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L'application du "jus ad bellum" et du "jus in bello" dans les conflits internes africains : etude du cas lybien


par FREDDY AMANI CHISHIBANJI
Université de Bukavu - Licence en droit 2011
Dans la categorie: Droit et Sciences Politiques > Relations Internationales
   

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SECTION II. APPLICATION DES REGLES DU `' JUS IN BELLO `' DANS LE CONFLIT

INTERNE LIBYEN

Les règles du Droit International Humanitaire (DIH), relèvent du « jus cogens », et ainsi sont d'application obligatoire par toutes les parties a un conflit. Il n'est point question d'être ou de ne pas être signataire, car les règles du DIH sont coutumières. Un Etat y est lié sans forcément l'avoir accepté officiellement, pour longtemps que la pratique globale des Etats soit représentative et uniforme56.

Ainsi nous examinerons tour a tour l'application des règles du DIH par toutes les parties qui ont participé au conflit interne libyen, en l'occurrence : le gouvernement libyen (§1) et la coalition, OTAN et les insurgés (§2).

§1. L'APPLICATION DES REGLES DU DIH PAR LES FORCES GOUVERNEMENTALES

LIBYENNES

Nous verrons que de leur part, il y avait eu une timide application des règles du DIH (A), laquelle timidité a accentué les violations qui sont restées impunies (B).

A. TIMIDE APPLICATION DES REGLES DU DIH DANS LE CAMP GOUVERNEMENTAL

Cette timidité s'est manifestée sur terrain par une assistance limitée (1) et par le respect approximatif des règles du DIH (2).

1. Assistance humanitaire limitée

Depuis longtemps, dans un conflit interne, la personne humaine était toujours affectée de manière croissante par les effets du conflit.

56 P. BALAAMO, « Droit International Humanitaire », UOB, L1 Droit Public, 2010-2011, inédit

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Pour ce qui est de ce conflit qui a occasionné moult atrocités à la personne humaine, l'action des organismes humanitaires impartiaux en faveur de la population civile libyenne, a été limitée. Comme le démontre Melissa Fleming, le porte-parole du HCR : « en Libye nous n'avons pas eu accès a quelques endroits aux réfugiés. Aussi pendant certains temps notre travail était entravé, alors qu'il y avait beaucoup de personnes a secourir, ~ »57.

Le personnel humanitaire avait du mal à se déployer sur terrain car les balles crépitées à tout moment. Interrogées à ce sujet les autorités libyennes et celles des insurgés ont tous reconnu le fait, mais chaque partie trouvait la faute dans le camp adverse.

2. Respect approximatif des règles du DIH par les forces gouvernementales

En période de conflit armé et plus spécifiquement dans les conflits internes, les plus attentatoires aux droits et à la dignité de la personne humaine, la population doit être épargnée de tout traitement inhumain58.

Mais comme nous l'avons constaté, dans le conflit libyen il y a eu meurtre, torture, supplices, prise d'otages, pillages, ... ; bref, autant d'actes choquant la conscience ont été commis par les forces gouvernementales. Parmi eux citons : l'utilisation d'armes contre les civils (a), menace a l'égard des étrangers (b), des prises d'otages, des tortures et des exécutions (c) et des viols (d).

a. L'utilisation des armes contre les civils libyens

Avant que les civils libyens ne soient aussi armés, le régime du colonel Kadhafi a été le premier à utiliser les armes contre eux. Quand les civils prendront les armes, le régime va utiliser des avions pour les bombarder. Ce qui est à déplorer car, le gouvernement libyen avait la responsabilité de protéger sa population et les étrangers vivant sur son territoire. Fort malheureusement il ne l'a pas fait.

L'observatoire libyen des droits de l'homme avait publié un chiffre 54832, nombre de la population civile, étrangers et nationaux confondus, victime de cette guerre59.

57 HCR, Les lourds travaux du HCR en Libye, in http://www.horisons-et-débats.ch .n°19, du 16 Mai 2011

58 D. OLINGA, Intervention humanitaire et souveraineté des Etats : les enjeux d'un débat, in Revue Africaine de Défense, n°001, de Novembre 2009, p. 86

b. Menaces a l'égard des étrangers

Les étrangers qui vivaient en Libye pendant le conflit ont été menacés. Et au-delà des menaces le régime commençait à les exécuter, surtout les noirs, tout simplement par ce qu'ils étaient soupçonnés d'être des mercenaires auxquels les insurgés avaient fait appel. L'exemple illustratif, est celui du soudanais Gérard Lysandro et du malien Aboubacar Ismaël qui sont morts après avoir été interrogés et torturés dans la prison de Matiga60.

Les nationaux aussi n'étaient pas épargnés de ces menaces, car ceux d'entre eux qui étaient au début de la guerre dans le camp du régime, une fois qu'ils faisaient défection, en se ralliant aux insurgés, étaient menacés et mettaient ainsi leur vie en danger.

c. Prises t'otages et tortures perpétrées par les forces gouvernementales

Le régime pourchassait les noirs et autres étrangers pour de motif de mercenariat. Ceux qui étaient attrapés, étaient enfermés dans des conditions de détention les plus déplorables. Pour qu'ils fournissent les informations, ils étaient torturés.

D'ailleurs, c'est la torture qui a permis de soutirer d'un jeune cyrénaïque les informations qui ont permis de tendre un piège a l'ex-ministre de l'intérieur du régime, devenu chef de la rébellion, ABDELFETTAH Youness Oubeidi, qui dans une embuscade tendue par les forces gouvernementales, où elles se sont fait passer pour les insurgés, ce dernier sera attrapé et exécuté sans jugement par les forces gouvernementales. Cette pratique appelée la « perfidie ~ constitue une infraction grave au DIH, c'est-à-dire un crime contre l'humanité61.

d. Les viols

Dans ce conflit interne, les viols ont été commis sur les femmes. Un médecin libyen interviewé dans une vidéo d'Al Jasera mais qui n'a pas dévoilé son nom, l'a affirmé ; « nous

59 B. Ben Yahmed, Op Cit, p. 18

60 P. KIRSCH, violations des droits de l'homme en Libye, in www.google/ criseenLibye.fr.

61 CICR, Op Cit, p. 29

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avons trouvé du Viagra et des préservatifs dans les poches des combattants pro Kadhafi décédés, et nous avons aussi soigné des femmes victimes de viol »62.

Dans les enquêtes sur ces accusations, Human Rights Watch, Amnisty International et Cherif BASSIOUNI l'enquêteur de l'ONU dans le domaine des droits de l'Homme, ont affirmé que le colonel Kadhafi avait fourni du Viagra à ses soldats. Luis MORENO-OCAMPO poursuit que : (( des témoins ont confirmé l'achat par le gouvernement libyen des conteneurs de médicaments s'apparentant au Viagra pour accentuer la possibilité de violer »63.

Interrogé sur ces exactions, le gouvernement libyen va reconnaitre qu'il y a eu viol, (( ce n'était que des cas isolés », dit-il. Mais il ne va pas reconnaître l'achat du Viagra.

Toutefois, il faut reconnaitre que le viol n'était pas commis dans tout le pays, mais plus tôt il était commis dans les villes qui ont été plus touchées par le conflit, en l'occurrence : Sirte, Zintan, Misrata, Tripoli, Ajdabiya, Bani Walid, Brega, Nalut et Benghazi.

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