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La cour africaine des droits de l'homme et des peuples entre originalités et incertitudes.

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par Mamadou Alpha Kokouma DIALLO
Angers  - Master 1 Droit international et européen 2015
  

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Paragraphe II : Un système destiné à remédier aux lacunes de la Charte africaine

Le système africain de protection des droits de l'homme institué par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et longtemps incarné par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, présentait de nombreuses lacunes faute notamment de moyens et d'un véritable pouvoir contraignant. Face aux nombreuses critiques et lacunes, la naissance d'une Cour ne pouvais être que salutaire.

Créée 17 ans après la création de la Commission et 11 ans après sa mise en place, « le système de protection ainsi adopté ne résulte pas d'une volonté délibérée à mettre en place un système

33 Ibid., paragraphe 5, pages 4 et 5.

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global et entier, mais plutôt de la volonté de combler une lacune qui paralysait de facto l'action de protection des droits de l'homme telle que prévue par la Charte africaine »34.

C'est donc « dans l'optique de remédier à ces lacunes que s'inscrit résolument le Protocole de Ouagadougou »35. Ainsi, il ressort de l'article 2 du Protocole que, « [l]a Cour [...] complète les fonctions de protection que la Charte [...] a conférées à la Commission [...] ». L'article 3 vient préciser quant à lui que « [l]a Cour a compétence pour connaitre de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la Charte, du présent Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les Etats concernés », alors que la Charte avait une conception beaucoup plus restrictive du champs de la Commission que l'article 45 limitait à l'interprétation de ses seules dispositions à la demande d'un Etat partie, d'une institution de l'UA, ou d'une Organisation africaine reconnue par cette dernière.

Le Protocole contient également d'autres éléments novateurs visant à remédier aux lacunes de la Charte pour une meilleure protection des droits de l'homme en Afrique.

C'est notamment le cas du caractère définitif et obligatoire des arrêts de la Cour tel qu'il ressort de l'article 28 - 2 du Protocole : « l'arrêt de la Cour [...] est définitif et ne peut faire l'objet d'appel ». La force obligatoire des décisions de la Cour est une avancée majeure et une condition indispensable pour l'effectivité de la protection des droits de l'homme en Afrique comme par tout ailleurs. Cette absence de force obligatoire des conclusions ou recommandations de la Commission fut l'une des limites fondamentales à l'effectivité de la protection des droits de l'homme comme en témoigne l'article 52 de la Charte en ces termes : « [...] après avoir essayé par tous les moyens appropriés de parvenir à une solution amiable fondée sur le respect des droits de l'homme et des peuples, la Commission établit, [...] un rapport relatant les faits et les conclusions auxquelles elle a abouti. [...] ». Nous remarquons donc que la Commission s'inscrivait dans une dynamique purement et simplement conciliatrice.

En ce qui concerne l'exécution des arrêts de la Cour, les Etats parties s'engagent expressément à « se conformer aux décisions de la Cour » et à « en assurer l'exécution dans

34 QUILLERE-MAJZOUB Fabienne, « L'option juridictionnelle de la protection des droits de l'homme en Afrique. Etude comparée autour de la création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples », op. cit., p.730.

35 ATANGANA AMOUGOU Jean-Louis, « Avancées et limites du système africain de protection des droits de l'homme : La naissance de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples », op. cit., p. 176.

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le délai fixé par elle»36. En application de l'article 29, « le Conseil des Ministres de l'UA veille à leur exécution au nom de la Conférence »37. Cette solution plus « réaliste »38 que celle de la Charte est similaire à celle du système européen où l'exécution des arrêts rendus par la CEDH39 est confiée au Comité des Ministres du Conseil de l'Europe (CE).

Ensuite, l'une des innovations de la Cour découle de l'article 27 du Protocole qui lui confère une très grande liberté et un large pouvoir discrétionnaire « lorsqu'elle estime qu'il y a eu violation d'un droit de l'homme ou des peuples », d' « ordonner toutes mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d'une juste compensation ou l'octroi d'une réparation ». En application de cette même disposition, la Cour peut également « dans les cas d'extrême gravité ou d'urgence, ordonner des mesures provisoires qu'elle juge pertinentes lorsqu'il s'avère nécessaire d'éviter des dommages irréparables à des personnes ». Il convient de remarquer qu'un tel pouvoir n'était pas offert à la Commission.

Enfin, l'article 28 du Protocole prévoit entre autres, l'obligation pour la Cour de « motiver » ses arrêts, le caractère « public » des audiences et la possibilité pour les juges d'y joindre une « opinion individuelle » ou « dissidente ». La Commission et ses membres ne disposaient pas de telles prérogatives, aussi la procédure devant la Commission était soumise à une stricte confidentialité40 et les décisions étaient très confidentielles et même « difficiles d'accès et le chercheur n'était jamais certain d'en avoir une appréhension exhaustive »41. Dans certaines de ses décisions, même lorsque la Commission relevait une violation des droits protégés par la Charte, « la motivation faisait défaut, elles étaient très courtes et n'étaient pas suivies d'indications claires et accessibles sur leur devenir »42.

Il ne faut tout de même pas perdre de vu que le système mis en place par la Charte africaine n'était pas un système judiciaire ou quasi judiciaire même si la Commission a opéré

36 Protocole de Ouagadougou, article 30.

37 Idem, article 29 paragraphe 2.

38 ATANGANA AMOUGOU Jean-Louis, « Avancées et limites du système africain de protection des droits de l'homme : La naissance de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples », op. cit., p. 177.

39 Cour européenne des droits de l'homme.

40 Ainsi, l'article 59 de la Charte dispose que : « 1. Toutes les mesures prises dans le cadre du présent chapitre resteront confidentielles jusqu'au moment où la Conférence des chefs d'Etats et de gouvernement décidera autrement. 2. Toutefois, le rapport est publié par le Président de la Commission sur décision de la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement. 3. Le rapport d'activités de la Commission est publié par son Président après son examen par la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement. »

41 TIGROUDJA Hélène, « Le système africain de protection des droits de l'homme : un laboratoire des droits universels ? », in Ludovic HENNEBEL et Hélène TIGROUDJA (dir.), Humanisme et Droit (en hommage au Professeur Jean DHOMMEAUX), Paris, Pedone, 2013, pp. 409-425, p. 411.

42 Ibid. p. 411.

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une transformation considérable en tendant à s'ériger tant bien que mal en un véritable organe juridictionnel. Pour pouvoir remplir convenablement sa mission, il faut reconnaitre que « la Commission avait dû faire preuve d'une certaine audace et sortir du champ étroit de son action dans lequel la Charte l'avait confinée. Elle avait ainsi bravé l'obstacle de la confidentialité de ses activités en procédant à une interprétation extensive de la Charte »43.

Cependant, il s'avère très important de préciser que la Charte africaine, contrairement aux Conventions européenne et américaine des droits de l'homme, contient d'autres lacunes auxquelles le Protocole n'a pas remédié : il s'agit notamment de l'absence du droit à la vie privée et de la question de dérogation.

Au regard de ce qui précède, la Commission n'était donc pas une institution indépendante et elle était confrontée à de nombreuses limites. Ce qui est loin d'être le cas de la Cour africaine de droits de l'homme et des peuples.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote