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Le sentiment de plafonnement de carrière chez les travailleurs: le cas de la CAMTEL

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par Joël Christel KOLOKOSSO
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master Gestion des Ressources Humaines 2007
  

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SECTION III: L'exercice d'activités connexes

Cette stratégie, adoptée par 24 de nos enquêtés, paraît être profondément liée à l'une des manifestations du plafonnement de carrière évoquée plus haut, à savoir le plateau subjectif salarial. Elle consiste globalement en la création de petites activités génératrices de revenus, et dont la permanence est assurée par des membres de la famille, pendant les heures de travail.

Ce type d'activité a deux fonctions. De manière globale, c'est, d'un côté, un moyen d'amélioration voire d'augmentation de la bourse, et de l'autre, une alternative permettant de négocier une possible reconversion, dans un futur proche.

A- L'AMELIORATION DE LA REMUNERATION INDIVIDUELLE

Comme nous l'a confié un travailleur du Service du personnel, (traiteur dès 15h30), « Moi je compense la stagnation de mon salaire avec ce genre d'activité. Ça me permet au moins de faire vraiment face à toutes les charges de ma petite famille, sans compter les neveux et la belle-famille qui s'ajoutent ». A la question de savoir si l'exercice de cette activité n'empiète-t-il pas parfois sur ses heures de travail, ce dernier nous répond ainsi : « Si, mais je parviens toujours à jongler ». Ce qui pourrait tenter d'expliquer l'absence au poste de travail de certains salariés.

D'autres travailleurs nous ont également avoué posséder et gérer de petites structures telles les bars ou bistrots, les cybercafés, de petits locaux servant au secrétariat informatique, des quincailleries, etc. Autant de réalisations qu'ils affectent à l'actif de la CAMTEL, tant une partie de la rétribution mensuelle, conjuguée aux aides familiales, a servi de socle aux capitaux propres permettant l'ouverture et le maintien de telles structures.

Ce qui laisse penser que les feed-back aux attentes des travailleurs (en matière de rémunération et de carrière notamment) n'ayant pas été jugés suffisamment pertinents par ces derniers, et tenant compte également des conditions socio-économiques de notre pays, l'exercice de telles activités s'insère par conséquent dans une dynamique de compensation permettant de faire l'impasse sur les frustrations vécues en situation de travail. « Ces personnes, conclut le Chef Service du SGC, sachant que le travail à CAMTEL ne peut leur procurer aucun épanouissement, compensent celui-ci par la création d'autres activités rentables hors entreprise ».

B- LA PREPARATION DE LA RECONVERSION

Cette fonction a été récurrente dans les avis des travailleurs plus âgés. Ceux-ci reconnaissent d'ailleurs que si le travail à la CAMTEL a permis et permet encore de gagner l'argent nécessaire pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, de s'assurer un certain confort de vie, et dans certains cas, d'envisager sereinement leur prochain départ à la retraite, il a également permis et permet « d'être actif », « de rester dans le bain », « de réactualiser ses connaissances », « de participer à des activités enrichissantes, stimulant l'esprit », « de réaliser des choses difficiles », « d'atteindre des buts », « de rester en forme », « de conserver un certain rythme de vie », « d'être en interaction avec les autres », « d'entretenir des relations amicales », « de voyager parfois », etc.

Globalement conscients de la difficulté qu'ils auraient à trouver un autre emploi dans une autre entreprise, les employés, agents de maîtrise et cadres vieillissants ne sont pas spécialement attachés à leur emploi ou leur organisation, et se disent même motivés par l'idée de libérer leur emploi pour faire de la place aux jeunes : « CAMTEL c'est pas ma vie quoi. Je donne à mon entreprise, et elle me donne, mais ce n'est pas 100% de ma vie. (...) Intellectuellement, faire autre chose à la retraite sera très bien aussi. » Le départ à la retraite n'est donc pas évalué uniquement en termes de perte de place sur le marché du travail.

La possibilité de transférer ses compétences, d'être consulté, de conseiller, est également plébiscitée : « J'aimerais bien, mais j'ai peut être beaucoup de désirs, faire profiter les jeunes de tout ce que j'ai acquis pendant ma carrière, leur transmettre les clés de mes compétences quoi. » ; « Je suis prêt aussi à aider les jeunes, à donner mon temps et mes compétences aux jeunes. J'aime bien toujours m'entourer de jeunes et apporter ma pierre à quelque chose. » ; « J'aime bien quand les jeunes viennent me demander des renseignements et que je peux leur apporter quelque chose, c'est un peu égoïste (...). Alors on fait faire le tour pour les agents du terrain, mais pour ceux qui sont dans les bureaux non, et ils ne savent guère de choses sur l'entreprise. Ils connaissent leur seul service. Mais moi, je suis content en fait de m'occuper d'eux. Alors je pense que ce serait intéressant de mettre en place un système où l'on puisse transmettre notre savoir aux jeunes. »

Finalement, les cadres souhaitent rester impliqués, avoir le sentiment d'être utiles, utiliser leurs compétences. Lorsque leur situation professionnelle actuelle ne le leur garantit pas ou plus, ils cherchent à combler ces aspirations dans une nouvelle configuration possible à la retraite : « La retraite pour moi voilà, c'est pas je prends mes pantoufles et je m'arrête, c'est que j'arrive à un âge où je peux prendre ma retraite en tant que salarié, je la prends pour faire autre chose. Continuer dans une activité dans laquelle je peux aménager mon temps. Je me remets sur le marché, dans le business mais sans contraintes. En travailleur indépendant et non pas pour gagner ma vie à tout prix. C'est un complément. Ma motivation est plus de me faire plaisir dans un autre contexte. »

Conclusion partielle : Au vu de ce qui précède, nous avons pu observer, dans une perspective globale, le positionnement que les acteurs posent, en réponse aux frustrations nées de la perception de l'évolution négative de leur carrière. Cet ensemble (non exhaustif) de
stratégies individuelles débouchant sur l'affaiblissement du degré d'implication à la tâche du travailleur, et donc, susceptible de baisser le rendement individuel, renforce l'intérêt pour les managers des RH en particulier, de s'appesantir sur les potentielles répercussions d'un
sentiment de plafonnement pourrait avoir sur l'efficience des salariés. Ainsi, comme le souligne d'ailleurs Philippe LACROIX96(*) du Cabinet Manpower : « Le besoin de sécurité et de stabilité exprimé par les travailleurs peut se comprendre dans le contexte économique actuel. Pour
attirer les bons profils et surtout les garder, les employeurs doivent pouvoir répondre à leurs attentes aux différentes périodes de leur vie professionnelle ».

Il est clair que celles-ci diffèrent au fil du temps, que l'individu soit un jeune candidat entrant dans le monde du travail, ou s'il s'apprête à fonder une famille, ou s'il se fixe de nouveaux challenges en cours de carrière. L'on peut donc conclure avec LACROIX que « L'entreprise qui veut s'appuyer sur la satisfaction de son personnel pour générer la performance doit y être attentive ».

CONCLUSION GENERALE

Le choix de cette thématique a relevé principalement, rappelons-le, d'une double ambition. Le premier aspect de cette ambition relève du fait que nous avons voulu analyser une situation que vivent certainement beaucoup de travailleurs dans les entreprises et administrations subsahariennes. C'est également un problème auquel doivent s'intéresser les entreprises et autres types d'organisation aujourd'hui, compte tenu des nombreuses innovations managériales de l'heure. D'un autre côté, cette thématique a été abordé afin de souligner l'importance que revêt la gestion (individualisée) des carrières et le développement des potentiels dans la fonction RH d'une entreprise.

D'où notre intérêt pour la Cameroon Telecommunications, opérateur historique de la téléphonie fixe au Cameroun, aujourd'hui engagée dans une nouvelle page. En effet, dans un environnement marqué par de nombreux changements socioprofessionnels (émergence de nouveaux savoir-faire, de nouveaux métiers,...), économiques, technologiques, organisationnels (privatisations, liquidations, restructurations, licenciements massifs, etc.), dans un contexte où le marché de l'emploi reste caractérisé par une très faible demande de travail contrastant avec une offre de travail forte, la question de la carrière des travailleurs se pose, par conséquent, avec une acuité certaine.

Tout au long du présent mémoire, notre réflexion s'est fondée autour du questionnement suivant : Quelle signification les salariés de la CAMTEL, en situation de plafonnement ressenti de carrière, accordent-ils à cette condition ? Et partant de là, quelle(s) attitude(s) adoptent-ils en réponse à cela ? De là, nous avons dégagé les interrogations secondaires suivantes :

1- En quoi consiste la mobilité professionnelle à la CAMTEL ?

2- Quel est le système de carrière en vogue dans cette entreprise et comment se situe-t-il par rapport au plafonnement de carrière ?

3- Comment se manifeste le plafonnement subjectif de carrière dans cette entreprise ?

4- Quelle attitude ou stratégie les acteurs adoptent-ils, en face de cette sensation de plafonnement ?

Suivant cette problématique, nous avons émis une hypothèse principale qui s'intitule ainsi : Le plateau de carrière est vécu par le travailleur, comme le signe de la non reconnaissance de sa contribution à l'activité de l'entreprise.

Cette hypothèse centrale s'est décomposée en hypothèses secondaires :

1) Le sentiment de plateau de carrière est modulable selon l'âge, le sexe, l'ancienneté, le statut professionnel et l'intentionnalité des individus.

2) Cette sensation de plateau de carrière suscite également, chez les travailleurs, un faible degré d'implication à la tâche.

Notre étude nous a permis d'arriver aux conclusions suivantes :

Ø La mobilité intra organisationnelle à la CAMTEL, comme dans toute autre organisation, se veut horizontale comme verticale. Seulement, cette dernière est soumise à des préalables (bonnes notes d'évaluation) eux-mêmes assez biaisés par la subjectivité des acteurs, d'où le sentiment de plafonnement chez les collaborateurs ;

Ø Le système de carrière repose principalement sur l'âge et l'ancienneté des travailleurs, et il est surtout activé par des chaînes de vacance. A côté de cela coexiste l'implacable réalité du portefeuille relationnel qui dicte elle aussi ses lois ; celle-ci intervenant du fait de l'existence du pouvoir discrétionnaire du DG ;

Ø La CAMTEL gère les carrières des individus en s'appuyant beaucoup sur les Statuts de son personnel. Elle ne dispose donc pas en interne, de ce fait, d'un véritable système permettant une réelle gestion individualisée des carrières et de développement des potentiels. Ce qui a d'énormes répercussions sur la gestion de son potentiel humain et sur le climat social des agents ;

Ø Les individus ayant fait part de leur sensation de plafonnement de carrière y voient une mauvaise contrepartie de leur contribution au rayonnement de cette entreprise ;

Ø L'ancienneté dans l'entreprise, jumelée à celle afférent au poste de travail, affecte considérablement les perceptions et les attitudes des individus ;

Ø Le sentiment de plafonnement peut être également ressenti par des individus n'ayant pas encore atteint le stade de mi-carrière (biologiquement parlant) mais disposant de plusieurs années d'ancienneté dans l'entreprise ;

Ø Même si les individus des deux sexes s'entendent quant au sens qu'ils accordent à leur situation de plafonnement ressenti, il demeure tout de même que chez les femmes, il se veut plus nuancé par des modalités d'ordre pratique. En d'autres termes, les femmes, afin d'expliquer leur condition, font davantage appel aux éléments extraprofessionnels que leurs collègues hommes. Néanmoins, elles restent globalement convaincues qu'une femme a moins de chance d'accéder à certains postes qu'un homme ;

Ø Le sentiment de plafonnement de carrière est autant présent chez les gestionnaires que chez les agents de maîtrise et les employés qualifiés ;

Ø Ledit sentiment suscite un faible degré d'implication au travail (plafonnement de contenu), ce qui pourrait expliquer (en partie) l'absentéisme observé dans cette entreprise ;

Ø La sensation de plafonnement, notamment en son aspect salarial, suscite un engouement prononcé pour des activités connexes dirigées par leurs promoteurs parfois depuis leur poste de travail. Il y a donc lieu de conclure que le temps de travail étant mis en contribution pour autres choses, ce ressentiment constitue en soi une véritable menace pour la survie et la bonne tenue de l'exploitation de l'entreprise.

Nos hypothèses ont été validées et confirmées. Ce qui nous pousse à conclure, au vu du sens qu'affectent les acteurs à ce sentiment, vu aussi les attitudes qu'ils adoptent, qu'il est important, pour une entreprise subsaharienne, de diriger sa politique de motivation et d'émulation du personnel non plus seulement vers des éléments essentiellement pécuniaires, mais aussi sur des récompenses non monétaires. En outre, le temps ayant une très grande valeur dans le contexte entrepreneurial, il est important que les politiques de gestion de cette entreprise en tiennent toujours compte, et ce n'est pas seulement dans le cadre des prévisions des effectifs. Par exemple, au bout d'une certaine période passée à un poste (03 ans d'après KATZ), un travailleur aurait besoin d'une formation, d'un recyclage, d'une promotion ou d'une affectation dont les objectifs peuvent être divers : motivation, développement des potentiels, tenue de l'employabilité des salariés, etc.

* 96 Citation tirée de l'article de Robert DERUMES `'Les travailleurs belges veulent mieux organiser leur carrière'' ( www.vivat.be, 26 avril 2007).

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle