon eux, à chacun d'être libre de recevoir ou non les messages diffusés dans l'espace public.

Devant l'inertie des pouvoirs publics, après de nombreuses années de travail sur le terrain légal, les Déboulonneurschoisissent la désobéissance civile pour alerter l'opinion et amener les élus à faire évoluer la loi dans le sens de l'intérêt collectif.Ce collectif se propose de déboulonner la publicité, c'est-à-dire, selon eux, « de la faire tomber de son piédestal, de détruire son prestige. Non pas de la supprimer, mais de la mettre à sa place, pour qu'elle soit un outil d'information au service de toutes les activités humaines »464(*). Selon eux, en pratiquant la dégradation non violente des panneaux publicitaires et la réduction des tailles d'affiches, leurs actions se situent sur le terrain de la désobéissance civile.

Pour des faits, du 28 février 2009 au métro Pigalle, six membres du collectif comparaissent devant le Tribunal Correctionnel de Paris le 25 mars 2013.Poursuivi sur le fondement de l'article R. 635-1 du Code pénal465(*), l'état de nécessité sera accepté par les juges.

Ayant mobilisé l'état de nécessité, les juges vont analyser chacun des éléments le constituant.

Sur la difficulté d'échapper à la contrainte publicitaire : les juges énoncent que « la publicité, dans les très grandes dimensions d'affiches ou de panneaux, qu'elle impose désormais dans l'espace public, comporte une contrainte morale pour les passants. À la différence de la publicité télévisée, radiophonique ou même informatique, il est impossible d'y échapper en fermant la télévision, la radio ou l'ordinateur. S'agissant de l'affichage de grande dimension, il n'est en quelque sorte pas possible d'y échapper de manière consciente ou inconsciente, pour des raisons de fonctionnement neurologique du cerveau humain, ce qui peut s'apparenter à de la contrainte morale des publicitaires à l'encontre du citoyen ».

Sur le danger imminent de la publicité : les juges correctionnels reprennent des exemples pré existants en la matière. À cette fin, ils remontent les publicités encourageant à manger tel ou tel aliment gras ou sucré (alors que l'obésité est reconnue par les professionnels de la santé comme dangereuse) et les publicités incitant à consommer telle ou telle boisson alcoolisée (alors qu'une grande partie des accidents de la route sont causés par l'alcool au volant).

Ainsi, il est indéniable, pour les juges, que « la publicité par affichage public de très grande dimension peut, dans certains cas, présenter un danger imminent pour la santé ».

Sur la nécessité de l'infraction et sa proportionnalité avec la gravité de la menace : les juges reviennent sur tous les moyens légaux que les prévenus ont usés pour un changement de politique en la matière. Les juges rappellent que le collectif a participé, en 2006, au débat national sur l'environnement « Grenelle I » et au débat du « Grenelle II » espérant une réglementation plus contraignante de la publicité, qui a abouti, au contraire, à la possibilité pour les afficheurs de faire défiler des panneaux publicitaires comportant de très grands écrans dans les espaces publics, et de poser d'immenses bâches sur les échafaudages, supportant de très grandes publicités. Dès lors, « le Collectif a donc, sans succès, tenté d'utiliser la voie législative pour réduire les effets nocifs des affiches publicitaires dans l'espace public. Il a aussi tenté d'alerter les pouvoirs publics, sans plus de succès ».

En conclusion, le tribunal va adhérer à l'état de nécessité et relaxer les prévenus, en estimant que « devant la nocivité pour la santé de certaines publicités, à l'origine du décès d'un nombre non négligeable de personnes, il peut être considéré que de commettre des contraventions de dégradations légères, est proportionné au danger de maladie ou de mort couru par ces personnes ».

* 446Cass, 1ère civ, 3 février 2011, n°09-10-301, arrêt n°106, Denis Robert c/ Société Clearstreambanking et autres

* 447Cass, 1ère civ, 3 février 2011, n°09-10.302, arrêt n°107, Denis Robert et Editions des Arènes c/ Société Clearstream

* 448Cass, 1ère civ, 3 février 2011, n°09-10.303, arrêt n°108, Denis Robert et Editions des Arènes c/ Société Clearstream

* 449Rapport Omtzigt« la protection des donneurs d'alerte », Conseil de l'Europe, CDCJ (2014), AS/Jur (2015) 06, Strasbourg, 19 mai 2015

* 450Le rapport de Omtzigt, fait suite à la désignation de Peter Omtzigt comme rapporteur de la commission des questions juridiques, sur deux sujets : la nouvelle recommandation 2067 (2015) « sur les opérations de surveillance massive » de l'APCE adoptée le 21 avril 2015 et la proposition de résolution du 5 juillet 2013 relative à la création d'un « Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme sur la protection des donneurs d'alerte qui révèlent des agissements des pouvoirs publics constituant une violation du droit international et des droits fondamentaux » permettant d'inscrire dans la CESDH la protection des donneurs d'alerte.

* 451Rapport Omtzigt« la protection des donneurs d'alerte » §71

* 452Rapport Omtzigt« la protection des donneurs d'alerte » §72

* 453Rapport Omtzigt« la protection des donneurs d'alerte » §34

* 454Baptisé Section de statistique dès 1871, ce service incarne le contre-espionnage militaire français.

* 455 V. DUCLERT, L'affaire Dreyfus, La Découverte, janvier 2012, p. 42-125

* 456 Dans J'accuse !, il termina l'article par ses propos : « En portant ces accusations, je n'ignore pas que je me mets sous le coups des articles 30 et 31 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, qui punit les délits de diffamation. Et c'est volontairement que je m'expose »

* 457L'affaire Dreyfus : le procès Zola devant la cour d'Assises de la Seine et la cour de cassation (7-23 février, 31 mars-2 avril 1898). Compte-rendu sténographique in-extenso et documents annexes (complet en 2 tomes), aux bureaux du Siècle, Paris, 1898, p. 400 (mis en ligne par la Bibliothèque Nationale de France le 15 octobre 2007 et consulté le 23 mars 2016) http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62779w

* 458L'affaire Dreyfus : le procès Zola devant la cour d'Assises de la Seine et la cour de cassation, op.cit., p. 21-400

* 459 C'est d'ailleurs sur cette difficulté à comprendre la différence de traitement pour l'application de l'exceptioveritatis entre les personnes acquittées et celles dont la condamnation a été révisée, que le Conseil constitutionnel a, dans sa décision QPC du 7 juin 2013, Philippe B, déclaré comme inconstitutionnelle cette interdiction posée à l'article 35 c.

* 460L'affaire Dreyfus : le procès Zola devant la cour d'Assises de la Seine et la cour de cassation, op.cit., p. 194-400

* 461L'affaire Dreyfus : le procès Zola devant la cour d'Assises de la Seine et la cour de cassation, op.cit., p. 42-400

* 462Dans lequel, il évoque les incohérences et les « faux » qui constellent le dossier Dreyfus.

* 463 Voir : A. RANZet JC. DE REVIERE, Le dossier secret de l'affaire Dreyfus, L'ombre d'un doute, film documentaire, diffusé sur France 3 le 4 mai 2015 (117mn)

* 464Site internet des Déboulonneurs : http://www.deboulonneurs.org/

* 465 Pour avoir apposé des slogans à la peinture sur des affiches que supportaient des panneaux publicitaires.

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