WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La cour africaine des droits de l'homme et des peuples entre originalités et incertitudes.

( Télécharger le fichier original )
par Mamadou Alpha Kokouma DIALLO
Angers  - Master 1 Droit international et européen 2015
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre II : La Cour africaine, un organe juridictionnel ambitieux

Le Protocole de Ouagadougou semble n'avoir pas jugé nécessaire de délimiter les compétences de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples qu'il a instituée. Il lui accorde une compétence matérielle très large (Section I) et une compétence personnelle relativement libérale (Section II) qui traduisent l'ambition grandiose de la Cour africaine.

Section I : Une Cour à compétence matérielle large

Dans le cadre d'une analyse de la compétence de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, il convient de passer en revue sa compétence matérielle contentieuse (Paragraphe I) et sa compétence matérielle consultative (Paragraphe II), telle qu'elles découlent des dispositions des articles 3 et 4 du Protocole. Toutefois, la Cour se voit reconnaitre également une compétence « diplomatique » en vertu de laquelle elle peut résoudre à l'amiable un différend qui lui est soumis50. Mais, il s'avère que de nos jours, la Cour n'a encore pas exercé ce pouvoir diplomatique que lui confère le généreux Protocole de Ouagadougou.

Paragraphe I : Une compétence matérielle contentieuse de la Cour

Il ressort de la lecture de l'article 3. 1 du Protocole que : « La Cour est compétente pour connaitre de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la Charte, du présent protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les Etats concernés ». Le caractère très

50 Protocole, article 9, « La Cour peut tenter de régler à l'amiable les cas qui lui sont soumis conformément aux dispositions de la Charte ».

24

large de cette disposition est confirmé comme s'il n'était pas largement suffisant, par l'article 7 qui dispose que : « La Cour applique les dispositions de la Charte ainsi que tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par l'Etat concerné. » En outre, il nous parait judicieux de souligner que la Charte n'avait pas prévue une telle extension de compétence pour ce qui concerne la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples à qui elle ne confie que sa seule interprétation51.

Cette compétence matérielle de la Cour est d'autant plus large que la Charte africaine est l'unique instrument de protection des droits de l'homme qui consacre à la fois des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels ainsi que des droits individuels et collectifs52.

Dans une démarche comparative, il convient de préciser que des dispositions identiques à l'article 3 du Protocole n'existent pas dans les Conventions européenne et américaine des droits de l'homme. A ce titre, la compétence matérielle en matière contentieuse de la Cour européenne ne s'étend uniquement qu'aux questions relatives à l'interprétation et à l'application de la Convention européenne et de ses protocoles53. De même, la compétence de la Cour interaméricaine se limite à l'interprétation et à l'application de la seule Convention américaine54. Il faut toutefois, noter que le Règlement de la Commission interaméricaine des droits de l'homme a fait l'objet d'un amendement qui a élargit la compétence de cette dernière non seulement à la Convention mais aussi à « tous les instruments applicables »55.

La question de l'étendue de la compétence matérielle de la Cour s'est déjà posée devant elle notamment dans l'affaire Mtikila c. Tanzanie56. Dans cette affaire, les requérants avaient invoqués entre autres le traité portant création de la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Est57et le défendeur soutenait de son côté que ce texte n'était pas invocable au sens des

51 Charte africaine, article 45.3.

52 Ibid., articles 2 à 14 pour les droits civils et politiques ; articles 15 à 18 pour les droits économiques, sociaux et culturels et les articles 19 à 24 pour les droits des peuples.

53 V. les articles 32, 33 et 34 de la Convention européenne des droits de l'homme.

54 Voir l'article 62 prec. de la Convention américaine des droits de l'homme : « 1. Tout Etat partie peut, au moment du dépôt de son instrument de ratification à la présente convention, ou à tout autre moment ultérieur, déclarer qu'il reconnait comme obligatoire, de plein droit et sans convention spéciale, la compétence de la Cour pour connaitre de toutes les espèces relatives à l'interprétation ou à l'application de la convention ».

55 V. OUGUERGOUZ Fatsah, « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : un gros plan sur le premier organe judiciaire africain à vocation continentale », op. cit., p. 227.

56 Affaires jointes : Tanganyika Law Society & The Legal and Humain Rights Center c. République-Unie de Tanzanie et Révérend Christopher R. Mtikila c. République-Unie de Tanzanie, CADHP, n°009/2011 et n°011/2011, [en ligne], [ www.african-court.org/fr/pdf], (ci-après « Affaire Mtikila »).

57 Traité établissant de la Communauté de l'Afrique de l'Est, 30 novembre 1999, modifié en date du 14 décembre 2006 et du 20 aout 2007.

25

articles 3. 1 et 7 du Protocole de Ouagadougou car tout simplement il n'est pas un instrument pertinent relatif aux droits de l'homme. La Cour n'a pas tranché cette question et s'est plutôt contentée de voir s'il ya eu violation ou pas des droits protégés par la Charte.

Toutefois, une interprétation littérale de l'article 3. 1 du Protocole de Ouagadougou laisserait croire qu'il faut trois (3) conditions cumulatives pour qu'un texte soit pertinent et invocable devant la Cour :

Tout d'abord, il faut qu'il soit un traité international, ayant donc une force contraignante pour les Etats parties.

Ensuite, il faut que ce traité soit relatif aux droits de l'homme. A ce niveau, il est nécessaire de faire la distinction entre les traités dont le but principal est exclusivement la protection des droits de l'homme et les traités dont l'objet est autre que la protection des droits de l'homme, mais qui contiennent tout de même des dispositions relatives aux droits de l'homme. Les premiers qui reconnaissent explicitement des droits subjectifs aux individus, peuvent en toute évidence être considérés comme des instruments pertinents au sens des articles 3. 1 et 7 du Protocole et donc invocables devant la Cour. C'est le cas notamment de la Déclaration universelle des droits de l'homme58 du 10 décembre 1948, des deux Pactes internationaux du 16 décembre 1966 relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels, s'ils sont ratifiés par les Etats concernés. Quant aux traités dont l'objet est autre que la protection des droits de l'homme, mais qui reconnaissent un certain nombre de droits subjectifs aux individus, leur situation est beaucoup plus problématique. C'est le cas des traités instituant les C.E.R dont la C.E.D.E.A.O, la S.A.D.C, la C.E.A.E ..., qui sont des instruments à vocation d'intégration économique, mais qui de manière explicite ou implicite prévoient des droits de l'homme59.

Enfin, la troisième et dernière condition est la ratification par l'Etat concerné ou son adhésion à cet instrument. A savoir qu'un Etat ne peut être condamné pour avoir violé un traité que s'il est lié à ce dernier60.

58 Il faut préciser que la Déclaration universelle des droits de l'homme n'a pas de force obligatoire. Mais, elle dispose d'une forte autorité morale au regard du nombre très important d'Etats qui l'ont ratifié et dont les Constitutions s'y réfèrent et des nombreux traités internationaux tant régionaux qu'universels qui s'y inspirent.

59 Les questions relatives aux Communautés Economiques Régionales feront l'objet d'un développement particulier plus loin.

60 Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, art. 2. 1.b : « Les expressions « ratification », « acceptation », « approbation » et « adhésion » s'entend, selon le cas, de l'acte international ainsi dénommé par lequel un Etat établit sur le plan international son consentement à être lié par un traité ».

26

Dans tous les cas, la Cour disposant de la compétence de sa compétence, au titre de l'article 3. 261 du Protocole, décidera si l'instrument en cause est pertinent et donc invocable devant elle.

Selon le juge OUGUERGOUZ Fatsah, dont nous partageons l'avis, « la formule de l'article 3 du Protocole est très originale et elle est extensive et généreuse »62. Il ajoute que « l'originalité de l'article 3 du Protocole réside dans le fait que la Cour pourra connaitre de l'interprétation et de l'application non seulement du Protocole lui-même, ce qui parait aller de soi, bien que celui-ci ne consacre aucun droit de l'homme, mais également et surtout de tout autre instrument conventionnel relatif aux droits de l'homme ratifié par l'Etat concerné

»63.

Cependant, connaissant la réticence traditionnelle des Etats africains en matière des droits de l'homme en général et particulièrement dans le règlement judiciaire des différends, nous pouvons légitimement nous interroger sur la raison de l'attribution à la Cour africaine d'une compétence matérielle aussi extensive.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo