WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le sentiment de plafonnement de carrière chez les travailleurs: le cas de la CAMTEL

( Télécharger le fichier original )
par Joël Christel KOLOKOSSO
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master Gestion des Ressources Humaines 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

II- INTERET DE L'ETUDE

L'intérêt de cette étude est suffisamment démontré quant on considère, à la suite de TREMBLAY et ROGER5(*), que le plafonnement de carrière est sans conteste aujourd'hui, une préoccupation majeure pour les organisations soucieuses d'éviter les effets dysfonctionnels qu'il induit. Il est question en fait d'un véritable défi en ce qui concerne la gestion des carrières.

Tenant compte de l'importance accordée actuellement à la gestion qualitative du potentiel humain, la question d'une gestion individualisée des carrières au sein des organisations se pose avec acuité, car, délaissée, elle peut entraîner, pour l'organisation, comme le laisse penser NOE6(*), une insuffisance d'Hommes aptes à occuper les postes vacants, une baisse de leur engagement, ainsi qu'une utilisation inappropriée des ressources financières allouées à la formation professionnelle. LINDQUIST conclut d'ailleurs que « Les organisations publiques et privées progressistes du 21ème siècle seront celles qui mettront l'accent sur la carrière de leurs employés»7(*).

La présente recherche trouve également son importance du fait qu'elle présente les travaux déjà effectués dans ce domaine, en même temps qu'elle propose un autre champ d'analyse du phénomène de plafonnement de carrière, à savoir, la CAMTEL, une grande entreprise camerounaise dotée d'un important potentiel humain.

III- OBJECTIFS

Cette recherche nourrit comme visée principale la saisie du sentiment développé par les salariés d'une organisation (la CAMTEL), par rapport à l'évolution globale de leur carrière au sein de cette dernière. Il s'agit également de mettre en exergue les potentielles différences à opérer entre individus, compte tenu du fait que « [...] l'ampleur du sentiment de plafonnement de carrière n'est pas systématiquement la même d'un individu à un autre »8(*). D'où l'intérêt d'établir un lien entre les variables individuelles liées au sexe, à l'âge, à la catégorie socioprofessionnelle, etc. et la perception du plateau de carrière. Ce travail tente également de mettre en lumière les différentes attitudes adoptées par ces travailleurs face à la frustration induite de leur sensation de plafonnement.

IV- ETAT DES LIEUX

Le plafonnement de carrière constitue une préoccupation essentielle pour les managers, autant sur le plan stratégique qu'opérationnel. Il n'est pas en soi un phénomène nouveau, puisque, comme le relate WOLF (cité par GUERIN et WILS9(*)), les structures pyramidales des organisations ont toujours présenté moins de possibilités de mobilité à leur sommet qu'à leur niveau intermédiaire. Ce phénomène a toutefois été exacerbé par les bouleversements survenus dans l'environnement des organisations au cours des dernières décennies.

Ainsi, à la suite d'une enquête menée au sein de certains pays de l'OCDE en 2002, Christoph REICHARD10(*) identifie huit (8) besoins à prendre en considération pour tout système de GRH axé sur la performance dans le secteur public, parmi lesquels « [la mise en oeuvre] de  promotion et perspectives de carrière pour les salariés dont les performances sont positives ». Au Québec (Canada), d'après une étude menée dans une municipalité de la ville du même nom, LEMIRE et ROUILLARD11(*) ont mis en relation le plafonnement de carrière avec les mesures gouvernementales de rationalisation des activités du secteur public. De la même étude, il ressort que ce phénomène a une incidence sur la santé physique et psychique des salariés, ainsi que des troubles de comportement qui réduiraient leur efficience.

Pourtant, au Cameroun, il est triste de constater, à la suite de l'étude effectuée par le CAFRAD12(*), qu'au sein du secteur public camerounais, des milliers d'individus conserveraient le même statut professionnel depuis bon nombre d'années. N'est-ce pas là l'application de la doctrine suivante : « Le grade appartient à l'individu, la fonction à l'Etat » ? Même la titularisation au poste ne semble pas changer cette réalité. A ce propos, le Bureau régional du PNUD pour l'Afrique centrale13(*) constate malheureusement que : « Bien qu'ils continuent d'avancer dans leur grade et de percevoir leurs salaires - ce qui constitue un beau gâchis - l'on imagine l'insécurité psychologique qui hante les intéressés, et les sentiments que ce chômage de luxe peut provoquer chez leurs collègues exerçant des fonctions de responsabilité et qui peuvent, à tout moment se retrouver dans cette position ». Ainsi la progression dans la carrière devient un phénomène subjectif, et ce, malgré l'existence, dans le cas des ministères, d'un cadre organique accompagnant en annexe tout projet d'organigramme. Ce qui favorise une sorte de « fuite des cerveaux »

Certains supports de la presse écrite camerounaise, à l'instar du quotidien Mutations, ne sont pas restées en marge de cette problématique qui semble affecter autant les ministères que les entreprises parapubliques. Ce journal fait d'ailleurs savoir, que l'ensemble des organisations de défense des intérêts des travailleurs du secteur public, en plus d'une revalorisation des salaires de leurs adhérents, militent également pour l'adoption d'un plan de carrière14(*). Les entretiens effectués auprès de certains responsables du Ministère du Travail et de la Sécurité Sociale (MINTSS) nous révèlent également que la baisse drastique des effectifs et à l'opposé, l'augmentation (d'années en années) du nombre de départs volontaires enregistrés par la Direction des affaires générales, résulteraient, entre autres, de l'inexistence de perspectives de carrière notamment15(*).

Le plafonnement de carrière, dans notre milieu d'étude, semble résulter des pratiques de management ayant cours depuis longtemps. Anciennement Société à capital public16(*), au capital de 50 milliards de FCFA, La CAMTEL, créée par décret présidentiel n°98/198 du 08 septembre 1998, est le résultat de la fusion d'INTELCAM et de la DT du MINPOSTEL. L'émergence de cette entreprise de 2 039 travailleurs est liée étroitement aux différentes mutations survenues au sein du secteur des télécommunications au Cameroun.

La genèse de cette entreprise débute en 1936, avec l'établissement de la première communication téléphonique à partir du Cameroun. En 1960, le Cameroun confie, par convention, l'exploitation du secteur des télécommunications à la FCR. INTELCAM est créée douze (12) ans plus tard, par décret n°72/02 du 12 juillet 1972, et reprend les activités de cette dernière. Le 1er janvier 1983, l'Etat camerounais achète les parts détenues par les partenaires extérieurs, et devient ainsi l'unique actionnaire. Le 14 juillet 1998, le Président de la République promulgue la loi n°98/014 régissant le secteur des télécommunications au Cameroun, et signe plus tard trois décrets présidentiels (n°98/197, n°98/198, n°98/199) le 08 septembre 1998, donnant naissance respectivement à trois (3) institutions, à savoir l'ART, la CAMTEL et enfin la CAMTEL-MOBILE.

Comme toute entreprise de grande taille, la CAMTEL est dotée d'un Conseil d'Administration. Ce dernier est composé d'un Président, de six membres représentant l'Etat, d'un membre représentant le personnel, et d'un autre membre représentant la CTPL. Il se prononce régulièrement (en conseils ordinaires et extraordinaires) sur les grandes orientations stratégiques de l'entreprise. L'ensemble de l'organisation de cette institution repose sur la Direction Générale d'une part, et d'autre part sur les services extérieurs, et peut être apprécié à travers son organigramme (voir Annexe n°1).

Dans cette entreprise, une véritable gestion des carrières des travailleurs a été longtemps négligée, l'essentiel des politiques de GRH s'articulant autour de la rémunération et des avantages pécuniaires afférents aux postes de travail. Ainsi, comme le suggère d'ailleurs ENGANEBEN17(*), « La CAMTEL a misé sur le niveau de salaire qui a quasiment doublé pour les salariés venant du MINPT et légèrement augmenté pour les salariés de la défunte INTELCAM ». En effet, avec une rémunération élevée, bien de responsables pensent motiver les travailleurs à s'investir, alors qu'en fait ils ne font que les inciter à rester dans l'entreprise qui se trouve être, à ce moment-là, une cage dorée. Pourtant, comme le fait remarquer Alexander BERGMANN et al. « L'opinion selon laquelle l'argent est le plus important facteur de motivation est fausse. On ne choisit pas le travail qui offre le salaire le plus élevé (à moins que celui-ci soit vraiment exceptionnel), mais celui qui correspond le mieux à d'autres attentes concernant l'intérêt de la tâche, l'atmosphère de l'entreprise, la sécurité de l'emploi,... »18(*) Ainsi, la précarité de l'emploi qui mine le marché du travail camerounais a eu pour suite la fidélisation des salariés au sein des entreprises, ceux-ci n'étant pas sûrs de trouver un travail mieux rémunéré. Ils ne sont donc pas motivés à travailler plus et mieux. Antérieurement, durant ses travaux, HERZBERG s'est d'ailleurs rendu compte que, si l'insuffisance du salaire est une source d'insatisfaction, son augmentation n'entraîne pas forcément satisfaction et motivation chez les travailleurs19(*).

A en croire les travaux précédents, il a été fait état de certaines tares liées à l'implication au travail dans cette entreprise: démotivation, repli sur soi, pression ressentie (stress), etc., autant de symptômes qui pourraient illustrer une sorte de souffrance accrue éprouvée par les salariés en situation de travail. Dans son travail de recherche, ENGANEBEN rend compte des faits suivants : « 77% des salariés interrogés disent être nerveux ou tendus au travail (...), 23% n'avoir plus goût à rien(...), 20% se réveiller déprimés le matin, 10% enfin disent avoir des idées noires ». Nous pouvons mieux l'expliciter à travers l'examen des phénomènes tels l'absentéisme et le retard.

L'absentéisme dans cette entreprise se veut tangible, par l'observation directe du chercheur, et ce malgré l'accès difficile aux statistiques de cette structure. Il est en effet demandé à chaque salarié qui souhaite quitter son poste de travail, de remplir un imprimé (de format A5) sur lequel il indiquera la période d'absence, le motif, etc. Ce n'est que lorsque cet imprimé est visé par le supérieur hiérarchique, que le travailleur est habilité à sortir. Il nous a été donné de remarquer que cette prescription n'est quasiment pas respectée, sinon par les stagiaires académiques. Généralement, les travailleurs d'un même bureau s'organisent. Lorsque le supérieur appelle et demande le travailleur absent, ou quelqu'un d'autre, on lui servira la boutade suivante : « Il n'est pas en place, mais il est dans la maison ». A la fin du mois, les absences sont beaucoup plus récurrentes, mais les motifs correspondants sont tout trouvés : « Je vais à la Banque toucher », « Je suis à la CNPS », etc. Ainsi, les astuces pour se soustraire à son poste de travail sans autorisation sont diverses.

Le retard, quoique constamment décrié par le Directeur Général (à travers des notes de service), continue de prendre des proportions importantes. En effet, un saut imprévu à l'entrée du personnel du Siège permettrait de voir plusieurs agents arriver entre 9h et 10h (« l'heure de pointe »). Par contre, dès 15h30, la plupart des bureaux sont vides. Les fiches journalières sont remplies de manière fantaisistes, les vigiles chargés de relever les noms des retardataires sont généralement soudoyés ou menacés (ce qui refrène leur dynamisme) ; la complaisance (en échange d'une boisson alcoolisée) du travailleur chargé de prendre les noms à la guérite, est malheureusement connue de la plupart de ses collègues. Il faut donc considérer ces phénomènes comme étant des manifestations claires et indubitables d`un malaise ressenti au travail.

La carrière est d'une grande importance pour les salariés de cette entreprise, comme le révèle d'ailleurs OMGBA NGA NGODO : « En ce qui concerne les aménagements à apporter à la CAMTEL, 36 personnes, soit 19% des enquêtés, pensent qu'il est impératif de tenir compte du rendement professionnel, 28 autres (soit 15%) pensent à la promotion des agents méritants et des affectations, 14 personnes (8%) ont pensé à la mise en place d'un plan de carrière et enfin 6%, qu'il faille limiter l'impact des influences extérieures sur l'appréciation »20(*). Dans le même ordre d'idée, les murmures et réactions négatives observées lors de l'affichage de nominations (août 2006), nous laisse croire en de possibles frustrations liées à la carrière des individus. En effet, à l'occasion de l'importante réduction des effectifs de cette structure, au vu des décisions portant nominations de Chefs d'Agence dans certaines localités du pays, et après identification des personnes bénéficiaires, certains anciens se sont mis à grommeler et à exprimer durement leur insatisfaction dans leurs bureaux respectifs. Et cela au grand dam de leurs collègues plus jeunes et des stagiaires académiques, qui ont également fait les frais de leur aversion. Autant de signes qui matérialisent déjà, dans les faits, l'insatisfaction de ces travailleurs concernant l'évolution de leur carrière. Les lectures effectuées nous ont également permis de mieux structurer notre recherche.

* 5 Cf. TREMBLAY Michel et ROGER Alain, « Plafonnement objectif et subjectif de carrière, satisfaction et stress au travail » ; 1998, Montréal, Série scientifique, CIRANO, 17 p.

* 6 Cf. Employee Training and Development; 2ème edition, New York, 2002, p. 366.

* 7 Cf. « La restructuration du gouvernement et l'évolution de la fonction publique de carrière dans les provinces et territoires du Canada ». J. Bourgault, M. Demers et C. Williams (dir.), Administration publique et management public : expériences canadiennes ; 1997, Les Publications du Québec, chap. 17, p.245.

* 8 Cf. TREMBLAY et ROGER, idem, p. 13.

* 9 GUERIN, G. et T. WILS. 1993. « La carrière : point de rencontre des besoins individuels et organisationnels » in Revue de gestion des ressources humaines, p. 13-30.

* 10 Cf. « Evaluation de la gestion des ressources humaines axée sur la performance dans le secteur public de certains pays de l'OCDE», Université de Potsdam, 2002.

* 11 LEMIRE Louise, ROUILLARD Christian « Le plafonnement de carrière : étude dans une municipalité au Québec » in Relations industrielles, vol. 58 n°2, 2003.

* 12 Cf. « Le Cameroun, vaste chantier de réformes sur la gestion des ressources humaines », Séminaire sur l'Evaluation de la Performance et le développement du Secteur Public, Banjul, Gambie, 26 au 30 mai 2003.

* 13 Cf. L'Ethique de la fonction publique en Afrique, vol. 2, New York, 2002, Chapitre 2 (CAMEROUN) p.19-32.

* 14 Cf. Article de J.B.K., « Syndicalisme : la fonction publique revendique en sourdine » paru dans Mutations, édition du 2 février 2006.

* 15 Informations recueillies lors de deux entretiens avec le Responsable de la cellule SIGIPES et le Sous -Directeur des Affaires Générales du MINTSS.

* 16 En référence à la loi n°99/16 du 22 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic.

* 17 Cf. « Motivation au travail et Gestion des Ressources Humaines dans les entreprises publiques: le cas de la CAMTEL », Mémoire de maîtrise, 2001, UCAC.

* 18 Cf. Encadrement et comportement, Editions ESKA, 1997; p. 110

* 19 Cf. Cours de Sociologie du travail, Licence CGRH, année académique 2004 - 2005.

* 20 Cf. «Mesure des performances du personnel dans l'entreprise publique: le cas de CAMTEL et du CFC Cameroun». Mémoire de maîtrise, 2002-2003, UCAC.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire