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Arbitrage et procédures collectives

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par Charlène RIET
Université Toulouse1 Capitole - Master 2 Droit fondamental des affaires 2010
  

sommaire suivant

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UNIVERSITÉ TOULOUSE 1 Capitole
Faculté de droit

L'ARBITRAGE ET LES PROCÉDURES COLLECTIVES

Charlène Riet
Sous la direction du Professeur Corinne Saint-Alary-Houin
Master 2 Droit fondamental des affaires

Année universitaire 2009-2010

Mes remerciements,

A Madame le Professeur Saint-Alary-Houin qui m'a guidée et m'a conseillée,

A l'ensemble des auteurs cités, dont les écrits ont nourri ma réflexion,

A Anne et Jean-Pierre pour leur relecture, Merci à Laurent.

LISTE DES ABRÉVIATIONS

Institutions

AFA Association française d'arbitrage

Ass. plen. Assemblée plénière

C. Cour

CA Cour d'appel

Cass. Cour de cassation

CCI Chambre de commerce internationale

CEDH Cour européenne des droits de l'homme

Ch. Chambre

CIRDI Centre international de règlements des différents relatifs à l'investissement

Civ. Chambre civile de la Cour de cassation

CJCE Cour de justice des communautés européennes

CJUE Cour de justice de l'union européenne

Com. Chambre commerciale de la Cour de cassation

Recueil, revues, travaux

Act. jur. Actualités juridiques

Bull. Civ. Bulletin des arrêts de la chambre civile de la Cour de cassation

BRDA Bulletin rapide de droit des affaires Francis Lefebvre

Clunet Journal de droit international

D. Dalloz, Recueil Dalloz-Sirey

DIP Droit international privé

DPCI Droit et pratique du commerce international

Gaz. Pal. Gazette du Palais

Gaz. proc. coll. Gazette des procédures collectives

IDEF Institut international de droit d'expression et d'inspiration Françaises

IR Informations rapides du recueil Dalloz

JCP E Semaine juridique, entreprises

JDI Journal de droit international (Clunet)

Juris. cl. dr. int. JurisClasseur de droit international

Juris. cl. proc. civ. JurisClasseur des procédures collectives

LPA Les Petites Affiches

Rev. arb. Revue de l'arbitrage

Rev. crit. Revue critique

Rev. int. dr. éco. Revue de droit économique

Rev proc. coll. Revue des procédures collectives

RTD Com. Revue trimestrielle de droit commercial

Trav. comité fr. DIP Travaux du Comité français de droit international privé

Editeurs, collections

Arch. Phil. dr. Archives de la Philosophie du droit (Dalloz)

C.U.F. Collection des Universités de France

LGDJ Librairie générale de droit et de jurisprudence

NBT Nouvelle bibliothèque de thèses

Codes

C. Civ Code civil

C. Com Code de commerce

CPC Code de procédure civile

CPP Code de procédure pénale

NCPC Nouveau code de procédure civile

Autres

a autre

al alinéa

Art article

c/ contre

cf conférer, consulter

DIP Droit international privé

DMF Droit maritime français

éd. édition

ès. qual. ès qualité

infra ci-dessous

n° numéro

N.B. nota bene, note bien

obs. observations

op. cit. Opere citato, cité précédemment

p. page

s. suivant

sté société

supra ci-dessus

trad. traduction

V. voir

Vol. volume

§ paragraphe

TABLE DES MATIéRES

Liste des abréviations 1

Introduction. ..5

TITRE 1 : Suprématie de principe des procédures collectives sur l'arbitrage 17

Chapitre 1 : Coexistence des procédures collectives et arbitrales 18

Section 1 : L'évolution de l'arbitrabilité des procédures collectives 18

Section 2 : La concomitance des procédures collectives et des procédures arbitrales 29

Chapitre 2 : La prédominance des règles des procédures collectives 45

Section 1 : Les conséquences du principe d'ordre public d'égalité des créanciers 45

Section 2 : L'ordre public comme limite au droit applicable par l'arbitre 52

TITRE 2 : Maintien effectif de l'arbitrage face aux procédures collectives 62

Chapitre 1 : Résistance de l'institution de l'arbitrage face aux procédures collectives 63

Section 1 : La consécration de la compétence de l'arbitre 63

Section 2 : L'appréciation des règles impératives assouplie en matière arbitrale 72

Chapitre 2 : Vers une coordination des procédures collectives et arbitrales 77

Section 1 : Des moyens procéduraux de coordination 77

Section 2 : Le contentieux post-arbitral 88

Conclusion 99

Bibliographie 101

Index lexical 110

INTRODUCTION

1. L'arbitrage a été révélé aux yeux du grand public par la très médiatisée affaire Tapie1. Mais c'est une bien mauvaise presse qui a été faite à cette institution arbitrale en plein essor. Elle s'est réduite aux yeux des profanes à une justice privée ayant pour seul objectif d'échapper à la justice étatique. Il convient dès à présent de sortir de ce climat de suspicion dans lequel on enferme trop vite l'arbitrage. Si au premier abord, il peut para»tre choquant que l'arbitrage conduise à écarter la justice2, il convient ici de faire la lumière sur cette pratique qui se développe.

2. L'adage selon lequel Ç un mauvais arrangement vaut mieux qu'un long procès È est inapproprié pour justifier le recours à l'arbitrage. Son utilisation est motivée par des avantages qui lui sont propres bien que méconnus. Pourtant, nul doute que l'arbitrage gagnerait à plus de transparence. C'est pourquoi, l'objet de cette étude sera d'envisager l'arbitrage de façon la plus objective possible. En s'attachant à examiner les relations qu'il entretient avec la justice étatique, tout particulièrement dans le cas oü une procédure collective est ouverte. En effet, cette procédure implique inévitablement le recours au juge étatique et on entrevoit déjà les complications qui pourraient survenir entre justice privée et justice étatique, entre juge et arbitre.

3. Dans nos sociétés contemporaines, l'entreprise est la clef de voüte de l'économie, à la fois Ç utilisateur de ressources, créateur de richesses et pourvoyeur d'emplois3 È. Aussi, le droit des procédures collectives a-t-il pour finalité d'apporter des solutions aux entreprises en difficulté qui, de ce fait, mettraient en péril nombre d'enjeux économiques et sociaux.

Le recours à l'arbitrage recouvre quant à lui une réalité sociale particulière, à savoir la volonté des parties de soustraire leur litige à la compétence des tribunaux étatiques. En outre, il est lui aussi intimement lié au développement de l'économie. En effet, l'arbitrage est très utilisé dans le domaine des affaires oü il Ç cherche à maintenir les plaideurs dans leurs capacités industrielles et commerciales sans appliquer pleinement les rigueurs de la loi4 È.

4. L'arbitrage et les procédures collectives se développent donc dans le monde des affaires, à cette différence près mais non des moindres, qu'ils proposent un traitement différent des difficultés. En effet, l'arbitrage relève d'une justice privée, qui se propose de résoudre des litiges loin du regard de la justice étatique. Tandis que le droit des procédures collectives se caractérise par un traitement collectif des difficultés des entreprises, aux mains des seuls juges étatiques5. Or l'efficacité des procédures collectives et arbitrales tiennent justement à leurs modes propres de règlement.

1 CDR c/ Tapie, Tribunal arbitral du 7 juillet 2008, sentence disponible sur l'url www.lexinter.net/JPTXT4/JP2005/tapie.pdf.

2 En ce sens, C. Vasseur-Thévenot, Culture Droit, Spécial arbitrage, mars 2009, n° 19, p. 32 et s.

3 D. Vidal, Droit des procédures collectives, Gualino, 2e éd. 2009, n°117, p 19.

4 X. Linant de Bellefonds, L'arbitrage et la médiation, Que sais-je ?, 2003, p 3.

5 En ce sens, D. Mouralis, L'arbitrage face aux procédures conduites en parallèle, thèse Aix, 2008, p. 389 et s.

5. Le Professeur Charles Jarrosson définit l'arbitrage comme << l'institution par laquelle un tiers règle le différend qui oppose deux ou plusieurs parties en exerçant la mission juridictionnelle qu'elles lui ont confié1 È. Ainsi, les parties décident de se passer du système judiciaire pour investir un ou plusieurs arbitres du pouvoir de juger.

Lorsque les parties décident de recourir à l'arbitrage, on dit qu'elles compromettent. La convention d'arbitrage peut prendre la forme d'une clause compromissoire, définie à l'article 1442 du nouveau Code de procédure civile2, elle est alors rédigée en vue d'un éventuel futur litige. Mais l'article 1447 du nouveau Code de procédure civile3 prévoit que la convention peut porter sur un litige déjà né, la convention conclue par les parties est alors appelée compromis.

En présence d'une procédure collective, la juridiction arbitrale peut donc se trouver saisie par l'effet d'une clause compromissoire, conclue avant l'ouverture d'une procédure collective, ou en vertu d'un compromis, passé après le jugement d'ouverture. Mais il se peut également qu'une clause compromissoire soit passée après le jugement d'ouverture d'une procédure collective dès lors qu'elle porte sur un éventuel futur litige4. On parlera alors de convention d'arbitrage, terme générique qui recouvrira l'une ou l'autre des deux hypothèses, oü les deux, en fonction du contexte.

6. Quant au droit des procédures collectives, il tend à traiter les difficultés des entreprises mais aussi à les prévenir. Et dans cet objectif de prévention, se développe un traitement non judiciaire des entreprises. Ainsi est privilégié un traitement conventionnel des difficultés, via l'utilisation du mandat ad hoc ou de la conciliation. Mais en l'espèce, la notion de procédure collective utilisée sera cantonnée au traitement judiciaire des difficultés des entreprises. De sorte que l'utilisation du terme de procédure collective ne recouvrera dans nos propos que la procédure de sauvegarde, la procédure de redressement et de liquidation judiciaires.

7. La procédure de sauvegarde introduite en France par la loi du 26 juillet 2005 a pour caractéristique d'intervenir avant la cessation de paiement de l'entreprise. Au contraire, l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, n'est possible que lorsque l'entreprise est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, mais que le redressement de l'activité est encore envisageable. A défaut, s'ouvrira une liquidation judiciaire consistant à réaliser les actifs de l'entreprise. Aussi, la procédure de sauvegarde et de redressement judiciaires ont-elles pour objectif de << permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement

1 Ch. Jarrosson, << La notion d'arbitrage È, thèse, LGDJ, 1987, n° 785.

2 Art 1442 NCPC : << La clause compromissoire est la convention par laquelle les parties à un contrat s'engagent à soumettre à l'arbitrage les litiges qui pourraient na»tre relativement à ce contrat È.

3 Art 1447 NCPC << Le compromis est la convention par laquelle les parties à un litige né soumettent celui-ci à l'arbitrage d'une ou plusieurs personnes È.

4 cf infra Titre 1, Chapitre 1, Section 2, Sous-section 2, §1, B.

du passif1 È. Quant à la liquidation judiciaire, elle Ç est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens2 È. Ces trois procédures relèvent du monopole du juge étatique, ce qui se traduit par une centralisation des contentieux entre ses mains. De sorte que tous les litiges liés à une procédure collective relèvent des juridictions étatiques. Le but est d'assurer une meilleure efficacité des procédures collectives face aux divers intérêts économiques et sociaux en jeu. En effet, les défaillances des entreprises peuvent avoir de nombreuses conséquences sur l'économie d'une société. Et de ce fait, sur les hommes, acteurs incontournables de tout modèle social. Pourtant, les juridictions étatiques ne sont pas seules compétentes pour régler les litiges d'une société.

8. En effet, l'institution d'arbitrage semble être de tous les temps et nos ancêtres manifestaient déjà le désir de résoudre leurs litiges, qu'ils soient d'ordre économique ou social, loin de la justice d'Etat. Aussi, certains auteurs3 se sont demandés si ce n'était pas l'arbitrage qui serait à l'origine même du jugement juridique. Il est difficile d'apporter une réponse à cette interrogation car l'histoire montre, qu'à l'origine, il n'existait pas une ligne de séparation nette entre justice privée et justice étatique.

9. Sous le droit Romain, la justice se trouve sous l'autorité publique, pourtant, elle présente des points commun avec la notion d'arbitrage. Sans remettre en question l'existence d'une justice d'Etat, on notera néanmoins que ce sont les parties qui avaient l'initiative du procès et se présentaient spontanément devant le préteur pour résoudre leur litige. En outre, les parties ne pouvaient compter que sur elles mêmes pour rendre exécutoire la sentence4. On ne peut pas parler pour autant d'arbitrage au sens moderne du terme mais il semble toutefois que cela en constitue des prémices. Sous le Bas Empire, l'arbitrage est demandé aux évêques en marge de leurs fonctions ; mais c'est surtout au Moyen Age que l'arbitrage se développe car il présente l'avantage pour les parties d'échapper aux justices seigneuriales et il permet aux familles de ne pas étaler au grand jour leur litige. Ce caractère confidentiel, déjà apprécié en ce temps, en fait aujourd'hui encore son succès.

10. En outre, un des traits caractéristiques de l'actuel arbitrage est l'exequatur et il convient ici d'en dire quelques mots car l'exequatur trouve son origine dans le Moyen Age.

Auparavant, la faiblesse du système arbitral provenait du fait que l'exécution de la sentence n'était
pas obligatoire. Sous l'époque médiévale, il est possible de demander l'exécution de la sentence.

1 Art L 620-1 et L 631-1 C. Com.

2 Art L 640-1 C. Com.

3 V.X. Linant de Bellefonds, L'arbitrage et la médiation, Que sais-je ?, 2003, p. 14.

4 V.X. Linant de Bellefonds, op. cit.

On parle alors d'emologare1 car l'obligation d'exécuter la sentence ne résulte que de l'homologation de l'acquiescement donné par les parties à la sentence. Ainsi, en cas de non exécution de la sentence, il était possible de demander au juge d'intervenir afin qu'il la fasse exécuter2. Notons qu'à cette époque, l'arbitre est souvent un juge et, qui plus est, un juge ecclésiastique3. Aussi, dès lors que les parties ont prêté serment, elles devront exécuter la sentence sous peine d'excommunication. La justice ecclésiastique était donc une forme de justice arbitrale qui venait combler la carence de la justice étatique.

11. Au cours de la Révolution française, les révolutionnaires hostiles à l'ordre dirigeant, voient dans l'arbitrage un formidable remède. Aussi, érigent-ils en principe constitutionnel4 le droit de recourir à l'arbitrage. Mais les affaires d'arbitrage forcé se multiplient notamment en matière de partage des biens commerciaux et la médiocrité des arbitrages rendus explique, dans la période qui suivie, la réticence des juristes face à cette justice privée5. Aussi, le Code civil de 1807, marqué par une aversion envers l'arbitrage, interdit de compromettre sur les questions intéressant l'ordre public en général6.

12. Or l'histoire des procédures collectives a conduit à l'élaboration d'un véritable ordre public des procédures collectives, dans le but de protéger l'entreprise7. Mais cet objectif n'a pas toujours été poursuivi.

Sous le droit romain, si la venditio bonorum traduisait déjà le caractère collectif de la procédure, en organisant la vente collective des biens du débiteur, il avait avant tout pour but de sanctionner le débiteur commerçant8. A ce système succède le droit de la faillite, présent au Moyen Age, et qui se caractérise par la mise en place de procédures répressives. Il sera consacré par le Code de commerce et aura le double effet de sanctionner le commerçant et de l'éliminer du commerce. Puis, des réformes successives vont finalement conduire à la procédure de redressement et de liquidation judiciaires telles qu'on les conna»t aujourd'hui.

A la fonction disciplinaire des procédures collectives visant d'abord à écarter les débiteurs défaillants puis à sanctionner les seuls débiteurs fautifs, s'ajoute une fonction de sauvetage. Ainsi le droit des procédures collectives tente de sauver le débiteur méritant et surtout, quand cela est possible, son entreprise9. Cette volonté de protéger l'entreprise s'est accompagnée d'une réhabilitation des droits des créanciers. L'introduction de la procédure de sauvegarde par la loi du

1 Terme appartenant au latin médiéval qui signifie approuver.

2 En ce sens, A. Lefebvre-Teillard, Ç L'arbitrage de l'histoire È,, L'arbitrage, Dalloz, Arch. Phil. dr., tome 52, p. 8.

3 V.A. Lefebvre-Teillard, op. cit., p.6.

4 Constitution du 3 septembre 1791.

5 En ce sens, K. Ribahi, L'arbitrage commercial, Fiche pédagogique virtuelle, Faculté de droit de Lyon, 2009.

6 Art 1004 C. Civ. dans sa rédaction de 1806.

7 En ce sens, S. D, Les Echos Judiciaires Girondains, journal n° 5428, 2008.

8 En ce sens, C. Saint-Alary-Houin, Cours sur la liquidation judiciaire, M2 Droit fondamental des affaires, 2010.

9 En ce sens, D. Vidal, Droit des procédures collectives, Gualino, 2e éd. 2009, p. 21 et s.

26 juillet 2005 représente l'apogée de la prévention des difficultés. C'est ainsi qu'on est passé d'un système tout répressif consacré par le Code de commerce de 1807 à l'actuelle politique d'anticipation des difficultés des entreprises.

13. Ainsi, la procédure de sauvegarde, bien que ne représentant que 2,31 % des procédures collectives ouvertes en 2009, gagne du terrain puisque en l'espace d'un an son nombre a doublé. Et on compte 1452 procédures collectives ouvertes en 2009. Globalement, la crise financière aura largement contribué à l'augmentation du nombre de procédures de redressement et de liquidation judiciaires qui ont augmenté en 2009, de 11,4 % contre 10,5 % l'année précédente et seulement 5,7 % en 20071. Et c'est, de loin, la procédure de liquidation judiciaire qui est le plus souvent prononcée. On peut conclure de ces statistiques, d'une part un accroissement général du recours aux procédures collectives et d'autre part l'émergence de la procédure de sauvegarde. Il en résulte que le droit des procédures collectives, qui tente de résoudre les difficultés des entreprises, correspond à un réel besoin. Ce qui explique les nombreuses réformes dont il a fait l'objet et qui tendent à améliorer son efficacité.

14. Parallèlement, l'arbitrage a connu un essor. Il est aujourd'hui pratique courante même s'il est en principe toujours interdit de compromettre sur les matières intéressant l'ordre public. Le législateur a légalisé l'arbitrage par une loi du 31 décembre 1925 qui rend la clause compromissoire licite. Mais il faut attendre une réforme du 14 mai 19802 pour que l'arbitrage soit considéré comme un mode, à part entière, de règlement des conflits privés. Cet essor de l'arbitrage s'est accompagné d'une démarcation plus forte entre justice privée et justice étatique.

Enfin, la loi dite NRE du 15 mai 20013 étend le domaine de validité de la clause compromissoire à tous les contrats conclus en raison d'une activité professionnelle. Il résulte de cette extension du champ de l'arbitrage une introduction de plus en plus fréquente de clauses compromissoires dans les contrats4.

15. Non seulement l'arbitrage se développe mais il jouit d'une reconnaissance internationale. Différents centres d'arbitrage naissent aux quatre coins de la planète et l'arbitrage ne cesse de progresser tout particulièrement en Asie, en Amérique latine et dans le monde arabe. Madame Geneviève Augendre, présidente de l'association française d'arbitrage, affirme que Ç l'arbitrage est devenu le mode inévitable de résolution des conflits en matière de commerce international5 È, comme en témoigne l'important tissu de conventions internationales en la matière.

1 Source internet: www.altares.fr

2 Décret du 14 mai 1980, suivi d'un décret du 12 mai 1981.

3 Réforme de l'actuel art 2061 C. Civ.

4 B. Cressard, Le Bulletin des avocats de Rennes, avril 2010, p.18.

5 V.Culture Droit, Spécial arbitrage, mars 2009, n° 19, p. 32.

16. Ainsi, parmi les nombreuses sources internationales du droit de l'arbitrage on peut citer notamment le Protocole de Genève de 1923 qui admet la validité de la clause compromissoire et du compromis en matière internationale. En 1927, la convention de Genève a quant à elle déterminé les conditions d'exécution et de reconnaissance de la sentence arbitrale. Aujourd'hui, ces deux conventions ne s'appliquent que pour les Etats qui n'ont pas ratifié la convention de New-York du 10 juin 1958. Outre la reconnaissance et l'exécution des sentences étrangères cette convention prévoit le principe d'autonomie de l'arbitrage international. La convention de Genève de 1961 qui précise les règles de déroulement de l'arbitrage réaffirme elle aussi le principe d' autonomie de l'arbitrage. Ces principes généraux ont été complétés par la mise en place du CIRDI, créé en 1965 par la convention de Washington afin de régler exclusivement les litiges relatifs aux investissements entre Etats et investisseurs étrangers.

Par conséquent, la politique visant à encourager l'arbitrage se manifeste tant par la mise en place d'un ensemble de règles visant à régir l'arbitrage que par la création d'institutions qui sécurisent le recours à l'arbitrage en offrant des garanties d'impartialité.

17. Mais la singularité de l'arbitrage tient à sa pluralité de sources. Il présente à la fois des sources d'origine étatique et des sources d'origine privée, mettant en évidence la complexité de l'arbitrage. Les sources étatiques peuvent être internes ou internationales et les unes ou les autres s'appliqueront selon que l'arbitrage est interne ou international. L'arbitrage international est défini comme celui mettant << en cause les intérêts du commerce international1 È. A contrario, l'arbitrage interne est celui qui ne met pas en jeu les intérêts du commerce international, c'est le cas lorsque l'origine du litige a lieu intégralement en France, sans que soit pris en compte la nationalité des parties. En droit français, les règles applicables sont d'origines réglementaires ou légales. Ainsi s'appliqueront essentiellement les principes et règles posés par le Code civil, le Code de commerce ou le nouveau Code de procédure civile.

18. A cela s'ajoutent de nombreuses sources d'origine privée, qui se traduisent aujourd'hui par un recours de plus en plus fréquent aux conventions d'arbitrage-type, rédigées par les centres d'arbitrage, et aux règlements d'arbitrage élaborés par l'AFA ou la Chambre arbitrale de Paris. Parallèlement, les institutions arbitrales se multiplient. Au coté des traditionnels organismes internationaux tels que la Chambre de commerce internationale ou l'American Arbitration Association, on compte désormais nombre d'institutions arbitrales créées au niveau régional ou dédiées à un secteur d'activité particulier. On peut citer à titre d'exemple la Chambre d'arbitrage de la Charente ou la Chambre nationale d'arbitrage des médecins.

1 Art 1492 NCPC << Est international l'arbitrage qui met en jeu les intérêts du commerce international È.

19. Cette pluralité de sources met en avant toute l'ambivalence de l'institution arbitrale qui est partagée entre une indépendance vis-à-vis de la justice étatique, avec des règles qui lui sont pour l'essentiel propres, et une institutionnalisation de l'arbitrage qui tend à la rapprocher de la justice ordinaire1.

Le double fondement contractuel et juridictionnel de l'arbitrage manifeste aussi ses tendances contradictoires, intrinsèques à l'arbitrage. En effet, l'arbitrage repose avant tout sur la volonté des parties. Pourtant, le pouvoir de l'arbitre ne peut être réduit à cette seule volonté contractuelle des parties car il a, à l'instar du juge, le pouvoir de dire le droit et ses sentences ont, au même titre que les décisions de justice, l'autorité de la chose jugée.

20. On peut en déduire, comme le souligne depuis plusieurs années déjà Monsieur Gouiffès, que l'évolution de l'arbitrage tend vers deux orientations : d'une part à une institutionnalisation avec << la multiplication des centres d'arbitrage >>, d'autre part à une judiciarisation comme le traduit l'augmentation du formalisme et << l'alourdissement du cadre processuel de l'arbitrage >>2. Pourtant, il serait inexact d'en conclure que l'arbitrage est un phénomène juridique car l'arbitrage << est dans son essence un phénomène distinct du droit, antagoniste du droit3 >>. Et par là même, il s'oppose aux procédures collectives, caractérisées par l'impérialisme de la justice étatique.

21. Le succès de l'arbitrage présente l'avantage d'apporter une solution concrète à l'encombrement des juridictions. C'est pourquoi la volonté politique tend à encourager son développement. Par ailleurs, on constate en France, les efforts faits par le législateur pour aider les entreprises en difficulté à se redresser. Cela passe par une protection du débiteur, en prenant en compte le plus en amont possible l'existence de ses difficultés afin d'optimiser ses chances de redressement. Il y a là une volonté de tout mettre en oeuvre pour pérenniser les entreprises, car elles constituent un formidable moteur de l'économie4. Mais cet objectif des procédures collectives doit se concilier avec la préservation des autres intérêts en présence, notamment ceux des créanciers. Quoi qu'il en soit, les réformes se succèdent pour améliorer l'efficacité du droit des procédures collectives.

22. Il résulte de ce constat, que les deux thèmes en présence - arbitrage et procédures collectives - bénéficient d'un fort engouement. Pourtant ces sujets semblent au premier abord n'avoir aucun

1 En ce sens, A. Lefebvre-Teillard, << L'arbitrage de l'histoire >>, L'arbitrage, Dalloz, Arch. Phil. dr., tome 52, p. 2

2 L. Gouiffès, << L'arbitrage international propose-t-il un modèle original de justice ? >>, Recherche sur l'arbitrage en droit international et comparé, mémoire, LGDJ, 1997, p. 5

3 R. David, <<Arbitrage et droit comparé >>, Revue internationale de droit comparé, vol. 11, 1959, p. 12.

4 En ce sens, D. Meledo-Briand, <<Procédures collectives et droit économique, l'exemple français >>, Rev. int. dr. éco 1994, p. 265, << De tout temps, en effet, on a considéré que les procédures collectives avaient partie liée avec l'économique. Les différentes lois ont toujours tenté de proposer des méthodes d'endiguement des défaillances afin de préserver l'équilibre économique d'une place ou d'un pays >>.

lien, leur objet est tellement différent qu'elles pourraient coexister tout en s'ignorant1. De ce fait, la question de leur interaction para»t marginale. En réalité, il n'en est rien car dans les faits, ces procédures coexistent et se rencontrent. Aussi l'objet de ce mémoire sera d'en examiner les conditions.

23. La question qui se pose est donc de savoir quelles relations entretiennent les procédures collectives avec l'institution arbitrale ? Car s'il est vrai qu'elles apparaissent comme des procédures indépendantes et antagonistes, les occasions oü elles coexistent ne manquent pas. Aussi, de prime abord, c'est un rapport de défiance qui prédomine leurs relations. Il se traduit inévitablement par un conflit qui illustre l'opposition plus large de la justice privée et de la justice étatique. Mais leurs points communs et leurs complémentarités sont plus nombreux qu'il n'y para»t. Et ils constituent un premier rapprochement de ces deux procédures qui, en pratique, ne peuvent s'ignorer.

24. Nombreux sont les avantages qui poussent les parties à recourir à l'arbitrage plutôt qu'à la justice étatique. Ainsi, le caractère confidentiel de l'arbitrage suffit souvent à convaincre les parties, notamment dans les relations d'affaires oü les entreprises s'attachent tout particulièrement à ne pas dévoiler leurs différends. En outre, l'institution arbitrale permet aux parties, si elles le souhaitent, d'enfermer l'arbitrage dans un délai ou de renoncer à l'application de règles légales ou procédurales auxquelles les juges étatiques ne peuvent déroger. Gage de rapidité et de souplesse, l'arbitrage est aussi percu dans le cadre du commerce international comme un terrain neutre. En effet, le choix du ou des arbitres, appartient aux parties, ce qui a pour effet d'instaurer un climat de confiance entre les différents acteurs de l'arbitrage. De plus, les parties choisiront des personnes ayant une fine connaissance ou un intérêt particulier pour leur litige ou leur domaine d'activités. C'est pourquoi, les arbitres sont percus comme plus compétents, plus tolérants et on constate souvent qu'ils rendent des décisions moins tranchées que celles des juges.

25. Néanmoins, le risque d'impartialité peut à juste titre être soulevé, tout comme le coüt élevé d'une telle procédure. Mais ce sont principalement des incertitudes quant à l'arbitrabilité de certains litiges qui subsistent, notamment lorsqu'une procédure collective est ouverte2. En effet, les procédures collectives sont caractérisées par leur caractère collectif qui << se manifeste à plusieurs points de vue3 È. Ainsi, dès lors qu'une procédure collective est ouverte, les créanciers ne peuvent plus agir individuellement afin qu'ils soient placés sur un plan d'égalité. En outre, ils doivent produire et faire vérifier leurs créances par le juge commissaire. Toutes les législations étrangères prévoient cette soumission à la déclaration de créances même si les modalités varient d'un pays à

1 Ph. Fouchard, <<Arbitrage et faillite È, Rev. arb. 1998, p. 472.

2 cf infra Titre 1, Chapitre 1, Section 1.

3 C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, Montchrestien, 6e éd., p. 16, n° 28.

l'autre1. Tous les créanciers sont donc soumis à une discipline commune, soulignant le caractère collectif des procédures collectives.

26. Mais la complexité de l'arbitrage réside dans le fait que ce domaine n'est pas réellement unifié. Les arbitres jouissent d'une indépendance vis-à-vis de la justice étatique mais aussi à l'intérieur même de leur institution. C'est ce qu'illustre l'absence de publication systématique des sentences arbitrales. Chaque arbitre est libre de rendre la décision qui lui appara»t la plus appropriée, en respectant toutefois la volonté des parties qui lui ont confié le litige. De sorte que l'arbitre rend sa sentence sans réelle connaissance des décisions prises par ses homologues dans des situations similaires. Cette situation s'explique par le caractère confidentiel de l'arbitrage, très apprécié des parties. Mais corrélativement se pose le problème de l'absence d'une véritable cohérence de l'ensemble des décisions arbitrales, même si des tendances se dégagent.

27. Cette indépendance des arbitres trouve son paroxysme lors du prononcé de la sentence arbitrale. Il semble qu'il importe peu aux arbitres de conna»tre le retentissement de leur décision sur l'ensemble de la société. Ce qui s'explique aisément puisque leur sentence n'est pas opposable aux tiers. Il n'en reste pas moins que ces solutions ne sont pas sans impact sur l'évolution du droit. Ne serait-ce que parce qu'elles soustraient le litige à la compétence de la justice étatique. Si l'arbitrage est indépendant, et si les arbitres font peu de cas de la portée de leurs décisions sur l'évolution générale du droit2, en réalité les sentences arbitrales ne sont pas sans conséquences et le juge étatique le sait bien.

28. Aussi, la justice étatique n'a t-elle pas intérêt à méconna»tre cette justice privée qui pourrait quant à elle être tentée de l'ignorer. En effet, l'institution d'arbitrage n'a que peu de bénéfice à retirer d'une reconnaissance mutuelle, si ce n'est un sentiment de reconnaissance doublé aussitôt d'une inquiétude. Il semble que l'arbitre se satisfasse tout à fait d'une indépendance maximale et la reconnaissance de son existence par les institutions étatiques appara»t avant tout comme une menace à son bon fonctionnement.

Cette crainte est partagée, car les organes judiciaires voient quant à eux d'un mauvais oeil l'extraordinaire potentiel de l'arbitrage de porter atteinte à leur compétence exclusive. Mais plus encore, dans le cadre des procédures collectives, la centralisation des contentieux aux mains des seuls juges étatiques se justifie par la volonté de maintenir les équilibres difficilement mis en place dans le cadre des entreprises en difficulté3. Et l'arbitrage représente un danger en ce qu'il pourrait

1 En ce sens, C. Saint-Alary-Houin, op. cit., p. 429, n° 682.

2 En ce sens, Y. Derains, Ç Les normes d'application immédiate dans la jurisprudence arbitrale internationale È, Le droit des relations économiques internationales, Mélanges offerts à B. Goldman, 1982, p. 29.

3 En ce sens, D.Vidal, Procédures collectives et procédures d'arbitrage : quelle rencontre ?, Gaz. Pal. 31 octobre 2009, n° 304, p. 3.

porter atteinte à la fragile coordination des intérêts sociaux et économiques que tentent de mettre en place les juges étatiques dans le cadre d'une procédure collective.

29. Face à cette défiance originaire des procédures collectives et arbitrales le chemin vers une reconnaissance mutuelle présage d'être long. Car si cette reconnaissance est nécessaire à leur efficacité, cela implique au préalable qu'elles dépassent leur peur et leur incompréhension mutuelle. Or la dissension de ces institutions est intrinsèque à leur nature, ce qui explique selon la formule de Maître Bruno Cressard, l'inévitable <<confrontation des deux fortes têtes du droit des affaires1 È. Il en résulte de fait un conflit d'objectifs et d'intérêts mais aussi un conflit de moyens.

30. L'arbitre a pour seul objectif de trancher un différend, conformément à la mission que les parties lui ont confiée. Le juge étatique a quant à lui une mission beaucoup plus large puisque il doit << résoudre une situation économique2 È. C'est pourquoi, il entend éviter toute dispersion du contentieux et s'oppose donc à ce que l'arbitre en connaisse. Cette compétence exclusive des juges étatiques rentre donc inévitablement en conflit avec la compétence exclusive confiée à l'arbitre. Mais la source de leur pouvoir diverge aussi, car en matière de procédures collectives les règles applicables sont posées par la loi alors que l'arbitre est libre de s'en affranchir. Ce qui est d'autant plus vrai lorsqu'il reçoit pour mission de statuer en amiable composition.

31. Pourtant, le Professeur Henri Motulsky soutenait avec force conviction que << l'arbitrage procède moins d'un refus de l'Etat, de ses lois et de ses juridictions, que d'un désir d'une justice administrée différemment : justice étatique et arbitrage poursuivent par des voies distinctes mais complémentaires le même idéal de justice3 È.

Pour mieux comprendre cette conception de l'arbitrage, il convient d'envisager ce concept autrement que sous l'angle juridique. S'il est naturel pour le juriste d'enfermer l'institution arbitrale dans des concepts juridiques, le Professeur René David critique cette approche au motif que ces concepts << trop précis, trop tranchés, ne conviennent pas pour analyser le phénomène de l'arbitrage4 È. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille renoncer totalement à une analyse juridique de l'arbitrage. Car dans le cadre de la coexistence des procédures collectives et arbitrales, une éventuelle coordination, voir unicité, n'est concevable que si l'approche de ces notions se fait d'un même point de vue.

Aussi, l'évocation de l'approche du Professeur René David, évoquée précédemment, n'est pas
destinée à faire une approche extra-juridique de la notion d'arbitrage car ce mémoire a pour objet

1 B. Cressard, Le Bulletin des avocats de Rennes, avril 2010, p. 16.

2 G. C. Giorgini, << Méthode conflictuelles et règles materielles dans la faillite internationale È, Nouvelle Bibliothèque de Thèses, Dalloz, thèse Nice 2004, p. 539.

3 B. Oppetit, <<Justice étatique et justice arbitrale È, Etudes offertes à P. Bellet, Paris, 1991, p. 415.

4 R. David, <<Arbitrage et droit comparé È, Revue internationale de droit comparé, vol. 11, 1959, p. 13.

d'analyser les rapports entre procédures collectives et arbitrales sous l'angle des instruments et concepts juridiques existants. Elle permet simplement de souligner que l'arbitrage ne doit pas se concevoir à < l'image de la justice1 È.

32. En effet, le recours à l'arbitrage ne se justifie pas par la seule volonté des parties de palier à la cherté, la lenteur ou la rigidité de la justice étatique. Elle résulte souvent de la volonté des parties d'obtenir une justice différente de celle qui résulterait de la seule application des lois nationales2. En ce sens, la justice étatique, le < Droit È, ne sont plus représentatifs d'une supériorité quelconque sur les modes alternatifs de règlement des litiges. Car les parties en ayant recours à l'arbitrage ne renoncent en aucune façon à un idéal de justice.

Cela traduit la distorsion mise en évidence par le Professeur Bruno Oppetit : < avec l'ascension des intérêts particuliers et de la puissance de l'Etat s'est opérée une dissociation entre le juste et la justice3 È. Et cela peut justifier l'engouement pour l'arbitrage oü semble prévaloir < les droits naturels4 È puisque l'arbitre peut exclure les règles de droit et statuer en équité.

33. Quoi qu'il en soit, procédures collectives et procédures arbitrales présentent le point commun de partager la même éthique, qui prend la forme du concept de < procès équitable5 È. Cette philosophie du procès transcende les clivages qui peuvent exister entre procédures collectives et arbitrales, découlant de l'opposition entre justice étatique et justice privée. Ainsi, le principe de contradiction, gage d'un procès équitable gouverne les deux procédures.

En outre, procédures collectives et arbitrales sont des procédures juridictionnelles. A ce titre, elles ont toutes deux l'autorité de la chose jugée, ce qui peut engendrer une certaine compétition entre elles. Mais si leurs points communs tendent à les rapprocher et de ce fait à introduire un certaine concurrence, leurs différences conduisent certes à une opposition mais aussi parfois à une complémentarité.

34. En effet, si l'arbitrage se caractérise par une certaine liberté et indépendance, il peut à certaines occasions être tributaire de la juridiction étatique. C'est le cas, lorsque la sentence n'a pas fait l'objet d'une exécution spontanée et qu'il est demandée au juge étatique d'ordonner l'exécution de la sentence. En outre, lorsque procédures collectives et arbitrales coexistent, une collaboration est le plus souvent nécessaire. Certains parlent de <justice mixte, faite d'un va-et-vient incessant entre enceintes arbitrales et palais de justice6 È.

1 V.R. David, op.cit.

2 En ce sens, R. David, op. cit.

3 B. Oppetit, op.cit., p. 415.

4 En ce sens, V.B. Oppetit, op. cit.

5 Droit garanti par l'article 6§1 de la CEDH.

6 V.B. Oppetit, op. cit., p. 418.

35. On peut conclure que si procédures collectives et arbitrales relèvent de concepts de justice différents, il n'en résulte pas une incompatibilité. Leur dualité met en exergue nombre de points d'oppositions mais aussi nombre de convergences. Ainsi, poursuivent elles le même idéal de justice et une même éthique. C'est pourquoi, si chacune procède selon sa propre voie en matière de procédure ou de règles applicables, elles bénéficient d'un potentiel de convergence lorsque la situation l'impose. Il conviendra d'examiner les conditions de leur coexistence mais en ayant une vision objective, affranchie de préjugés sur l'arbitrage.

C'est pourquoi, sans méconna»tre leurs oppositions et leurs rapports de force, il conviendra de rechercher comment évoluent leurs relations. Car la jurisprudence proclame et garantit la primauté des règles des procédures collectives sur l'arbitrage (Titre I) mais, récemment, elle tend de plus en plus à réaffirmer le poids de l'arbitrage en présence d'une procédure collective (Titre II). De sorte que, au-delà d'une reconnaissance mutuelle de procédures antagonistes, leur rapport de force tend à un rééquilibrage, pour une meilleure coordination et par là même une meilleure administration de la Justice, en ce sens oü serait conciliés la volonté des parties et l'intérêt collectif.

TITRE 1 : SUPRÉMATIE DE PRINCIPE DES PROCÉDURES
COLLECTIVES SUR L'ARBITRAGE

36. Dès lors qu'une procédure collective et un arbitrage coexistent, la prédominance des procédures collectives est double : elle se manifeste tant au niveau procédural que dans les règles de droit applicables.

La coexistence des procédures collectives et arbitrales (Chapitre 1) ne se fait pas sans confrontation et prend diverses formes : soit la procédure collective fait l'objet d'un arbitrage, soit les deux procédures se déroulent concomitamment. Mais dans les deux cas, le domaine de l'arbitrage ne cesse de s'étendre, manifestant la reconnaissance par les pouvoirs publics de cette justice privée. Néanmoins, cette confiance des Etats envers l'arbitrage ne se fait pas sans garde fou. Aussi, les développements tendront à démontrer, d'une part que l'arbitrabilité des procédures collectives est possible mais encadrée ; d'autre part, que procédures collectives et arbitrales peuvent se dérouler concomitamment. En effet, l'ouverture d'une procédure collective ne met pas fin au déroulement d'une instance arbitrale en cours et inversement, une instance arbitrale peut être ouverte en cours de procédure collective. Ces deux situations témoignent d'une reconnaissance mutuelle des deux procédures ; même si les procédures collectives, largement empreintes d'ordre public, commandent largement le déroulement de l'instance arbitrale.

37. En effet, les règles de droit qui régissent leurs relations laissent appara»tre une nette prédominance des procédures collectives (Chapitre 2). C'est le caractère d'ordre public des règles des procédures collectives qui explique cette domination. Afin de protéger les intérêts sociaux et économiques d'un Etat, ces règles ne s'imposent pas qu'aux acteurs de la procédure collective. Elles commandent aussi les parties qui recourent à l'arbitrage pour régler leurs différends, dès lors qu'une procédure collective est ouverte contre l'une d'elles. Ces règles impératives des procédures collectives résultent de la volonté de sauvegarder l'entreprise en difficulté, tout en tentant de protéger de façon égalitaire ses créanciers. Cela a pour effet de limiter les solutions rendues par l'arbitre au respect des règles d'ordre public régissant les procédures collectives, que ce soit dans le cadre d'un arbitrage interne ou d'un arbitrage qualifié d'international.

Il en résulte une suprématie des procédures collectives tant sur le déroulement de l'instance arbitrale que sur les règles applicables par l'arbitre.

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