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Les conséquences du principe que de responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais


par Ivan De Nguimbous Tjat Limbang
Université de Yaoundé II - Soa - Master en droit privé 2018
  

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§- 1 La prise en compte à traves l'élaboration de règles particulières de procédures applicables à la personne morale

163. Le législateur camerounais devrait adopter une posture claire sur les règles de procédure en matière de poursuite des personnes morales et ne plus laisser le champ à une adaptation parfois infructueuse des règles édictées pour les personnes physiques. C'est ainsi que dans une affaire relative au contentieux des accidents de la circulation, le juge après avoir condamné la personne morale solidairement responsable aux dépends, a décerné un mandat d'arrêt contre la personne morale377(*) et en totale violation de l'article 569 du code de procédure pénale378(*).

Pour prendre en compte l'une des conséquences du principe général de responsabilité pénale des personnes morales, qui est l'expansion de la possibilité de poursuivre la personne morale, pour éviter que ces violations ne se reproduisent, le législateur doit prendre de mesures procédurales claires et précises. Ainsi, il pourrait s'inspirer des différents modèles instaurés par les droits étrangers, qui malgré leurs divergences visent soit la représentation de la personne morale (A) et aussi l'exercice de l'action publique contre la personne morale (B).

A- L'élaboration des règles particulières concernant la représentation de la personne morale

164. Pour assurer l'identification de la personne morale par le juge pénal379(*) il est nécessaire que celle-ci soit représentée. Mais la particularité de la représentation de la personne morale devant les juridictions répressives fait en sorte qu'un régime spécifique soit aménagé, ainsi au regard de la jurisprudence camerounaise et des droits étrangers concernant la représentation des personnes morales, il est nécessaire d'abord de prescrire les modalités qui encadrent le choix du représentant de la personne morale (1) mais également les mesures qui peuvent être prises contre lui (2).

1- Les règles encadrant le choix du représentant de la personne morale

165. Pour déterminer le représentant de la personne morale, autant le code pénal algérien380(*), que le législateur français381(*) ont décidé de se placer à l'époque des poursuites. Les juges camerounais ont adopté une position légèrement différente. Dans un jugement rendu le 12 octobre 2010 par le TPI d'Ebolowa, le juge affirmait que « La représentation en justice de la personne morale est normalement assurée par son représentant légal à l'époque des faits de la poursuite (...) »382(*). Ce choix semble limité dans la mesure où le représentant en exercice à l'époque des faits de la poursuite, peut ne plus être le même au moment de l'exercice de l'action publique du fait justement des divers changements qui peuvent intervenir entre les faits reprochés et la mise en mouvement de l'action publique383(*).

Bien plus, des précisions méritent d'être apportées. Lorsque les poursuites sont engagées contre le représentant, il va de soi qu'à cause du conflit d'intérêt qui peut en découler, la personne morale et même le représentant peuvent solliciter la désignation d'un nouveau représentant384(*). Ce dernier peut être un mandataire de justice lorsqu'il se pose des situations où la personne morale n'a aucun représentant habilité à la représenter. Lorsque que le changement de mandataire est effectué en cours de procédure ce dernier doit bien évidemment faire connaitre son identité à la juridiction saisie385(*). Le représentant peut également être un mandataire bénéficiant conformément à la loi ou aux statuts de la personne morale d'une délégation de pouvoir à cet effet. Rien n'empêche qu'un employé puisse représenter la personne morale, par le mécanisme de délégation de pouvoir386(*).

166. Le législateur camerounais dispose donc d'éléments intéressants pour encadrer le choix du représentant de la personne morale devant les juridictions reprécises. Il pourra également déterminer les formalités suivantes lesquelles le représentant devra faire connaitre son identité. À ce propos les différents systèmes pénaux étudiés proposent des solutions différentes. Certains ne requièrent aucune formalité particulière, d'autres précisent que le nouveau représentant doit faire connaitre son identité à la juridiction saisie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.387(*) Au fond pour des nécessités procédurales, les moyens laissant trace écrite, doivent être privilégiés par le législateur camerounais.

Au-delà de la question du choix de représentant permettant d'assurer la représentation de la personne devant la justice pénale, se pose la question des différentes règles à lui applicable.

2- Les mesures susceptibles d'être prises à l'endroit du représentant

167. La question des mesures susceptibles d'être prises à l'endroit des représentants de la personne morale est d'une importance capitale. D'abord parce que ceux-ci ne sont pas mis en cause et donc ne devrait pas subir les effets de la répression. Ensuite parce que pour les besoins du procès ceux-ci doivent nécessairement être à la totale disposition des autorités. Entre ces deux enjeux, s'impose la nécessité de prendre des mesures suffisamment flexibles pour s'adapter aux droits d'une personne contre qui aucun reproche n'est personnellement formulé mais qui doit néanmoins se soumettre à la procédure en cours.

168. Le législateur camerounais a le choix en créer un statut particulier pour les représentants des personnes morales ou l'assimiler aux témoins ou civilement responsable388(*). La deuxième solution parait la plus juste. En effet, créer un statut spécifique pour des personnes dont la responsabilité pénale n'est pas mise en jeux alors qu'un régime suffisamment abouti pour des personnes dans la même situation est déjà élaboré, pourrait s'apparenter à une surenchère législative. Tout compte fait, conformément aux articles 92 alinéa 4 et 569 du code de procédure pénale camerounais applicables au témoin, le représentant de la personne morale ne peut faire l'objet ni d'une garde à vue ni d'une détention provisoire, sauf s'il est soupçonné de perturber la recherche des preuves389(*). Le représentant peut aussi être sommé à comparaitre ou interdit de s'éloigner pour les besoins d'enquête.

Une fois les règles sur la représentation en justice de la fixées, il est nécessaire pour le législateur de poursuivre la manoeuvre et d'édicter les règles relatives à l'exercice de l'action publique contre des êtres dépourvus de chair et de sang, afin de mieux cerner les conséquences de la mise en jeux de la responsabilité pénale des personne morales.

B- L'élaboration de règles spécifiques liées à l'exercice de l'action publique contre les personnes morales

169. Dans l'expression exercice de l'action publique l'on inclut la phase d'instruction et la phase de jugement à l'exclusion de l'enquête. Dans ce sens où suivant les modes de mise en mouvement de l'action publique que ce soit par le ministère public, la victime ou les administrations spéciales390(*) visent tous soit la saisine du juge d'instruction, soit la saisine directe de la juridiction de jugement391(*). Si les moyens de mise en mouvement de l'action publique sont les mêmes pour les personnes physiques et les personnes morales, il n'en n'est pas de même pour les mesures particulières qui peuvent être prisent pendant la phase de l'information judiciaire (1) ou à la phase de jugement (2).

1- Les mesures spécifiques applicables à la phase de l'information judiciaire

Comme il a déjà été démontré, à l'exclusion des règles générales sur la recherche des preuves392(*), aucune disposition spécifique n'est établie par le législateur camerounais. Cette absence de dispositions spécifiques est de nature à limiter les effets d'une phase qui a pour principal objectif est de mettre en état le dossier de procédure, à travers la vérification des premiers éléments matériels et personnels liés à la commission de l'infraction393(*).

170. Pour pallier à cette carence, certaines mesures doivent être prises par le législateur camerounais, non seulement dans l'optique de préserver les droits de la victime, qui occupe de plus en plus importante dans le procès pénal394(*) ; pour prévenir la commission des infractions, et le cas échéant des sanctions en cas de violation de ces mesures. Il s'agira surtout du placement de la personne morale sous contrôle judiciaire avec des obligations telles que le dépôt de cautionnement, de sûreté réelles, personnelles destinées à garantir les droits de la victime, l'interdiction d'émettre des chèques, l'interdiction d'exercice de certaines activités lorsque l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de ces activités395(*).

La plupart de ces mesures sont prévues par le législateur mais seulement comme peine, ce qui suppose que pour s'appliquer, la personne morale doit avoir été condamnée. Le législateur gagnerait donc à envisager ces mesures au cours de la procédure pour donner plus de vigueur à celle-ci. Le principe étant qu'elles ne soient envisagées à titre exceptionnelles comme les gardes à vues et les détentions provisoires pour les personnes morales. Pour faire respecter ces mesures, le législateur camerounais pourrait également y attacher des sanctions. Des mesures doivent aussi être envisagées à la phase de jugement.

2- Les mesures spécifiques applicables à la phase de jugement

171. Les mesures spécifiques applicables aux personnes morales visent surtout les citations et les significations, mais aussi les avis aux représentants du personnel.

Pour ce qui est des significations et des notifications, elles doivent porter les indications de la dénomination et du siège sociale de la personne morale à qui elle s'adresse, la signification lorsqu'il est exigée qu'elle soit faite à personne doit être délivrée par exploit d'huissier au représentant légal, à un fondé de pouvoir de celui-ci ou à tout autres personnes habilitée à recevoir l'acte396(*). La signification à domicile doit être faite au lieu du siège social de la personne morale, et dans les rares hypothèses où le siège de la personne morale ne serait pas connu, lorsque le siège de la personne morale se situe dans un territoire étranger, les citations pourraient être faites à parquet397(*).

172. Pour ce qui concerne les représentants du personnel, ceux-ci doivent être avisées de la date d'audience à l'avance. Les systèmes étrangers prévoient que cette signification doit être faite au moins 10 jours avant la tenue de l'audience398(*). Si la plupart des conséquences du principe général de responsabilité pénale des personnes morales que le droit pénal n'arrive pas jusque-là à prendre en compte sont liées à la procédure, certaines ne sont que des conséquences liées aux choix substantiels d'imputation.

* 377 Affaire Compagnie Professionnelle d'Assurance et Mendouga c. Andela Marie, TPI/Acc. CA, du 10 février 2009, inédit. Voir NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais. Des lois spéciales vers un énoncé général ? » op.cit. pp. 221 et s.

* 378 Art. 569 du CPP camerounais « La contrainte par corps ne peut être prononcée contre :

a) les civilement responsables ;

b) l'assureur de responsabilité. »

* 379 Phrase empruntée à NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais. Des lois spéciales vers un énoncé général ? »ibid. pp. 221 et s.

* 380 Voir l'article 65 quater de la loi n°04-14 du 10 novembre 2004 (JO n°71, p,5) « la personne morale est représentée dans les actes de procédure par son représentant légal ayant cette qualité à l'époque des poursuites ».

* 381 Article 706-43 du code de procédure pénale français modifié par l'ordonnance n°2019-964 du 18 septembre 2019 « l'action publique est exercée à l'encontre de la personne morale prise en la personne de son représentant légal à l'époque des poursuites p. Ce dernier représente la personne morale à tous les actes de procédure ».

* 382 V. Jugement ADD/COR du 12 octobre 2010 rendu par le TPI d'Ebolowa.

* 383 En effet, la personne morale peut changer de représentant ou même se restructurer.

* 384 Cette possibilité accordée à la personne morale et au représentant est applicable en droit français. L'article 706-43 in medio du CPP français dispose « ( ...) toutefois, lorsque des poursuites pour des mêmes faits ou des faitsconnexes sont engagées à l'encontre du représentant légal, celui-ci peut saisir par requête le président du tribunal judiciaire aux fins de désignation d'un mandataire de justice pour représenter la personne morale... » ; Art. 65 quinquies du CPP Algérien « lorsque les poursuites sont engagée en même temps à l'encontre de la personne morale et de son représentant légal ou à défaut de personne habilitée à la représenter, le président du tribunal, sur réquisition du ministère public désigne un représentant parmi le personnel de la personne morale » cette solution a déjà été proposé en droit camerounais, V. NTONO TSIMI (G.), La responsabilité pénale des personnes morales : essaie d'une théorie générale, op.cit. pp. 78 et s.

* 385 Art. 64 quater in fine du CPP algérien « (...) En cas de changement de représentant légal en cours de procédure, son remplaçant est tenu d'en informer la juridiction saisie ».

* 386 Art. 706-3 al. 2 CPP français.

* 387 Art. 706-3 al. 3 CPP.

* 388V. NTONO TSIMI (G.), La responsabilité pénale des personnes morales : essaie d'une théorie générale, op.cit. pp 80 et s.

Cette solution est celle retenue par le législateur français. V art. 706-44 du CPP français « le représentant de la personne morale poursuivie ne peut en cette qualité, faire l'objet d'aucune mesure de contrainte autre que celle applicable au témoin ».

* 389 Art. 11 CPP du code de procédure pénale camerounais.

* 390 Il peut s'agir de l'administration fiscale, des eaux et forêts...

* 391 Il s'agit de la plainte avec constitution de partie civile visé à articles 157 du CPP camerounais l'alinéa 2 de cet article précisant que la plainte avec constitution de partie civile met en mouvement l'action publique et la citation directe visé aux articles 114 de la victime qui saisit pour la première le juge d'instruction, pour la seconde la juridiction de jugement. Le réquisitoire introductif d'instance du procureur de la république visé à l'article 144 qui saisit le juge d'instruction la citation directe à parquet visé à l'article 291 qui saisit le procureur la juridiction de jugement.

* 392 Fouilles, perquisition, confiscations.

* 393NTONO TSIMI (G.), cours polycopié de procédure pénale dispensé en L3, année académique 2016-2017, NTONO TSIMI (G.), La responsabilité pénale des personnes morales : esquisse d'une théorie généraleop.cit. pp. 78 et s.

* 394 Sur la place de la victime dans le procès pénal lire CARIO (R.), « Partie civile » Rép. Pen. 2011, n°27, CONTE (Ph.) « La participation de la victime au processus pénal : de l'équilibre procédural à la confusion des genres », RDPD 2009, n°3, p. 539, § n°11 : « la victime, longtemps oubliée du législateur, est devenue son enfant chéri » ; VERIN (G.), une politique criminelle fondée sur la victimologie et sur l'intérêt des victimes », RCS 1981n p.895 et s. cf. aussi SAOUSSANE (T.) La place de la victime dans le procès pénal, thèse de doctorat, université de Montpellier I, 2014.

* 395 Ces mesures sont déjà prévues en droit algérien à l'art. 64 sixties du CPP « le juge d'instruction peut soumettre la personne morale à une ou plusieurs mesures suivantes : - le dépôt de sûreté réelle destinées à garantir les droits de la victime ; - l'interdiction d'émettre des chèques ou d'utiliser des cartes de paiement, sous réserve des droits des tiers ; - l'interdiction d'exercé certaines activités professionnelles ou sociales avec rapport avec l'infraction. » Voir également l'article 706-45.

* 396 BENILLOUCHE (M.), « La poursuite des personnes morales » op.cit. p. 33.

* 397 Sur la même question voir par exemple les Art. 550 et suivant du CPP français. Ces précisions nécessitent un léger réaménagement des dispositions existantes sur les citations énoncées aux articles 40 et suivants du CPP camerounais.

* 398 Voir par exemple L'article R. 131-53, CP prévoit, en cas d'existence de représentants du personnel, que ces derniers sont avisés par lettre recommandée adressée dix jours au moins avant la date de l'audience. Lorsque le personnel de la personne morale est régi par les dispositions du code du travail relatives à la représentation des salariés, cet avis est adressé au secrétaire du comité d'entreprise ou, le cas échéant, au secrétaire du comité central d'entreprise et, en l'absence de tels comités, aux délégués du personnel titulaires. BENILLOUCHE (M.), « La poursuite des personnes morales » op.cit. p.34.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld