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Le sentiment de plafonnement de carrière chez les travailleurs: le cas de la CAMTEL

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par Joël Christel KOLOKOSSO
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master Gestion des Ressources Humaines 2007
  

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2- L'ANALYSE DE CROZIER

L'organisation bureaucratique parait efficace et respectueuse de la liberté des individus. En effet, le pouvoir des bureaucrates étant strictement réglementé, les membres de cette organisation ainsi que les individus qui ont affaire à elle, sont, en principe, à l'abri d'un pouvoir excessif. Fort de ce constat, WEBER a peut être sous-estimé les effets négatifs susceptibles d'être engendrés par l'organisation bureaucratique. Dans les entreprises, le taylorisme illustre d'ailleurs bien les limites de l'efficacité d'une organisation rigide où règnent les «petits chefs», c'est à dire les contremaîtres. Dans les administrations, le travail et le capital peuvent ne pas être utilisés de la façon la plus efficace possible (on évoque souvent le «royaume de paperasserie»), les difficultés de circulation de la communication entre les différents services et l'écart entre ceux qui décident mais ne connaissant pas suffisamment les problèmes et ceux qui sont sur le terrain, constatant les limites de l'organisation mais n'ayant pas les pouvoirs pour effectuer les adaptations nécessaires.

Ces dysfonctionnements ont été étudiés par Michel Crozier (sociologue français contemporain), dans le cadre d'une analyse centrée sur la rationalité limitée d'individus cherchant à maximiser leur pouvoir. CROZIER a élaboré une théorie du changement par crises dans les organisations dominées par des règles. Cette théorie est connue sous le nom de « Cercle vicieux bureaucratique ». Elle correspond en fait à un processus cyclique en trois phases :

- l'existence de zones d'incertitude dans toute bureaucratie, celles-ci constituant des marges de liberté pour les acteurs concernés. Les acteurs les utilisent afin d'accroître leur pouvoir. Le résultat n'est pas celui prévu par les règles, c'est un dysfonctionnement ;

- si les acteurs exagèrent, le dysfonctionnement devient insupportable aux autres acteurs et obère l'atteinte des objectifs de l'organisation (crise) ;

- pour résoudre la crise, on élabore des règles plus compliquées, et tout peut recommencer.

Ainsi, malgré son apparente stabilité, « l'organisation [...] doit faire face à des transformations qui lui sont imposées de l'extérieur et de l'intérieur ». Partant de là, « Un système d'organisation bureaucratique [...] ne cède au changement que quand il a engendré des dysfonctionnements vraiment graves, [...] assez grave pour menacer la survie même de l'organisation »63(*). Aussi peut-on se permettre de dire qu'à cause des longs délais nécessaires, de l'ampleur qu'il doit revêtir et à cause de la résistance qu'il doit surmonter, le changement constitue pour une organisation bureaucratique, une crise.

En résumé, les caractéristiques mêmes du mode de fonctionnement bureaucratique conduisent à un cercle vicieux: les règles impersonnelles (qui régissent les fonctions et les conduites), les décisions centralisées, les catégories hiérarchiques isolées et les relations de pouvoir parallèles. La rigidité tant du contenu des tâches que des rapports entre les tâches, ainsi que le caractère impersonnel des relations humaines rendent difficile la communication entre les groupes différents. Ces rigidités conduisent les individus à une attitude de lutte au sein de l'organisation. Ce comportement suscite, pour sa part, de nouvelles pressions afin de renforcer 1'impersonnalité et la centralisation, seules garantes de la limitation des pouvoirs des groupes et des individus.

Ainsi, les techniciens et les ouvriers qualifiés développent des stratégies visant à accroître leur autonomie tandis que leurs supérieurs hiérarchiques tentent de la restreindre. Chacun tente de contrôler l'activité de l'autre en faisant adopter des réglementations limitant ses capacités d'initiative. Ces réglementations rigidifient l'organisation mais, contrairement à ce que supposait WEBER, n'arrivent jamais à rendre le comportement des acteurs parfaitement prévisible. Chaque acteur se saisit des opportunités qui s'ouvrent à lui afin de modifier les équilibres de pouvoir au sein de l'organisation pour tenter d'accroître le sien. On peut ajouter à cela le fait que certains dirigeants exercent un pouvoir qui n'est pas contrôlable et qui laisse dans l'incertitude les acteurs sociaux.

L'impersonnalité et la globalisation des règles ne permettent pas à la bureaucratie de s'adapter à des situations particulières, ce qui donne un pouvoir très important aux bureaucrates pour interpréter ces règles, les arrangements entre les bureaucrates et les acteurs sociaux pouvant conduire à la corruption. Dans ce jeu incessant de lutte des pouvoirs, les objectifs initiaux de l'organisation sont souvent perdus de vue. Ici, l'efficacité supposée de la bureaucratie, s'en trouve considérablement affectée. Il nous semble donc totalement indiqué de dire que le fonctionnement réel des bureaucraties publiques ou privées, montre que les règles ne disent pas toujours clairement ce qu'il faut faire dans tous les cas. Ces marges de flou (zones d'incertitude) sont ainsi créées, en creux, par la structure formelle, et exploitées par certains acteurs afin d'accroître leur pouvoir.

Seulement, il nous semble tout de même judicieux de faire remarquer que, dans cette conception de CROZIER, les relations sont trop centrées sur le pouvoir dans le monde professionnel. Il ne faut pas oublier de tenir compte d'autres sphères que celle du travail pour expliquer les conduites des individus en entreprise. Ainsi, la famille et l'école tiennent des places importantes, puisqu'elles participent à la culture, au façonnement de la personnalité et donc à l'établissement de stratégies personnelles, tout autant que l'entreprise (ou l'organisation). De plus, comme le font d'ailleurs remarquer MARCH et SIMON, «L'attente d'une promotion créé entre subordonnés et supérieurs l'attente d'interactions et le sentiment de certaines similarités »64(*) . Ces interactions peuvent coexister, il est vrai, en marge des conflits (implicites ou non), pouvant les opposer.

* 63 Cf. CROZIER Michel, (1963) Le phénomène bureaucratique, pages 257 - 259.

* 64 Cf. Les organisations ; Paris, 2ème édition, DUNOD, 1991 ; 255p.

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