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Les conséquences du principe que de responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais


par Ivan De Nguimbous Tjat Limbang
Université de Yaoundé II - Soa - Master en droit privé 2018
  

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§-1 Le cumul de responsabilité comme parade du législateur faceà la dépénalisation implicite des agissements des organes et représentant

96.La dépénalisation est l'action de dépénaliser, c'est-à-dire retirer à un comportement son caractère délictueux, de le soustraire à la sanction pénale. C'est l'acte par lequel le législateur renonce à la voie pénale, cette renonciation peut être totale ou partielle. Elle est intégrale lorsque le législateur pénal sort complètementde la voie pénale. Elle est partielle lorsqu'il est demandé au législateur de mesurersa voie pénale263(*).

Dans le cadre de notre analyse, la dépénalisation est synonyme d'impunité dans la mesure où la responsabilité pénale des personnes morales est susceptible de soustraire la personne physique à la sanction pénale, ce qui a le même effet qu'une dépénalisation proprement dite264(*). Ainsi, l'extension du champ de la responsabilité pénale des personnes morale, s'accompagne de l'extension de la possibilité d'échapper à la répression pour la personne physique, dans la mesure où la personne morale étant désormais responsable pour toutes les atteintes aux valeurs sociales vient servir d'écran à la personne physique. Ceci se manifeste par dépénalisation qu'elle induit (A) et ce rendant compte de cela, le législateur a trouvé une -ou du moins a cru trouver265(*)-parade dans le mécanisme du cumul de responsabilité, qui a eu des effets sur cette dépénalisation (B).

A- La dépénalisation induite par l'admission généralisée de la responsabilité pénale des personnes morales

97. Derrière la question du champ d'application de la responsabilité pénale des personnes morales se joue l'épineuse question de la répartition des responsabilités au sein de l'être collectif. Selon François ROUSSEAU, la répartition des responsabilités dans l'entreprise se fait soit par une logique d'addition, soit par une logique de substitution266(*).

Lorsqu'on s'attarde aux motifs ayant servi d'implémentation de la responsabilité pénale des personnes morale, c'est la logique de substitution marquée par la disparition de la pression pénale exercée sur les personnes physiques organes ou représentants (1) et un transfert de la responsabilité pénale des personnes physiques vers la personne morale (2).

1- Une dépénalisation marquée par une disparition de la pression pénale sur les organes et représentant

98. Dès la genèse de l'institution, la responsabilité pénale des personnes morales a été instrumentalisée afin d'aboutir à un relâchement de la menace pénale pesant exclusivement sur les dirigeants sociaux. Au lieu d'en faire un instrument au service de la prévention de la délinquance des groupements, et de la mise en place d'un fonctionnement vertueux de la personne morale267(*), la responsabilité pénale a été limitée à une simple « technique redistribution du risque pénal au profit de la personne physique en position de décideur »268(*).

En France par exemple, une formule célèbre de Robert BADINTER exprime suffisamment la volonté du législateur français de réduire « la présomption de responsabilité pénale qui pèse en fait aujourd'hui sur des dirigeants à propos d'infractions dont ils ignorent parfois l'existence ». Ainsi, on observe donc un déplacement de la présomption de responsabilité des personnes physiques vers les personnes morales, diminuant ainsi le risque pénal qui pèse sur chaque personne lors de l'accomplissement d'une activité. Cette diminution du risque marque un point de départ vers une déresponsabilisation des personnes physiques.

2- Une dépénalisation exprimée par le transfert de responsabilité du substratum humain vers la personne morale

99. Le dirigeant qui était avant l'admission de la responsabilité pénale des personnes morales la cible privilégiée du législateur pour les infractions commises dans le groupement et même par le groupement, se trouve soulagé lorsqu'il a commis une infraction pour le compte de la personne morale. On assiste donc à un paradoxe, consacré par une législation alliant répression et dépénalisation269(*) qui tient en ce que « personnalité morale forme un écran qui permette aux dirigeants de commettre des faits générateurs de responsabilité en toute impunité »270(*).

La responsabilité pénale des personnes morales par le truchement du principe général offre une sorte d'immunité à la personne physique agissant es qualité, mais cette immunité présente de nombreux désavantages. Ce rendant compte de cela le législateur camerounais a réagi en envisageant un cumul de responsabilité entre les personnes physiques auteurs des actes incriminés et les personnes morales, qui a eu des effets sur le mouvement de dépénalisation.

B- Les effets du cumul sur la dépénalisation

100. Le mécanisme décrit à l'alinéa (c) de l'article 74-1du code pénal camerounais laisse supposer que la commission d'une seule et même infraction peut donner lieu à la mise en jeu de la responsabilité de personnes différentes. Ce qui ne serait pas une curiosité en droit pénal dans la mesure l'on envisage déjà répression de la coaction. L'idée principale étant de s'écarter de la logique de substitution de la responsabilité pénale des décideurs à celle de la personne morale, pour envisager une logique d'addition des deux responsabilités. Le cumul de responsabilité a donc pour impacte d'empêcher la dépénalisation des agissements des personnes physiques tout d'abord à travers une raniment de la pression pénale pesant sur eux (1), mais aussi en imposant un cumul de sanction (2).

1- L'exclusion de la dépénalisation à travers la réanimation de la pression pénale pesant sur les personnes physiques auteurs des actes incriminés

101. Aux termes de l'article 74-1 alinéa (c) « La responsabilité pénale des personnes physiques, auteurs des actes incriminés, peut se cumuler avec celle des personnes morales. » il exclut donc du moins principiellement la dépénalisation en ce qu'il maintien constante la pression pénale sur les décideurs. Cette démarche est intéressante dans la mesure où reconnaitre la part de responsabilité des personnes morales pour les infractions commises en son sein ne doit pas être synonyme d'impunité pour les personnes physiques ayant participé à l'infraction, même si c'était pour le compte de la personne morale271(*).

102. Bien plus, la solution du cumul a une importance préventive certaine, elle constitue un moyen de discipliner les personnes physiques organes ou représentants, qui agiront en connaissance de ce qu'elles doivent respecter les prescriptions légales. Comme l'affirmait déjà Juliette TRICOT« [le cumul de responsabilité] tisse un filet de sécurité pour retenir dans ses mailles les personnes physiques dont il serait choquant et « contre-préventif » de les voir échapper à leurs responsabilités »272(*). Cela est d'autant plus important que dans la codification de la responsabilité pénale des personnes morales sur le plan international, plusieurs textesretiennent le cumul de responsabilité entre les personnes physiques auteurs des faits incriminés et les personnes morales. Sans prétention à l'exhaustivité il s'agit du deuxième protocole joint à la Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes273(*) ; de la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains274(*). Le cumul de responsabilité influe également sur la sanction pénale.

2- Le cumul de sanction

103. Le cumul de sanction implique que la personne morale et la personne seront soumis chacune à une sanction prononcée par le juge pénal. Mais, il peut aussi avoir cumul de sanction de nature différente entre sanction pénale et sanction fiscale par exemple.

Tout d'abord le principe général de responsabilité pénale des personnes morales en faisant d'abord le choix d'abandonner le principe de spécialité expose la personne morale à une double sanction, qui pourrait être administrative et pénale. Ensuite en admettant la règle du cumul de responsabilité des personnes physiques et morales, il accentue la répression de telle sorte qu'elle peut même paraitre excessive. En effet, même lorsque les poursuites ont été engagées contre la personne physique, la personne morale peut faire l'objet d'une sanction fiscale pour les mêmes faits275(*). Ce qui pourrait être analysé comme une violation du principe du « non bis in idem ». S'il faut reconnaitre que le cumul de responsabilité permet sanctionner deux fautes distinctes, l'on regrette qu'elle ne se soit pas accompagnée d'une vision globale de politique criminelle qui aboutirait à une seule réponse à la criminalité afin d'éviter le cumul de sanction administratives et pénales276(*). Au fond il faut saluer la réforme en elle-même et espérer que les autorités de poursuites en font un usage rationnel.

* 263NTONO TSIMI (G.), Les contraintes internationales des politiques criminelles nationales. La normativité des obligations des juges supranationaux, séminaire de grands problèmes pénaux contemporains, Master II année académique 2018-2019.

* 264« Cette pénalisation des personnes morales conduit parfois à une dépénalisation du comportement des personnes physiques qui bénéficient ainsi d'un bouclier ou d'un parapluie protecteur, puisque si, à l'origine, le législateur annonçait la juxtaposition des deux types de responsabilités, (bref, qu'en termes gastronomiques ce serait fromage et dessert), force est d'observer que de plus en plus fréquemment c'est fromage ou dessert au point que, parfois, la responsabilité pénale des personnes morales vient jeter un voile impudique sur celle des personnes physiques » MAISTRE DU CHAMBON (P.), « Rapport introductif sur la dépénalisation » in Dépénalisation de la vie des affaires et responsabilité pénale des personnes morales, collection Ceprisca, puf, 2009, p.9.

* 265 TRICOT (J.), « Le droit pénal à l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple français » op.cit. pp 19 et s.

* 266 ROUSSEAU (F.) « La répartition des responsabilités dans l'entreprise », in RSC, 2010.

* 267CONSIGLI (J.) « La responsabilité pénale des personnes morales pour les infractions involontaires : critères d'imputation » op.cit. pp. 297 - 310.

* 268 TRICOT (J.), « Le droit pénal à l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple français »,ibid. pp.19 - 46.

* 269 ROUSSEAU (F.) « La répartition des responsabilités dans l'entreprise », op.cit. pp. 10 et s.

* 270AFCHAIN (M.-A.), La responsabilité de la sociétéop.cit. p. 217.

* 271REINALDET DOS SANTOS (T-J), La responsabilité pénale à l'épreuve des personnes morales : étude comparée franco-brésilienne, op.cit. pp. 281 et s.

* 272TRICOT (J.), « Le droit pénal à l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple français »op.cit., p. 44. Et s.

* 273« La responsabilité de la personne morale en vertu des paragraphes 1 et 2 n'exclut pas les poursuites pénales contre les personnes physiques ».

* 274 L'article 22, §4 « cette responsabilité est établie sans préjudice de la responsabilité pénale des personnes physiques ayant commis l'infraction ».

* 275 Ch. Crim. C.cass. 6 décembre 2017.

* 276TRICOT (J.), « Le droit pénal à l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple français », op.cit. pp. 44 et s.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo