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Etude comparée de l'arbitrage international dans l'OHADA et en Suisse

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par Cassius Jean SOSSOU BIADJA
Université de Genève - DEA 2006
  

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B-. LA QUESTION DE LA RESPONSABILITE ET DE L'IMMUNITE DES ARBITRES  DE DIP EN DROIT POSITIF OHADA ET LA SUISSE

Toute la doctrine fait observer que la question de la responsabilité de l'arbitre appelle celle de son immunité. Évoquer en droit de l'arbitrage international la question de la responsabilité de l'arbitre, revient à l'envisager sous l'angle de son immunité. Autrement dit, la problématique juridique qui se pose ici est celle de savoir si la responsabilité des arbitres de DIP peut être engagée sur la base du contrat qui les lie aux parties, pour tous les actes commis par eux dans l'accomplissement de la mission à eux confiée par les parties ? Ou bien doit-on considérer qu'ils sont couverts par une immunité totale ou partielle se justifiant par la singularité de la mission qu'ils exercent ? Le cas échéant doit-on assimiler cette immunité à celle du juge étatique de l'ordre juridique dans lequel ils officient ? Enfin quelle solution préconisent les deux lois d'arbitrage par rapport à la problématique de la responsabilité des arbitres de DIP ?

S'agissant de la responsabilité de l'arbitre, nous l'avons dit, la nature du rapport de droit qui existe entre les arbitres et les parties est contractuelle et aucun système ne remet ce principe en cause. De ce simple fait, il est évident que les arbitres doivent, en toute logique, répondre de tous les manquements à leurs obligations contractuelles. Partant de ce postulat, il est aisément concevable que toute partie qui a été victime d'une carence de la part d'un arbitre, doit chercher à rendre ce dernier personnellement comptable des dommages qu'elle a subit de ce fait, en mettant en cause sa responsabilité contractuelle. Cette logique, pour en revenir au droit comparé, semble ne pas recevoir l'accord d'adhésion de principe de tous les juristes praticiens du droit de l'arbitrage international, ce qui explique grosso modo la dualité qui s'observe sur ce plan.

- Une première tendance calquée sur le schéma présent aux États-Unis d'Amérique, déresponsabilise les arbitres et leur accorde une large immunité. Ainsi, les arbitres et les juges étatiques bénéficieraient sur le plan de la responsabilité, du même régime juridique étant donné la nature juridictionnelle de la mission qu'ils accomplissent. Cette tendance, qui s'inscrit dans la logique de la tradition des pays de droit coutumier que sont les pays de la Common Law, veut que les arbitres bénéficient de l'immunité de juridiction. Ils sont ainsi, dans une large mesure, à l'abri des poursuites pour les décisions prises dans l'exercice de leurs fonctions. Autrement dit, leur responsabilité ne doit pas être mise en cause pour des actes directement liés à leur mission juridictionnelle. Toute action en responsabilité contre un arbitre, allant dans le sens de la mise en cause "du bien ou mal jugé" de sa décision, doit être déclarée irrecevable. Cependant cette déresponsabilisation ne saurait signifier que, nous nous retrouvons dans l'hypothèse d'une absolution totale de la responsabilité des arbitres, ils ne peuvent bénéficier d'une véritable immunité couvrant leurs actes ou leurs omissions. Leur responsabilité ne doit être engagée qu'en cas de faute lourde, de fraude ou de dol et non lorsque ce qui leur est reproché, repose directement sur le contenu de l'acte juridictionnel pour négligence ou incompétence. Un auteur fait observer sur ce sujet que "même lorsque l'on tient pour acquis qu'il existe un contrat entre les arbitres et les parties, il ne s'ensuit pas nécessairement que l'arbitre sera personnellement responsable envers les parties des dommages causés par sa négligence ou son incompétence [...]"63(*). Cependant, n'excluant pas la responsabilité contractuelle et extracontractuelle des arbitres, ils (les auteurs) estiment que cette responsabilité contractuelle doit être modérée et adaptée au principe de la responsabilité contractuelle du fait de la singularité de la mission de l'arbitre. Les arguments forces qui soutiennent cette tendance ont été largement développés par une certaine doctrine qui fait valoir des questions d'ordre personnel et pratique.64(*)

- Si cette thèse ne manque pas de pertinence, on peut cependant lui opposer l'antithèse selon laquelle, aucune logique ne permet de dégager les arbitres de leur responsabilité en cas de négligence, de légèreté ou d'incompétence.

Tandis que, d'autres professionnels, prestataires de services tout comme eux en sont exposés et en répondent en toute légitimité, rien ne justifie la déresponsabilisation des arbitres, d'où la pertinence des idées soutenues par la deuxième tendance. Pour les partisans de celle-ci, les arbitres sont des prestataires de services et ils sont donc tenus de répondre de leurs négligences et fautes comme n'importe quel professionnel, prestataire de services. Par conséquent l'évocation de leur immunité, fût-elle partielle ou totale, couvrant leur responsabilité sur la base des dommages causés par leur négligence ou incompétence ne doit pas être de mise.

Quid du droit OHADA  et du droit suisse de l'arbitrage international?

La nature contractuelle de la relation entre les arbitres et les parties n'est pas remise en cause par la doctrine suisse. Quoique dans la pratique les arbitres dans ce système jouissent d'une large immunité65(*) l'action en responsabilité contre eux n'est pas exclue pour faute lourde, fraude et dol. Aussi, les limitations aux responsabilités du juge étatique ne sont pas applicables par analogie aux arbitres. Cependant, les dispositions du chapitre 12 LDIP, en réduisant la gamme des voies de recours contre la sentence, semblent de ce fait, accroître la responsabilité des arbitres dans l'accomplissement de leur mission. En droit OHADA par contre le codificateur semble éluder la question de la responsabilité de l'arbitre et c'est sous le prisme de son immunité que la question est évacuée. Dans ce système, il faut savoir que l'arbitre rend la sentence en son nom personnel et non pas au nom du peuple de l'Etat-partie ou des États-Parties au traité OHADA. Ceci étant, l'évidence de l'accomplissement par l'arbitre d'une mission juridictionnelle n'est point contestée. Cependant, la responsabilité qu'il encourt dans l'exercice de sa mission, obéit non au régime particulier de la responsabilité des juges étatiques mais au droit commun. S'inspirant de ce fait des règles applicables à la responsabilité des mandataires (responsabilité pour faute prouvée par exemple, le non respect du délai imparti pour rendre la sentence, arbitre ayant accepté sa mission malgré une incompatibilité qu'il connaissait, responsabilité pour faute lourde, responsabilité dolosive etc.). Aussi, il conviendrait de souligner que, le droit OHADA exonère les arbitres désignés par la CCJA de toute responsabilité en leur accordant une immunité totale. Même sur ce plan, force est de constater que, ni l'AU.A ni le Traité en soi ne contiennent aucune disposition conférant aux arbitres une quelconque immunité, mais par contre, dans l'arbitrage institutionnel de la CCJA, l'art. 49 du traité confère une immunité diplomatique aux seuls arbitres nommés par la cour. Il va s'en dire qu'ils ne peuvent être attraits devant une juridiction pour faute même intentionnelle ou grave commise dans l'exercice de leurs fonctions. En règle générale, sur le plan du droit applicable, l'immunité des arbitres ne peut être affirmée que par la loi gouvernant la procédure arbitrale ou le contrat d'investiture. A bon droit, certains auteurs de l'arbitrage commercial international affirment que "cette immunité ne peut être accordée que par l'autorité publique dans un but d'intérêt général". Ils ajoutent "qu'en l'absence de convention internationale sur cette question seuls les droits nationaux peuvent conférer à l'arbitre cette immunité". Pour d'autres auteurs, "la législation applicable... peut conférer aux arbitres l'immunité du fait qu'ils exercent une fonction judiciaire ou quasi-judiciaire [...] c'est une question d'ordre public qui est de nature à varier d'un Etat à l'autre".

* 63 Ibidem. Sur la question l'auteur en citant les facteurs qui militent en faveur de cette immunité fait observer au plan pratique, qu'il serait d'un côté très difficile de trouver des gens qualifiés disposés à agir comme arbitres s'ils s'exposent, de ce fait, à une responsabilité personnelle illimitée. De l'autre côté, il estime que la partie qui a succombé dans un arbitrage pourrait chercher à faire réexaminer l'affaire par le biais d'un procès qu'elle ferait à l'arbitre personnellement, au motif qu'il aurait commis une faute professionnelle, ce qui porterait manifestement atteinte à l'arbitrage en tant que moyen de trancher définitivement les litiges.

Au plan personnel, il fait observer que si les arbitres étaient exposés au risque de voir leur responsabilité personnelle engagée, ils refuseraient d'être désignés à moins que les parties ne les indemnisent, de sorte qu'ils obtiendraient contractuellement l'immunité recherchée, même s'ils ne peuvent y prétendre par l'effet de la loi.

* 64 Cf. sur ce sujet A. REDFERN, M. HUNTER, M. SMITH, E. ROBIN, droit et pratique de l'arbitrage commercial international L.G.D., P. 216.

* 65 P. LALIVE, The immunity of Arbitrators, Lew ed., Lloy's 1990, P. 117.

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