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La protection du créancier réservataire dans le redressement judiciaire en droit OHADA des procédures collectives

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par Lou Gohi Mélanie SOUKO
Université des Lagunes-CIDD - Master 2015
  

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Section 1 : De l'existence du bien dans le patrimoine du débiteur

La revendication du bien réservé implique que ce bien puisse exister dans le patrimoine du débiteur. Pour apprécier l'existence du bien, il faut se placer au jour du jugement d'ouverture et non au moment de l'action en revendication174. La non- existence du bien dans le patrimoine du débiteur était un obstacle175 à la revendication du bien réservé. L'existence du bien se révélait donc une question délicate pour le créancier qui était susceptible de perdre son action. La notion d'existence du bien réservé dans le patrimoine du débiteur a évolué à la faveur des nouveaux textes relatifs aux procédures collectives176. Le législateur procède donc à l'élargissement du domaine du droit de revendication du propriétaire (Paragraphe 1). Cependant, cette évolution peut être source de contraintes pour le réservataire (Paragraphe 2).

174 Cass. com., 15 mars 2005 n°03-20.332, D.2005 p.641, obs. Lienbard A.

175 SOUPGUI Eloie, op. cit., p. 75

176 L'AUPCAP adopté le 15 septembre 2015 remplace l'AUPCAP adopté le 10 avril 1998

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Paragraphe 1 : De l'évolution la notion d'« existence du bien réservé dans le patrimoine du débiteur »

L'existence du bien réservé dans le patrimoine du débiteur, est une condition sine qua non177 à sa revendication. Dans l'AUPCAP antérieur, le législateur OHADA exigeait que les biens réservé, se trouvent en « nature » dans le patrimoine du débiteur pour pouvoir être revendiqués (A). Cette exigence était très souvent difficile à respecter dans la mesure où le bien réservé pouvait être modifié, transformé ou incorporé par le débiteur. Pour y remédier, le nouvel AUPCAP apporte dans son sillage des changements en supprimant le terme « en nature »(B).

A- La notion d'existence du bien en « nature » dans l'ancien droit des

procédures collectives

L'exigence de l'existence du bien réservé entre les mains178 du débiteur, comme condition de revendication des biens vendus avec une clause de réserve de propriété, est posée par l'article 103 alinéa 3 de l'ancien AUPCAP. Ce texte disposait que, le bien réservé ne peut faire l'objet de revendication que, « s'il se retrouve en nature » dans le patrimoine du débiteur en redressement judiciaire ou liquidation des biens. La condition d'existence en nature suppose que le bien n'a subi aucune altération. Il doit demeurer dans l'état initial depuis le moment de la vente jusqu'à la date du jugement d'ouverture. Ce qui pose très souvent problème179 dans la mesure où la condition d'existence du bien en nature peut être influencée par une éventuelle altération du bien réservé.

177RIPERT G / ROBLOT R. par DELEBECQUE Philippe et GERMAIN Michel, op. cit.,p.1167

178 Idem

179 SOUPGUI Eloie, op. cit.,p.76

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En effet, il est possible qu'entre les mains du débiteur, le bien dont la restitution est demandée ait subi une altération tellement grave que toute remise matérielle du bien réservé au propriétaire devient compromise180. Or, la condition d'existence en nature exige que les biens revendiqués n'aient été ni transformés ni incorporés. Toutefois de légères atteintes, comme l'usure181 ou une petite amélioration182, sont tolérées et n'influent pas sur la condition d'existence en nature du bien. La revendication reste alors possible tant qu'une modification substantielle n'est pas constatée. Sur ce point, une cour d'appel a relevé que les alevins, livrés entre dix mois et quelques jours avant l'ouverture de la procédure collective, ont pris du poids, sans que cette prise de poids en ait modifié la substance. L'arrêt a relevé encore que le cycle de maturation d'un alevin est de l'ordre de dix-huit à vingt-quatre mois et qu'une daurade est commercialisable au poids de 220 grammes, correspondant à dix-huit mois environ de maturation. Par conséquent cette transformation ne faisait pas obstacle à l'action en revendication de l'entreprise bénéficiant d'une clause de réserve de propriété183.

L'incorporation ou la transformation du bien empêchait sa revendication. Le droit de revendication du créancier était donc subordonné à l'existence du bien en nature. Cette situation a conduit certains auteurs à qualifier la réserve de propriété d'un « billet de loterie gratuit »184. Le créancier réservataire était gagnant quand il retrouvait ses biens en nature dans les locaux de son débiteur, ou dans d'autres lieux,

180 Cass. com. 22 mars 1994 (ne sont plus considérés comme présents en natures des boeufs livrés sur pied, abattus puis découpés par l'acquéreur), bull. civ. IV ,n°121

181 Cass. com. 29 janvier 1991, Rev. Poc. coll. 1991 n°2p. 255, obs. B. SIONNE. 182Cass. Com. 17 mai 1988, bull. civ. IV ,n°166

183Com. 11 juin 2014, no 12-28.761, D. 2014. Actu. 1325

184 CABRILLAC (M.) et MOULY (C.), cité par SOUPGUI Eloie, in, op. cit.,p.78

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détenus par son représentant légal185, le cas échéant il était perdant. L'exigence d'identité du bien réservé pouvait donc vouer à l'échec la revendication du réservataire.

Le noeud du problème186 étant déterminé, le législateur OHADA a essayé d'y remédier. La nouvelle législation du droit des procédures collectives ne fait plus état du terme « en nature »187 qui a été supprimé. Cette évolution de la loi, vise à rendre plus pratique le droit de revendication du propriétaire.

B- La notion d'existence du bien réservé dans les nouveaux textes relatifs aux procédures collectives

Le nouveau droit des procédures collectives élargit le champ de revendication du créancier réservataire en faisant référence à l'AUS pour la revendication des biens réservés. Ainsi l'article 103 alinéa 3 dispose que « peuvent également être revendiqués les marchandises et objets mobiliers faisant l'objet d'une clause de réserve selon les conditions et avec les effets prévus par l'Acte uniforme portant organisation des sûretés ».

Désormais, en vertu de l'AUS il est permis au créancier réservataire de revendiquer le bien réservé incorporé et aussi les biens fongibles.

En ce qui concerne les biens incorporés, l'AUS prévoit en son article 76 alinéa 1 que « l'incorporation d'un meuble faisant l'objet d'une réserve de propriété à un autre bien ne fait pas obstacle aux droits du créancier

185Com. 10 mai 2012, no 11-17.626, V. Répertoire de droit commercial, D. 2015

186 L'existence du bien réservé « en nature » dans le patrimoine du débiteur.

187 AUPCAP nouveau, art.103 al.4

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lorsque ces biens peuvent être séparés sans subir de dommage ». Cette disposition renforce le droit du créancier réservataire.

L'incorporation n'est donc plus, en principe, un obstacle à l'exercice de son droit de revendication. Le réservataire doit rapporter la preuve qu'au jour du jugement d'ouverture188, son bien existe dans le patrimoine du débiteur et qu'il est incorporé à un autre bien. La condition est que les deux biens puissent être dissociés sans dommage pour l'un comme pour l'autre. La loi n'est cependant pas précise sur que l'on doit comprendre par le terme « dommage ». Une interprétation très large du terme est à éviter. Car, la dissociation de certains meubles cause forcement de petits dommages aux biens auxquels ils sont rattachés189. C'est le cas par exemple d'un moteur monté dans un véhicule190. Le critère semble être une altération matérielle marquée du bien réservé191.

Qu'en est-il, si le bien réservé a été attaché par le débiteur à perpétuelle demeure, de sorte à devenir immeuble par destination ? Le créancier pourra-t-il valablement le revendiquer ? La jurisprudence donnait une réponse négative jusqu'à un récent arrêt de la cour de cassation française.

En effet, dans un arrêt de la cour de cassation française192, une société mise en redressement judiciaire avait au préalable acheté des éléments de cuisine professionnelle pour l'exploitation de son restaurant,

188REINHARD DAMMANN, BENJAMIN GALLO, La notion d'existence « en nature » en matière de revendication de biens meubles, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 45, 6 Novembre 2014,1562, p.25

189 LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit., n°3773

190REINHARD DAMMANN, BENJAMIN GALLO, op. cit., p. 26

191F. PEROCHON, in, REINHARD DAMMANN, BENJAMIN GALLO, op. cit., p. 26

192Cass. com., 10 mars 2015, pourvoi n° 13-23.424, commentaire de JULIETTE SENECHAL, in, Revue Trimestrielle de Droit Immobilier / RTDI N° 2 - 2015, p.50

éléments dont le prix n'avait été que partiellement payé. Le vendeur (réservataire) avait, de ce fait, revendiqué lesdits éléments dès lors que ceux-ci avaient été vendus avec réserve de propriété. La cour d'appel avait fait droit à cette demande et l'avait autorisé à récupérer les biens réservés.

Cependant, l'acquéreur (le débiteur) dans son pourvoi reprochait à la cour d'appel d'avoir violé les articles 524 du code civil193 et L. 62416194 du code de commerce relatif à la clause de réserve de propriété en procédure collective qui dispose que « l'incorporation d'un meuble faisant l'objet d'une réserve de propriété à un autre bien ne fait pas obstacle au droit du créancier lorsque ces biens peuvent être séparés sans subir de dommage ».

En effet, selon l'auteur du pourvoi, les matériels revendiqués portaient sur des éléments de cuisine professionnelle affectés à l'exploitation commerciale du restaurant. Des lors, ces éléments devaient perdre la qualification de meubles au profit de celle d'immeubles par destination. Cette nouvelle qualification, selon l'auteur du pourvoi, permettait alors de faire échec à l'action en revendication du vendeur, dès lors que celle-ci n'est admise que pour des meubles et non des immeubles. Mais, cette argumentation ne réussit pas à convaincre la cour de cassation qui rejette le pourvoi en refusant l'inclusion de la notion d'immeuble par destination dans le champ d'application de la revendication.

L'élargissement du champ d'application de l'action en revendication du réservataire soulage ce dernier dans les procédures collectives de son

193 Cet article fait référence aux immeubles par destination

194Cet article du code de commerce français est l'équivalent de l'article 76 alinéa 1 de l'AUS

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débiteur. Mais, ces changements apportés par les nouveaux textes ne sont pas sans risques.

Paragraphe 2 : Les contraintes de l'évolution de la notion d'existence du bien réservé dans les nouveaux textes relatifs aux procédures collectives

Les nouveaux textes relatifs aux procédures collectives sont porteurs d'espoir pour le créancier réservataire. Les obstacles qu'il rencontrait pendant la revendication de son bien semblent s'être amoindris. Le champ d'application de la revendication qui était restreint à l'existence du bien réservé« en nature » s'est désormais étendu. Toutefois, la pratique de ce nouveau droit pourrait être source de contraintes pour le créancier réservataire tant en matière des biens incorporés (A) que des biens transformés (B).

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus