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La cour africaine des droits de l'homme et des peuples entre originalités et incertitudes.

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par Mamadou Alpha Kokouma DIALLO
Angers  - Master 1 Droit international et européen 2015
  

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Paragraphe II : L'article 34(6) ou le verrou juridique à l'accessibilité de la Cour

De la lecture combinée des articles 5(3) et 34(6) du Protocole de Ouagadougou, il y ressort clairement l'une des limites majeures à l'effectivité de la Cour africaine. En effet, l'article 5(3) dispose que : « [l]a Cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux organisations non gouvernementales dotées du statut d'observateur auprès de la Commission d'introduire des requêtes directement devant elle »92. L'article 34(6) ajoute que : « [à] tout moment à partir de la ratification du présent Protocole, l'Etat doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l'article 5(3) du présent Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en application de l'article 5(3) intéressant un Etat qui n'a pas fait une telle déclaration »93.

Il convient de noter que cette « déclaration » telle qu'elle est prévue à l'article 34(6) est un acte unilatéral, solennel par lequel tout Etat partie au Protocole de Ouagadougou peut exprimer son consentement à être lié par les requêtes individuelles devant la Cour. Au-delà, cette « déclaration » est un acte qui permet aux principaux bénéficiaires des droits de l'homme en Afrique que sont, les individus et les organisations non gouvernementales de défense des droits humains, de faire valoir leurs droits devant la Cour africaine. Ainsi, tous les individus et les ONG dont l'Etat n'a pas fait ladite déclaration ne peuvent malheureusement pas saisir la Cour.

Cela constitue un véritable verrou juridique à l'accessibilité à la Cour par ces derniers d'autant plus que de nos jours sur les trente (30) Etats ayant ratifiés le Protocole, seuls huit (8) parmi eux ont souscrit à cette « déclaration ». Il s'agit : du Burkina Faso, de la Côte d'Ivoire, du Ghana, du Malawi, du Mali, du Rwanda, de la Tanzanie et du Bénin depuis le 8 février 201694. Ce nombre dérisoire d'Etats ayant fait cette déclaration démontre suffisamment que les Etats africains parties au Protocole ne sont fort malheureusement pas disposés de permettre à leurs citoyens d'accéder directement à la Cour.

Cela étant, il convient de préciser que la jurisprudence de la Cour africaine est largement illustrative de cette situation de blocus que constitue cette exigence de l'article 34(6) du Protocole. En effet, la Cour s'est heurtée à cet obstacle dès sa première décision, l'arrêt

92 Protocole préc. , article 5 (3).

93 Ibid., article 34(6).

94 La déclaration de la République du Bénin a été déposée auprès de la Commission de l'UA le 8 février 2016.

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Michelot Yogogombaye c. République du Sénégal du 15 décembre 200995. Dans cette affaire, la Cour s'est purement et simplement déclarée incompétente pour connaitre de la requête introduite par M. Yogogombaye contre le Sénégal du fait que ce dernier n'a pas fait la déclaration au sens de l'article 34(6) du Protocole.

Dès le départ, la Cour est restée constante sur sa position en soutenant régulièrement qu' « il ressort d'une lecture combinée de ces deux dispositions que la saisine directe de la Cour par un individu est subordonnée au dépôt par l'Etat défendeur d'une déclaration spéciale autorisant une telle saisine »96.

En réalité, la question de l'accès des individus et des ONG à la Cour africaine est une problématique cruciale dans le contentieux des droits de l'homme en Afrique. Il faut cependant remarquer que le mécanisme africain s'inscrit dans la logique de la Convention européenne des droits de l'homme qui subordonnait également l'accès direct des individus à la Cour au consentement des Etats. Il a fallut attendre le Protocole n° 1197 qui reforma le mécanisme de contrôle institué par la Convention en supprimant notamment la Commission européenne des droits de l'homme. La Cour européenne dispose depuis d'une compétence obligatoire à l'égard des requêtes individuelles. Peut être que l'Afrique fera autant. Mais au regard de la situation des droits de l'homme en Afrique, nous pensons qu'il est temps de franchir cette étape importante pour une protection effective des droits humains en Afrique.

La Cour africaine a été saisie de la question d'annulation pure et simple de l'article 34(6) du Protocole dans l'Affaire Femi Falama c. Union Africaine. Dans cette affaire, le requérant a notamment allégué qu' « il a été empêché de saisir la Cour en raison de l'inertie du Nigeria et de son refus de déposer la déclaration acceptant la Compétence de la Cour conformément à l'article 34(6) du Protocole »98. Il soutient « que face à l'échec de ses tentatives pour amener le Nigeria à faire ladite déclaration, il a décidé de déposer une requête à l'encontre de l'UA, entant que représentant de ses 54 Etats membres, demandant à la Cour de déclarer que l'article 34(6) est incompatible avec les articles 1, 2, 7, 13, 26 et 66 de la Charte [...], du

95 Affaire Michelot Yogogombaye contre République du Sénégal, requête n° 001/2008, arrêt du 15 décembre 2009, [en ligne] sur www.african-court.org

96 Affaire Yogomgombaye préc. P. 10, paragraphe 34 ; Affaire Femi Falama c. Union Africaine ; Affaire Emmanuel Joseph Uko et autres c. République Sud Africaine ; Affaire Bagdadi Ali Mahmoudi c. République de Tunisie ; Affaire Amir Adam Timan c. République du Soudan ; Affaire Convention nationale des syndicats du secteur éducation (CONASYSED) c. République du Gabon.

97 Protocole N° 11 préc. à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales portant restructuration du mécanisme de contrôle établi par la Convention, 11 mai 1994, entrée en vigueur le 1er novembre 1998.

98 Affaire Femi Falama c. Union Africaine préc., requête n°001/2011, p.3.

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fait, qu'à son avis, exiger d'un Etat qu'il fasse une déclaration permettant aux individus et aux ONG de saisir directement la Cour est une violation des droits [...] à la nondiscrimination, à l'égalité devant la loi, à l'égalité de traitement [...] »99. La Cour après avoir constaté que l'article visé est certes incompatible avec la Charte100, a toutefois rejetée la demande du requérant « tendant à ce que l'article 34(6) soit déclaré nul et non avenu ou annulé »101. Le juge OUGUERGOUZ Fatsah, dans son opinion individuelle jointe à l'arrêt en question réaffirme sa position constante selon laquelle : « dans tous les cas où l'incompétence rationae personae de la Cour est manifeste, [...], les requêtes reçues par le Greffe ne doivent pas faire l'objet d'un traitement judiciaire par la Cour mais d'un simple traitement administratif et doivent être rejetées de plano par une simple lettre du Greffier »102 . Ce qui est une confirmation de plus de cette situation de blocus que caractérise cet article.

En tout état de cause, il faut le dire haut et fort, que la Cour africaine étant une juridiction des individus et non une juridiction des Etats dans la mesure où sa mission est la protection des droits de l'homme et non les droits des Etats, son succès est largement tributaire des moyens que ces derniers lui donneront. Ces moyens ne sont autres que la ratification du Protocole de Ouagadougou par tous les Etats africains et leur reconnaissance de la juridiction obligatoire de la Cour en faisant la déclaration prévue à ce fameux article 34(6) ou le supprimer purement et simplement du Protocole.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius