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La protection financière du patrimoine public

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par Jennifer Marchand
Université des sciences sociales Toulouse 1 - Master 2 Droit public des affaires 2006
  

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B. La recherche de la rentabilité du patrimoine public, un objectif persistant

L'admission de la recherche de la rentabilité du domaine public comme objectif valable de la gestion dudit domaine se retrouve dès l'Ancien régime à une époque où le domaine royal constituait une source de revenus particulièrement importante. Le constat d'une apparente contradiction entre le régime protecteur du domaine public et la volonté de tirer le maximum de recettes n'est pas propre à l'époque contemporaine. A ce propos, le professeur YOLKA a ainsi écrit : « La monarchie s'est débattue dans une des contradictions dont souffre encore le droit domanial. L'inaliénabilité impliquait la précarité des occupations privatives. Mais une telle instabilité dissuadait les possesseurs d'investir de sorte que le domaine restait peu frugifère et fort mal entretenu25(*) ». C'est ce constat qui à notre époque a abouti à l'adoption des lois de 1988 et 1994 dont le régime juridique a été renforcé dans le sens d'une admission accrue de l'impératif de valorisation par l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques 26(*).

Pour l'essentiel, les grands traits de régime domanial, qui s'établissent au XVIIIème et au XIVème siècles, sont stables et s'appliquent à tous les biens de la Couronne. Cette propriété, parce qu'elle est publique, est soumise à un régime protecteur dérogatoire au droit commun. Mais parce qu'il s'agit d'une propriété, elle fait l'objet d'une exploitation économique. L'inaliénabilité acquiert une portée générale au XVème siècle et le mouvement s'accentue au siècle suivant ; plusieurs édits établis sous François Ier indiquent que l'inaliénabilité est en train de s'imposer comme une loi fondamentale27(*). Cette évolution est consacrée par l'Edit de Moulins en février 1566 sous le règne de Charles IX. En réalité, l'inaliénabilité ne s'est développée que parce que la monarchie y trouvait son compte. En effet, c'est surtout pour protéger les revenus dont il est la source que le domaine devient inaliénable.

« Le domaine - écrivait Bodin - est le plus seur moyen de faire fonds ». Sous l'Ancien régime, l'exploitation financière du domaine royal revêt une grande importance dans la mesure où les ressources domaniales ont longtemps constitué la principale source de revenus royaux. Si, à partir du règne de Louis XI, les ressources tirées de l'impôt ont pu dépasser celles provenant des biens domaniaux, ces dernières ont, tout au long de l'Ancien régime, constitué une source habituelle et importante de revenus.

Tout d'abord, le pouvoir royal a utilisé sa faculté d'aliéner de « petits domaines » (il s'agit de biens de faible importance tels que les moulins, les marins et étangs), entendus de manière très extensive. Sous le règne de Louis XIV l'aliénabilité des petits domaines a connu une progression remarquable. Les édits de la fin du règne du roi Soleil en allongèrent la liste et ordonnèrent des aliénations multiples. La souplesse de cette notion permit d'aliéner des terres qui n'en relevaient pas.

Un second moyen de percevoir des recettes à partir des biens domaniaux consistait à engager des biens de la Couronne. L'engagement était défini comme la remise en gage d'un bien domanial pour garantir le remboursement d'une somme empruntée. Il ne transférait à l'engagiste que les droits utiles mais il était néanmoins transmissible. C'est pourquoi, les conditions strictes auxquelles il était subordonné, n'empêchèrent pas son développement, tant la formule constituait pour la monarchie une source de revenus importante. Outre ces deux principales modalités d'exploitation du domaine royal, d'autres modalités existaient depuis la perception directe de produits domaniaux jusqu'à la concession de biens à titre de bénéfices viagers en passant par des échanges qui pouvaient dissimuler des aliénations.

Les nécessités financières ont donc conduit la monarchie à privilégier l'exploitation au détriment de l'inaliénabilité. Cette politique domaniale est à l'origine d'un amenuisement constant des terres publiques et des ressources ordinaires. Le domaine ne représente plus à la fin de l'Ancien Régime qu'une fraction du territoire du royaume28(*). La monarchie a voulu enrayer ce processus par une politique de rachat des domaines engagés et de rationalisation de l'exploitation domaniale. En parallèle, elle tente d'améliorer le rendement du domaine, en rationalisant son exploitation, confiée à un nombre restreint d'adjudicataires à partir de 1666, avant que ne soit créée en 1680, la Ferme Générale. Cette compagnie assura la recette des droits et produits domaniaux pendant un siècle jusqu'à ce qu'un arrêt de règlement du 9 janvier 1780, pris à l'instigation de Necker, en confie le recouvrement à une « Administration générale des Domaines et des droits domaniaux ».

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Sans chercher à faire un résumé de l'histoire de la gestion domaniale, l'intérêt de ce rappel est de mettre en lumière l'ancienneté de la préoccupation de rentabilité et de valorisation. En réalité, l'histoire de l'exploitation domaniale est discontinue, le XIXème siècle se caractérisant par une atténuation des considérations financières au profit de considérations de police. En fait, les périodes pendant lesquelles la recherche de valorisation prédomine sont étroitement liées à la reconnaissance du droit de propriété des personnes publiques.29(*)

* 25 P. YOLKA, « La propriété publique. Eléments pour une théorie », Paris, LGDJ, 1997, p. 91

* 26 Prise sur le fondement de l'art. 48 de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie ayant habilité le gouvernement à prendre par cette voie les mesures législatives nécessaires pour modifier et compléter les dispositions relatives : à la définition, aux modes d'acquisition, à l'administration, à la protection et au contentieux du domaine public et du domaine privé, mobilier comme immobilier, de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres personnes publiques dotées de la personnalité morale, à l'authentification des actes détenus en jouissance par ces personnes publiques, au régime des redevances et des produits domaniaux, tant en ce qui concerne leur institution que leur recouvrement, à la réalisation et au contrôle des opérations de prises en location, d'acquisition et d'aliénation poursuivies par ces personnes publiques,

* 27« Davantage sommes-nous par constitution, garder et observer à notre pouvoir les terres de notre domaine » (édit de 1521, cité par Baillère, Du Domaine public de l'Etat) ; « Savoir faisons que nous considérons notre dit domaine et patrimoine de France être inaliénable par quelque espèce ou manière que ce soit, directement ou indirectement, attendu que ledit domaine et patrimoine de notre couronne est réputé sacré et ne peut tomber au commerce des hommes... » (édit du 30 juin 1539, cité par Récy, Traité, T. 1)

* 28 S'il conserve encore une importance dans les recettes de l'Etat, c'est grâce au domaine incorporel. Un arrêt du Conseil du 14 janvier 1781 le reconnaît en ces termes : « Sa Majesté a dû arrêter ses regards sur l'aliénation de ses domaines et elle n'a pu voir sans peine que cet ancien patrimoine de la Couronne était tellement diminué (...) qu'il ne restait maintenant entre ses mains que le plus modique revenu de cette nature de biens... »

* 29 Ce lien nous permet de comprendre le choix qui a été fait pour intituler le Code qui a été adopté à la suite de l'ordonnance du 21 avril 2006 et qui recèle de nombreuses dispositions qui vont dans le sens d'une plus grande valorisation domaniale plus à l'écoute des exigences économiques et financières.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon