Refexion sur l'inclusion sociale - la double contrainte des collectivités territoriales entre évaluation et prévention( Télécharger le fichier original )par Yann WELS Université Aix-Marseille 3 - Master 2 2006 |
Chapitre 1er : Le développement de l'évaluation dans les politiques publiques partenarialesQuelle que soit sa compétence réglementaire, une collectivité territoriale se saisira d'un problème à partir du moment où il émergera au sein de l'agenda politique local. P.Muller, 1998 Evoquer le développement de l'évaluation dans les politiques publiques qualifiées de «partenariales» sous-tend deux impératifs : le premier est de s'entendre sur une définition consensuelle d'une politique publique partenariale, le second impératif plus simple a priori se révèle tout aussi impérieux puisqu'il s'agit de donner une explication aussi claire que possible sur l'idée de l'évaluation, sur ce qu'elle est et est susceptible d'apporter à ce type de politique. S'agissant du premier point il convient de revenir aux bases même de ce qu'est une politique publique, en effet celle-ci s'entend généralement au niveau national : élaborée et formulée par l'exécutif, adoptée par le parlement, une politique publique résulte de la volonté d'un gouvernement d'inscrire dans un champ donné une action destinée à produire un changement, un mieux-être à court ou moyen terme pour la société, une série de mesures conformes à l'intérêt général. Une politique publique c'est selon les propos de Patrick Gibert «une théorie du changement sociale»141(*).On parlera ainsi d'une politique de l'emploi, de la ville, de la protection de l'environnement, une politique éducative,...etc. Dans ce sens, la politique publique apparaît donc comme un mode de finalisation et de solennisation de l'action publique où la formulation des objectifs résulte de l'expression d'une volonté générale. Cette base ainsi posée permet dès lors de s'interroger sur le qualificatif partenariale de la politique publique. Sans revenir sur l'évolution de l'action publique dans son ensemble on peut, néanmoins mettre à jours la lente émergence de la notion de territoire, territoire qui comme nouvel espace opératoire des échanges économiques et sous l'effet combiné de la déconcentration et de la décentralisation, se voit désormais re-découpé, redessiné, recomposé par les pouvoirs publiques à la recherche de l'échelle la plus pertinente d'action publique. Dans ce mouvement, l'Etat désormais polycentrique négocie, contractualise avec d'autres autorités infra étatiques de sorte que de sorte que malgré son maintien comme l'élément moteur et central, l'Etat est conduit à déléguer ou tout le moins à coopérer induisant ipso facto l'émergence d'une véritable politique publique partenariale. C'est très logiquement dans ce phénomène singulier de délégation/coopération que l'évaluation trouve à émerger avec une rare vigueur. La raison de cette émergence, de ce développement d'une culture évaluative, du moins au début est mue par ailleurs par un impératif de rationalité et d'objectivité scientifique. L'évaluation est à la politique ce qu'est la fiction à la Science, ayant pour objectif moins de «fournir une description fidèle de la réalité que de permettre de projeter une situation, éventuellement irréelle qu'elle représente»142(*), l'évaluation, permet de construire une théorie, d'envisager des hypothèses et d'explorer leurs conséquences, de formuler d'éventuelles altérités. Ce qui caractérise donc l'évaluation n'est pas son statut logique mais bien cette fonction cognitive de représentation. C'est en suivant ces éléments introductifs que seront évoqués successivement l'apparition de la pratique évaluative dans les politiques publiques partenariales (I) puis sa propagation (II) et enfin son institutionnalisation (III).
I. L'apparition de la pratique évaluative Il existe aujourd'hui un large consensus pour reconnaître à l'évaluation des politiques ou des actions publiques le statut d'ardente obligation qui fut, un temps, celui du Plan en France. Ce consensus est assurément très réconfortant pour tous ceux qui sont attachés à la promotion d'un modèle de décision publique plus rationnelle et plus démocratique. «Malheureusement, un principe de précaution doit s'appliquer presque systématiquement face à tout consensus, et plus encore quand les voix s'accordent pour défendre un instrument de rationalité, de transparence et de responsabilité des actions publiques. Car, au fond, n'est-ce pas précisément parce que, par nature, il est rare que l'action publique réunisse tous ces attributs que l'on s'accorde pour affirmer l'intérêt de l'évaluation des politiques publiques ?»143(*) Il est, en effet, bien légitime de s'interroger sur les chances de succès de l'outil «évaluation des politiques publiques» et sur sa capacité à prévaloir sur les forces profondes qui font que, souvent, l'action publique n'est ni vraiment rationnelle, ni vraiment transparente. Les efforts effectués pour acclimater l'évaluation des politiques publiques en tant que processus courant de la décision publique sont cependant anciens et ont débuté au sein de l'Union européenne il y a près de quarante ans. C'est à partir des années 60 que la Commission développe l'évaluation des politiques de recherche scientifique et technologique qu'elle finance. Aujourd'hui, l'évaluation de chaque programme est obligatoire - un budget est prévu à cet effet - et conditionne son renouvellement. La pratique de l'évaluation s'est étendue à d'autres domaines, en particulier aux politiques partenariales que la Commission mène avec les Etats et les régions. C'est en suivant ce cheminement chronologique que seront examinés l'apparition de la pratique évaluative dans le contrôle des programmes de financement communautaire (A) auquel lui succédera le saisi des contrats de plan Etat/ Collectivités Territoriales (B).
La mise en oeuvre des financements communautaires est accompagnée depuis 1988 d'une pratique d'évaluation. Devenue obligatoire est systématique depuis 1994, l'évaluation s'applique aux fonds structurels (FEDER, FSE, FEOGA, IFOP). Comme ces financements interviennent en compléments des politiques nationales, notamment ceux mis en oeuvres dans le cadre des contrats de plan, l'évaluation imposée au niveau européen a ainsi contribué au développement de la pratique et des méthodes de l'évaluation dans les états membres parmi lesquels bien sûr la France. Dés 1988, le Conseil impose l'évaluation des fonds structurels, il fixe à cette époque des principes directeurs de ces fonds : concentration des crédits, déconcentration de leur mise en oeuvre, additionnalité144(*) des financements communautaires et nationaux, partenariat entre les différents échelons, et évaluations systématique des actions. Le cadre de cette évaluation a été précisé lors de l'adoption par le Conseil des règlements applicables à la période 1994-1999. L'obligation d'évaluer est explicitement mentionnée par le règlement cadre CEE de 1993 et les règlements du 20 Juillet 1993 propres à chaque fonds (FEDER, n°2083/93, FSE n°2054/93 et FEOGA n°2085/93). L'actuel dispositif et celui du règlement général du 21 Juin 1999, contenant plusieurs mesures destinées à encourager l'évaluation et l'amélioration de son efficacité : -l'attribution de la réserve de performance, sorte de bonus financier venant en complément des financements communautaires contractuels, étant soumis à la réalisation effective des évaluations à mi-parcours ; -de même, le rôle assigné à l'autorité de gestion dans la mise au point de l'évaluation est conforté. S'agissant plus spécifiquement de l'obligation évaluative dans le cadre des financements communautaires, cette dernière s'impose selon des modalités qui peuvent aller jusqu'à la sanction financière puisque la commission peut refuser les concours communautaires à un Etat Membre qui ne fournit pas les informations suffisantes. Cette obligation porte sur la globalité du programme sans négliger aucun critère. L'adéquation du programme aux besoins, comme l'évolution de ces derniers ou la synergie entre les mesures, peuvent ainsi être analysée. C'est bien d'éclaircissement quant à la réalisation effective des priorités de l'action européennes dont il est question, ce qui en matière inclusive vise ainsi depuis l'adoption de la stratégie de Lisbonne : «l'évaluation de l'efficacité du programme sur quelques thèmes renvoyant chacun à des problématiques spécifiques145(*) : emploi, transfert de technologie, littoral, mobilisation FSE, développement rural,...»146(*). S'agissant de la période 2007-2013, l'évaluation de l'inclusion sociale vise la vérification de deux objectifs majeurs : la concentration et la convergence. S'agissant du premier : la croissance de la production économique est essentiellement composée de deux éléments moteurs: l'emploi et la croissance de la productivité. Ces éléments sont intimement liés et doivent être stimulés simultanément afin d'obtenir une répercussion maximale. Afin de promouvoir dans le cadre des programmes 2007-2013 de développement national et régional un cheminement de développement durable et renforcer la compétitivité dans le contexte d'une économie de la connaissance, il est essentiel de concentrer les ressources sur des infrastructures de base, sur le capital humain et la recherche et l'innovation, y compris l'accès aux technologies de l'information et de la communication (TIC) et leur utilisation stratégique. Ceci suppose des investissements matériels comme immatériels. S'agissant de la convergence : pour les régions et les États membres éligibles à la politique de cohésion au titre du nouvel objectif de convergence, l'objectif principal sera de stimuler le potentiel de croissance pour maintenir et porter les taux de croissance à un niveau supérieur. Cet objectif trouve sa pertinence à la lumière de l'augmentation sans précédent des disparités au sein de l'Union élargie, du caractère à long terme des efforts qui seront nécessaires pour réduire ces disparités, et de la contribution qu'il peut apporter à la compétitivité de l'UE dans son ensemble. Leurs stratégies se concentreront donc sur les investissements et les services collectifs qui sont indispensables pour parvenir à une augmentation de la compétitivité à long terme, la création d'emplois et un développement durable. Il convient néanmoins de bien comprendre que toute cette logique est indubitablement liée à un suivi pertinent des CPERs (Contrat de plan Etat/Région) car, il convient d'analyser la cohérence, la pertinence et l'efficacité de l'articulation entre fonds structurels européens et contrats de Plan État-région, pour des raisons de croisements et d'imbrications des deux modes d'actions publiques.
Parallèlement à l'évaluation des financements communautaires, intervenant généralement dans le cadre des contrats de plan, l'évaluation s'est progressivement étendue aux procédures contractuelles mises en oeuvre entre l'Etat et les collectivités. Ces procédures concernent en premier chef, les contrats de plan Etat-région, appelés à une profonde redéfinition à leur échéance intervenue cette année en 2006. Mais les actions contractualisées comprennent aussi, à partir de 2000, diverses autres interventions, contrat de ville, d'agglomération, de pays, parcs naturels régionaux, que nous n'évoquerons pas puisque tous ne concernent pas l'inclusion sociale et que nous adoptons une analyse transversale de cette politique publique. L'obligation d'évaluer les politiques publiques contractualisés résulte d'une décision du comité interministériel d'aménagement du territoire du 23 Juillet 1992 consacré à la préparation des contrats de plan. La circulaire du 9 Décembre 1993 en a arrêté les principes et l'organisation. Ce texte complète, le mandat de négociation donné aux préfets le 30 Décembre de la même année, traduit dans le droit interne l'obligation d'évaluation formulée par les procédures communautaires : le règlement communautaire n°2080/93 du Conseil du 20 Juillet 1993 rend obligatoire l'évaluation des opérations financées avec l'aide des fonds structurels européens. La circulaire de 1993 précise que l'évaluation doit consister à «mesurer l'adéquation de chaque composante d'un programme à l'objectif affiché et à en dégager des propositions pour en améliorer la performance», ce qui n'a pu être traduit dans le cadre de l'inclusion sociale que lors de l'évaluation à mi parcours de PNAI en 2003, la formulation de l'inclusion datant de Lisbonne. Précisément, une circulaire est venue reformuler partiellement cette obligation d'évaluation, la circulaire du 25 Août 2000. L'obligation d'évaluer les procédures contractuelles de la période 2000-2006 a été formulée par deux circulaires du premier ministre du 31 Juillet 1998 pour les contrats de plan et du 31 Décembre 1998 pour les contrats de ville. Confirmé par la circulaire du 25 Août 2000, relative à la mise en oeuvre de l'évaluation des procédures contractuelles, qui abroge celle du 9 Décembre 1993, le texte fixe les modalités d'évaluation et vise notamment à prendre en compte les procédures communautaires et infrarégionales et à les fondre dans un seul et même dispositif. Ce dernier, piloté par le commissariat au Plan, se singularise ainsi par trois caractéristiques : -la décentralisation de la procédure de programmation des évaluations : elle est désormais assurée par un comité de pilotage régional147(*), constitué par une section spécialisée de la conférence régionale d'aménagement du territoire, permettant une meilleure coordination au niveau national ; -des procédures nouvelles d'engagements de crédits, visant à encourager la programmation pluriannuelle des évaluations des CPER : 75% des crédits affectés à chaque région sont délégués directement par le Commissariat au Plan en début d'années aux préfets de Région qui ont défini une programmation de leurs évaluations, illustrant ainsi la perpétuation de la logique de la RCB et au-delà de ça, induisant la recherche d'un contrôle infra étatique du respect du principe d'aditionnalité ; -l'organisation du suivi des évaluations : une synthèse est établi à mi parcours au niveau régional, ce qui d'une permet dès 2000 de voire se profiler l'importance de la région dans le pilotage des politiques européennes en lieu et place de l'Etat, illustrant belle et bien l'émergence d'un nouveau paradigme de Collectivité Providence, suppléant l'Etat dans la mise en oeuvre des politiques inclusives mais allant aussi jusqu'au suivit de ces dernières. Par ailleurs on peut s'interroger sur la signification de ce rôle phare de la Région à une heure ou l'Europe recherche un interlocuteur plus pertinent que l'Etat, cela préfigurait-il d'ores et déjà l'acte deux de la décentralisation et les cas échéant la nouvelle rédaction de l'article 72 alinéa 2 de la constitution, permettant et autorisant la création mais aussi et surtout la suppression de niveaux territoriaux inefficients ? La question trouve à se poser ! II. La propagation des évaluations Officialisée par un décret du 22 janvier 1990 créant le Conseil scientifique de l'Evaluation auquel a succédé le Conseil National de l'Evaluation (décret du 18 décembre 1998), c'est essentiellement une circulaire du 9 décembre 1993 qui a assorti les Plans de contrats Etat/Régions et les contrats de ville d'une obligation d'évaluation à l'instar des mesures préconisées pour l'évaluation des programmes européens. Depuis, la nécessité d'évaluer semble progressivement s'imposer à l'échelle territoriale comme un outil rigoureux de gestion en interaction avec une démarche prospective. La démarche ressort alors d'un véritable choix politique. Evaluer une action publique, une politique publique c'est dès lors juger de leur valeur au regard de critères préalablement explicités et sur la base d'informations rassemblées et analysées à cet effet. L'évaluation permet ainsi la compréhension d'ensemble de la politique étudiée, l'appréciation globale de ses effets et du degré d'atteinte de ses objectifs et enfin la pertinence et l'efficacité des ressources mobilisées pour sa mise en oeuvre. Les conditions dans lesquelles se réalise une évaluation doivent permettre de répondre à la double exigence d'une expertise indépendante, à savoir : un regard extérieur porté sur la politique évaluée, une prise en compte équitable des points de vue de ses décideurs, de ses acteurs et de ses bénéficiaires. Ces lignes de forces ont amené la France vers l'évaluation en passant par : une assimilation incitative - dimension cognitive - (A) puis ont permis une acculturation progressive - dimension normative - (B).
Le bilan de la mise en oeuvre de l'évaluation des financements européens, quinze ans après les règlements de 1988 qui ont formulé pour la première fois, leur obligation, illustre les étapes d'une acculturation progressive de la pratique évaluative. L'obligation d'évaluation systématique ex ante et ex post ne s'est pas immédiatement traduit dans la pratique. L'incitation a donc été renforcée par une double contrainte, juridique et financière. D'une part les règlements adoptés en 1993 pour la période 1994-1999 confortent l'exigence d'évaluation instituant une obligation d'appréciation ex ante, de suivi et d'évaluation ex post pour les autorités nationales et régionales. D'autre part, l'article 26 du règlement de coordination spécifie que : «les aides seront octroyées lorsque l'appréciation ex ante aura démontré les avantages socio économiques à retirer à moyen terme, eut égard aux ressources utilisées». Cette exigence très forte de justification économique a priori est cependant loin d'avoir fait la preuve de son applicabilité pratique. Une enquête réalisée en 1996 par deux cabinets de consultants sur l'évaluation des programmes communautaires formule un diagnostic critique sur ces dispositifs. Le processus d'évaluation est jugé inadapté : faiblesse du cadre méthodologique, manque de formation des intervenants, diffusion inefficace, indépendance insuffisante des évaluateurs, trop faible utilisation de ses rapports finaux153(*). L'évaluation s'est développée cependant également dans les autres Etats Membres mais avec une certaine inégalité : en 1999, le Comité d'experts indépendants, dans son second rapport sur la réforme de la commission, a relevé la passivité de nombreux comités de suivi154(*). De plus la commission ne peut conduire d'évaluation indépendamment des Etats-membres, et se trouve de ce fait tributaire de la qualité des évaluations conduites localement ; l'article 40-3 du règlement général de 1999 impose en effet des évaluations conjointes. Pourtant malgré ces éléments critiques, la conscience d'utilité d'évaluation a progressé notamment avec les évaluations à mi-parcours. Les règlements communautaires relayés en cela par les législations nationales ont fortement contribué au développement de l'évaluation. Dans les quinze Etats membres pour la période courant de 1996 à 1998, plus de 380 évaluations à mi-parcours ont été organisés155(*) ; le nombre d'évaluation a été multiplié par 5 Ou 6 par comparaison à la période 1989-1993 et cette proportion tend à s'agrandir plus encore s'agissant des évaluations systématiquement opéré désormais dans le cadre du suivi les politiques inclusives, lesquelles se trouvent durablement pérennisés pour la période 2007-2013 en tant que pratique de principe. III. L'institutionnalisation de l'Evaluation Il existe aujourd'hui un contexte favorable à un rôle accru de l'évaluation. A cet égard, des réformes en cours intègrent davantage l'évaluation dans le processus de la décision publique : au niveau national, la réforme budgétaire prévue par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF) ou encore, la reconnaissance du droit l'expérimentation (loi du 1er août 2003 relative à l'expérimentation par les collectivités territoriales) dans le cadre de la décentralisation sont des illustrations de ce changement de mentalité. L'économie du décret de 1990 était largement inspirée par la préoccupation de se conformer aux principes, alors en phase d'appropriation, que la doctrine sur l'évaluation des politiques publiques paraissait alors recommander d'appliquer à celle-ci. L'un des principaux objectifs poursuivis par le décret actuellement en vigueur du 18 novembre 1998 a consisté, selon sa circulaire d'application, à mieux traduire le souci de transparence. Ce dernier animait déjà le premier dispositif interministériel, mais celui-ci pouvait être considéré comme en retrait par rapport aux canons de l'évaluation. Un des premiers objectifs du nouveau décret fut de remédier à cette situation et d'appliquer plus pleinement les principes théoriques. Un second objectif fut poursuivi, de nature plus pragmatique, avec la simplification de la procédure. Celle-ci passe par la suppression du CIME156(*). Désormais, le système ne repose plus que sur deux piliers : un organisme d'animation de l'évaluation «sui generis», le Conseil national de l'évaluation (CNE) et le Commissariat général du Plan. Ces éléments témoignent de l'affinement du cadre théorique (A) ainsi que du renouvellement du cadre juridique (B).
Sur le plan du droit positif, deux définitions de l'évaluation des politiques publiques se sont succédées témoignant du renouvellement du cadre juridique. Le décret du 22 janvier 1990 en a donné la première définition «officielle» : «Evaluer une politique, c'est rechercher si les moyens juridiques, administratifs ou financiers mis en oeuvre permettent de produire les effets attendus de cette politique et d'atteindre les objectifs qui lui sont fixés». Le décret du 18 novembre 1998, créant le Conseil national de l'évaluation, lui a substitué une nouvelle définition selon laquelle : «L'évaluation d'une politique publique a pour objet d'apprécier l'efficacité de cette politique en comparant ses résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis en oeuvre». La redéfinition opérée par le décret de 1998 est assez modeste, mais témoigne d'une certaine maturation du concept. Dès lors l'évaluation apparaît comme étant plus qu'un simple suivi. Une simplification est ainsi apportée puisque le décret assimile implicitement les effets attendus d'une politique à ses objectifs. Cette assimilation paraît légitime si l'on considère que les objectifs visés sont les objectifs ultimes de la politique envisagée et si l'on dépasse donc la considération des seuls résultats intermédiaires d'une politique donnée. Cette nuance, qui peut sembler abstruse, est importante. L'analyse des politiques publiques conduit à distinguer plusieurs niveaux d'effets de la mise en oeuvre d'une politique : celui de la réunion des ressources nécessaires (par exemple, les crédits ou les personnels) ; celui des réalisations (par exemple, le nombre de dossiers examinés) ; celui des résultats (par exemple, le nombre des redressements fiscaux effectués) ; enfin, celui des impacts (par exemple, la réduction du nombre de cas de fraudes fiscales ou, inversement, l'accentuation de l'évasion fiscale).* 141 P. Gibert, L'analyse de politique à la rescousse du management publique ? ou la nécessaire hybridation de deux approches que tout, sauf l'essentiel, sépare, Politique et management publique, vol. 20, n°1, Mars 2002 * 142 J.-M. Schaeffer, Pourquoi la Fiction, Seuil, 1999 * 143MM. Joël Bourdin, Pierre André et Pierre André Plancade, extrait du Rapport d'information du Sénat n°392, L'évaluation des politiques publiques en France, p.2, Paris, 2004 * 144 L'article 11 du règlement 1260/99 du Conseil indique qu'afin : «d'assurer un impact économique réel, les crédits des Fonds ne peuvent se substituer aux dépenses structurelles publiques ou assimilables de l'État membre». Cet article précise que : «la Commission et l'État membre établissent le niveau des dépenses à consacrer à la politique active du marché du travail et, lorsque cela se justifie, aux autres actions destinées à permettre d'atteindre les résultats visés par ces deux objectifs». Cette interprétation du principe d'additionnalité est néanmoins particulière à la France. Les représentants du Royaume-Uni, de l'Espagne et de l'Allemagne entendus ont présenté des pratiques qui tiennent à l'organisation institutionnelle propre à chaque pays. En Espagne, le comité des investissements nationaux veille à la cohérence entre fonds régionaux et nationaux. En Allemagne, les règles constitutionnelles établissent le partage de compétences et le gouvernement fédéral n'intervient pas dans les investissements des Länder, pas plus qu'au Royaume-Uni où une très large autonomie est laissée aux régions. Le couplage s'inscrit dans une démarche visant à rendre cohérents les instruments de l'aménagement du territoire. L'additionnalité est ainsi constatée au niveau territorial et non par axe ou par action. Une vérification ex-ante est d'abord effectuée au début de la période de programmation, puis avant le 31 décembre 2003, date à laquelle une révision des dépenses structurelles peut intervenir. Une dernière vérification est effectuée à la fin de la période de programmation, c'est-à-dire avant le 31 décembre 2005. Les présentes dates sont en l'espèce celles de l'évaluation du FSE. * 145 La spécificité étant ici entendu en terme de référence à l'espace géographique considéré, s'agissant ici dans le présent extrait de l'échelle régionale. * 146 Ernst & Young, extrait du projet final de synthèse de l'évaluation européenne du programme européen - objectif 2 - (2000-2006), Octobre 2005. * 147 Le dispositif d'évaluation comprend un comité de pilotage composé de décideurs et d'experts, qui est une section spécialisée de la CRADT (conférence régional d'aménagement et de développement du territoire) crée par la loi du 25 Juin 1999. Le comité de pilotage demande aux contractants de préciser quels sont les éléments constitutifs de chaque programme qui devront constituer les références quantitatives et qualitatives pour l'évaluation, telles qu'elles seront explicitées dans le cahier ces charges de l'évaluation. Il choisit les programmes à soumettre à l'évaluation et pour chacun d'entre eux définit la nature de celle-ci. Il arrête la composition de l'instance technique qui devra conduire les travaux d'évaluation ainsi que su r proposition de l'instance technique, le cahier des charges du projet. Il recueille enfin les conclusions de l'évaluation, décide des modalités de leur publication et peut proposer les suites opérationnelles à lui donner. Le comité régional est ainsi le pivot organisationnel, co-présidé par le préfet de région et le président du conseil régional, témoignant ainsi des prémices évidentes de l'Acte 2 de la décentralisation trouvant à se produire le 28 mars 2003 avec la loi relative à l'organisation décentralisée de la République continuée par l'adoption des deux lois organiques, n° 2003-704 et 2003-705 du 1er août 2003, respectivement relatives à l'expérimentation par les collectivités territoriales (v. J.-M. Pontier, La loi organique relative à l'expérimentation par les collectivités territoriales, AJDA 2003, p. 1715 ) et au référendum local (v. J.-P. Duprat, La prudente avancée du référendum local dans la loi organique du 1er août 2003, AJDA 2003, p. 1862 ).
* 153 Arthur Andersen et Euro Prospective, Diagnostic sur l'évaluation des programmes communautaires, Publication Arthur Andersen, Novembre 1996. * 154 Comité d'expert indépendant - second rapport sur la réforme de la commission vol.1, 10 septembre 1999, p.30 * 155 Conseil national de l'évaluation, L'évaluation au service de l'avenir, rapport annuel 1999, Paris, La documentation française, 2000, P. 213 * 156 Comité interministériel de l'évaluation (CIME) est constitué, dont la mission est de développer et de coordonner les initiatives « gouvernementales » en matière d'évaluation des politiques publiques dont il est censé veiller au respect de la spécificité.
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