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La protection financière du patrimoine public

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par Jennifer Marchand
Université des sciences sociales Toulouse 1 - Master 2 Droit public des affaires 2006
  

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§ 2. La limite d'une démarche purement économique : le maintien d'une exigence de protection du patrimoine public.

« Il faut sans doute se garder d'une illusion : on peut atténuer les aspérités de la domanialité publique mais il est sans doute illusoire de penser que l'on peut avoir simultanément les avantages inhérents à des logiques sinon opposées du moins substantiellement différentes. On ne peut pas revendiquer à la fois l'idée d'une protection domaniale forte, au nom de la police, ou des libertés publiques ou de l'intérêt général, et revendiquer d'autre part, les avantages économiques d'une exploitation en quête de rentabilité, il y a là deux approches également légitimes et respectables, mais entre lesquelles il faut choisir et que l'on ne peut pas impunément confondre ou réunir »69(*)

En rapport avec la réforme de la loi organique sur les lois de finances, apparaît une nouvelle dimension liée à l'approche managériale de la gestion de l'Etat qui retentit directement sur la conception même du domaine. Si la tendance actuelle démontre un souci de limiter la domanialité publique à « un noyau dur »70(*), la solution extrême d'une cession se heurte aux limites des bases constitutionnelles du domaine (A).

Les deux objectifs de valorisation et de protection sont certes antinomiques mais les décisions jurisprudentielles, tant constitutionnelles qu'administratives, démontrent qu'il est possible de composer entre ces deux orientations. Depuis quelques années, le droit du domaine public doit prendre en compte de nouvelles considérations sans cependant que soient perdus de vue les principes de protection résultant de l'inaliénabilité et de l'incessibilité à vil prix des propriétés publiques. Toutefois, l'application concrète de ces deux principes fait l'objet d'une certaine relativité (B).

A La protection du domaine public, un impératif constitutionnellement reconnu ?

La jurisprudence, tant constitutionnelle qu'administrative, s'est depuis quelques années largement développée pour témoigner de l'existence d'une protection de nature constitutionnelle sur les propriétés publiques (1) même s'il est possible de dénoter une certaine confusion (2).

1. Les limites inhérentes à la protection constitutionnelle des biens publics

. Analyse de la jurisprudence constitutionnelle

La question qui se pose, est de savoir s'il existe des règles et principes constitutionnels que le législateur doit respecter lorsqu'il modifie le droit domanial. Il semble à cet égard que la première constatation qui s'impose est que, dans sa décision n° 94-346 DC du 21 juillet 1994, Loi relative à la constitution de droits réels sur le domaine public71(*), le Conseil constitutionnel a en quelque sorte constitutionnalisé l'existence d'un domaine public en considérant que le législateur ne peut modifier le droit de la domanialité publique qu'à la condition « de ne pas priver de garanties légales les exigences constitutionnelles qui résultent de la continuité des services publics auxquels le domaine public est affecté »72(*). Il s'agit d'une logique de protection de l'utilisation qui est faite du domaine. Il s'agit en outre, d'assurer la protection d'autres principes à valeur constitutionnelle : continuité du service public. L'approche s'avère donc pragmatique et ne vise en aucun à une quelconque « sanctuarisation du domaine public »

Une autre approche est également à l'oeuvre dans cette décision. Ce raisonnement s'appuie sur les dispositions de l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. La protection qui est due à la propriété privée concerne à titre égal, la propriété étatique. Le Conseil en tire comme conséquence que le domaine public ne peut être grevé de droits réels « sans contrepartie appropriée eu égard à la valeur réelle de ce patrimoine ». Ici est bien en oeuvre une logique patrimoniale qui interdit toute valorisation qui se ferait à un prix inférieur à la valeur réelle des biens publics

Il résulte clairement de ce considérant que le régime juridique des biens du domaine public doit nécessairement comprendre des règles susceptibles de faire en sorte que le respect des exigences constitutionnelles soit obligatoire. Cela ne signifie pas, semble-t-il, que ces éléments obligatoires, ont valeur constitutionnelle en eux-mêmes. Ils doivent seulement faire partie des principes que l'administration doit respecter dans la gestion de ceux de ses biens qui appartiennent au domaine public. Pour prendre l'exemple de l'inaliénabilité, ce ne serait pas parce que celui-ci constituerait un élément constitutionnellement obligatoire du régime de la domanialité publique qu'il aurait nécessairement valeur constitutionnelle. En d'autres termes, si, à la différence de l'administration, le législateur peut, comme il l'a fait pour France Télécom73(*), déclasser et transférer la propriété de biens affectés à un service public sans mettre au préalable fin à l'affectation, il ne peut malgré tout le faire que si, il ne porte pas atteinte au principe de continuité des services publics. Le Conseil d'Etat est également intervenu en la matière.

â. La jurisprudence administrative : la reconnaissance d'un « impératif d'ordre constitutionnel de protection du domaine public ».

C'est à l'occasion d'un recours en excès de pouvoir dirigé contre l'une des dispositions du décret n° 97-683 du 30 mai 1997 relatif aux droits de passage sur le domaine public routier et aux servitudes prévues par le Code des postes et télécommunications que le Conseil d'Etat, dans l'arrêt SIPPEREC du 21 mars 2003, a énoncé le principe suivant : « Qu'en vertu de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, auquel se réfère le Préambule de la Constitution, la protection du domaine public est un impératif d'ordre constitutionnel »74(*). L'expression retenue n'est pas sans rappeler celle « d'objectif à valeur constitutionnelle » utilisée par le Conseil constitutionnel au regard de l'objet de l'impératif : la limitation des droits fondamentaux (la liberté du commerce) et la promotion de valeurs collectives (l'affectation à l'usage du public). Il fallait se méfier d'une lecture de l'espèce trop hâtive conduisant à interpréter la consécration de l'impératif d'ordre constitutionnel comme une réaction au phénomène de patrimonialisation du domaine public. Face au développement de l'exploitation économique du domaine public, le Conseil d'Etat réaffirme que ce dernier n'est pas comme les autres et qu'il doit donc recevoir une protection spéciale.

Comment comprendre l'impératif de protection posé par le Conseil d'Etat ? L'emprise de la logique subjective et patrimoniale sur la propriété publique s'est accentuée à la faveur de plusieurs évènements. Tout d'abord, à la faculté traditionnelle d'invoquer des motifs de gestion pour délivrer les autorisations d'occupation privatives du domaine public, s'est ajoutée une liberté réelle du gestionnaire quant au choix de ces motifs. Les lois du 5 janvier 1988 et du 25 juillet 1994 ont ensuite remis en cause partiellement le principe de l'inaliénabilité en autorisant la constitution de droits réels. Par ailleurs, par une importante décision d'Assemblée du 23 octobre 199875(*), le Conseil d'Etat a refusé par opportunité d'appliquer la domanialité publique aux biens d'Electricité de France (EDF) de manière à assurer à cette entreprise une liberté dans la gestion de son patrimoine. En définitive, on assiste à une banalisation de la gestion du domaine public lequel se rapprocherait davantage d'un espace marchand à l'instar du domaine privé. Toutefois, c'est à cette idée que le Conseil d'Etat s'oppose dans la décision SIPPEREC. Le domaine public n'est pas un espace comme les autres, un espace sur lequel tout type d'activités, à commencer, par celles économiques, pourrait librement s'exercer.

L'arrêt EDF précité pourrait conduire comme le suggère C. LAVIALLE, à la disparition du critère de l'affectation à un service public, étant donné que l'exercice d'une mission de service public, est de plus en plus jugé incompatible avec le maintien des contraintes liées à la domanialité publique. La protection ne devrait pouvoir concerner que le domaine affecté à l'usage du public, déjà appelé le « noyau dur » du domaine public, de manière à ne pas entraver la valorisation de certains biens non affectés à cet usage.

2. Les doutes quant à la portée réelle de la protection

La jurisprudence ci-dessus examinée démontre l'existence d'une double protection : protection du droit de propriété des personnes publiques et protection de l'affectation des biens du domaine public. Propriété et domanialité ne sont pas dans une logique de concurrence, leurs liens se juxtaposent et sont connexes. Toutefois, un examen plus approfondi permet de mettre en exergue certaines confusions.

La première source de confusion réside dans le mélange des deux impératifs de protection. Cette tendance n'est pas nouvelle puisque déjà l'arrêt B.R.G.M du 21décembre 1987 est révélatrice de cette confusion76(*). La Cour y écrit que les biens des personnes publiques bénéficient de l'insaisissabilité, cette situation témoignant de l'existence d'un principe général du droit. Pour arrêter cette solution, la Cour indique que ces biens relèvent de procédés de gestion dérogatoires du droit commun. On peut se demander si une logique de protection n'est pas inscrite en filigrane. Logique patrimoniale et logique de protection de l'affectation sembleraient alors se confondre, accréditant au surplus l'idée selon laquelle le domaine public constituerait la forme de propriété privilégiée des personnes publiques.

La deuxième de source de confusion provient de glissements sémantiques progressifs. L'arrêt SIPPEREC paraît conduire à des effets surdimensionnés. En particulier, la formule aurait gagné à être définie de manière plus restrictive. Sous le couvert de l'expression « protection » que vise-t-on exactement ? L'interprétation est en effet susceptible de donner lieu à de nombreuses interrogations de la part des gestionnaires du domaine public77(*).

En réalité, il ne s'agit pas d'être alarmiste. Ces deux séries de protection peuvent se cumuler ; elles ne doivent ni être confondues, ni être entendues de manière trop large. Il convient de soutenir toutes les solutions techniques qui, tout en préservant ces impératifs, permettent de donner aux gestionnaires des moyens souples et faciles pour gérer les propriétés publiques. En outre, la décision SIPPEREC du 21 mars 2003 a été rendue en matière de circulation. Cela permet de comprendre, qu'en aucun cas, la valorisation du patrimoine public connaît un coup d'arrêt. La protection ne concerne que le domaine affecté à l'usage du public.

Les juridictions administrative et constitutionnelle veillent, non sans confusion dans la formulation, à ce que l'exploitation économique du domaine public se fasse dans le respect d'un principe de protection de celui-ci. La valorisation doit donc composer avec l'application des principes d'inaliénabilité et d'incessibilité à vil prix des propriétés publiques.

* 69 Daniel LABETOULLE, Intervention au Colloque « Domaine public et activités économiques », n° Hors série des CJEG, oct. 1991

* 70 Expression utilisée par le Conseil d'Etat dans son rapport de 1986, Réflexions sur l'orientation du droit des propriétés publiques, EDCE, n°38, 1987

* 71 AJDA 1994, p. 786, note G. GONDOUIN, RFDC 1994, p. 814, note P. BON

* 72 Voir l'article de E. FATÔME, « A propos des bases constitutionnelles du droit du domaine public », AJDA 2003, p. 1192

* 73 Décision 96-380 DC du 23 juillet 1996, Loi relative à l'entreprise nationale France Télécom, commantaire de M. VERPEAUX, LPA, 11 juin 1997, n°70, p. 19

* 74 CE, 21 mars 2003, Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux (SIPPEREC), JCP éd. A 2003, n° 1484, note J. MOREAU, note de J. SOULIE, « Le domaine public : une catégorie juridique protégée ? » , RFDA 2003, p. 905

* 75 Sur cette décision, C. LAVIALLE, Le domaine public : une catégorie juridique menacée ?, RFDA 1999, p. 578.

* 76 Grands arrêts de la jurisprudence administrative, 14ème édition, Dalloz, p. 678

* 77 Le Conseil constitutionnel a ajouté à la confusion dans sa décision du 26 juin 2003 relative aux contrats de partenariat public-privé. L'apparition de la notion « droit commun de la domanialité publique » peut interpeller le lecteur tant les contours de cette notion sont loin d'être d'une netteté absolue

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