SECTION II: La dimension
subjective du phénomène
A la fin de leurs travaux, CHAO quelques années plus
tôt, et TREMBLAY ensuite, ont montré que les attitudes et les
comportements au travail étaient modelés principalement par les
perceptions des individus en regard de la carrière, plutôt que par
des critères purement objectifs. D'où, pour comprendre la
dynamique du plateau de carrière dans une organisation, il demeure
impératif de saisir l'univers perceptuel de chacun des individus.
Nous allons donc nous atteler, dans le cadre de cette
section, à présenter le plafonnement de carrière tel qu'il
est ressenti par les travailleurs de cette entreprise. Les avis recueillis
s'inscrivent parfaitement dans la distinction opérée par Michel
TREMBLAY et Thierry WILS (op. cit.), en matière des dimensions du
plafonnement de carrière. Ce qui va nous amener à étudier
tout d'abord le plateau structurel, ensuite celui de contenu et enfin celui
salarial.
A-
LE PLATEAU SUBJECTIF STRUCTUREL
Il est afférent à la sensation que les
individus ont, du ralentissement ou de la fin de leur progression verticale, ou
encore du caractère presque utopique de leurs aspirations à la
mobilité.
A la CAMTEL, il est ressenti du fait de la sensation de
stagnation de carrière qui plane dans les esprits des individus. En
effet, une partie de nos enquêtés affirme ne pas avoir
progressé depuis longtemps ou tout simplement ne pas avoir
progressé du tout. Pour certains, leur évolution est
bloquée, tandis que pour d'autres, il n'est même plus question
d'espérer évoluer un jour.
Une grande partie d'entre eux remettent en question le
système de gestion de carrière. C'est ce dernier qui fait les
frais de leur frustration : «Il y a des gens qui sont à la
même catégorie et le même échelon pendant 15 ans,
voire plus de 20 ans sans voir leur salaires augmenter même d'1
franc». Déjà, en 2001, Annie ENGANBEN avait fait le
constat suivant : « La perception que les salariés de
la CAMTEL ont de la mobilité [dans cette institution] est
négative. 26% la trouvent injuste, 18% la trouvent juste au contraire,
contre 55% sans réponse ».
Les plus défaitistes affirment être
restés dans la même catégorie depuis leur embauche (98/99)
à la CAMTEL : « Depuis que nous sommes entrés
en 6ème catégorie ?! On ne fait que changer
d'échelon. Et même quand c'est le cas...je crois même que
nous allons partir à la retraite et mourir en
6ème ».
Cette sensation de stagnation est d'ailleurs renforcée
par l'excessive ancienneté au poste observée
préalablement, et correspondant, dans la plupart des cas, au poste
attribué lors de l'embauche. A cela, il faut ajouter l'idée de
népotisme que les interviewés ont émise à plusieurs
reprises. Népotisme exercé, selon la majeure partie de nos
personnes - ressources, lors de l'entretien d'évaluation et des
décisions en matière de mobilité. Pour la plupart, la
mobilité n'est pas fonction du mérite, mais du portefeuille
relationnel. « On se connaît, dit un
enquêté, on sait qui est qui...».
Certains iront même jusqu'à se prononcer de la
sorte : « On jouit plus facilement de certains
privilèges [accès à la formation, promotion, etc.] que
lorsqu'on est proche du DG. En dehors de ça, si tu as aussi un bon
mentor dans la chambre haute... ». Ce qui témoigne du
calcul rationnel établi par ces travailleurs qui, confrontant leurs
aspirations aux réalités du milieu, constatant le gap existant
entre les deux, commencent et perpétuent un sentiment de plafonnement en
eux. D'où le plateau structurel ressenti.
D'autres disent mériter un poste plus
élevé, du fait du niveau de leur formation initiale. Ils disent
ne pas être bien classés et occupent des catégories
inférieures à leur diplôme. Lorsque nous tentons de
répliquer en disant qu'ils sont classés selon la catégorie
du poste qu'ils pourvoient, ces derniers (pour la plupart) ripostent en
proposant l'institution d'un référentiel de compétences
des agents de CAMTEL.
D'autres enfin prétendent que leurs supérieurs
hiérarchiques sont moins gradés qu'eux mais occupent de
hautes fonctions. Ils estiment par conséquent être victimes
« des réseaux de relation qui minent le bon fonctionnement
de l'entreprise ». C'est peut être dans le but de tenter
de justifier cet état de faits que certains salariés de la DRH
iront même jusqu'à dire que « Puisqu'il n' y a
pas vraiment une gestion des RH à la CAMTEL, mais plutôt une
administration des RH, il est normal qu'à la longue les agents soient
frustrés. Il s'agit tout juste d'un ajustement au cas par cas
».
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