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Contribution à  la protection juridique des enfants infectés ou affectés par le VIH- sida en droit burundais

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par Jean Claude NKEZIMANA
Université du Burundi - Licence 2005
  

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§2. Le droit à la santé.

I. La situation du droit à la santé au Burundi.

L'embryon d'un droit à la santé apparaît à l'article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l'homme qui énonce que : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille notamment pour...les soins médicaux ainsi que les services sociaux nécessaires, (...) ».

Le PIDESC va, pour sa part, être plus explicite en énonçant dans son article 12 que : « Les États Partie au présent Pacte, reconnaissent le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre »....

Cet article a été interprété dans le sens d'une obligation pour les États de mettre en oeuvre les mesures indispensables afin de garantir : « ...c) La prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contre ces maladies ; d) la création des conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie. »62(*).

Ce principe est aussi affirmé dans la Charte Africaine des Droits de l'homme et des peuples dans son article 16 qui, après avoir proclamé le droit à la santé dans les mêmes termes que le PIDESC, affirme à l'alinéa 2 du même article l'engagement des États Partie à la Charte de « prendre des mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leurs populations et de leur assurer l'assistance médicale en cas de maladie ».

La CDE quant à elle, affirme avec vigueur dans son article 24, le droit des enfants à la santé : « Les États Partie reconnaissent le droit de l'enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux ». De plus, les États doivent « s'efforcer de garantir qu'aucun enfant ne soit privé du droit d'accès à ces services ». 

A côté de ces instruments internationaux ratifiés par le Burundi, notre Constitution de Transition énonce expressément un droit à la santé spécifiquement aux enfants. C'est ainsi que son article 39 stipule que « tout enfant a droit à des mesures particulières pour assurer ou améliorer les soins nécessaires à son bien-être, à sa santé et à sa sécurité physique et pour être protégé contre les mauvais traitements, les exactions ou l'exploitation. ».

L'article 39 est très important. En effet, il en appelle à des mesures particulières pour assurer ou améliorer les soins nécessaires entre autres à la santé de l'enfant. C'est d'ailleurs le seul article de la Constitution qui parle explicitement d'un droit à la santé. Pour les autres catégories de personnes, elle se contente d'énoncer le droit pour chaque personne à la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels (art.42) encore qu'elle conditionne la réalisation de ce droit à la disponibilité des ressources du pays.

L'autre point important de la Constitution de Transition pour la réalisation d'un droit à la santé des enfants infectés par le VIH ou affectés autrement est l'article 60 in fine qui dispose que l'Etat peut proclamer la solidarité nationale devant les charges qui résultent des calamités naturelles et nationales. Or le VIH/SIDA est qualifié de « menace à la sécurité des nations » et d'«état d'urgence » appelant à des « mesures exceptionnelles »  par l'Assemblée Générale des Nations Unies63(*) tandis que le Sommet de l'OUA d'Abuja sur le VIH/SIDA parle d'un « état d'exception ». Tous ces différents qualificatifs semblent désigner une situation de « calamité » dont parle l'article précité.

Il est intéressant de se demander si l'Etat ne peut proclamer sur base de l'article 60, in fine une solidarité nationale en faveur de ses citoyens touchés par cette terrible maladie, et prévoir un fonds spécial pour soutenir les malades du SIDA et leurs familles plus particulièrement les enfants infectés par le VIH ou rendus orphelins par cette terrible maladie.

Il convient de se demander quelle est la portée pratique de la disposition constitutionnelle relative au droit à la santé.

II. Appréciation critique de la portée de l'article 39.

La question que l'on pourrait se poser est celle de savoir si l'on peut, se fonder sur l'article 39 pour exiger de l'Etat de garantir l'accès à la tri thérapie ne fut ce que pour tous les enfants burundais vivant avec le VIH/SIDA.

La réalité est que la tri thérapie est encore trop chère et que le Burundi, l'un des pays les plus pauvres au monde, ne peut l'offrir gratuitement à tous ses enfants ressortissants séropositifs.

Cependant, cette question peut plutôt amener une autre : celle de savoir si l'article 39 ne peut amener le Burundi à exiger- sur base de l'article 12 du PIDESC et sur l'article 24, CDE- des firmes multinationales à baisser les prix des anti-rétroviraux.

La difficulté, répondent certains auteurs64(*), c'est que le PIDESC et la CDE ne peuvent contraindre que les Etats, sujets de droit international, qui les ont ratifiés. Les firmes multinationales, n'étant que les acteurs de la scène internationale, ne sont donc pas liées par ces traités.

Néanmoins, soutiennent ces mêmes auteurs, il est possible juridiquement, mais de manière détournée, de contraindre les firmes multinationales pharmaceutiques à baisser leurs prix.

En effet grâce à l'Accord sur les Aspects de Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPICs) instauré par l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), il est désormais possible d'amener les firmes internationales à réviser leurs prix à la baisse.

En effet, si le principe veut que les ADPICs obligent les Etats à octroyer une protection par brevet65(*) aux produits pharmaceutiques pour vingt ans minimum, il existe une exception selon laquelle dans un but d'intérêt public ou en cas d'urgence nationale, un Etat à séroprévalence élevée peut décréter qu'il peut manufacturer localement et rendre accessible pour un prix moins élevé les médicaments. Ce sont les licences obligatoires66(*).

Malheureusement, le Burundi ne dispose pas d'infrastructures ni de ressources nécessaires à la production des anti-rétroviraux génériques, c'est à dire, des médicaments généralement manufacturés sans licence après expiration du brevet ou d'un autre droit d'exclusivité67(*). Toutefois, les ADPICs lui réservent une autre possibilité.

En effet, cet accord, en ne l'interdisant pas, permet aux pays qui n'ont pas les moyens de fabriquer l'anti-rétroviraux générique, de recourir aux importations parallèles ; c'est-à-dire les achats de médicaments de marques moins chères au près d'un Etat tiers plutôt que directement auprès du producteur pour bénéficier des prix plus bas que ceux proposés par les firmes multinationales.68(*)

III. Les lacunes dans la mise en oeuvre du droit à la santé pour les enfants touchés par le VIH/SIDA.

Il reste beaucoup à faire en matière de la mise en oeuvre du droit à la santé pour les enfants infectés ou affectés par le VIH/SIDA comme pour les autres enfants et personnes vulnérables. Les dispositions de la constitution et des instruments internationaux relativement au droit à la santé des enfants restent au niveau des principes.

En effet, au Burundi, il n'y a aucune loi, aucun règlement qui vient les appliquer, constat amère d'autant plus que le VIH/SIDA a causé de véritables problèmes de santé publique qui touchent plus durement les enfants que les adultes.

La réalité est que les structures de santé sont encore difficilement accessibles pour les enfants victimes de la pandémie du SIDA. En effet, outre le fait que ces structures se trouvent à de longues distances et sont sous-équipées en matériel et en personnel qualifié, les enfants orphelins ou autrement touchés par le VIH/SIDA ne disposent pas de moyens nécessaires pour accéder aux soins de santé qui sont aujourd'hui payants sans parler du coût des médicaments qui est hors de portée des moyens dont disposent les familles. La discrimination liée au VIH/SIDA dans les structures de santé, dont il a été question plus haut, vient aggraver cette situation.

IV. Propositions pour une réalisation du droit à la santé.

La situation engendrée par le VIH/SIDA a fait ressortir la nécessité de réformer le secteur de santé et de revoir la politique nationale en matière de la santé. Le but est de traiter de façon adéquate les problèmes de santé publique posés par le VIH/SIDA et d'offrir des services de soins de santé de qualité répondant aux besoins des enfants et des familles que le SIDA atteint.

A. La réforme du secteur de santé

La réforme du secteur de santé doit viser l'accès des services de santé pour les personnes touchées par le VIH/SIDA. A cet égard, il faut rendre gratuits ou abordables les soins de santé, les orienter vers les personnes les plus vulnérables et lutter contre la discrimination dans les structures de santé.

1. Rendre gratuits ou abordables les soins de santé.

Il faut concevoir un système de soins médicaux gratuits, clairement définis et accessibles pour tous les enfants orphelins et vulnérables en particulier les enfants infectés par le VIH/SIDA.

Pour y arriver, il est nécessaire de corriger l'inadéquation qui existe aujourd'hui entre la politique sanitaire en vigueur et l'assistance aux personnes sinistrées. En effet, l'autonomie de gestion aux hôpitaux et aux centres de santé marginalise les populations incapables de payer les soins et les cartes d'assurance maladie ne sont plus facilement acceptées dans ce nouveau système plus mercantiliste que social.69(*) Ainsi, l'accent doit être mis sur la revalorisation et le développement du système de carte d'assurance maladie et l'octroi de ces cartes à tous les orphelins et aux familles qui les prennent en charge.

D'un autre côté, en dehors du secteur public, il faudra obliger les intervenants privés dans le domaine des soins qui reçoivent des subventions ou autres avantages de l'Etat, à prendre en compte la qualité de l'orphelin ou d'enfant vulnérable pour réduire le prix de leurs prestations. A cet effet il pourra être demandé une attestation d'indigence octroyée par les autorités pour éviter que cette mesure donne lieu à des abus.

2. Mesures visant à rendre les soins de santé plus proches des enfants touchés par le VIH/SIDA.

La réforme du secteur de santé doit également tenir compte du fait que dans la plupart des cas, des longues distances séparent les structures de soins des patients. D'où la nécessité pour l'Etat d'organiser régulièrement, avec l'aide des autres intervenants et sur le modèle des campagnes de vaccination, des séances de soins médicaux mobiles en faveur des enfants séropositifs et autres enfants à santé fragile ou enfants vulnérables dans leurs communautés. Cette approche a pour avantage de rendre accessible les services de santé notamment aux populations qui sont habituellement les plus défavorisées.

De plus, il faut voir dans la réforme du secteur de la santé, l'opportunité de concevoir et de développer le système d'hospitalisation de jour. Il est très adapté au caractère épisodique du VIH/SIDA et est très peu exigeant en termes de coût.

3. Mesures visant à combattre la discrimination dans les structures de santé.

Cette réforme serait sans effet si elle ignorait les obstacles à l'accès aux services de santé que génère la discrimination. C'est ainsi que la réforme du secteur de la santé doit prévoir des mesures qui interdisent formellement la discrimination dans les structures de soins. Elles doivent prévoir autant que faire se peut des sanctions claires et strictes pour empêcher la discrimination envers ceux vivant avec le VIH/SIDA ou leurs familles dans le secteur de santé.

En outre, il faut prévoir dans la nouvelle législation sur la santé la subordination de l'autorisation de pratiquer délivrée aux professionnels de santé à l'élaboration et l'application par eux d'un code de conduite fondé sur l'éthique et les droits de l'homme dans le contexte du VIH/SIDA.

A côté de cette réforme du secteur de la santé, la nécessité d'augmenter le budget consacré à la santé se fait sentir.

B. Nécessité d'augmenter le budget consacré à la santé

Cette proposition va dans le sens d'un engagement pris par le Burundi lors de la Session Spéciale de la Conférence des Chefs d'Etat de l'OUA réunie à Abuja au Nigeria en 2001.

En effet, au cours de ce sommet, le Burundi et les autres pays africains se sont engagés à consacrer au moins 15% du budget annuel du pays à l'amélioration du secteur de la santé (Point 26).

Dans l'esprit de cette Conférence des Chefs d'Etat, les sommes ainsi dégagées seront consacrées à la construction des infrastructures de santé et à l'achat des ARV pour les rendre accessibles à un prix abordable pour tous les malades et gratuits (C'est nous qui soulignons), au moins à tous les enfants malades et aux indigents car comme le dit si bien la Déclaration d'engagement des Nations Unies sur le VIH/SIDA dont il sera question plus loin, « les personnes vulnérables doivent avoir priorité » ; or les enfants le sont doublement : à cause de leur condition de mineur d'abord, ensuite lorsqu'ils sont infectés ou orphelins ou encore lorsque les parents sont malades du SIDA.

Mais notre pays n'a pas mis en oeuvre cet engagement comme on le verra plus loin.

Néanmoins, tout compte fait, on ne peut prétendre parler d'un droit à la santé dans le contexte du VIH/SIDA sans parler, ne fut ce que brièvement du droit à la confidentialité, ses nombreuses implications étant liées à l'exercice d'un droit à la santé surtout dans le contexte du VIH/SIDA.

* 62 HALIDOU (O), NDALA (M.L), MOALLA (T.K), op. cit, p 28

* 63 Voir le point 8 de la déclaration d'engagement adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies sur le VIH/SIDA en 2001

* 64 HALIDOU (O), NDALA (M.L), MOALLA (T.K), op.cit,p 28

* 65 Le brevet (patent) est un titre légal accordé par un gouvernement assurant à celui qui le demande, un monopole provisoire sur la production et la vente d'une invention ou d'une découverte.

* 66 Approche légale qui permet la production des médicaments génériques sans l'accord du détenteur de brevet

* 67 Conseil international des organisations communautaires de lutte contre le sida, Document d'information, Toronto 1999, p.11

* 68 HALIDOU (O), NDALA (M.L), MOALLA (T.K), op. cit., p.29

* 69 APRODEC, op.cit, p62

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle