Il y'a conflit de compétence, lorsque deux ou
plusieurs autorités prétendent avoir compétence pour la
même affaire, il s'agit dans ce cas d'un conflit positif. Ou au contraire
décline leur compétence pour une affaire, il s'agit d'un conflit
négatif car dans ce cas, l'une des autorités réclame ou
décline à tort sa compétence96.
Les conflits de compétence que la cour
constitutionnelle congolaise sera amenée résoudre,
jouant
ainsi le rôle d'un tribunal de conflit à la française,
concernera : d'une part le conflit de
compétence entre l'Etat et les
provinces (A) et d'autre part les conflits de
compétence entre les
différents ordres suprêmes
juridictionnels(B).
A) Juge des conflits de compétence entre
l'Etat et les provinces
95 Art, 61, al 4. Constitution de 1958
96 S. PEYROU-PISTOULEY. La cour constitutionnelle
Autrichienne et le contrôle des lois en Autriche ,collection droit
positif, economica, 2001, introduction.
70 La répartition des compétences entre l'Etat
et les provinces fait l'objet d'une réglementation
détaillée dans les articles 202 à 205 de la constitution
de 2006. Il s'agit du même procédé utilisé pour la
loi et le règlement. En effet l'article 202 énumère une
liste des matières qui relève de la compétence exclusive
du pouvoir central. Quant à l'article 204, il établit la liste
des compétences qui sont exclusives des provinces. Cependant plusieurs
de ces compétences doivent être exercées dans le respect de
la conformité à la législation nationale. Le respect de
cette condition est une question de compétence jugée par la cour
constitutionnelle.
En effet, c'est l'article 64 de la proposition de LO qui
donne compétence à la cour constitutionnelle de connaître
des conflits entre l'Etat et les provinces. Il est cependant vrai que le
constituant en répartissant précisément les
compétences entre les différentes entités publiques dans
les articles 202 à 205 de la constitution; facilite le travail de la
cour qui devra simplement sanctionnée les empiétements des uns et
des autres dans les différents domaines de compétences
exclusives.
Toutefois, qui peut saisir la cour? Le recours contre un acte
législatif ou réglementaire qui sera pris en violation des
domaines de compétences étatiques ou provinciaux, ne peut
être intenté que par le Président de la République,
le Président de l'assemblée nationale, le Président du
sénat, le gouvernement, un dixième des membres de chacune des
chambres parlementaires et ce qui est logique eu égard à leur
qualité; les présidents des assemblées provinciales, les
gouverneurs des provinces ou un dixième des parlementaires des
assemblées de provinces; c'est ce qui ressort de la lecture de l'article
65, al 2 de la proposition LO.
A côté des compétences exclusive, la
constitution de 2006 établie une liste des compétences
concurrentes c'est à dire les compétences qui ne sont
réservées ni à l'Etat ni aux provinces.
Ce type d'organisation est souvent de mise dans les Etats
fédéraux, c'est aussi ce système qui prévaut au
sein de l'union européenne97.
71 C'est donc l'article 203 de la constitution qui
prévoit ses matières concurrentes. Quant à l'article 66 al
1er LO, il reprend mot à mot la constitution en précisant
toutefois que dans ces matières, tout édit
provincial98 incompatible avec les lois et règlements
d'exécution nationaux est nul ou abrogé de plein droit. Il s'agit
d'une sanction de plein droit qui ne s'applique qu'en présence d'une
incompatibilité de la norme provinciale avec la norme nationale.
Les alinéas 2 et 3 du même article,
décrivent la procédure pour faire constater cette
incompatibilité.
D'abord, il faut une notification à la province pour lui
faire remarquer la nature de l'incompatibilité de son édit.
Ensuite, le Président de la République, le
Président du Sénat, le Président de l'assemblée
nationale, le premier ministre, un dixième de député ou un
dixième de sénateurs pourront saisir la cour constitutionnelle
pour faire constater l'incompatibilité.
On le voit, le juge constitutionnel congolais aura à
concilier deux éléments en apparence inconciliable:
En premier lieu, l'impératif unité du droit sur
l'ensemble du territoire congolais, c'est la conséquence du
caractère unitaire de l'Etat mise en place par la constitution de
2006.
Même s'il est vrai que l'organisation étatique
congolaise est plus proche d'un Etat régionaliste99 comme
l'Italie que d'un Etat décentralisé mais à forte
concentration administrative comme la France. D'ailleurs dans ce dernier cas,
le conseil constitutionnel a dû réaffirmer à plusieurs
reprises l'obligation de l'unicité du droit sur l'ensemble du territoire
national. Ce qui passe notamment par le caractère unique du peuple
français, réfutant par la même occasion la notion de «
peuple corse » 100 . Cette obligation de la recherche sans cesse de
l'unité du droit pèsera de manière plus forte sur le juge
constitutionnel qui à cause des prérogatives importantes des
assemblées parlementaires des provinces, devra veiller pour maintenir
cette unité juridique.
98 Un édit est un acte législatif ou
réglementaire adopté par les assemblées parlementaires des
provinces ou pris par un gouverneur de province
99 . MELMOTH « RDC, décentralisation et
sortie de crise » parle d'une décentralisation régionaliste.
Www.cairn.info
72
En second lieu , elle devra garantir aux assemblées de
provinces, l'autonomie que leur accorde la constitution et notamment en ce qui
concerne les compétences exclusives de l'article 204.
Au demeurant se pose la question de cette garantie, pourquoi
les élus provinciaux ne pourront- ils saisir la cour constitutionnelle
d'une part pour faire constater, qu'une mesure nationale viole l'autonomie des
provinces? Et d'autre part, l'on pourrait imaginer qu'un édit provincial
viole une disposition nationale et que le gouverneur d'une province autre que
l'auteur de l'édit saisisse la cour pour faire constater cette
violation. En l'état actuel du droit, cet hypothèse, n'est pas
envisageable puisque les autorités provinciales n'ont le droit le saisir
la cour pour faire constater une telle violation.
En outre, la constitution congolaise de 2006, contrairement
à d'autres constitutions fédérales ou régionales ne
se prononcent pas sur le pouvoir résiduaire puisqu'il est peut probable
que les trois listes de compétence comprennent toutes les
matières, la question devra être résolu par la cour
constitutionnelle en prenant en compte le fait que les prérogatives des
provinces ne peuvent être réduites.
Enfin, il semble que la loi organique ne règle les
conséquences d'un arrêt de la cour constitutionnel annulant une
norme nationale ou provinciale pour excès de compétence. Pour les
raisons de sécurité juridique et d'unité du droit pour
l'instant la loi organique se borne à reprendre la formule de l'article
205 de la constitution « annule ou abroge » qui plaide pour une
annulation sans effet retroactif101.
À l'instar du tribunal des conflits français, la
cour constitutionnelle congolaise aura aussi pour charge de résoudre les
conflits de compétences entre la cour de cassation et le conseil
d'Etat.
B) Juge des conflits de compétences entre
ordres suprêmes juridictionnels
L'éclatement de l'ancienne cour suprême
congolaise a donné naissance comme en France99
à
trois ordres juridictionnels distincts. Alors que sous le
régime de l'ordonnance de mars 1982
101 A. ALEN « contrôle de constitutionnalité
des lois et d'autres actes après leur adoption »
www.popups.ulg.ac.be 99Dans le
système français il existe trois ordres suprêmes: le
conseil constitutionnel, le conseil d'Etat et la cour de cassation.
73 relative au fonctionnement et à l'organisation de
la cour suprême de justice, tout le contentieux était réuni
dans les différentes sections de cette cour suprême aux
compétences hétérogènes. Désormais avec la
constitution de 2006: l'ordre judiciaire est placé sous
l'autorité de la cour de cassation qui est à ce titre la cour
suprême des juridictions judiciaires; le conseil d'Etat est à la
tête de toutes les juridictions administratives et enfin la cour
constitutionnelle qui est entre autre chargée de régler les
éventuels conflits de compétences qui surviendront forcement
entre les ordres juridictionnels précédemment cités. Il
existe aussi une haute cour militaire mais, elle n'est pas concernée par
le conflit de compétence de l'article 161 de la constitution.
Cette dualité des ordres juridictionnels pose un
certain nombre de problème, il y'a lieu de mettre en place des
instruments de manière à éviter les empiétements de
l'un sur l'autre. Il faut aussi éviter qu'un litige ne puisse être
tranché par aucune juridiction des deux autres. En effet, contrairement
à un pays comme la France où il existe un organe
spécifique dénommé tribunal de conflits100 dont
la mission est de trancher les litiges entre les deux ordres de juridiction. Et
qui est Composé de façon paritaire, avec autant de conseillers
d'Etat que des conseillers de la cour de cassation est dirigé par le
garde des sceaux.
Le constituant congolais de 2006 a choisi de confier à
la haute autorité constitutionnelle, le soin de trancher les
contestations qui s'élèveront entre le conseil d'Etat et la cour
de cassation. Cette démarche lui permet de régler les conflits
d'attributions indépendantes des ordres juridictionnels en cause sans
pour autant créer une juridiction spécifiquement
dédié à ce type de problème101.
L'article 161, al. 4 et 5 de la constitution de 2006 confie
cette compétence à la cour constitutionnelle .L'article 67 LO
reprend cet article qui semble dégager deux points au moins : Le premier
est issu de l'alinéa 4 qui dispose « la cour constitutionnelle
connaît des recours contre les arrêts rendus par la cour de
cassation et le conseil d'Etat, uniquement entant qu'ils se prononcent sur
l'attribution du litige aux juridictions de l'ordre judiciaire et
administratif. »
74 Au regard de cet article, la compétence
dévolue à la cour constitutionnelle n'est pas
générale , il s'agit d'une compétence d'attribution qui ne
s'applique que dans le cas spécifique d'une attribution de
compétence entre les deux juridictions suprêmes .
La conséquence de cette affirmation se retrouve dans
l'alinéa 5 qui dispose « Le recours n'est recevable que si un
déclinatoire de compétence est soulève par ou devant la
cour de cassation ou le conseil d'Etat » Il s'agit d'une limite de
procédure destinée a empêcher l'usage d'un tel recours
à des fins dilatoires .
Cette mesure de précaution ne nécessite pas
directement de mesure d'exécution . La saisine de la cour
constitutionnelle est ouverte à toute personne intéressée,
la seule condition étant de respecter le délai de deux mois
suivant la signification de la décision.
Par ailleurs, l'alinéa 3 ouvre la possibilité au
ministère public de saisir la cour constitutionnelle directement de son
propre initiative ou indirectement, à la demande de toute personne
intéressée par le conflit d'attribution entre les deux ordres.
Dans cette matière, les deux parties, forcement le
conseil d'Etat et la cour de cassation doivent motiver leurs avis, avant que la
cour constitutionnelle ne statue. L'arrêt de règlement lie
l'ensemble des ordres juridictionnels sur l'attribution de compétence ;
cette disposition est issue de l'article 70 alinéa 3 mais dans la
constitution de 2006, l'article 161 est encore plus claire puisqu'il dispose
que l'arrêt de règlement par lequel, la cour attribue la
compétence à l'une ou l'autre juridiction a un caractère
d'ordre public.
Dans l'ancien régime, régis par l'ordonnance
-loi 82-0 17102, le titre VI, chapitre 1er prévoyait comme
c'est le cas en France un double conflit d'attribution de compétence au
regard de l'article 124103 . En outre, la procédure
était assez complexe pour différentes raisons mais surtout du
fait que la compétence des compétences revenait à la cour
suprême de justice en section réunie.
1 02Ordonnance relative au fonctionnement et à
l'organisation de la cour suprême de justice.
103 Il y'a conflit d'attribution, lorsqu'une section judiciaire
et une section administrative se déclarent pour une même demande,
mue entre les mêmes parties, à la fois compétentes ou
incompétentes. L'exception
d'incompétence soulevée devant une section
judiciaire ou devant ou section administrative sur le motif que la demande
relève en tout ou en partie de l'autre section doit être
tranchée par décision séparée.
75 Dans le système issu de l'article 67 LO, la cour de
cassation et le conseil d'Etat sont deux juridictions différentes et non
deux sections d'une « super-juridiction » par ailleurs, seul le
conflit d'attribution négatif semble être organisé,
puisqu'un déclinatoire de compétence est exigé avant la
saisine de la cour. Or, un déclinatoire de compétence, implique
que les parties se rejettent la compétence.
En 2006, le constituant congolais a mis en place un
système ou le président de la république est la clef de
voûte des institutions, mais en même temps, il a crée un
organe juridictionnel, détenteur d'importants pouvoirs pour
réguler l'activité des pouvoirs publics. En
réalité, il a mis en place un véritable face à face
entre le président de la république et la cour
constitutionnelle,
Paragraphe 3: La compétence du juge
constitutionnel vis-à-vis du président de la République
Il y'a quelques temps maintenant, Louis FAVOREU
affirmait: « lorsque le 4 octobre 1958, la constitution est
promulguée, c'est bien la fin de la toute puissance du parlement qui
retient d'abord l'attention, les fonctions présidentielles et
juridictionnelles, étant les conséquences de cet
abaissement.»104 Cette affirmation, n'est pas valable pour
le système mis en place en RDC en 2006, puisque sous le régime du
Mobutisme105 il ne s'agissait non pas de la toute puissance du
parlement mais, de la toute puissance du parti unique et de son chef. Mais il
est vrai, que le régime mis en place en RDC en 2006 comme celui de la
France de 1958 repose sur l'établissement d'un chef de l'Etat
doté des pouvoirs discrétionnaires dignes d'un régime
présidentiel et sur l'instauration d'un organe juridictionnel de tout
premier plan.
Le président de la république et la cour
constitutionnelle sont nés de cette originalité, pour
des
raisons certes différentes mais finalement pour le même
objectif: la stabilité du regime106.Ainsi
104 L. FAVOREU « Le conseil constitutionnel
régulateur de l'activité normative des pouvoirs publics «,
RDP, 1967 P. 13.
105 A propos du régime du feu maréchal MOBUTU,
président du Zaïre de 1965 à 1997.
106 I. RICHIR « le président de la république
et le conseil constitutionnel »Puf, introduction générale, P
5
76 la mise en place d'un surveillant de la loi , symbolisant
l'instauration de l'Etat de droit 107, était associé
à un régime avec une tendance présidentialiste .
Même si la constitution de la 3e République en
RDC, instaure un bicéphalisme, comme en France, il s'agit en
réalité d'un régime ou le président de la
république est le principal dépositaire du pouvoir
exécutif.
Ce système a pour conséquence, l'accroissement
du rôle du juge constitutionnel dans ces rapports avec le
président de la république. En effet, en présence d'un
« monarque constitutionnel »108 qui ne craint plus le
parlement puisque doublement soumis, à la fois par le fait majoritaire
et la dissolution ; l'existence d'un organe indépendant
représentant le principal contre-pouvoir est indispensable.
Toutefois, nous n'évoquerons pas la compétence
pénale du juge constitutionnel vis-à-vis du président de
la république et du premier ministre. Cette compétence importante
de la cour fera l'objet de la deuxième section du chapitre II.
Les compétences de la cour dans ce paragraphe
concerneront essentiellement le contentieux de l'élection
présidentielle (A) et le rôle de la cour
constitutionnelle en cas de vacance de pouvoir
(B). Ces missions assignées au juge
constitutionnel, lui permet de se positionner en garant de la fonction
présidentielle et donc de la démocratie 109.
A) Juge de l'élection présidentielle
aux compétences réduites
Des textes relatifs aux prérogatives de la cour
constitutionnelle, celui relatif à l'élection
présidentielle est sans aucun doute celui dont le contenu est le plus
pauvre dans la proposition de LO. En effet, c'est l'article 161 alinéa 2
de la constitution qui dispose : « elle est juge du contentieux de
l'élection présidentielle et législative ainsi que du
référendum ».
107 Voir L, COHEN-TANUGUI « La métamorphose de la
démocratie française, de l'Etat jacobin à l'Etat de droit
« cité par I.RICHIR.
1 08L. JOFFRIN avait ainsi qualifié la présidence
de Nicolas Sarkosy lors des voeux de ce dernier à la presse en 2008
77 Et pourtant, dans la proposition de LO, aucune
procédure spécifique n'est prévue pour l'élection
présidentielle. Le régime est donc celui fixé par la
constitution. Cela peut s'expliquer par le fait que l'élection
présidentielle est organisée par la commission électorale
nationale indépendante (C.E.N.I) conformément à l'article
73 de la constitution. Il y'a donc, comme un doublon de responsabilité
entre la CENI et la cour constitutionnelle.
Dans ces conditions quel est le rôle exact de la cour
constitutionnelle ?
D'après le texte, l'on peut citer au moins deux
domaines, où la cour joue un rôle manifeste. D'abord,
conformément à la combinaison des articles 74 de la constitution
et 88 de la proposition de LO :
C'est la cour constitutionnelle qui reçoit et donne
acte de la prestation de serment du président de la république
élu. En effet la procédure de l'article 74 prévoit cette
prestation de serment dans les dix jours qui suivent la proclamation des
résultats définitifs. En faisant de la cour constitutionnelle,
l'autorité qui reçoit et donne acte de prestation de serment du
président de la république, le constituant confirme le rôle
prestigieux qu'il entend accorder à la cour dans le fonctionnement des
pouvoirs publics.
Toutefois se pose la question de la cour constitutionnelle
comme étant membre du pouvoir judiciaire. Ce faisant, la cour
constitutionnelle est hiérarchiquement au dessous du CSM que dirige par
ailleurs le président de la cour constitutionnelle.
C'est pourquoi à notre avis c'est devant le CSM que le
président de la république devrait prêter serment car le
CSM mieux que la cour constitutionnelle représente l'ensemble des corps
juridiques de l'Etat.
Ensuite, l'autre point essentiel est la déclaration du
patrimoine familial du président de la république qui est
d'ailleurs valable pour le reste des membres du gouvernement. Cette
déclaration doit être communiquée à l'administration
fiscale, la LO ne fixe aucun délai pour cette communication. Mais la
combinaison des articles 89 et 90 LO laisse penser que le délai est
78
de quatre vingt jours.
La possibilité d'une saisine est ouverte au
ministère public où à un dixième de
députés ou sénateurs. Avec pour objectif de faire
constater à la cour constitutionnelle la démission d'office du
Président de la République ou d'un autre membre du gouvernement
qui n'aura pas déposé sa déclaration de patrimoine
familial dans les trente jours suivants son investiture; c'est ce qui ressort
de l'article 90 LO. L'on peut s'interroger sur le caractère restreint de
cette saisine. Le contribuable congolais n'a t-il pas d'autant
d'intérêt de faire constater à la cour la non
déclaration du patrimoine du Président de la République,
les ministres que des parlementaires? Les récentes
plaintes110 sur les dirigeants africains en France peuvent justifier
l'ouverture de la saisine aux citoyens. Dans un pays où le recours
individuel d'inconstitutionnalité est inexistant, une telle restriction
se comprendrait, mais dans le cas de RDC c'est plus contestable.
Cependant il est vrai, que les deux points que nous venons d'
aborder ne relèvent pas directement du contentieux électoral,
cette difficulté s'explique par la présence de la CENI qui est
chargée d'organiser les élections et le rôle de la cour
étant de les contrôler.
B) Le rôle du juge constitutionnel en cas de
vacances de pouvoir
La nécessaire continuité de la fonction
présidentielle qui, jusque là, relevait de la clause de style,
n'a pas échappé, pour d'évidentes raisons à
l'attention des constituants111. L e régime de la vacance du
pouvoir est prévu par les articles 75 et 76 de la constitution.
L'article 92 LO ne fait que reprendre les termes de ces deux articles en
disposant: « la cour est saisie en cas de vacance de la présidence
par le gouvernement » qu'est ce que donc la vacance de pouvoir?
110 A ce propos dans libération du 8 mai 2009, un
article est consacré sur la plainte de l'avocat William BOURDON pour
l'association transparence internationale contre les Présidents
SASSOU-NGUESSO (CONGO), BONGO (GABON), OBIANG (GUINEE EQUATORIALE)
111 F. LUCHAIRE et G. CONAC (les constitutions de la
République française cité par TSIBANGOU KALALA)
79 Il s'agit d'une situation par laquelle le président
de la république est empêché de manière
définitive d'exercer ces fonctions. Il peut s'agir d'un
décès, d'une démission ou de toute autre cause.
Dans ce cas, la cour saisie par le gouvernement
déclare la vacance du pouvoir dans les soixante douze heures de sa
saisine et ouvre l'intérim de la présidence conformément
à l'article 93 LO. Cet intérim est assuré par le
Président du Sénat en vertu de l'article 75 de la
constitution.
La cour constitutionnelle a un rôle essentiel dans
cette procédure, puisque c'est elle qui d'une part constate
l'empêchement et d'autre part, ce qui est plus important, c'est elle
aussi qui doit le déclaré définitif ou non. Et c'est
seulement lorsque le juge constitutionnel se prononce sur le caractère
définitif de l'empêchement, que la CENI convoque l'élection
du nouveau Président de la République, dans un délai que
l'article 76 de la constitution fixe entre soixante et quatre vingt jours. Pour
ce faire, il faut que la cour constitutionnelle ait été saisie
préalablement par la CENI.
On le voit, en ce qui concerne le contentieux de
l'élection présidentielle, il faut sans cesse concilier les
prérogatives importantes de la cour constitutionnelle avec les
prérogatives non moins importantes de la CENI. Cette bivalence est
porteuse d'un certain nombre de difficultés qui sont accentuées
par le fait que ni la constitution de 2006, ni la proposition de LO, ne
définisse de façon claire les prérogatives de ces deux
instances. Pourquoi le constituant congolais n' a t-il confié
l'intégralité du contentieux de l'élection
présidentielle à la cour? L'histoire politique trouble de ce pays
peut expliquer la nécessité d'une commission
indépendante112. Comme partout en Afrique cela relève
d'une garantie accordée aux opposants qui font plus confiance à
des organismes indépendants qu'aux organes de l'Etat
constitutionnellement habilités.
Il existe des nombreuses interférences entre les deux
fonctions. La question qui convient de se
poser est de savoir s'il est
possible de faire coexister un arbitre politique actif et un juge
112 A ce propos en RDC comme dans un grand nombre d' Etats
Africains, les élections lorsqu'elles sont organisées par l'Etat,
sont contestées systématiquement c'est le cas en Côte
d'Ivoire en 2001 et au Congo Brazzaville en 2002.
80 constitutionnel sans qu'il y'ait domination,
rivalités ou concurrences113? Seule la pratique nous
révélera si ce couple inédit dans l'histoire
constitutionnelle à rebondissement de ce pays fonctionnera dans le sens
de l'édification d'un Etat de droit.
L'une des nouveautés de la constitution de 2006 est le
rôle du juge quant à la responsabilité pénale des
deux têtes de l'exécutif.