1.5.3 Quelles politiques et stratégies pour une
réussite de l'insertion sociale, économique et professionnelle
des personnes handicapées ?
Face à la situation d'exclusion et de pauvreté
dans laquelle vivent de nombreuses personnes handicapées dans le monde,
plusieurs stratégies ou politiques ont été
élaborées et mises en oeuvre pour promouvoir leurs droits,
favoriser leur participation au développement, ceci en facilitant leur
insertion socioprofessionnelle. De l'informel (auto emploi) en passant par la
micro finance des activités initiées par et pour les personnes
handicapées jusqu'aux stratégies multisectorielles impliquant
tous les acteurs ; ces stratégies méritent qu'on y porte une
attention particulière.
Pour l'Afrique qui fait face à de nombreux
problèmes aggravant son état de sous-développement, il
faut un développement du type participatif, un développement
solidaire, autocentré, endogène, communautaire. Il faut alors un
développement qui tienne compte des besoins et aspirations des
populations concernées, car celles-ci doivent être les acteurs de
leur propre avenir.
WARNER C. (1993 :167), de son côté parle du
développement, de la formation et des réalités du tiers
monde. Après avoir fait constater que la situation de la pauvreté
dans le Sud évolue négativement et se caractérise par une
somme de phénomènes sectoriels qui s'interfèrent, il
déclare que la globalité des situations et des évolutions,
et l'importance des interrelations s'avèrent de plus en plus manifestes.
De la même façon, il devient de plus en plus évident qu'il
est indiqué d'étudier davantage les phénomènes et
les réalités sur place au lieu de préconiser à
partir des observations et des expériences du Nord, des
« solutions » et des « remèdes »
qui finalement aggravent encore la situation.
Ainsi, toute stratégie visant à aider les
personnes handicapées dans leur insertion socioprofessionnelle doit
avant tout et pour tout, tenir compte des réalités locales et
être à l'écoute des bénéficiaires. A ce
propos, dans le Numéro 4 du volume 41 de la « chronique des
Nations Unies » de 2004, ALABOUDI A., Directeur du réseau des
survivants des mines terrestres en JORDANIE déclarait :
« ne faites rien pour nous sans nous ».
CAMPAORE C. (1998 :59) pour sa part constate que bien
souvent, on élabore des plans d'action pour les plus démunis sans
auparavant chercher à comprendre comment ceux-ci conçoivent leur
situation. Pour lui, on ne peut pas contribuer à une promotion, à
un développement des handicapés sans que ceux-ci ne soient
convaincus du bien fondé de cette nécessité ; de ce
fait, il ne s'agit pas d'intégrer les personnes handicapées mais
de les aider à trouver les voies et moyens de réaliser leur
propre intégration.
Pour SOLI M.A., Secrétaire Général de la
Fédération Ouest-Africaine des Associations pour la promotion des
personnes handicapées, lors du séminaire de BOBO-DIOULASSO
(Burkina Faso) placé sous le thème « à
l'écoute des handicapés » ; il n'y a pas
meilleure manière d'aider les personnes handicapées à
résoudre leurs problèmes que de les écouter. Il faudra
aussi prêter une oreille attentive à leurs problèmes, leurs
besoins, leurs souhaits.
Dans le contexte actuel de crise urbaine dans le monde en
général et en Afrique en particulier où les Programmes
d'Ajustement Structurel des années 1980 en vue de rétablir le
déséquilibre financier, monétaire et économique ont
entraîné des effets sociaux graves (licenciements massifs,
renchérissement des prix des produits de base) et une crise sociale
profonde (exclusion et marginalisation des jeunes ; chômage) rendant
plus vulnérables les personnes handicapées ; d'aucuns
trouvent la solution de l'insertion socioprofessionnelle dans le secteur
informel (auto emploi) ou dans la micro finance des activités de ces
personnes handicapées.
Dans sa réflexion sur l'emploi informel et la
pauvreté urbaine, WEHLE B. I. (1993 :508) trouve que dans une
autre optique, le secteur informel peut être considéré
comme un lieu de refuge dans les couches de populations pauvres, surtout dans
les grandes villes du tiers monde où la détérioration des
conditions de vie conduit les collectivités et les groupes à
rechercher de multiples stratégies de survie, individuelles et
collectives.
Aussi, CHARMES J. (1993 :498), au cours du même
colloque, après un rappel de l'apparition dans la littérature et
la pensée économique du concept d'emploi informel et son
cheminement jusqu'à la période actuelle, poursuit-il en ces
mots : « la déflation des effectifs dans la fonction
publique et les entreprises modernes, aussi bien privées que publiques
risque d'accélérer la croissance des taux de chômage que
les jeunes diplômés sans emploi ont déjà fait passer
au dessus des deux chiffres dans de nombreux pays, où et comment
créer des emplois en dehors de l'administration et du secteur public et
en attendant que les investisseurs privés retrouvent la confiance et le
dynamisme requis, si ce n'est dans et par le secteur informel et les micro
entreprises ».
Allant dans le même sens, un rapport de recherche
publié par Handicap International, en 2006 qui a pour objectif de
présenter les bonnes pratiques, des outils et méthodes permettant
de garantir l'efficacité et la viabilité des projets
d'accès aux mécanismes de financement et à l'auto emploi
des victimes de mines et des personnes handicapées en
général et d'identifier des stratégies permettant de
réduire la pauvreté chez ces personnes dont 82% vivent en dessous
du seuil de pauvreté a proposé deux solutions. La première
vise à faciliter l'intégration des personnes handicapées
dans les institutions de micro finance classique, (sensibilisation des
équipes de micro finance, partenariats de coopération, aides des
personnes handicapées à soumettre leur demande de prêt). La
deuxième solution concerne la mise à disposition de services
financiers par les organisations de personnes ou pour personnes
handicapées.
Les solutions proposées par ce rapport adhèrent
à l'approche de la DFID (Department For International Developpement)
dans le cadre de son action en faveur des femmes. En effet, cette approche
permet de prendre en compte les droits des femmes dans les programmes de
développement. Elle permet également de soutenir l'autonomisation
des femmes à travers des initiatives spécifiques.
Pour FANTA W.M., Directeur Général du
réseau Africain des institutions de micro finance, en avant-propos du
rapport précité, le handicap n'est pas nécessairement
synonyme d'incapacité. Aussi, les personnes handicapées
aspirent-elles fortement à s'engager dans une activité productive
et à mener une vie digne. Ne serait-ce qu'avec une aide
financière modeste, elles sont en mesure d'exercer une activité
adaptée à leurs capacités. Elles sont aussi en mesure
d'entreprendre un projet sportif, culturel ou environnemental.
Poursuivant son analyse, il ajoute que pour les institutions
de micro finance et autres acteurs du développement, l'enjeu consiste
à reconsidérer le lien entre rhétorique et action. Car,
l'insertion reste un des principes fondamentaux du développement.
L'heure est donc venue de concevoir des services adaptés pour
éviter toute discrimination.
Vivant pour la plupart dans les pays en voie de
développement à situation économique instable, les
personnes handicapées sont alors obligées de se tourner vers
l'auto emploi. Cette option leur permet de subvenir à leurs besoins,
d'aider leurs familles et les amène à être reconnues comme
des acteurs à part entière, du développement de leur
communauté.
Or, comme le souligne le Dr RICHARD, J.B. du
département « Développement International »
de Handicap International, la création d'une micro entreprise n'est pas
chose facile. Pour réussir, il faut notamment de la confiance en soi, de
la motivation, des compétences professionnelles et techniques, une
formation et un réseau de relations.
En tout état de cause, aussi efficace que puisse
paraître une stratégie adoptée en vue de faciliter
l'insertion sociale ou professionnelle des personnes handicapées, l'on
ne devra en aucune manière négliger l'approche multisectorielle
des problèmes.
L'approche multisectorielle vise à garantir
l'égalité des chances des personnes handicapées en
impliquant une série d'acteurs, notamment l'Etat, la communauté
et la famille. C'est ce que semble conclure le rapport de recherche de Handicap
International sur les bonnes pratiques en matière d'insertion. Dans sa
conclusion, le rapport souligne aussi la nécessité de la
conception et de la proposition des programmes de stage et de formation pour
favoriser l'insertion dans le secteur formel de l'économie de ceux qui
ne souhaitent pas s'engager dans l'entreprenariat.
La question de l'insertion des personnes handicapées
étant une question transversale, les activités
complémentaires doivent être menées dans divers secteurs.
Les domaines prioritaires sont ceux des soins de santé, de la
réadaptation, de l'éducation, de l'accessibilité au
transport, de la communication, du droit des personnes handicapées, du
sport et des loisirs. Bref il faut une prise en compte de l'ensemble des
obstacles liés au handicap.
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