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Contribution à  la protection juridique des enfants infectés ou affectés par le VIH- sida en droit burundais

( Télécharger le fichier original )
par Jean Claude NKEZIMANA
Université du Burundi - Licence 2005
  

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§4. Le droit à l'éducation

I. Principales dispositions relatives au droit à l'éducation

Plusieurs instruments internationaux, nous l'avons déjà souligné, consacrent le droit à l'éducation. Deux d'entre eux semblent d'une grande importance pour la protection du droit à l'éducation des enfants infectés ou affectés par la pandémie du SIDA. Il s'agit de la CDE et de la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement (CLDDE), adoptée par la Conférence générale de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), le 14 décembre 1960 et entrée en vigueur le 22 mai 1962.

La CDE préconise en son article 28 la réalisation progressive du droit à l'éducation sur la base de l'égalité des chances.

A cet effet, les Etats Partie sont tenus de rendre l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous (art.28,1. a)), de rendre l'enseignement secondaire ouverte et accessible à tout enfant en prenant des mesures appropriées telles que l'instauration de la gratuité de l'enseignement et l'offre d'une aide financière en cas de besoin (art.28,1. b). De plus, l'obligation est fait aux Etats d'assurer à tous l'accès à l'enseignement supérieur, en fonction des capacités de chacun.

Enfin, les Etats ont l'obligation de prendre des mesures pour encourager la régularité de la fréquentation scolaire et la réduction du taux d'abandon scolaire (art.28,1. b).

En ce qui concerne la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement, elle interdit la discrimination dans le domaine de l'éducation.

Son article 1 définit minutieusement la discrimination dans ce domaine qui comprend « toute distinction, exclusion, limitation ou préférence qui, fondée sur la race, la couleur, (...), a pour objet de détruire ou d'altérer l'égalité de traitement en matière de l'enseignement ». Ensuite, il cite quatre types de comportements qualifiés de discriminatoires parmi lesquels  le fait : a) d'écarter une personne ou un groupe de l'accès aux divers types ou degrés d'enseignement ; b) de limiter à un niveau inférieur l'éducation d'une personne ou d'un groupe et ...d) de placer une personne ou un groupe dans une situation incompatible avec la dignité de l'homme.

Ainsi, dans l'optique de la CLDDE, le fait de limiter l'enseignement de l'orphelin au niveau primaire ou de ne pas inscrire un enfant à l'école parce qu'il a le VIHSIDA constitue un acte discriminatoire et illégal.

La définition de la discrimination que donne cette convention ne mentionne pas le VIH/SIDA et n'utilise pas l'expression « ou toute autre situation » habituellement d'usage dans les autres instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de la personne et qui peut être interprétée comme incluant l'état de santé, y compris le VIH/SIDA (voir la Résolution 1996/44 de la Commission des droits de l'homme de Nations Unies). Néanmoins, l'article 4, d) de cette convention cite le « fait de placer une personne dans une situation incompatible avec la dignité de l'homme » comme étant discriminatoire. Ce point peut être entendu comme correspondant à la discrimination des enfants affectés ou infectés par le VIH/SIDA dans la mesure où cette discrimination les pousse dans une situation incompatible avec la dignité humaine.

L'autre point fort à relever dans la dite convention en ce qui concerne l'enseignement des enfants est le prescrit de l'article 4 de « rendre obligatoire et gratuit l'enseignement primaire », de « généraliser et rendre accessible à tous l'enseignement secondaire » et surtout d' « assurer l'exécution par tous de l'obligation scolaire prescrite par la loi » (c'est nous qui soulignons).

Cette dernière prescription est très importante dans la protection du droit à l'éducation des orphelins et des enfants autrement affectés par le VIH/SIDA dans la mesure où elle permet à l'Etat de contrôler l'exécution par tous les adultes plus particulièrement ceux qui ont accueilli des orphelins du droit à l'éducation de ces derniers et de contraindre par la force, le cas échéant, les adultes récalcitrants à envoyer à l'école les enfants dont ils ont la charge alors qu'ils en ont les moyens.

Le droit à l'éducation est également consacré par notre Constitution de Transition. Deux de ses dispositions sont relatives au droit à l'éducation. Il s'agit des articles 44 et 39.

L'article 44 est exclusivement consacré au droit à l'éducation. En effet, il proclame le droit de chaque citoyen à l'égal accès à l'instruction, à l'éducation et à la culture, et le devoir de l'Etat d'organiser l'enseignement public et d'en favoriser l'accès.

Quant à l'article 39 précité, il parle implicitement entre autres d'un droit à l'éducation, car il énonce le droit de tout enfant « à des mesures particulières pour assurer ou améliorer les soins nécessaires à son bien-être (...) ». Ces « mesures particulières » font recours entre autres à l'éducation dans la mesure où cette dernière est l'un des éléments fondamentaux qui concourent au bien-être de l'enfant.

De plus, le Décret-loi n°1/025 du 13 juillet 198972(*) réorganise l'enseignement au Burundi de façon à l'adapter aux exigences de la mise en oeuvre du droit à l'éducation et fait obstacle à la discrimination dans le domaine de l'enseignement au Burundi.

En effet, le dit Décret-loi dispose que les institutions scolaires et parascolaires de l'enseignement public sont ouvertes à tous aux mêmes conditions fixées par les pouvoirs publics (art.6) et que les institutions scolaires privées formelles doivent être ouverts à tous dans les conditions fixées par le pouvoir organisateur et agréées par le Ministre de tutelle (art. 10).

II. Problématique de la réalisation et du contenu du droit à l'éducation appliqué au contexte du VIH/SIDA.

Appliqué au contexte généré par la pandémie du SIDA, la réalisation du droit à l'éducation doit tenir compte des problèmes de deux ordres. D'une part, les problèmes liés à pauvreté dans un pays, l'un des plus pauvres au monde qui de surcroît, est accablé par des maux sociaux comme la guerre et le SIDA. D'autre part, les problèmes liés à la discrimination et à l'exclusion qu'entraîne le VIH/SIDA dans la société.

Pour la première catégorie de problèmes, il n'y a pas de solution immédiate. En effet, comme tous les droits économiques, sociaux et culturels, le droit à l'éducation n'est susceptible que de réalisation graduelle. Cependant, s'il s'agit d'une privation ou d'une discrimination qui prive l'enfant d'école, elle ne nécessite plus qu'une réponse graduelle, mais une réponse immédiate73(*).

Ainsi que l'a observé la Commission pour les droits économiques, sociaux et culturels, le droit à une éducation libre de toute discrimination « n'est pas une question de réalisation progressive ni de disponibilité de ressources, il concerne tous les aspects de l'éducation et englobe toutes les formes de discrimination ».74(*)

Sur base des dispositions des instruments juridiques internationaux relatives au droit à l'éducation et de cette position de l'organe de l'ONU chargé de veiller à l'application des droits économiques, sociaux et culturels, nous pouvons dire que l'Etat ne doit pas se cacher derrière le manque de ressources pour refuser de lever les obstacles liés à la discrimination afin de rendre possible la réalisation du droit à l'éducation.

Néanmoins, pour les problèmes liés au manque des ressources, l'aide de la communauté internationale est cruciale pour rendre effective la mise en oeuvre du droit à l'éducation au Burundi comme d'ailleurs de tout autre droit de nature socio-économique.

En effet, l'ensemble du système des droits de la personne admet que la mise en oeuvre du droit à l'éducation exige des ressources qui sont au dessus des moyens dont dispose un pays pauvre en ressources. C'est pourquoi il impose aux Etats plus riches l'obligation de s'engager dans l'aide et la coopération internationale75(*).

C'est le sens de l'article 2 du PIDESC qui stipule que chacun des Etats Partie au Pacte s'engage à « agir tant par son effort propre que par l'assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte, (...) »

Pour conclure, il faut noter que le droit à l'éducation appliqué au contexte du VIH/SIDA, comporte trois grands éléments que nous proposons aux acteurs dans la lutte contre le SIDA et plus particulièrement aux pouvoirs publics :

1. Les enfants touchés par le VIH/SIDA ne doivent, en aucun cas, être soumis à des restrictions en raison de leur infection, réelle ou supposée. Ils ne doivent pas non plus faire l'objet de mesures discriminatoires entravant leur accès à l'éducation ;

2. Les enfants comme les adultes ont le droit de recevoir une éducation en matière de VIH/SIDA portant notamment sur la prévention et les soins.

3. On peut utiliser l'éducation pour promouvoir la compréhension, le respect, la tolérance et la non discrimination à l'égard des personnes vivant avec le VIH/SIDA et plus particulièrement les enfants infectés ou affectés par le VIH/SIDA.76(*)

Néanmoins, pour réaliser le droit à l'éducation des enfants dans le contexte du VIH/SIDA, une série de mesures s'imposent.

III. Propositions pour une meilleure réalisation du droit à l'éducation des enfants touchés par le VIH/SIDA.

Il est nécessaire de réformer le système scolaire afin que l'éducation à des attitudes non discriminatoires concernant le VIH/SIDA soit intégrée dans les programmes scolaires. C'est la première des mesures à prendre et qui ne demande pas beaucoup de moyens à l'Etat pour son application. En effet, il faut que les jeunes et les enfants, adultes de demain, apprennent à ne pas stigmatiser ou discriminer. Ils doivent également être informés de leurs droits et bien comprendre le respect du droit des autres.

D'un autre côté, la réforme du système de l'enseignement doit tenir compte des problèmes liés à la pauvreté ainsi que ceux liés au VIH/SIDA comme la discrimination et l'abandon ou l'interruption de l'enseignement par les enfants à la mort de leurs parents. A cet effet, il faut rendre effectif l'engagement pris par le Burundi de rendre « l'enseignement primaire obligatoire et accessible gratuitement à tous » conformément à l'article 13 du PIDESC et à l'article 28, CDE.

Cependant, la gratuité de l'enseignement secondaire risque de déborder les moyens dont dispose le système éducatif d'un pays pauvre en ressources comme le Burundi. C'est pourquoi, nous proposons la création d'un fonds de soutien à la scolarité des orphelins et des enfants vulnérables dont les ressources proviendront de la solidarité nationale qui sera proclamée en faveur des enfants victimes du SIDA sur base de l'article 60 in fine de la Constitution plus haut cité.

Rappelons que cet article dispose que l'Etat peut proclamer la solidarité nationale devant les charges qui résultent des calamités naturelles et nationales. Cet article a été d'ailleurs appliqué en partie en ce qui concerne l'enseignement puisque depuis l'année scolaire 2001-2002, l'Etat a décidé de rendre l'enseignement primaire et secondaire gratuits pour les enfants indigents.

Cependant, l'efficacité de cette meure est entravée par le fait que c'est aux collectivités que revient la charge de payer les frais scolaires des enfants indigents concernés par cette mesure. Or, cette charge est au-dessus des moyens dont disposent la plupart des collectivités. De plus, très souvent, on refuse de qualifier les enfants touchés par le VIH/SIDA d'indigents, ce qui les prive des avantages que cette mesure procure.

Pour le rendre efficace, les gestionnaires de ce fonds devront travailler en toute transparence et en collaboration avec les comités locaux de protection des orphelins et des enfants en détresse qui feront le travail d'identification. Pour cela, il doit être décentralisé sur tout le territoire et comprendre une représentation du comité de protection des orphelins et des enfants en détresse.

Enfin, la réforme du système éducatif doit tenir compte du problème des enfants qui ont interrompu leur scolarité par manque de moyens ou pour soigner leurs parents malades ou prendre en charge leurs petits frères et soeurs et organiser pour ceux qui peuvent encore intégrer l'école des écoles de rattrapage aux programmes raccourcis, quitte à réintégrer l'enseignement formel en 7ème année. Ce système, s'il a l'inconvénient de dispenser un enseignement de moindre qualité, a néanmoins l'avantage non négligeable de compléter le système classique qui ne prévoit aucune opportunité pour cette catégorie d'enfants. De plus, il ressemble assez au système des collèges communaux très courant dans le pays.

Pour les enfants qui ont abandonné l'école mais qui sont trop âgés pour reprendre les études classiques, il faut prévoir pour eux un enseignement dispensant une formation professionnelle accessible à tous les enfants orphelins ou affectés autrement par le VIH/SIDA. Après la formation, il faut songer à les organiser en groupements de production avec l'octroi des crédits afin qu'ils puissent arriver à leur auto-prise en charge.

* 72 B.O.B. n°1/025, p.239

* 73 Conseil économique et social, résolution 1997/31

* 74 CISD, Le VIH/SIDA et les droits des enfants, in Bulletin canadien VIH/SIDA et droit, op. cit., p.21

* 75GRUSKIN (S), Les droits de la personne et la santé publique, in Bulletin canadien VIH/SIDA droit, Vol.4, n°2-3, Printemps 1999, p.91

* 76 ONUSIDA et UIP, op.cit., p.100

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