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Des mécanismes de collaboration entre le conseil de sécurité de l'ONU et le conseil de paix et de sécurité de l'UA en matière de sécurité collectivepar Victor MPIENEMAGU Université de Lubumbashi - Licence (Bac+5) 2018 |
§2. DE LA CONCEPTUALISATION DE LA SECURITE COLLECTIVEL'idée de la sécurité collective repose sur une vision de la paix et de la sécurité commune formant un continuum indivisible, dont la sauvegarde ne peut être assurée que grâce à des mesures de solidarité sociale : la sécurité de chacun concerne tous. Dans cette optique, la paix est vue comme bien plus qu'un simple état d'absence de guerre, mais comme une valeur à protéger et à promouvoir, voire un droit à assurer. A. Le concept politique : on peut objecter ou affirmer que la Charte des Nations Unies ne reprend le terme « sécurité collective ». néanmoins, la sécurité collective demeure dans les esprits, la variable structurelle du maintien de la paix et sécurité internationales, premier but des Nations Unies44(*). L'ONU apparait rapidement tournée vers l'avenir, beaucoup moins liée que la SDN à l'héritage d'une situation belliqueuse. Cette attitude facilite son universalisation et son adaptation au contexte politique particulièrement mouvant. La sécurité collective se confond, dès lors, avec les principes, les organes et mécanismes de l'ONU45(*). La sécurité collective tente de marier deux figures classiques des relations internationales, l'équilibre des puissances et la stabilité hégémonique. Le premier permet, lorsqu'il est atteint, la diffusion du pouvoir. Il offre donc aux Etats une sécurité partagée, mais relative : partagée, parce que le système dégage une marge de sécurité pour tous tant que se maintient la conjoncture voulue ; relative, puisque cette marge est variable entre Etats et fluctue au fil du temps, et qu'elle dépend d'une balance délicate et précaire. L'équilibre est nécessairement très instable, de par la compétition intense entre Etats pour en retirer un maximum de bénéfices. La sécurité est donc vue comme un jeu à somme nulle, où tout gain d'un participant doit nécessairement s'effectuer aux dépens-et au détriment d'un autre46(*). En revanche, la seconde consacre la supériorité d'une puissance capable d'en imposer aux autres et de générer une sécurité efficace, mais unilatérale : le système permet d'assurer un niveau optimal de sécurité, mais à un seul Etat qui en jouisse pleinement, soit la puissance hémogénique, qui la modulera en fonction de ses intérêts propres (ses partisans, eux, profiteront d'une sécurité accrue... en autant qu'ils lui restent fidèles). La sécurité est encore ici vue comme un jeu à somme nulle, opposant cette fois l'hégémon au reste des Etats47(*). La sécurité collective tente d'exploiter simultanément la diffusion décentralisée propre à la première et l'efficacité de la seconde, afin d'obtenir une sécurité optimale pour tous. Pour en arriver là, il faut pouvoir bénéficier d'une supériorité militaire à la fois écrasante et désintéressée, exercée uniquement dans l'intérêt commun. Le pouvoir de dissuasion doit être suffisant pour maintenir l'ordre, mais doit aussi être mis au service de la communauté sans être concentré entre les mains d'un seul Etat ou groupe d'Etats alliés. La sécurité demeure partagée, mais accroit son efficacité : la compétition sécuritaire peut donc devenir un jeu à somme positive dont tous peuvent sortir gagnants... s'ils peuvent en tolérer les contraintes48(*). B. Conception juridique ou canevas juridique :de cet effort résulte une construction juridique ambiguë, puisque écartelée entre des ambitions contradictoires relevant à la fois de l'interétatisme foncier de la société internationale et du superétatisme que sous-entend l'établissement d'un mécanisme centralisé de coordination et de contrôle de la réaction collection. Conceptuellement, la sécurité collective reflète le compromis nécessaire entre deux visions récurrentes en droit international : le réflexe horizontal et la tentation verticale49(*). D'une part il s'agit de la garantie du principe de l'égalité souveraine qui procède de l'article 2 point 1 de la Charte, et d'autre part il s'agit de l'impératif du Jus Cogens qui limite l'action des Etats et les soumet sous l'autorité du Conseil de Sécurité en matière de paix et de sécurité internationales sur base de l'article 39 de la Charte. La société internationale n'est pas chaotique (l'état de nature Hobbesien), mais elle est anarchique : il n'y existe formellement aucune autorité hiérarchique suprême. Le droit international se distingue du droit interne en ce qu'il ne comporte ni législateur, ni juge obligatoire : ses sujets sont aussi, et simultanément, ses créateurs. Il en résulte une structure particulière, fondamentalement décentralisée, dont la pierre d'angle est - et demeure - la souveraineté, à laquelle s'assortira inévitablement une égalité formelle des Etats. L'architecture du système international se déploie sur un plan horizontal, et c'est ainsi que sont pensés de prime abord les éléments qui s'y intègrent. L'avantage de ce système est évidemment le maintien de la souveraineté de chacun. L'inconvénient en est la place primordiale accordée à l'auto-interprétation et à l'auto-protection : chaque Etat est maître de la façon dont il interprète ses obligations, et responsable d'assurer le respect de ses droits. Les différends entre Etats peuvent être réglés par des moyens pacifiques, mais ils peuvent l'être aussi par le recours à la force. Le désordre qui s'ensuit peut dès lors rendre plus attirante une structure d'autorité verticalement intégrée, la figure d'un véritable Léviathan international. La sécurité collective est issue de la tension dialectique entre ces deux pôles : les efforts d'institutionnalisation de la sécurité collective comportent à la fois un aspect de « monopolisation de la force légitime » et de renforcement du « contrat social »50(*). L'idée force dépasse la simple alliance défensive de tous contre un (horizontale) : le principe en est une action collective centralisée, régie par des institutions collectives (verticale). La tentation verticale pousse les Etats à limiter sévèrement leurs possibilités de recourir légalement à la force (au moins dans leurs relations mutuelles) et à sacrifier une part de leurs pouvoirs d'interprétation et d'exécution au profit d'une entité collective capable de formuler des motifs d'intérêt commun, et non plus strictement national. Plus encore, ils doivent doter cette entité d'instruments de coercition suffisamment efficaces pour imposer sa volonté aux Etats récalcitrants. Le réflexe horizontal entre en jeu pour confirmer la responsabilité première de l'Etat quant à sa propre sécurité, et maintenir sa capacité de définir et de choisir les moyens voulus pour ce faire : l'Etat a donc le droit de s'armer comme bon lui semble, et de rechercher le soutien de qui voudra bien le lui accorder à cet effet. L'interdiction de recourir à la menace ou à l'emploi de la force connaît donc deux exceptions, soit la participation à une sanction collective autorisée ou mandatée par l'institution qui détient le pouvoir d'adopter et de légitimer les mesures de réponse à l'illicite, et la légitime défense en vertu de laquelle il est légalement permis à un Etat (ou groupe d'Etats) de réagir unilatéralement par la force à une agression armée51(*). * 44 « Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix », lire la Charte des Nations Unies, article 1 point 1. * 45 MWAYILA TSHIYEMBE, le Droit de la sécurité internationale, Le Harmattan, Paris, 2010, pp. 15-16. * 46 MWAYILA TSHIYEMBE, op.cit, p. 17. * 47Idem * 48 KALALA ILUNGA Matthiesen, op.cit, pp. 24-25. * 49 Jean-François GAREAU, op.cit, p.7. * 50 KALALA ILUNGA Matthiesen, op.cit, p. 26. * 51 Jean-François GAREAU, op.cit, p. 9. |
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