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Refexion sur l'inclusion sociale - la double contrainte des collectivités territoriales entre évaluation et prévention

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par Yann WELS
Université Aix-Marseille 3 - Master 2 2006
  

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Chapitre 2nd : La promotion

de l'inclusion professionnelle par le marché

«La preuve du Pudding c'est qu'on le mange», aimait à répéter Engels, [...]. La preuve d'une politique efficace de l'emploi, c'est que le chômage baisse.

Jean-Louis Gombeaud, 2006

L'élargissement de la base des activités économiques, l'amélioration du volume de l'emploi et la réduction du chômage sont des conditions essentielles au maintien de la croissance économique, à la promotion de l'intégration sociale et à la lutte contre la pauvreté. Le renforcement de la participation à l'emploi est d'autant plus nécessaire qu'il faut s'attendre à une diminution de la population en âge de travailler. Dans le cadre des lignes directrices pour l'emploi, les États membres sont invités à: appliquer des politiques de l'emploi visant à atteindre le plein emploi, à améliorer la qualité et la productivité du travail, et à renforcer la cohésion sociale et territoriale; favoriser une approche fondée sur le cycle de vie à l'égard du travail; créer des marchés du travail qui favorisent l'insertion, renforcer l'attrait du travail et rendre l'emploi financièrement plus attrayant pour les demandeurs d'emploi, notamment pour les personnes défavorisées, et pour les inactifs; améliorer la réponse aux besoins du marché du travail.

Le taux de chômage des jeunes en France dépasse aujourd'hui 22 %, alors que celui de l'ensemble de la population est de 9,6 %, et atteint même 40 % pour les jeunes sans aucune qualification. En outre, même les jeunes qui accèdent à l'emploi connaissent des parcours perturbés, comme le souligne une récente enquête de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) : la grande majorité d'entre eux est embauchée en contrat à durée déterminée ou en intérim, voire ne trouve que des stages. L'étude montre que la France a le taux de contrats précaires le plus fort en Europe, exception faite de l'Espagne. En outre, il apparaît que ce sont essentiellement les jeunes qui sont touchés par cette forme de précarité de l'emploi. Si l'on compare à des pays dont le fonctionnement du marché du travail pourrait constituer un modèle intéressant pour la France, tel le Danemark ou les Pays-Bas, alors la situation des jeunes français n'est pas brillante.

Pour un jeune, avoir un emploi, c'est donc le plus souvent avoir un CDD, un emploi en intérim ou un contrat saisonnier. Alors que 90 % du stock total d'emploi est constitué de CDI, il faut attendre environ l'âge de 33 ans pour que le taux par âge soit égal à cette statistique moyenne. En outre, puisque 70 % des embauches se font en CDD, et que le taux de transformation de CDD en CDI est inférieur à un demi, on comprend que les jeunes enchaînent les CDD. Et entre chaque CDD, ils vivent le plus souvent une période de chômage. En outre, ce sont prioritairement les emplois qu'ils occupent qui jouent le rôle d'ajustement lorsque la conjoncture se détériore. La dualité entre CDD et CDI induit donc une répartition inégalitaire des risques liés à la conjoncture, qui sont prioritairement supportés par les jeunes, et plus généralement par les populations les plus fragiles qui occupent prioritairement les emplois à durée déterminée.

Partant de ce constat, la nouvelle politique adoptée se veut être le réceptacle des exigences communautaires (I), laquelle se traduit par une rénovation de l'approche politique adoptée nationalement s'agissant de l'inclusion sociale par le marché (II), s'illustrant donc par la réalisation d'une politique territorialisée (III).

I. La réception des exigences communautaires

« L'emploi est la meilleure protection contre l'exclusion sociale. Afin de développer un emploi de qualité, il convient de développer la capacité d'insertion professionnelle, en particulier grâce à l'acquisition des compétences et à la formation tout au long de la vie. La mise en oeuvre des objectifs dont s'est dotée l'Union européenne dans le cadre de la stratégie européenne pour l'emploi contribue ainsi de manière déterminante à la lutte contre l'exclusion»126(*).

La réussite de la mobilisation en faveur du plein-emploi et d'une productivité plus élevée dépend d'une large gamme d'actions. Ainsi les investissements portant sur les infrastructures, le développement des entreprises et la recherche favorisent la création d'emplois, à court terme en raison des effets immédiats desdits investissements, mais aussi à plus long terme grâce à leur effet positif sur la compétitivité. Pour optimiser l'impact sur l'emploi de ces investissements, les ressources humaines doivent aussi être développées et renforcées. En termes de développement du capital humain, les lignes directrices pour l'emploi reposent trois priorités d'action pour les politiques d'emploi des États membres:

- attirer et retenir un plus grand nombre de personnes sur le marché du travail et moderniser les systèmes de protection sociale;

- améliorer la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises et accroître la flexibilité des marchés du travail;

- investir davantage dans le capital humain par l'amélioration de l'éducation et des compétences.

La politique de cohésion doit principalement viser à relever les défis spécifiques à chaque État membre mis en évidence dans la stratégie européenne pour l'emploi, cela en soutenant des actions s'inscrivant dans le cadre des objectifs de convergence et de compétitivité régionale et d'emploi. L'éventail des actions éligibles et des ressources financières est plus important pour le premier de ces objectifs. Pour le second, les ressources de l'UE sont beaucoup plus concentrées pour avoir un impact significatif. Les programmes pour l'emploi et le développement des ressources humaines doivent prendre en compte les défis et les priorités propres à chaque pays, comme le préconisent les recommandations sur l'emploi, et ils peuvent être gérés à l'échelon national ou régional. Pour pouvoir lutter efficacement contre les disparités régionales, les programmes nationaux doivent de fait permettre la concentration des ressources et moyens (A) préalable à la stimulation de la création d'emploi (B).

A. La concentration des ressources et moyens

«Chaque État membre et chaque région doit trouver la combinaison de politiques adaptée à sa propre trajectoire de développement, eu égard aux conditions économiques, sociales, environnementales, culturelles et institutionnelles qui lui sont propres. Cependant, même si le mélange de politiques peut varier selon le contexte, la concentration sera garantie au niveau des programmes et des projets en y incluant seulement les éléments qui peuvent contribuer à la croissance et à l'emploi. Ceci constituera le fil conducteur que la Commission entend défendre quand elle négociera les différents programmes nationaux et régionaux»127(*).

Ces présents propos de la commission sur la concentration mettent en exergue la nécessité pour les Etats membres et donc la France d'instituer, la présence d'institutions responsables du marché du travail efficaces, notamment de services pour l'emploi qui soient en mesure de relever les défis résultant de la rapidité des restructurations sociales et économiques et du vieillissement démographique, essentielles pour soutenir la fourniture des services aux personnes à la recherche d'un emploi, aux chômeurs et aux défavorisés. Ces institutions pourraient bénéficier du soutien des fonds structurels. Ainsi joueraient elles un rôle pivot dans la mise en oeuvre des politiques d'activation du marché du travail et dans la prestation de services personnalisés visant à promouvoir la mobilité professionnelle et géographique et mettraient en rapport offre et demande de travail, y compris au niveau local. Ces institutions comme les maisons d'emploi ou encore les chantiers d'insertions, doivent contribuer à anticiper les pénuries et les goulets d'étranglement sur le marché du travail et l'évolution des exigences professionnelles et des compétences requises. Cela devrait également faciliter une gestion judicieuse de la migration économique.

Au niveau du marché du travail, il convient d'accorder une priorité élevée au renforcement des mesures actives et préventives visant à surmonter les obstacles qui entravent l'accès à ce marché ou le maintien sur celui-ci et à promouvoir la mobilité des demandeurs d'emploi, des chômeurs et des inactifs, des travailleurs âgés et de ceux qui risquent de perdre leur emploi. Les actions doivent privilégier la prestation de services personnalisés, y compris en matière d'assistance à la recherche d'un emploi, de formation et de placement. Le potentiel offert par le travail indépendant et la création d'entreprise, ainsi que par les compétences TIC et la culture numérique, doit être pleinement exploité. Une attention particulière doit être accordée aux actions suivantes:

- mise en oeuvre du pacte européen pour la jeunesse en facilitant l'accès à l'emploi pour les jeunes, en facilitant la transition de l'éducation vers l'emploi, englobant ainsi l'orientation professionnelle, l'aide à l'achèvement des études, l'accès à une formation adaptée et à l'apprentissage;

- un ciblage d'actions destinées à accroître la participation des femmes au marché du travail, réduire la ségrégation professionnelle, éliminer les écarts de salaires entre hommes et femmes et les stéréotypes fondés sur l'appartenance à l'un ou l'autre sexe.- une action particulière doit être mise en oeuvre pour renforcer l'accès des migrants au marché du travail afin de faciliter leur participation au marché du travail et leur intégration sociale, par des mesures relatives à la formation et à la validation des compétences acquises à l'étranger, à l'orientation personnalisée, à l'enseignement de la langue, à la promotion de l'esprit d'entreprise et à la sensibilisation des employeurs et des travailleurs migrants aux droits et obligations qui sont les leurs et au renforcement de l'application des règles anti-discriminatoires.

Enfin, l'autre priorité importante est pour l'Union dans ce vaste programme inclusif, de faire en sorte que les marchés du travail puissent accueillir des personnes défavorisées ou menacées d'exclusion sociale, par exemple celles ayant quitté l'école prématurément, les chômeurs de longue durée, les personnes appartenant à une minorité ou handicapées. Cela suppose de construire des parcours d'intégration et de combattre les discriminations, en se donnant comme objectifs :

- d'améliorer l'employabilité de ces personnes en favorisant leur accès à l'éducation et à la formation professionnelles, en prévoyant des mesures de réadaptation professionnelle, des incitations appropriées et des adaptations des postes de travail. Ces interventions doivent être assorties d'un soutien social et des services de soins nécessaires, ce qui passe, entre autres, par le développement de l'économie sociale;

- de combattre les discriminations et promouvoir l'acceptation de la diversité sur le lieu de travail par des mesures de formation à la diversité et des campagnes de sensibilisation, auxquelles les collectivités locales et les entreprises doivent également être pleinement associées.

Plus qu'une vision, se dessine ici une volonté de l'Union de concentration des ressources et moyens à des fins inclusives.

B. La stimulation de la création d'emploi

La nécessité de concentration sur un nombre limité de priorités clés, en particulier en matière de création d'emploi, est particulièrement impérative sous cet objectif afin de garantir le meilleur usage possible de moyens financiers limités. L'investissement en capital humain peut jouer un rôle important afin de s'assurer une adaptation sans heurts aux changements économiques et aux restructurations. La finalité du nouvel objectif «compétitivité régionale et emploi» est d'anticiper et de promouvoir les changements économiques par les moyens suivants : renforcement de la compétitivité et de l'attrait des régions de l'UE par des investissements dans l'économie de la connaissance, l'entreprenariat, la recherche, les réseaux de coopération entre les universités et les entreprises, et l'innovation, amélioration de l'accès aux infrastructures de transport et de télécommunication, à l'énergie et aux soins de santé, ainsi que de la protection de l'environnement et la prévention des risques, accroissement de la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises et de la participation au marché du travail et promotion de l'intégration sociale et des communautés viables.

Les régions industrielles sont de plusieurs sortes : alors que beaucoup se caractérisent par d'importantes entreprises de production, des densités de population importantes et des taux de croissance économique élevés, on observe dans d'autres la coexistence d'une industrie moderne, des PME notamment, et d'un secteur des services dont la croissance est relativement rapide. Ces deux types de régions peuvent toutefois être confrontés à des poches de déclin urbain et de pauvreté solidement installées, à des problèmes de congestion, de pression environnementale et de santé publique, ainsi qu'à la nécessité de répondre aux défis de la mondialisation et de s'adapter à l'évolution économique de plus en plus rapide. À l'autre bout de l'échelle, nombre de régions industrielles commencent à peine à s'adapter au changement et l'effondrement de leur ancienne base industrielle n'est pas encore compensé par un nombre suffisant d'activités nouvelles. Par ailleurs, dans les endroits caractérisés par une faible densité de population, de petites entreprises sont souvent à l'origine du développement économique, mais ces zones sont confrontées à des défis similaires. Avec une faible densité de population, il est plus difficile de surmonter ces problèmes et la situation socio-économique n'a donc pas évolué au cours de la dernière décennie.

S'attaquer à ces problèmes, et soutenir les régions dans leurs efforts de restructuration et de création de nouvelles activités conformément au programme de Lisbonne révisé, est l'objectif que doit se fixer la nouvelle génération de programmes régionaux en faveur de la compétitivité et de l'emploi.

Ainsi dans le cadre des lignes directrices pour l'emploi, la France a été invitée à favoriser la flexibilité, en la conciliant avec la sécurité de l'emploi, à réduire la segmentation du marché du travail, en tenant dûment compte du rôle des partenaires sociaux ainsi qu'à assurer une évolution des coûts salariaux et à mettre en place des mécanismes d'adaptation des salaires qui soient propices à l'emploi. Les efforts dans ce domaine doivent viser à privilégier le développement de stratégies de formation tout au long de la vie afin de doter les travailleurs, notamment les travailleurs peu qualifiés et les travailleurs âgés, des compétences nécessaires pour s'adapter à l'économie de la connaissance et pour prolonger leur vie professionnelle. Tout ceci trouve une traduction quasi littérale dans le plan de cohésion sociale adoptée par J.-L. Borloo avec des mesures comme : la création des maisons de l'emploi, l'ouverture du marché du placement, l'amplification de la revitalisation et de la modernisation des locaux ANPE, la création de 2 000 postes de référents dans le réseau des missions locales et des PAIO, la création de 72 plates-formes de vocation, la promotion du contrat jeune en entreprise (CJE), la création législative et réglementaire d'une nouvelle voie d'accès à la Fonction publique d'Etat reposant sur le principe de l'alternance, la mise en oeuvre du contrat d'avenir ainsi que celle des CI-RMA et enfin des CNE,... La stimulation de l'emploi est donc clairement identifiée et constatée, preuve de la réception par la France des exigences communautaires.

II. La rénovation de l'approche nationale

« La loi de programmation pour la cohésion sociale a été promulguée le 18 janvier dernier. Elle vient s'ajouter à celle d'août 2003 sur la rénovation urbaine avec d'autres textes réglementaires. Cet ensemble forme ce qu'il est convenu d'appeler le Plan de Cohésion Sociale. Aujourd'hui est venue l'heure de sa mise en oeuvre, déterminée, sereine, mais audacieuse. C'est avec la mobilisation de toutes les forces vives de ce pays à laquelle a appelé le Président de la République que nous réussirons, élus, préfets, fonctionnaires, chefs d'entreprises, associations, partenaires sociaux»128(*).

Le droit du travail français est conçu pour protéger les travailleurs contre les restructurations de l'emploi grâce à une réglementation stricte du licenciement économique. En contrepartie, les contrats à durée déterminée (CDD) et le travail intérimaire donnent aux entreprises des marges de flexibilité. Ce système présente de nombreux inconvénients. La césure CDD-CDI et la réglementation des licenciements économiques entraînent de profondes inégalités : les jeunes sont cantonnés à des emplois en CDD, et les entreprises hésitent à embaucher des seniors sur des emplois stables, car leur destruction est très coûteuse. Le licenciement économique est accompagné de procédures de reclassement formellement exigeantes mais souvent contournées au détriment des salariés les plus fragiles et les moins informés.

Afin de réduire les inégalités de traitement et de simplifier le droit du travail, la suppression du CDD et la création d'un contrat de travail unique sont apparus sous le gouvernement Villepin comme une solution envisageable. Ce contrat aurait trois composantes : il serait à durée indéterminée ; il donnerait droit à une prime fonction de l'ancienneté en cas de licenciement (le montant payé inclurait en particulier la composante « précarité » versée en fin de CDD) ; il donnerait lieu à une taxe sur les licenciements qui servirait à garantir le droit au reclassement du salarié, reclassement assuré non plus par les entreprises mais dans un cadre organisé par le service public de l'emploi. C'est en suivant cette proposition que l'on développera l'idée d'une libéralisation du marché du travail (A) et l'adaptation, parallèle, des travailleurs et des entreprises (B) signes d'une politique publique inclusive.

A. La libéralisation du marché du travail

Longtemps restreinte aux inactifs et notamment aux retraités, la pauvreté concerne aussi depuis une trentaine d'années une proportion croissante d'actifs. Cette progression de la pauvreté des actifs s'explique pour une part non négligeable par l'émergence d'un chômage massif et durable, mais également par la croissance de la pauvreté au travail, et l'émergence du phénomène des «travailleurs pauvres». Ainsi, entre 1970 et 2002, le taux de pauvreté global en France a été divisé par deux (passant de 12 à 6 % au seuil de 50 %), mais le taux de pauvreté des salariés ou chômeurs ayant travaillé au moins un mois est passé de 3,4 à 5,7 %129(*). Par ailleurs, depuis une trentaine d'années, les gouvernements successifs ont multiplié les dispositifs visant à favoriser l'accès à la formation des demandeurs d'emploi et des salariés, notamment les moins qualifiés. L'élévation des qualifications, permise par la formation continue, est en effet conçue comme un moyen important de prévention du chômage de longue durée et des situations de précarité longue. L'examen des conditions d'accès à la formation montre toutefois que les chômeurs et les salariés peu qualifiés rencontrent toujours aujourd'hui plus de difficultés que les autres à se former, ce qui fragilise leur position relative sur le marché du travail130(*). Enfin, alors qu'à la fin des années 1970 les jeunes sans qualification constituaient le public prioritaire des politiques publiques d'emploi et de formation, la diffusion du chômage de masse à de multiples strates de la population a conduit les politiques à s'adresser à un public plus large que celui des moins qualifiés. Dans le même temps, l'ambition d'augmenter le niveau de formation d'une main-d'oeuvre peu qualifiée a partiellement fait place à la nécessité de lui procurer des emplois, si bien que les instruments d'intervention se sont diversifiés.

Ces trois traits caractéristiques de l'état social de notre marché du travail ont contribué à procéder à un vaste mouvement de libéralisation du marché du travail dont un des éléments marquants a été la mise en place du CNE et la tentative échouée du CPE. Le CNE et le CPE sont des contrats à durée indéterminée qui peuvent être rompus sans invoquer de motif pendant les deux premières années avec une période de préavis d'une durée réduite (deux semaines avant six mois d'ancienneté, puis un mois par la suite). Auparavant, mis à part l'intérim qui, de par son coût, est le plus souvent réservé à des missions courtes, seul le CDD présentait l'avantage, pour les entreprises, de pouvoir se séparer d'un salarié (par rupture ou au terme prévu du contrat) avec un risque juridique très faible, la rupture d'un CDI présentant un risque dès la fin de la période d'essai. A ce titre, il est utile de rappeler les avantages et les inconvénients des nouveaux contrats par rapport aux contrats existants pour les employeurs et pour les salariés. A priori, pour les employeurs, le CNE présente de nombreux avantages par rapport au CDD, et plus encore par rapport au CDI. Il présente également un certain nombre d'avantages a priori pour les salariés, même si les principaux gains pour ces derniers s'établiraient plutôt a posteriori (par le biais de plus nombreuses opportunités d'emplois). Pour l'employeur, les avantages sur le CDD et le CDI sont les suivants: tout d'abord, le recours au CNE ou au CPE n'a pas à être justifié, alors que le recours au CDD doit être motivé. Ensuite, le CNE offre la possibilité de rompre le contrat à tout moment sans terme prédéfini (la période d'essai d'un CDD est très courte, et pour rompre un CDD avant son terme il faut prouver l'existence d'une faute grave : ni l'insuffisance professionnelle, ni des raisons économiques, ni même la liquidation judiciaire ne sont des motifs valables). S'agissant des avantages par rapports au CDI, le CNE offre une flexibilité quasi-complète de licenciement, puisque l'employeur n'a pas de motif à invoquer; seule une procédure de licenciement simplifiée doit être respectée. En outre, la période de préavis de licenciement est réduite (15 jours avant six mois d'ancienneté, puis un mois, contre un à trois mois en cas de CDI). En principe, il y a beaucoup moins d'incertitude quant à l'issue judiciaire d'une éventuelle contestation devant les prud'hommes suite à une rupture avant le terme de deux ans (il n'y a pas de possibilité de recours pour licenciement non fondé notamment). Cet avantage n'est cependant pas certain dans la mesure où il y a possibilité de recours pour rupture abusive du contrat de travail en invoquant l'abus de droit.

S'agissant du salarié, les avantages a priori sont les suivants pour le salarié, les nouveaux contrats présentent deux types d'avantages par rapport au CDD. Tout d'abord, une meilleure prise en charge en cas de chômage du fait de l'indemnisation pendant un mois (avec un montant de 16,40 euros par jour) dès quatre mois d'ancienneté, contre 6 mois minimums de cotisation pour percevoir des allocations dans le régime général de l'assurance-chômage). Ensuite, en principe le statut de CDI s'applique au CNE vis-à-vis des tiers (banques, bailleurs, etc.), même si, dans les faits, il n'est pas certain que le CNE sera distingué du CDD. Par rapport au CDI, les nouveaux contrats offrent une meilleure indemnisation durant les deux premières années en cas de licenciement : le salarié en CDI de moins de deux ans n'a aucun droit à l'indemnité légale (ni conventionnelle le plus souvent) et n'a que peu de droits devant un tribunal. Les nouveaux contrats offrent également une meilleure prise en charge en cas de chômage du fait de l'indemnisation pendant un mois (16,40 euros par jour) dès quatre mois d'ancienneté (contre 6 mois minimum de contribution pour percevoir des allocations dans le régime général de l'assurance chômage). Ainsi assiste-t-on à une véritable libéralisation du travail, via l'introduction de ce nouveau contrat qu'est le CNE et dont on perçoit, les consonances européennes.

B. L'adaptation des travailleurs et des entreprises

La mise en place d'un contrat de travail unique a pour but de limiter les inégalités induites par l'utilisation excessive des contrats à durée déterminée. Elle a aussi pour but de simplifier le contrat de travail, dont la complexification progressive a constitué une source importante d'inégalité de traitement depuis deux décennies. «Est-il normal que Jean, cadre supérieur, avec vingt-cinq ans d'ancienneté dans une grande entreprise, licencié pour motif économique dans le cadre d'un plan social perçoive, après transaction, un montant total d'indemnités de 145 000 euros, alors que Patricia, employée dans une entreprise depuis onze mois, parte avec 1 050 euros ?»131(*) Dans cette perspective, le contrat de travail unique possède trois caractéristiques principales : c'est un contrat à durée indéterminée, en cas de rupture du contrat, l'employeur paye une indemnité, versée au salarié, et une contribution de solidarité, versée, à l'instar de la «contribution Delalande», aux pouvoirs publics et enfin la signature du contrat de travail offre l'assurance d'un accompagnement personnalisé et d'un revenu de remplacement en cas de perte d'emploi.

Le contrat de travail unique présente l'avantage de créer une incitation à la stabilisation de l'emploi, puisque les entreprises sont plus taxées et doivent verser plus d'indemnités de précarité dès lors qu'elles utilisent plus intensément des emplois de courte durée. Autrement dit, les entreprises qui embauchent et qui licencient peu verront leur coût du travail diminuer. En outre, le problème de la transformation d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne se posera plus. Dans la réglementation actuelle, l'échéance des contrats à durée déterminée constitue la source essentielle de perte d'emploi, puisque plus de la moitié des contrats à durée déterminée ne sont pas transformés en contrat à durée indéterminée. Ainsi, sur les 30 000 personnes qui quittent chaque jour un emploi, il y 15 000 fins de contrats à durée déterminée. La logique introduite par le contrat de travail unique devrait simplifier considérablement le travail du juge et sécuriser l'environnement juridique. En effet, dans le cadre du contrat de travail unique, où le licenciement donne lieu au paiement d'une contribution qui finance une garantie de reclassement, mise en oeuvre par des professionnels, l'employeur exprime sa responsabilité en payant la contribution de solidarité. Dans un contexte où l'employeur prend en compte la valeur sociale de l'emploi dans sa décision, paye pour que le salarié soit pris en charge efficacement par l'État aidé par des professionnels, le paiement de la contribution de solidarité et le respect de la procédure de licenciement devraient constituer des critères suffisants pour juger si un licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

Ainsi, la logique introduite par le nouveau système simplifie naturellement la réglementation des licenciements dans la mesure où il n'est plus nécessaire de réserver un traitement particulier au licenciement économique. Cette simplification présente l'intérêt de sécuriser considérablement l'environnement juridique des salariés, à travers une prime de précarité pour tous, un reclassement de qualité, un traitement moins inégalitaire, et des employeurs. Cette sécurisation juridique présente un avantage important pour l'ensemble de la société par rapport à la réglementation actuelle, puisque le coût supporté par l'entreprise n'est plus la conséquence de lourdes procédures, contrôlées par l'autorité de l'administration et du juge sur la base de critères flous, mais bien d'un transfert qui abonde un fonds de solidarité. Ainsi, les coûts et délais associés au licenciement économique dans le système antérieur sont remplacés par la taxation des licenciements, dont les fonds sont mutualisés à fin de financement du reclassement des salariés dans le nouveau système. Pour qu'il devienne opérationnel, la notion de licenciement économique devrait donc être abandonnée. Ainsi assiste-t-on à l'adaptation des travailleurs et des entreprises

III. La réalisation de la politique territorialisée (l'exemple des marchés publics à critères sociaux)

«Le moteur de développement, c'est la capacité des sociétés locales à faire émerger ces liens denses et actifs entre les réseaux économiques locaux. Il n'y a pas de déterminisme et il n'y a pas de modèle. Certains s'en sortent très bien, d'autres mal»132(*).

Centralisme du gouvernement et intervention sectorielle ont durablement constitué le mode privilégié de définition de l'intérêt général. Un certain nombre de facteurs ont amenuisé la légitimité de cet édifice institutionnel - modèle du développement local, logiques communautaires de subsidiarité, effritement de la capacité redistributive de l'Etat - en soutenant une dynamique de territorialisation croissante de l'action publique. Ce mouvement s'inscrit dans un univers d'acteurs où les qualités personnelles priment sur la représentation institutionnelle et où règnent le partenariat, la règle procédurale et la proximité institutionnelle. La territorialisation des politiques publiques a ainsi démultiplié les centres décisionnels et effectivement « débordé » le cadre sectoriel caractéristique de l'Etat-moderne. La diversification et la complexification des domaines d'action publique soulignent les limites d'une approche sectorielle alors que la réalité sociale apparaît sans cesse plus labile, diverse et difficile à saisir sans une connaissance fine de ses ressorts locaux.

Encadrée par de nouvelles modalités de management le plus souvent d'inspiration communautaire - partenariat, subsidiarité, évaluation, co-production territorialisée -, la territorialisation de l'action publique vise à reconstruire les cadres de sa légitimation. En d'autres termes, l'efficience managériale supposée qu'octroie une action publique de proximité justifie la sortie progressive d'un modèle de définition stato-centré de l'intérêt général. Se faisant la collectivité territoriale procède à de l'animation territoriale vecteur de partenariat (A), et à la valorisation locale de la dynamique du marché (B).

A. L'animation territoriale vecteur de partenariats

Encore pratiquement absente du vocabulaire des économistes à la fin des années 1980, la notion d'attractivité a suscité au cours des 15 dernières années un intérêt de plus en plus marqué, au point de constituer aujourd'hui un des thèmes centraux des débats de politique économique. L'attractivité apparaît comme un discours permettant de justifier à la fois l'existence des institutions de développement locales et le type d'actions qu'elles mettent en oeuvre, plutôt que comme un enjeu économique réellement partagé par tous les acteurs présents sur le territoire. Cette notion d'attractivité est apparue s'imposer dans le présent travail, dès lors qu'il devait être question de la manière dont la collectivité territoriale traite la question de l'inclusion sociale par le marché. Véritable acteur de l'animation territoriale, le département joue désormais un rôle moteur dans la promotion de l'inclusion sociale, rôle au demeurant novateur sur le terrain particulier des marchés publics via la promotion des marchés publics à caractère sociaux.

La commande publique peut être utilisée comme un instrument de lutte contre l'exclusion en favorisant l'emploi de personnes en difficultés d'insertion. Dans une communication interprétative, en date du 15/10/2001, la commission européenne a fait le point sur le droit communautaire applicable aux marchés publics et les possibilités d'intégrer des aspects sociaux dans les marchés. Il ressort de cette communication que, «c'est avant tout au stade de l'exécution, c'est-à-dire une fois le marché attribué, qu'un marché public peut constituer un moyen pour une collectivité publique d'encourager la poursuite d'objectifs sociaux. Les acheteurs publics ont, en effet, la possibilité d'imposer au titulaire du contrat le respect de clauses contractuelles portant sur le mode d'exécution du contrat qui soient compatibles avec le droit communautaire. Ces clauses peuvent comprendre des mesures en faveur de certaines catégories de personnes et des actions positives dans le domaine de l'emploi».

Il est important de noter que la définition de l'objet d'un marché ou de ses conditions d'exécution ne doit cependant pas avoir pour effet de limiter abusivement la concurrence ou de réserver l'accès au marché à des entreprises locales au détriment d'entreprises nationales, ni même au détriment de soumissionnaires d'autres Etats membres. Le code des marchés publics, issu du décret n°2001-210 du 7 mars 2001, a intégré ces dispositions en droit national, dans le cadre de son article 14. Le nouveau code des marchés publics (décret n°2004-15 du 7 janvier 2004) n'a pas modifié le dispositif. Peuvent ainsi être insérées dans les cahiers des charges, des clauses d'exécution à visée sociale, en faveur de personnes défavorisées ou exclues du marché de l'emploi. Depuis 2001, la réglementation des marchés publics reconnaît ainsi aux collectivités publiques la possibilité de contribuer à l'insertion de personnes en grande difficulté, principe qui a été à nouveau consacré dans le nouveau code des marchés publics en vigueur depuis le 10 janvier 2004. C'est ainsi que la voie a été ouverte à l'introduction de clauses sociales permettant d'inciter les entreprises répondant aux appels d'offres publics à réserver à des personnes engagées sur un parcours d'insertion une partie du volume travaillé dans le cadre des marchés concernés. De même, la passation de marchés avec des structures d'insertion par l'activité économique a été facilitée par l'instauration de procédures allégées et adaptées.

Ainsi l'introduction de clauses sociales d'exécution dans les marchés publics s'inscrit dans les dispositions de l'article 14 du code des marchés publics (décret du 7 janvier 2004) participe de ce dispositif ainsi que la conclusion de marchés en application des articles 28 ou 30 du code directement avec les structures d'insertion par l'activité économique. Ce dispositif, utilisé à son plein potentiel, peut constituer un outil puissant pour insérer des personnes éloignées de l'emploi.

On se trouve ici pleinement dans un exemple d'animation territoriale ou l'attractivité comme politique de valorisation du territoire permet de multiplier les marchés publics diffusant ainsi, une politique d'inclusion sociale transversale à un grand nombre de secteurs.

B. La valorisation locale de la dynamique du marché

C'est dans le cadre de marchés publics de travaux et de services, qui impliquent en général la mise en oeuvre prioritaire de mains-d'oeuvre qualifiées ou non, que l'acheteur pourra le mieux tenir compte de préoccupations en matière d'insertion.

Tous les marchés de services ou travaux ne sont néanmoins pas susceptibles d'intégrer des conditions sociales d'exécution. Ainsi, lorsqu'une direction envisage, pour la passation d'un marché, d'inclure dans sa commande une exigence en matière d'insertion professionnelle, il lui est d'abord nécessaire de se renseigner sur le volume de travail que peuvent assurer les structures d'insertion par l'activité économique ou les personnes concernées, susceptibles d'être embauchées directement par les entreprises titulaires. Ensuite, elle détermine le volume de travail devant être confié à ce public et le mode d'insertion à retenir. Mais la Direction peut également, après avoir fixé le volume de travail à faire accomplir par des salariés au titre de l'insertion professionnelle, décider de laisser le libre choix de la modalité à l'entreprise.

Attribuer des marchés à des structures d'insertion, dont l'objet social est d'insérer des personnes en difficulté, peut constituer une réponse aux objectifs sociaux de la région, un département ou de l'intercommunalité, d'où le qualificatif de providence qu'on peut leur attribuer, en ce qu'elle remplisse désormais un rôle plein et entier dans la valorisation locale de la dynamique du marché. L'attribution de marchés à de telles structures suppose néanmoins qu'elles aient été préalablement candidates à ces marchés publics. La liberté d'accès à la commande publique est au nombre des principes fondamentaux consacrés par l'article 1er du code des marchés, au même titre que les principes d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.

Bien que tout à fait libres de se porter candidates aux marchés des différentes collectivités, les structures d'insertion ne se présentent cependant pas lors des consultations organisées. Il s'agit là de la principale difficulté. Deux éléments peuvent être avancés pour expliquer cette situation : l'impossibilité, pour une petite structure, d'exécuter des marchés qui s'avèrent trop importants ou complexes pour elle, et la difficulté, pour ces structures, d'appréhender les règles relatives aux marchés publics et notamment les conditions à remplir pour la remise d'une offre. Lorsque des marchés sont passés dans les domaines habituels d'intervention des structures d'insertion, l'acheteur public peut jouer un rôle, cette fois au stade de la mise en concurrence, en menant une réflexion, lorsque les prestations se prêtent au découpage, sur les éventuelles possibilités d'allotissement de la consultation. Le recours à l'allotissement déjà envisagé dans l'objectif de faciliter l'accès des PME à la commande publique, pourrait ainsi, dans les domaines économiques relevant de l'activité des structures d'insertion favoriser les candidatures de ces dernières. Par ailleurs, lorsque, en raison de l'objet ou du montant des prestations, la procédure de passation du marché n'est pas formalisée par le code des marchés (marchés passés en procédure adaptée conformément à l'article 28 du code ou marchés de service bénéficiant du formalisme allégé de l'article 30), les acheteurs peuvent, dans le cadre des mises en concurrence adaptées qu'ils organisent, s'adresser aux structures d'insertion susceptibles de pouvoir répondre à leur consultation pour solliciter de leur part une candidature ou une offre.

Les embauches se réalisant alors peuvent être de deux types, direct ou indirect. Lorsque l'exécution d'un marché permet ou nécessite l'exercice d'une mission sur plus de 6 mois, le recours à des personnes en difficulté, par embauche directe peut être envisagé. L'emploi de ces personnes peut être effectué sur contrat aidé ou non aidé. Pour être éligibles dans le cadre de ces recrutements, les demandeurs d'emploi appartenant à ces catégories doivent avoir été préalablement validés par l'ANPE comme relevant des publics prioritaires. Ils devront ainsi fournir à l'entreprise titulaire une lettre de l'ANPE attestant de leur appartenance aux publics éligibles. Si le cahier des charges prévoit le recours à l'embauche directe, l'entreprise titulaire envisageant de recruter sur un contrat aidé dispose d'un choix parmi sept types de contrats. Les contrats aidés sont les suivants: contrat de qualification, contrat de qualification adulte, contrat d'apprentissage, contrat d'adaptation, contrat d'orientation, contrat jeune en entreprise, contrat initiative emploi, et désormais le contrat nouvel embauche.

Deux de ces contrats concernent les personnes âgées de plus de 26 ans : le contrat initiative emploie et le contrat de qualification adulte. Les recrutements directs sur contrats aidés se font nécessairement sur une durée longue, supérieure à six mois. Il convient donc de réserver ce type de clauses aux marchés d'une durée supérieure à un an. Par ailleurs, ce mode de recrutement ne peut être mis en oeuvre que sous réserve de disposer, dans les pièces du marché, d'informations relatives au volume du travail nécessaire à l'exécution des prestations (en nombre de personnes mises à disposition pour l'exécution des prestations ou encore en nombre d'heures effectuées). L'ANPE pourra également organiser, en accord avec l'entreprise, des mesures d'accompagnement des salariés concernés au sein de celle-ci. Pour les embauches indirectes, elles correspondent au recours à une main d'oeuvre temporaire, recrutée essentiellement par les entreprises de travail temporaire d'insertion. La mise en activité par une entreprise de personnes salariées par le GEIQ133(*) dont elle est adhérente est également considérée comme une embauche indirecte au titre de l'application de l'article 14. Quant aux salariés recrutés dans l'entreprise à l'issue d'un parcours au sein du GEIQ, ils seront considérés comme relevant de l'embauche directe.

Voici ainsi décrit une modalité pouvant être suivit par les collectivités, pour procéder à la réalisation de la politique territorialisée de l'inclusion sociale via la promotion des marchés publics à critère sociaux.

Conclusion de la 1ère partie

La gestion publique s'est singulièrement complexifiée. Avec la territorialisation de la lecture des problèmes publics et la responsabilisation des élus locaux, la logique originelle de spécialisation par blocs de compétences s'est avérée peu réaliste. C'est davantage la clause générale de compétence qui s'est vue octroyée un statut d'évidence dans les différentes collectivités territoriales. En a découlé l'activation de logique partenariale pour monter des dossiers et faire jouer des financements croisés au prix d'une dilution des responsabilités et du règne du pragmatisme. Dans ce cadre, les professionnels de l'action publique ont acquis une place considérable pour rassembler les moyens requis par la production d'une action publique négociée. De même, le cumul de mandats a trouvé une nouvelle opportunité de justification pour accéder à des ressources dispersées. Au total, la décentralisation s'est accompagnée d'une dispersion du pouvoir créant les conditions d'un développement des logiques de réseau pour construire des politiques et prendre la mesure des moyens disponibles. Elle a aussi favorisé un déplacement flou des lieux d'action. Si la décentralisation a manifestement contribué à centraliser la gestion locale dans les mains d'équipes politiques restreintes, et plus ou moins personnalisées, elle s'est également accompagnée d'un déclin des mobilisations collectives locales. Plus précisément, celles-ci sont devenues plus erratiques et peut-être davantage circonscrites à des problèmes localisés (fermeture d'équipements et de services publics, défense d'un paysage) et à des situations de fait (chômeurs, marginaux, minorités).

La décentralisation a ainsi sonné comme une forme de primauté de l'institution sur la société. La conséquence est que les responsables publics se retrouvent plus isolés ne serait-ce qu'au travers l'extension des contraintes budgétaires, ou encore la sur responsabilisation que la charge de la politique publique inclusive suppose. Face à la définition des orientations, ils ne peuvent que s'efforcer de solliciter la mobilisation locale à travers toute une série d'instruments. S'érige de fait au travers la pérennisation des dispositifs sociaux curatifs et la formulation consubstantielle de politique sociale occupationnelle, l'avènement du paradigme de la Collectivité Providence.

* 126 Conseil (Emploi et Politique sociale), Lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale = Définition des objectifs appropriés, Bruxelles, le 30 novembre 2000

* 127 COM (2005) 299, Une politique de cohésion pour soutenir la croissance et l'emploi - Orientations stratégiques communautaires 2007-2013, Bruxelles, le 5 juillet 2005

* 128 Ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, La mise en oeuvre du plan de cohésion sociale, programmes, mesures et indicateurs, Premier semestre 2005

* 129 Extrait du rapport de l'Observatoire nationale de la pauvreté et de l'exclusion 2005-2006

* 130 Les éléments présentés dans cette partie s'appuient sur la contribution de F. Murat, « Les compétences des adultes et l'exclusion sociale », et celle de C. Bonaïti, A. Fleuret, P. Pommier et P. Zamora, « Pourquoi les moins qualifiés se forment-ils moins ? », in Les Travaux de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale 2005-2006, La Documentation française.

* 131 F. Kramarz, P. Cahuc, De la précarité à la mobilité : vers une Sécurité sociale professionnelle, rapport au ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie et au ministre de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, 6 décembre 2004

* 132 P. Veltz, Penser l'attractivité dans une économie relationnelle..., Pouvoirs Locaux, n°61, II, 2004

* 133 Un groupement d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ) est une association composée d'employeurs oeuvrant ensemble pour la formation et l'insertion par l'emploi de personnes en grande difficulté.

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