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La protection de l'environnement et les comptes d'affectation

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par SOFIENE BENSLIMEN
Faculte des sciences juridiques, politiques et sociales - Master en droit de l'environnement 2007
  

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Section première : La collectivisation du risque environnemental

Le fonds d'indemnisation « est un mécanisme financier consistant à répartir la charge afférente à un risque sur le milieu qui en est la cause » 313(*).

Ceci présente d'une part une dilution de la charge monétaire sur tout le groupe314(*), une solidarité face aux effets du dommage (paragraphe premier) et d'autre part une transcription juridique du principe pollueur payeur (paragraphe deuxième).

Paragraphe premier : La solidarité du milieu source de nuisance

Pour faire face à la multiplicité des risques collectifs pour lesquels la détermination de responsabilités individuelles s'avère hasardeuse dans la mesure où les mécanismes juridiques classiques conduisent rarement à l'identification de l'auteur du dommage315(*), le recours aux techniques alternatives de réparation des dommages tels que les fonds d'indemnisation qui permettent aujourd'hui de surmonter cette difficulté en collectivisant la charge est nécessaire. « La collectivisation de charge, permettant de faire l'économie d'une individualisation incertaine, y donc plus nécessaire qu'ailleurs »316(*).

Les fonds d'indemnisation sont constitués pour faire assumer la réparation d'un risque souvent industriel par le milieu qui en est la cause. Cette forme de réparation repose sur la solidarité du milieu source de nuisance qui prennent en charge les risques liés à leur activité. Cette forme de répartition doit être distinguée du système de la responsabilité civile dans la mesure où ces fonds d'indemnisation ne désignent pas de responsables pour la réparation parce qu'il a commis une faute ou parce qu'il a créé un risque, « ils règlent la contribution d'un groupe, chargé de financer un risque »317(*).

Un tel système peut être injuste à l'égard des personnes qui contribuent au financement du fonds sans jamais être auteurs de dommages. Toutefois, la notion de responsabilité, n'est pas totalement absente puisque le fonds peut après indemnisation, se retourner contre le pollueur fautif.

Dans ce cas, une question se pose : est ce que le pollueur fautif est tenu de réparer le dommage en totalité ?

Si la réponse à cette question est positive cela signifie que sa contribution au fonds n'aurait plus aucun intérêt pour lui.

La solution a été donnée par Mme Galand Carval dans sa thèse318(*), ainsi le responsable est tenu à la réparation du dommage selon la gravité de sa faute, l'indemnisation du pollueur fautif ne dépendrait plus du dommage mais de l'intensité de la faute commise. Donc, si la faute est grave, elle sera sévèrement sanctionnée par la prise en charge totale de la réparation du dommage. Mme Galand Carval envisage même que la sanction du pollueur fautif sera plus lourde que l'indemnisation effectuée par le fonds. En revanche, l'auteur d'une faute légère subira seulement une sanction de principe.

Ce mode de financement peut présenter un certain désavantage lorsque le pollueur considère que sa contribution lui permet de polluer, « Diluée, la charge n'impressionne plus. Chacun verse sa dîme, parmi tant d'autres, sans y prêter autrement attention. L'autonomie du prélèvement fait le reste. Chaque payeur en vient à considérer que son versement lui tient lieu de permis de polluer; l'effet dissuasif du versement est alors nul... » 319(*).

La conviction pour chaque pollueur d'avoir acheté un droit à polluer peut aboutir à une annihilation de l'effet dissuasif ou incitatif du versement320(*), d'où l'importance de l'action récursoire à l'encontre du responsable qui constitue le corollaire indispensable du mécanisme du fonds.

Outre la solidarité professionnelle, il peut être fait appel à une solidarité régionale321(*). C'est une autre formule qui consiste à créer des fonds régionaux d'indemnisation et auxquels ne contribuent que les pollueurs situés dans la région polluée322(*). L'alimentation de ces fonds a pour origine d'autres sources que le prélèvement sur l'activité source de nuisance, ainsi par exemple, le fonds japonais de 1974 est alimenté par le milieu professionnel et par une taxe sur les véhicules à moteur.

Cette méthode de financement selon Mme M. Rèmond-Gouilloud suscite quelques remarques :

D'une part, lorsque les fonds sont alimentés par plusieurs ressources sans qu'un lien soit établi entre le prélèvement et l'activité en cause, c'est-à-dire que le payeur n'est plus le pollueur, dans ce cas l'aspect dissuasif de la redevance disparaît ainsi que les conditions de son financement323(*) .

D'autre part, la notion de fonds se trouve faussée lorsque l'alimentation du fonds est due sur des personnes fautives, la charge qui pèse sur ces personnes n'est plus alors une charge d'un risque mais comme une sanction de faute324(*).

A côté de la solidarité du milieu source de nuisance, les fonds d'indemnisation présentent une concrétisation du principe pollueur payeur.

Paragraphe deuxième : Une concrétisation du principe pollueur payeur

Les fonds d'indemnisation sont souvent alimentés par des taxes et par des redevances sur l'activité source de nuisance. A coté de ces deux sources, il existe d'autres sources telles que les amendes, mais aussi des dons et des dotations du budget de l'Etat325(*).

« On cesse de parler d'impôt, pour qualifier la redevance de contribution, ou de quote-part lorsqu'elle est prélevé par le milieu professionnel en cause » 326(*). En effet les fonds d'indemnisation sont en général alimentés par une redevance prélevée sur l'activité source de nuisance, ils constituent ainsi une application par excellence du principe pollueur payeur, dans la mesure où le groupe social qui tire profit de l'activité polluante doit supporter les conséquences dommageables327(*).

Le principe pollueur payeur est à l'origine, un principe économique dégagé pour des raisons politiques328(*). De prime abord, économique, dans la mesure où il s'agit d'imputer l'ensemble des dépenses de lutte et de prévention contre la pollution à ceux qui les ont rendu nécessaire. Ensuite politique, à travers la volonté des autorités étatiques d'épargner cette charge aux finances publiques en la transférant aux pollueurs329(*). Il a été officiellement adopté en 1972 par les pays membres de l'organisation du commerce et de développement économique (OCDE) en tant que fondement économique des politiques environnementales330(*). On y fait explicitement référence dans le principe 16 la Déclaration de Rio de la Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement qui proclame que :

« Les autorités nationales devraient s'efforcer de promouvoir l'internalisation des coûts de protection de l'environnement et l'utilisation d'instruments économiques en vertu du principe selon lequel c'est le pollueur qui doit, en principe, assumer le coût de la pollution... ».

Ce principe est mis en oeuvre par l'imposition des versements proportionnés à la pollution émise par le biais de taxes et des redevances ou aux dommages causés par des indemnisations. Il permet ainsi de collecter des sommes qui sont destinées à financer la réparation ou la prévention des atteintes à l'environnement.

En outre, le principe pollueur payeur conduit certainement à une perception de la responsabilité mais pas celle qui est entendu en droit privé,  le pollueur est responsable économiquement des dommages causés à l'environnement et non juridiquement parce que le principe n'a pas pour finalité d'indemniser une victime individuelle331(*). Dans ses sens, M. Dupuy remarque « qu'on retrouve dans le principe pollueur payeur et dans la redevance de pollution, une logique inspirée de la responsabilité objective, mais qui opère dans un contexte et selon des modalités totalement différentes. Il s'agit bien là de reconnaître que celui qui cause le préjudice doit le réparer mais la perspective dans laquelle intervient le pollueur est déplacé. On quitte le terrain des rapports bipolaires pollueur/victime. La relation n'est plus établie entre créateur du dommage et victime isolée...la sollicitation du pollueur n'est plus morcelée ou lésée aux aléas des actions juridictionnelles postérieures aux dommages. Elle intervient préventivement pour organiser dans le temps et entre les acteurs économiques, une redistribution des coûts contre un fléau préjudiciable à la collectivité »332(*).

En somme le principe pollueur payeur permet d'une part de prendre en compte les dégâts causés à l'environnement et de désigner le pollueur redevable de l'indemnisation. D'autre part il évite aux victimes des dépenses considérables pour identifier la personne responsable et de prouver la faute qui lui est imputable. Un tel avantage économique est d'autant plus important que ces frais sont parfois très élevés et qu'ils sont mis initialement à la charge des victimes qui ne peuvent souvent pas les supporter333(*) 

Plusieurs exemples de fonds d'indemnisation créés dans différents pays témoignent que le mode d'alimentation de ces fonds consiste à faire peser la charge sur le milieu qui en est la cause. Ainsi par exemple, le fonds néerlandais qui est destiné à financer les nuisances de l'air, est alimenté par une taxe spéciale de pollution sur les combustibles, notamment le fuel de chauffage, le charbon et le gaz. De même le FMGD en France est alimenté par les produits de la taxe sur la mise en décharge des déchets industriels spéciaux, La contribution obligatoire des exploitants de décharges au financement du FMGD montre « la mutualisation opérée par le recours à une méthode autoritaire telle que la taxation pour l'alimentation du FMGD géré par une personne morale de droit public à savoir l'ADEME » 334(*). Il est alimenté aussi par le produit de taxes prélevées sur certaines émissions d'eaux usagées335(*).

La loi brésilienne du 24 juillet de 1985 sur l'action civile en matière des dommages à l'environnement a créé un fonds spécial qui est alimenté par le produit des dommages intérêts et des astreintes ainsi que par des donations. Les sommes versées au titre des dommages intérêts doivent être utilisées pour la restauration des milieux endommagés336(*).

De même, le fonds créé en 1974 au Japon est alimenté par une taxe sur les émissions de polluants atmosphérique et taxe au poids pour les véhicules à moteur et par les industries implantées dans les zones considérées comme à haut risque. L'ensemble des installations fixes situées sur le territoire japonais sont soumises à redevance, mais le taux et les seuils différents selon la zone où sont situées les installations337(*).

Aux Etats Unis, le « superfund » qui a pour mission l'indemnisation des victimes des produits dangereux, est financé par des taxes sur le pétrole brut et les produits pétrochimiques de bases et de la redevance générale antipollution qui frappe les sociétés américaines338(*). Les sommes allouées à ce fonds dans un premier temps était de 1,6 milliards de dollars, ce montant a été augmenté suite à l'amendement SARA ou « Superfund Amendements and Reauthorization Act » adopté en 1986 et qui a porté le montant à 8,5 milliards de dollars339(*). L'application du principe pollueur payeur au Superfund se manifeste dans la responsabilité qui pèse sur toute personne potentiellement responsable, dont le propriétaire, le gestionnaire, le producteur, le transporteur qui peuvent être tous responsables conjointement et solidairement du dommage subi340(*).

A coté de la solidarité professionnelle que procure les fonds d'indemnisation, ils permettent aussi une indemnisation des victimes et une remise en état de l'environnement.

Section deuxième : Le champ d'intervention des fonds d'indemnisation

Quelle que soit leur origine, ces fonds se caractérisent par une souplesse assurée par « leur nature mixte, à la charnière entre mécanisme juridique et technique d'assurance» 341(*).  Ils permettent de combler les lacunes du système de l'assurance obligatoire et de la responsabilité classique en matière de réparation des dommages environnementaux (paragraphe premier).

Ces fonds d'indemnisation se sont avérés performant comme l'écrit Mme L.Chikhaoui « ils constituent une réponse adaptée au problème de l'indemnisation des victimes de pollutions accidentelles d'origine industrielles, dans la mesure où la mutualisation du risque ainsi organisé permet de faire face aux besoins de réparation des tiers en cas de non identification ou d'insolvabilité des pollueurs »342(*).

Cependant cette adaptation aux besoins ne doit pas masquer leurs limites (paragraphe deuxième).

Paragraphe premier : Une intervention pour combler les lacunes du système de responsabilité et de l'assurance

« L'environnement soulève des questions qui ne sont comparables à aucune autre matière, essentiellement parce que les atteintes qui lui sont portées hypothèquent gravement les générations futures. »343(*)

Ces atteintes sont de deux types : d'une part des atteintes relatives à la nature elle-même à savoir les ressources naturelles, les espèces animales et végétales, la biodiversité. D'autre part, les répercussions sur la santé de l'homme et sur ses biens344(*). C'est essentiellement à ce stade qu'interviennent les fonds d'indemnisation pour la réparation des atteintes à l'environnement.

Deux modalités de réparations du dommage environnemental345(*) peuvent intervenir d'une part la réparation en nature, d'autre part la réparation compensatoire c'est-à-dire l'allocation de dommages intérêts.

En premier lieu, la réparation en nature se manifeste d'une part par la cessation de la nuisance puisqu'elle permet pour l'avenir la disparition de la nuisance et d'autre part par la remise en état ou la restauration de l'environnement portant des atteintes graves au milieu naturel c'est-à-dire le dommage écologique pur. Les deux termes, « remise en état » et « restauration de l'environnement » sont parfois employés dans le même sens. Il y a cependant une nuance, la restauration de l'environnement suppose le retour à l'état initial, souvent une telle restauration n'est pas possible, c'est le cas pour les sites contaminés par l'activité industrielle. La réparation de tels sites ne peut se concevoir que comme une remise en état de façon à ce que le site ne présente plus de danger pour ses utilisateurs.

En second lieu la réparation compensatoire est un mode d'indemnisation usuel des dommages corporels et matériels mais également un mode d'indemnisation pour la réparation des dommages écologiques purs.

En droit commun de la responsabilité civile, la charge de la réparation pèse sur l'auteur du dommage. Cependant, les indemnisations peuvent être assumées totalement ou partiellement par le recours à des mécanismes collectifs d'indemnisation à savoir l'assurance, l'auto-assurance et les fonds d'indemnisation.

L'assurance joue un rôle important dans la couverture du risque environnemental, l'exemple français d'ASSURPOL346(*) est attrayant, en effet, il vient se substituer au GARPOL347(*). Le 1er janvier 1989, l'ASSURPOL regroupe 65 sociétés d'assurance et de réassurance au sein du groupement d'intérêt économique (GIE)348(*), il est doté de moyens financiers importants et apte à couvrir le risque environnemental. L'ASSURPOL couvre les dommages environnementaux causés à des tiers349(*), des dommages corporels (atteinte à leur santé), les dommages matériels (détérioration ou destruction d'un bien) et les dommages immatériels. En revanche certaines dommages sont exclus notamment les dommages subis par les éléments naturels tels que l'air, l'eau, le sol, la faune et la flore, « De manière générale, tous les éléments de l'environnement non appropries faisant partie des res nullius ou de res communis. »350(*), c'est l'exclusion du dommage écologique pur351(*). Sont également exclus ceux « dont l'éventualité ne pouvait être décelée en l'état des connaissances scientifiques et techniques en vigueur au moment de l'atteinte à l'environnement »352(*), c'est le risque du développement353(*).

A côté de cette première forme d'assurance, d'autres formes très intéressantes d'auto-assurance dans le secteur industriel se sont développés telles que les « Captives »354(*). Ce sont des compagnies d'assurance ou de réassurances créées par les entreprises industrielles pour couvrir tous les risques et notamment les conséquences financières de dommages écologiques purs. Néanmoins l'application de la technique d'assurance en matière environnementale n'est pas négligeable, mais rencontre rapidement certaines limites, ce sont ces dernières qui justifient le recours à des techniques alternatives de réparation tels que les fonds d'indemnisation355(*).

Les fonds d'indemnisation se situent dans une situation intermédiaire entre le système d'assurance et le mécanisme juridique classique pour cela ils ne constituent pas un substitut au régime de la responsabilité. Ils interviennent juste pour combler les lacunes d'un tel système. Ils sont nécessaires pour couvrir les risques non assurables.

Quelque soit leur origine, les fonds d'indemnisation nationaux ou internationaux, n'interviennent qu'à titre subsidiaire ou à titre complémentaire comme l'a écrit M. M.Prieur « Un tel mécanisme ne devrait intervenir  qu'à titre de complément et au cas d'impossibilité d'identifier le pollueur ou s'il est insolvable... »356(*).

En outre, ces fonds d'indemnisation permettent de combler une double lacune puisqu'ils facilitent l'indemnisation des dommages qui n'auraient pas trouvé grâce devant le système classique à cause de leur caractère ou de leur nature qui en interdit la réparation ou si le responsable est insolvable357(*).

Parfois les caractéristiques des dommages causés à l'environnement font échapper à l'emprise du système classique de la responsabilité. Ainsi par exemple, lorsqu'on est face à un dommage environnemental dont l'auteur est inconnu, disparu ou même lorsque l'origine exacte du dommage est douteuse, dans ce cas le fonds intervient et se substitue au système juridique défaillant pour assurer une indemnisation intégrale. Il en est de même lorsque le responsable du dommage a été identifié mais en même temps bénéficie de l'une des causes d'exonération prévue par l'article 8 de la convention de Lugano358(*) du 21 juin 1993 sur la responsabilité civile des dommages résultant d'activités dangereuses pour l'environnement, dans ce cas le fonds intervient et se substitue au système juridique défaillant pour finir l'indemnisation.359(*) Ainsi que le remarque Mme M. Rémond-Gouilloud « De manière générale, le fonds a vocation à assurer réparation de tous dommages non indemnisés par ailleurs »360(*). C'est ce qui a été expressément mentionné par plusieurs textes, telle que la loi de OPA361(*) de 1990 et le fonds suédois de 1989.

La nature de certains dommages ne permet pas de les considérer comme une atteinte à l'environnement et de les réparer. À ce titre,  l'intervention des fonds peut faire oeuvre utile 362(*) pour réparer les dommages causés à l'environnement car « échappant à la stricte logique du droit ils peuvent admettre une acception plus large des dommages réparables... »363(*). Une autre catégorie de dommage environnemental dont la nature interdirait la réparation et où l'intervention du fonds est nécessaire, il est celle des dommages d'origine ancienne dont les auteurs ont disparu ou sont inconnus364(*). Ainsi par exemple, le Japon a institué un fonds d'indemnisation pour indemniser les victimes de pollutions de rejets de mercure autour de la baie de Minimata en 1959 puisque le responsable de cette catastrophe était inconnu. De même, le fonds « superfunds » aux Etats-Unis créé par la loi CERCLA favorise le financement des opérations de réparation du dommage.

En outre, l'intervention des fonds pour la réparation du dommage se manifeste chaque fois que le droit en vigueur ne s'est pas encore résolu à l'assurer365(*). Le dommage ici est relatif à un espace naturel et aucune personne juridique, physique ou morale n'a intérêt à agir  car « nul n'a qualité de se plaindre de sa dégradation »366(*). Un tuteur est donc indispensable, le fonds d'indemnisation semble être le représentant idéal à deux niveaux.

Premièrement « il veille à préserver l'intégrité de l'environnement, perçoit les sommes destinées à le restaurer, les redistribue et les affectés en vue du meilleur usage »367(*).

Deuxièmement protéger la nature par le recours à la justice « lui confère la qualité pour agir en justice au titre de l'environnement semble le prolongement nécessaire de cette mission »368(*).

Notons enfin que la vocation subsidiaire des fonds d'indemnisation se manifeste lorsque le responsable du dommage est insolvable ou en carence, cela veut dire que le responsable est incapable de réparer les dégâts. Dans ce cas, le fonds se substitue à l'auteur du dommage pour indemniser les victimes. Ainsi par exemple dans l'affaire « Globe Asimi », le propriétaire du navire s'est avéré incapable de réparer les dégâts consécutifs au naufrage de son navire, le FIPOL est intervenu pour indemniser les victimes.

D'une manière générale, le fonds n'a pas à intervenir lorsque l'assurance a vocation à le faire, l'intervention du fonds suppose donc que l'assurance fait défaut ou que l'assureur est insolvable ou qu'il na pas pu être identifié parce que l'auteur est inconnu ou que l'assurance existe mais ne s'applique pas369(*).

Par ailleurs, ces fonds ont un rôle complémentaire370(*). Ils interviennent de façon complémentaire lorsque l'auteur du dommage est identifié, sa responsabilité est établie mais il ne peut être tenu que dans la limite d'un plafond fixé par la loi. Si les dommages ont excédé le plafond, le fonds fournit le complément et assure l'indemnisation intégrale du dommage. Il permet d'assurer l'indemnisation dont la charge ne peut être supportée par une seule personne. Ce rôle est en pratique nécessaire « car en matière d'environnement, de nombreux risques peuvent dégénérer en catastrophe or face à une catastrophe nul hormis un Etat ou une multinationale puissante ne peut se prétendre solvable. L'assurance protégée par ses exclusions de risque et ses limites de garantie ne joue ici qu'un rôle limité »371(*). Le fonds apporte ici un complément précieux puisqu'il permet au responsable de cantonner ses primes d'assurances dans les limites supportables372(*).

Enfin les fonds d'indemnisation remplissent dans certains cas un rôle incitatif. Ainsi par exemple, si l'auteur d'une pollution sait que les mesures préventives qu'il va prendre au moment d'un accident pour éviter que la pollution évolue lui seront remboursées, il les prendra ; si non il ne prendra soin que de son propre bien, indifférent, dépourvu d'attention à toutes autres mesures de sauvegarde éventuelles373(*).

Le FIPOL constitue l'exemple idéal à ce niveau, puisqu'il intervient d'une part à titre complémentaire, et d'autre part à titre subsidiaire par rapport au régime établi par la convention de 1969. L'article 4§1 de la convention relative à la création du FIPOL dispose que «  le fonds est tenu d'indemniser toute personne ayant subi un dommage par pollution, si cette personne n'a pas été en mesure d'obtenir une réparation équitable des dommages sur la base de la convention de 1992 sur la responsabilité... ». L'intervention du fonds est due pour les raisons suivantes :

Premièrement dans le cas où la convention de 1992 ne prévoit aucune responsabilité pour les dommages en question.

Deuxièmement lorsque le responsable du dommage est incapable de s'acquitter pleinement de ces obligations et de toute garantie, pour des raisons financières. Le responsable est considéré incapable lorsque la victime n'a pas pu obtenir d'indemnisation aux termes de la convention de 1992 sur la responsabilité.

Troisièmement lorsque les dommages excédent la responsabilité du propriétaire telle que limité aux termes de la convention de 1992 sur la responsabilité.

Toutefois, ces mécanismes d'indemnisation collectifs connaissent eux-mêmes des limites qui sont  « essentiellement imposées par des considérations et des pressions économiques »374(*).

Paragraphe deuxième : Une intervention plafonnée des fonds d'indemnisation

L'intervention de ces fonds à titre complémentaire ou subsidiaire afin de combler les lacunes de l'assurance et le système de responsabilité ne signifie pas pour autant que ces fonds sont des mécanismes parfaits. Ainsi, ces fonds restent limités jusqu'à nos jours, au niveau de leur nombre par rapport au nombre des fonds de nature préventifs crées par la plupart des pays du monde, et au niveau du plafond de l'indemnisation.

« Qui dit fonds, dit plafonds »375(*), l'affectation d'une somme à la couverture d'un risque implique que cette somme soit définie c'est à dire plafonnée.

Le plafonnement des indemnisations de ces fonds peut constituer un handicap à leur rôle principal qui est l'indemnisation des dommages causés à l'environnement surtout lorsque ces plafonds d'indemnisation ne satisfont pas les besoins des victimes tel est le cas pour les fonds d'indemnisation nationaux qui disposent en général d'un plafond plus au moins faible. De plus, ils ont une application limitée dans l'espace c'est-à-dire sur le territoire où ils ont été crées. Ils sont destinés à indemniser seulement les dommages qui constituent le sujet de leur institution. De même l'intervention de ces fonds reste limitée face à un dommage qui prend une dimension catastrophique puisqu'ils disposent des budgets faibles.

De même, les fonds internationaux accordent une indemnisation plafonnée, le FIPOL accorde une indemnisation calculée essentiellement en fonction de la jauge brute du navire et l'intensité du dommage. Ainsi par exemple, le cas du naufrage du pétrolier Erika376(*) le 12 décembre 1999 au large des côtes Bretonnes en France, alors qu'il transportait environ 30,000 tonnes d'hydrocarbures lourds. Des opérations de nettoyage ont été fait le long des 400 kilomètres de côtes polluées. Selon les estimations, le montant total des dégâts de la marée noire est entre 3 et 7 milliards de dollars, alors que le montant accordés par le FIPOL est de 1,2 milliard de dollars377(*).

Les demandes d'indemnisation nées de ce sinistre ont dépassé de loin le montant d'indemnisation disponible. Pour cette raison, le Fonds a limité ses paiements à un niveau des pertes ou dommages effectivement subis par les demandeurs concernés.

Plusieurs demandes que le Fonds de 1992 avait rejetées au motif qu'elles ne répondaient pas aux critères de recevabilité définis par ce Fonds ont été portées devant les tribunaux français. Ces demandes émanaient de particuliers ou d'entreprises dont les biens n'ont pas été contaminés par les hydrocarbures provenant de l'Erika, mais qui auraient subi un manque à gagner. C'est pour cela des poursuites judiciaires ont été engagées contre le propriétaire du navire, son assureur et le Fonds de 1992.

La majorité de ces jugements ont été très favorables au Fonds, puisque les tribunaux ont approuvé sa position dans la plupart des cas où il avait rejeté les demandes pour irrecevabilité, en invoquant la nécessité de l'existence d'un lien de causalité entre les faits et les dommages.

Ainsi, en cas de sinistre majeur et si les sommes en jeu ne suffisent pas à couvrir le dommage, la victime va-t-elle subir la charge du reste du dommage ?

Pour remédier à cette insuffisance, Mme Rémond-Gouilloud a évoqué deux solutions possibles378(*) :

La première consiste dans le rehaussement du plafond chaque période. Tandis que la deuxième solution consiste à prévoir un fonds dont le plafond est très élevé de façon a ce que les limites ne pourraient être atteintes qu'exceptionnellement. Il est le cas pour le « superfund » aux Etats-Unis.

C'est la première solution qui a été retenue pour le FIPOL379(*), en effet un amendement a été apporté au protocole de 1992 en portant le plafonds à 4,51 millions d'unités de compte en responsabilité de premier niveau pour les navires et à 631 millions d'unités de compte par tonneau de 5000 à 140,000 tonneaux. En novembre 2003, un deuxième plafond a été majoré à 203 millions d'unités de compte. Les victimes de marée noire du naufrage du navire Prestige n'étaient pas concernées par ces nouveaux plafonds et même s'ils l'étaient, les dommages causés par le prestige dépassent ces nouveaux plafonds d'indemnisation. Pour cette raison l'Union Européenne cherche à mettre en place un troisième niveau d'indemnisation pour les dommages excédant les plafonds et envisage de créer un fonds spécifique européen doté d'un milliard d'euros380(*).

A côté de cette première limite, ces fonds peuvent bénéficier de quelques exonérations d'indemnisation des dommages causés à l'environnement. Ceci constitue une entrave au principe du fonds dont la vocation est à assurer la réparation de tous dommages non indemnisés, ainsi par exemple, le Superfund aux Etats-Unis est exonéré lorsque les déversements sont causés uniquement par la force majeure, un acte de guerre ou par le fait d'un tiers381(*). De même pour le FIPOL selon l'article 4 de la convention de 1971, il est exonéré de toute obligation s'il prouve que le dommage par pollution résulte :

§ d'un acte de guerre, d'hostilités, d'une guerre civile ou d'une insurrection ou qu'il est dû à des fuites ou rejets d'hydrocarbures provenant d'un navire de guerre ou d'un autre navire appartenant à un Etat ou exploité par lui et affecté exclusivement, au moment de l'événement à un service non commercial d'Etat ou si le demandeur ne peut pas prouver que le dommage est dû à un événement mettant en cause un ou plusieurs navires

§ le dommage par pollution résulte, en totalité ou en partie soit du fait de la personne qui l'a subi, soit de la négligence de cette personne.

Dès lors, le fonds n'est exonéré que si la victime commet une faute intentionnelle, a contrario le fonds n'est pas exonéré382(*).

Il résulte de ce qui précède, que les fonds d'indemnisation constituent un mécanisme attrayant sur le plan de leur fonctionnement ainsi que leur intervention pour la réparation des atteintes causées à l'environnement et pour répondre au besoin de financement d'action curatives, cependant ces fonds n'échappent pas à quelques imperfections qui peuvent être surmontées dans l'avenir par exemple par le rehaussement du plafond de l'indemnisation, ou encore l'élargissement de leur champ d'application à d'autres domaines ou la création d'un fonds d'indemnisation international qui aurait pour rôle l'intervention pour l'indemnisation ou la réparation des dommages environnementaux qui ne sont pas couvert par d'autre fonds.

* 313 Rèmond-Gouilloud (M.) « Les fonds d'indemnisation et le préjudice écologique », article précité, p.165.

* 314 Chikhaoui (L.) «  Le cadre légal des pollutions marines », RTD, 1997, p.109.

* 315 Rèmond-Gouilloud (M.) « Les fonds d'indemnisation et le préjudice écologique », article précité, p.165.

* 316 Ibid.

* 317 Van Lang (A.), op.cit, p.228.

* 318 Huet (J.) article précité, P.6. (Galand Carval (S.) De la fonction de peine privée de la responsabilité civile, Thèse, Paris I, 1993, p.108)

* 319 Rèmond-Gouilloud (M.) Du droit de détruire, essai sur le droit de l'environnement, op.cit, p.178.

* 320 Chikhaoui (L.) «  Le cadre légal des pollutions marines », article précité, p.109.

* 321 Van Lang (A.), op.cit, p.229.

* 322 Despax (M.), op.cit, p.801.

* 323 Rèmond-Gouilloud (M.) Du droit de détruire, essai sur le droit de l'environnement, op.cit, p.174.

* 324 Ibid.

* 325 Chouzenoux (P.) « Protection de l'Environnement : de la contrainte au contrat », article précité, p.383.

* 326 Rèmond-Gouilloud (M.) Du droit de détruire, essai sur le droit de l'environnement, op.cit, p.162.

* 327 Chikhaoui (L.) Le financement de la protection de l'environnement, thèse précitée, p.459.

* 328 Rèmond-Gouilloud (M.) Du droit de détruire, essai sur le droit de l'environnement, op.cit, p.162.

* 329 Ibid.

* 330 Arbour (J-M) Lavalée (S.), op.cit, p.81.

* 331 Ben Meftah (I.) La réparation des dommages, l'indemnisation des victimes des pollutions transfrontières, Mémoire de D.E.A, Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales, Tunis II, 2001-2002, p.137.

* 332 Ben Meftah (I.) mémoire précité, p.138.

* 333 Ibid, p.139.

* 334 Chikhaoui (L.) Le financement de la protection de l'environnement, thèse précitée, p.461.

* 335 Zouaoui (S.) L'assurance du risque environnemental, Mémoire de D.E.A, Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales, Tunis, 2001-2002.

* 336 Klemm (C.) « Les apports du droit comparé » in  Le dommage écologique en droit interne, communautaire et comparé, Paris, Economica, 1992, p.143.

* 337 Despax (M.), op.cit, p.801.

* 338 Huet (J.), article précité, p.6.

* 339 London (C.), article précité, p.499.

* 340 Turner (S.) « Le dommage écologique et le droit américain » in  Le dommage écologique en droit interne et communautaire et comparé, Paris, Economica, 1992, p.85.

* 341 Rèmond-Gouilloud (M.) « Les fonds d'indemnisation et le préjudice écologique », article précité, p.165.

* 342 Chikhaoui (L.) Le financement de la protection de l'environnement, thèse précitée, p.472.

* 343 Demeester (M-L) « L'assurance et les fonds d'indemnisation en matière environnementale », article précité, p.93.

* 344 Ibid, p.95.

* 345 Giraudel (C.), op.cit, p.69.

* 346 Assurance Pollution.

* 347 Groupement constitué en 1978 par des compagnies d'assurance et de réassurance françaises et étrangères opérant en France.

* 348 Chikhaoui (L.) L'Environnement : aspects financiers, op.cit, p.96.

* 349 Demeester (M-L), article précité, p.98.

* 350 Chikhaoui (L.) L'Environnement : aspects financiers, op.cit, p.105.

* 351 Giraudel (C.), op.cit, p.56.

* 352 Demeester (M-L), article précité, p.98.

* 353 Ibid.

* 354 Giraudel (C.), op.cit, p.69.

* 355 Demeester (M-L), article précité, p.99.

* 356 Prieur (M.) Droit de l'environnement, op.cit, p.929.

* 357 Rèmond-Gouilloud (M.) « Les fonds d'indemnisation et le préjudice écologique », article précité, p.165.

* 358 L'article 8 de la convention de 1992 énumère les cas d'exonération de la responsabilité :

1) lorsqu'il résulte d'un acte de guerre, d'hostilités, d'une guerre civile, d'une insurrection ou d'un phénomène naturel de caractère exceptionnel inévitable et irrésistible.

2) lorsqu'il résulte d'un acte commis par un tiers dans l'intention de causer un dommage, en dépit des mesures de sécurité adoptées au type d'activité dangereuse en cause

3) lorsqu'il résulte nécessairement du respect d'un commandement ou d'une mesure impérative spécifique émanant d'une autorité publique.

4) lorsqu'il résulte d'une pollution d'un niveau acceptable eu égard aux circonstances locales pertinentes.

5) lorsqu'il résulte d'une activité dangereuse menée licitement dans l'intérêt de la victime, dans la mesure où il était raisonnable de l'exposer aux risques de cette activité dangereuse.

* 359 Rèmond-Gouilloud (M.) « Les fonds d'indemnisation et le préjudice écologique », article précité, p.167.

* 360 Ibid.

* 361 « Oil Pollution Act » aux Etats-Unis, Loi qui renforce le rôle d'un fonds préexistant.

* 362 Rèmond-Gouilloud (M.) « Les fonds d'indemnisation et le préjudice écologique », article précité, p.168.

* 363 Ibid.

* 364 Ibid, loc.cit

* 365 Ibid, p.169.

* 366 Ibid, loc.cit.

* 367 Ibid, loc.cit.

* 368Ibid, loc.cit.

* 369 Berr (J-C) Grantel (H.) Droit des assurances, Paris, Dalloz, 8ème édition, 1998, p.378.

* 370 Prieur (M.) Droit de l'environnement, op.cit, p.930.

* 371 Rèmond-Gouilloud (M.) « Les fonds d'indemnisation et le préjudice écologique », article précité, p.169.

* 372 Ibid.

* 373 Chikhaoui (L.) «  Le cadre légal des pollutions marines », article précité, p.121.

* 374 Kiss (A.) Beurier (J-P), op.cit, p.392.

* 375 Rèmond-Gouilloud (M.) Du droit de détruire, essai sur le droit de l'environnement, op.cit, p.179.

* 376.ÓÚíÏ ÇáÓíÏ ÞäÏ íáÂáíÇÊ ÊÚæíÖ ÇáÖÑÇÑ ÇáÈíÆíÉ ÏÑÇÓÉ í ÖæÁ ÇáäÙãÉ ÇáÞÇäæäíÉ æ ÇáÇÊÇÞíÇÊ ÇáÏæáíÉ ÏÇÑ ÇáÌÇ ãÚÉ2004

* 377 Van Lang (A.), op.cit, p.232.

* 378 Rèmond-Gouilloud (M.) Du droit de détruire, essai sur le droit de l'environnement, op.cit, p.179.

* 379 Kiss (A.) Beurier (J-P), op.cit, p.450.

* 380 Ibid.

* 381 Turner (S.), article précité, p.84.

* 382.ÓÚíÏ ÇáÓíÏ ÞäÏ íá ãÑÌÚ ÓÇÈÞ ÇáäßÑ Õ 144 æ ãÇ ÈÚÏåÇ

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault