Introduction
L'activité de recherche à laquelle je me suis
dédié depuis mon doctorat peut être organisée autour
de quatre axes principaux. Chaque chapitre de ce mémoire correspond
à l'un de ces quatre axes.
Le premier est celui qui se rattache le plus directement
à ma thèse de doctorat. Il s'agit de la commandabilité et
de la planification de trajectoires des systèmes non linéaires de
dimension finie. Des premiers résultats dans ce domaine ont en effet
été présentés dans mon mémoire de
thèse et portaient sur la commandabilité de systèmes de
type Dubins sur les surfaces à courbure positive à
l'extérieur d'un domaine borné. La suite logique de ce travail a
été d'étudier les propriétés de
commandabilité de ces mêmes systèmes de type Dubins dans le
cas où la courbure est négative. Rappelons que le modèle
de Dubins décrit le mouvement d'un véhicule dont la valeur
absolue de la vitesse linéaire est constante et
l'accélération angulaire est uniformément bornée.
En collaboration avec Y. Chitour, sur impulsion d'une observation faite par P.
Pansu, nous avons caractérisé les surfaces à courbure
négative pour lesquelles ce système est commandable
indépendamment de la borne sur l'accélération angulaire et
nous avons étudié la structure des trajectoires minimisant le
temps. Dans un deuxième travail, en collaboration avec T. Chambrion,
nous avons étudié la commandabilité et la commande d'un
autre type de véhicule, un sousmarin dont le mouvement en l'absence de
contrôles est décrit par les lois de Kirchhoff. Sous des
hypothèses de symétrie du véhicule et en l'absence
d'obstacles, nous avons pu fournir un algorithme permettant de
déterminer - pour des actionneurs très naturels dans ce contexte
- des lois de commande permettant de suivre de façon approchée
une trajectoire quelconque. Enfin, d'autres résultats concernant la
locomotion dans un fluide ont été obtenus en collaboration avec
J.-C. Vivalda. Il s'agissait dans ce cas d'étudier le mouvement d'un
micro-organisme qui s'autopropulse grâce aux cilia
présents sur sa surface, dont la modélisation a
été proposée dans [101]. Si dans le cas du sous-marin
c'est la possibilité de considérer la viscosité nulle qui
permet de travailler avec un système réduit de dimension finie,
pour les micro-organismes cela est au contraire la conséquence de la
grande viscosité due à leur petite taille. Les deux
systèmes de contrôle ainsi obtenus sont bien sûr très
différent, mais tous les deux sont non linéaires,
sousactionnés et dotés d'une structure lagrangienne naturelle.
Le deuxième axe est fortement lié au premier,
naissant comme prolongation aux systèmes de dimension infinie des
mêmes problématiques de commandabilité et commande. En
collaboration avec U. Boscain, T. Chambrion et P. Mason je me suis
intéressé aux propriétés de
contrôlabilité de l'équation de Schrödinger
bilinéaire. L'approche choisie, inspirée par l'importante
littérature sur la commande de systèmes invariants sur des
groupes de Lie compacts et en particulier par le travail [3] d'Agrachev et
Chambrion, a été d'étendre à l'équation de
Schrödinger des propriétés de contrôlabilité de
ses approximations de Galerkin. (Ce procédé avait
été déjà appliqué aux équations de
NavierStokes dans [7, 99].) La réussite de l'approche est basée
sur un résultat de suivi de trajectoire pour des approximations de
Galerkin. Des points forts du résultat obtenu sont qu'il s'applique
aussi aux matrices de densité (commande simultanée de
systèmes identiques avec différentes conditions initiales), aux
domaines non bornés avec opérateurs non bornés (pourvu
que le spectre soit discret) et aux variétés
différentielles. Ce dernier point est important pour les applications,
permettant ainsi d'étudier des problèmes de commande de
l'orientation d'une molécule (travail en collaboration avec U. Boscain,
T. Chambrion, P. Mason et D. Sugny). Même si le résultat
général que nous avons obtenu porte sur la commandabilité
du système, vue comme propriété d'existence, il est
basé sur une approche constructive et nous espérons pouvoir en
tirer des algorithmes explicites de commande. Mis a part l'hypothèse que
le spectre de l'opérateur non contrôlé soit discret, les
conditions suffisantes que nous avons proposées et qui garantissent la
commandabilité approchée de l'équation de Schrödinger
sont données par une infinité dénombrable de conditions de
non annulation. Cela nous a poussé a en étudier la
généricité par rapport aux différents
paramètres caractérisant l'équation de Schrödinger
contrôlée : son domaine de définition, le potentiel non
contrôlé et le potentiel de contrôle. La première de
ces trois dépendances amène très naturellement a se poser
les deux questions suivantes : les carrés des fonctions propres de
l'opérateur de Laplace-Dirichlet sont-ils linéairement
indépendants, génériquement par rapport au domaine? Une
combinaison linéaire finie a coefficients non nuls et fixés
arbitrairement des valeurs propres de l'opérateur de Laplace-Dirichlet
est-elle différente de zéro, génériquement par
rapport au domaine? Ces mêmes questions surgissent aussi dans d'autres
domaines des mathématiques appliqués (cf. [64, 116]). En
collaboration avec Y. Privat, nous avons développé un
schéma général de preuve qui donne une réponse
positive a ces deux questions. Ce schéma, inspiré par un travail
de Hillairet et Judge ([66]), est basé sur des résultats de
perturbation analytique ([69, 98, 113]) qui permettent de contourner les
difficultés liées aux dérivées par rapport a des
déformations locales du domaine (cf., par exemple, [45, 75, 89, 90]).
J'ai utilisé ce même principe de déformations analytiques a
longue distance, cette fois en collaboration avec P. Mason, pour
démontrer la généricité de la commandabilité
approchée de l'équation de Schrödinger
séparément par rapport aux deux potentiels, celui de
contrôle et celui non contrôlé.
Le troisième axe de recherche présenté
dans ce document concerne la stabilité et la stabilisation des
systèmes hybrides. Le premier problème auquel je me suis
intéressé a été celui de la stabilité
uniforme des systèmes a commutations. En collaboration avec U. Boscain
et G. Char-lot, nous avons étudié le cas des systèmes a
commutations définis sur R2 par deux champs de vecteurs non
linéaires ayant chacun l'origine comme équilibre globalement
asymptotiquement stable. Nous avons obtenu des conditions topologiques sur
l'ensemble où les deux champs de vecteurs sont parallèles
garantissant a la fois la stabilité asymptotique uniforme a l'origine,
la stabilité, ou l'instabilité du système commuté.
L'intérêt de ces conditions est de pouvoir être directement
testées sur les champs de vecteurs, sans avoir besoin d'en calculer les
flots, ni de chercher des fonctions de Liapounov communes. D'autres
résultats, en collaboration avec J. Daafouz et P. Mason ont
été obtenus sur les critères de stabilité des
systèmes a commutations linéaires a temps discret. En
particulier, nous avons pu démontrer l'équivalence de l'existence
d'une fonction de Liapounov dans différentes classes de fonctions
quadratiques. Ce résultat permet de ramener la recherche a une classe de
fonctions pour laquelle des tests d'existence viables existent. En
collaboration avec A. Chaillet, Y. Chitour et A. Loría, nous avons aussi
étudié la stabilisation d'une classe de systèmes a
commutations commandés. Nous avons considéré le cas d'un
système de contrôle linéaire dont la partie
commandée de la dynamique est activée seulement sur certains
intervalles de temps par une loi de commutation qui satisfait une condition
d'excitation persistante. Nous nous sommes intéressé a la
question de l'existence d'un retour d'état linéaire qui stabilise
le système a l'origine uniformément par rapport a la loi de
commutation. Dans le cas où un tel retour d'état existe, nous
avons étudié le taux maximal de convergence vers l'origine que
l'on peut atteindre.
Enfin, le quatrième et dernier axe de recherche
présenté dans ce mémoire concerne une catégorie
particulière de structures sous-riemanniennes a rang non constant. En
collaboration avec A. Agrachev, U. Boscain, G. Charlot et R. Ghezzi, nous avons
introduit la notion de structure
presque riemannienne pour indiquer une structure
sous-riemannienne à rang non constant engendrée localement par un
nombre de champs de vecteurs égal à la dimension de la
variété. Sous des conditions de généricité,
cette structure définit, sur le complémentaire d'un ensemble de
codimension un (dit ensemble singulier), une structure riemannienne. En
particulier, dans le cas des variétés compactes sans bord de
dimension deux, nous avons introduit une notion d'intégrale de la
courbure gaussienne sur le complémentaire de l'ensemble singulier et
nous avons ainsi démontré une version
généralisée de la formule de Gauss-Bonnet. Cette
même formule admet aussi une généralisation au cas des
surfaces avec bord, sous des contraintes d'admissibilité des
intersections avec le bord de l'ensemble singulier.
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